Université catholique de Louvain
Centre interdisciplinaire de recherche sur les familles et les sexualités CIRFASE
Comment favoriser le recours à la médiation familiale dans les conflits familiaux ? Réf. 2008/02/D.FAM Recherche commanditée par Monsieur Melchior Wathelet, Secrétaire d’Etat à la Politique des Familles
B. Wynants N. Willemen C. Guislain J. Marquet (promoteur)
Rapport final 2009
COMMENT FAVORISER LE RECOURS A LA MEDIATION FAMILIALE DANS LES CONFLITS FAMILIAUX ? Septembre 2009
B. Wynants, N. Willemen, C. Guislain J. Marquet (promoteur)
INTRODUCTION : L’OBJET DE L’ETUDE L’objectif de la recherche, tel que défini dans l’appel d’offre lancé à l’initiative de Melchior Wathelet, Secrétaire d’Etat à la Politique des Familles, est d’identifier les causes du faible développement de la médiation familiale et de « trouver la manière de susciter le recours à la médiation familiale (…) en amont de la judiciarisation du conflit familial pour lui donner un maximum de chances de réussite (…) ». Par médiation familiale, en matière de séparation de couple, nous entendons « une intervention dans laquelle les parties en conflit, en l’occurrence les divorçants, s’adressent à un tiers, le médiateur, et travaillent avec lui, pendant un nombre de séances limité, à la recherche d’arrangements permettant de dépasser leurs différends, et d’organiser leurs relations après la séparation, notamment leurs relations concernant les enfants. »1 Mais notre champ d’étude couvre également d’autres tensions familiales comme les successions conflictuelles, les conflits intergénérationnels et de fratrie. 1.
Offre légitime et demande hésitante
La loi du 21 février 2005 sur la médiation familiale s’inscrit dans une perspective où celle-ci est appréhendée comme un mode de règlement des conflits familiaux. C’est notamment le cas en matière de divorces et séparations où le législateur semble avoir été progressivement attentif à offrir un cadre dans lequel il devenait possible de divorcer de façon relativement pacifique, préservant ainsi toutes les chances pour que le couple d’exconjoints puisse continuer à fonctionner comme couple parental, et où la médiation est un des éléments de ce dispositif visant à la pacification des conflits. Mais c’est aussi le cas pour des différends liés aux recompositions familiales ou aux questions de succession. L’émergence des médiateurs dans le champ du droit familial, comme de façon plus large dans le champ social, traduit un nouveau rapport à la norme, une vision « post-moderne » de la justice, en ce sens qu’à la logique verticale de régulation des conflits propre à la modernité lui est progressivement préférée une logique davantage horizontale où la discussion et la négociation doivent permettre aux acteurs de se réapproprier les conflits. Si le modèle de la médiation comme mode de résolution des conflits semble gagner en légitimité, la pratique reste plus hésitante. Autrement dit, face à une offre de service légitimée et soutenue par les transformations du rapport à la norme, la demande de médiation familiale ne « démarre pas » auprès des publics potentiellement concernés. Quelles sont les causes de ce manque de développement de la médiation familiale ? 1
B. BASTARD, « Mais à qui profite la médiation familiale ? », Dialogue, 2005, 4ème trimestre p. 65.
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Pour répondre à cette question, il nous semble qu’il faut tout à la fois interroger les dispositifs de résolution des conflits et les expériences des acteurs qui y sont impliqués. 2.
La médiation comme modalité de gestion des conflits
Du côté des dispositifs, il s’agit d’abord de comprendre ce qui se joue en médiation. La médiation n’est pas le seul mode de gestion des conflits ; en somme, il est en concurrence avec les autres modes de résolution des conflits. Par rapport à ceux-ci, quelle est la spécificité de la médiation ? Comment s’articule-t-elle avec eux ? Quelles sont les complémentarités entre les différentes formes d’intervention auprès des familles en difficultés ? En particulier, la médiation est-elle perçue comme substitutive ou complémentaire aux processus judiciaires de gestion des conflits familiaux ? 3.
La démarche et le processus de médiation
Du côté des expériences, il s’agit de comprendre comment les acteurs « entrent en médiation ». Quelles représentations ont-ils de la médiation ? Quelles sont leurs craintes, leurs attentes, leurs objectifs ? Quelles sont les stratégies mobilisées pour atteindre leurs objectifs ? Quelle place a la médiation dans ces stratégies ? Comment est perçu le médiateur (allié, adversaire, intervenant neutre) ? La médiation est-elle perçue comme soutenant une logique verticale ou plutôt comme une logique horizontale de négociation entre égaux ? Quelle place est laissée aux rapports de force (niés, passés sous silence, pris en compte…) ? Quels avantages et inconvénients lui reconnaissent les acteurs ? 4.
Médiation et médiateurs
Le champ de la médiation familiale est caractérisé par une structuration assez rapide d’un corps de professionnels développant des dispositifs de formation initiale et continuée. L’émergence d’un nouveau « métier », ou d’un nouveau « rôle » dans les politiques familiales et judiciaires, en partie soutenue par la législation récente (loi du 21 février 2005) est une donnée à prendre en compte, non seulement comme symptôme de la légitimation de l’offre, mais aussi comme ressource en termes d’accès à l’information et à l’analyse des pratiques. Le milieu professionnel émergent de la médiation familiale développe en effet un questionnement et une réflexivité intenses sur le métier.
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CHAPITRE 1 QUESTIONS DE RECHERCHE, PROBLEMATIQUES ET METHODE 1.
Questions de recherche et problématiques
Les lois suivent-elles les mœurs ou les précèdent-elles ? s’interrogeait Tocqueville. Nous pourrions faire l’hypothèse qu’en matière de médiation, l’offre institutionnelle et professionnelle (soutenue par la législation) devance les pratiques et la demande des usagers. Ou encore, comme le suggère Benoît Bastard, que la médiation, connaît un succès certain auprès des professionnels de la justice, du travail social et du personnel politique alors que, dans l’état de la pratique, « la médiation n’a pas encore trouvé ses clients »2. Pour saisir cette situation intéressante et intrigante, il faut interroger la façon dont la médiation est appréhendée par les divers acteurs, les représentations et les évaluations de la médiation dans l’ensemble des dispositifs d’intervention sur la famille, judiciaires, sociaux ou thérapeutiques. Ces représentations et évaluations sont doublement construites, d’une part, par les usagers à partir de leur monde vécu et d’autre part par l’offre et la pratique d’intervention elles-mêmes qui contribuent à façonner une norme familiale et sociale. Cette construction conjointe doit aussi être située dans un processus de transformations culturelles et politiques plus global, qui affecte et donne sens aux pratiques contemporaines. 1.1.
Le contexte culturel et politique de l’émergence et du développement de la médiation
L’émergence et le développement de la médiation doivent être situés dans le cadre des transformations du rapport à la norme observées par la sociologie et la philosophie du droit depuis quelques années3 : les pratiques contemporaines sont marquées par la remise en cause de l’idée d’une norme préconstruite qui s’impose aux individus. On relève une procéduralisation des normes, c’est à dire une évolution selon laquelle le droit intervient moins pour donner une substance normative que pour garantir un processus de construction des normes. A une norme imposée, contraignante pour les citoyens, se substitue un travail des acteurs pour co-construire la norme. Dans ce contexte, les interventions judiciaires et sociales sont davantage perçues comme un accompagnement du travail des acteurs, comme une prise en charge douce du processus de production de la norme, qu’un moment de rappel de la norme. Ces mutations procèdent aussi plus globalement d’une transformation des rapports entre l’Etat et la société civile et des dispositifs de régulation sociale. Jean-Louis Genard4 distingue schématiquement trois périodes : celle de l’Etat Libéral qui limite ses interventions aux fonctions régaliennes, valorise les droits et libertés formels ; cet Etat libéral a été mis en question sous la pression de la montée des inégalités et de l’action du mouvement ouvrier ; 2
B. BASTARD, ibidem, pp.69. Par exemple J. DE MUNCK et M. VERHOEVEN, Les mutations du rapport à la norme, Un changement dans la modernité ?, Bruxelles, De Boeck – Université, 1997. 4 J-L. GENARD, « La médiation en contexte », in Médiation et santé mentale, Les cahiers de la santé de la Commission Communautaire française, Journée d ‘étude, Bruxelles, 24 septembre 2004. 3
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celle de l’Etat Providence qui définit des droits-créances, des droits sociaux et collectifs ; L’Etat Providence entre en crise avec la fin du contrôle de l’économie par les Etats nations et par une régression des protections sociales ; celle de l’Etat réseau qui valorise le contrat, le projet, la responsabilisation des acteurs ; cet Etat Réseau prend les deux figures de l’Etat animateur d’une part et de l’Etat social-actif d’autre part. Il est caractérisé par un processus de procéduralisation des normes, par l’appel aux médiations et le renvoi vers l’acteur et son autonomie. L’émergence et le développement de la médiation sont à la fois des expressions et des amplificateurs de ces transformations. La médiation est fondée sur une procéduralisation des normes, sur le principe de la co-construction des normes par les acteurs, sur l’appel à l’autonomie et à la responsabilité des acteurs. 1.2.
La construction des représentations et des évaluations de la médiation
Ces transformations culturelles et politiques globales doivent être confrontées à la réalité concrète du terrain des conflits familiaux. Dans quelle mesure modèlent-elles les pratiques ? Dans quelle mesure soutiennent-elles ou non les représentations et évaluations de la médiation, tant des professionnels de l’intervention judiciaire et sociale que des usagers ? Les appréhensions conjointes de la médiation, des professionnels et des usagers, sont également très largement nourries d’une vision peu ou prou normative de la famille contemporaine. 1.2.1. Les modèles familiaux Selon François de Singly5, la fonction centrale de la famille contemporaine est celle de la construction de l’identité personnelle de ses membres par un travail de reconnaissance, de révélation et de consolidation des identités. L’idéal d’épanouissement personnel prime sur les autres projets. Prolongeant la famille moderne, la famille contemporaine est plus relationnelle et plus individualiste. Dans ce contexte, se développe dans le champ de l’intervention sociale et judiciaire un modèle de famille « négociatrice », caractérisée par un lien associatif entre les partenaires, fondée sur un modèle d’association contractuelle où les partenaires négocient leur couple tout comme leur sortie du couple conjugal. A ce modèle de famille « négociatrice » s’oppose celui de la famille « fusionnelle », où les partenaires ne sont pas perçus comme deux individus en négociation mais comme des entités indistincte du couple. Selon Benoît Bastard, le modèle de la famille négociatrice constitue la nouvelle norme de la famille, le nouvel ordre familial, soutenu et survalorisé dans les champs de la sociologie de la famille, dans celui de l’intervention sociale et dans le champ politique. En revanche, pour de nombreuses familles, en particulier pour les familles fragiles socialement, les clientes de l’action sociale, ce modèle reste lointain, voire étranger. La médiation familiale procède selon lui de cette survalorisation de la famille négociatrice. Elle contribue à instituer un modèle rigide de fonctionnement du couple et de la famille : « la médiation inclut et promeut constamment ce modèle de famille « privatisée »,
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Fr. DE SINGLY, Sociologie de la famille contemporaine, Paris, Nathan, 1993.
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négociatrice, ouverte, égalitaire et démocratique. La médiation est l’expression et le vecteur de ce modèle dominant. »6 En corollaire de cette promotion de la famille négociatrice, le champ de l’intervention judiciaire et sociale soutient aussi la norme selon laquelle les conjoints doivent s’entendre dès qu’ils sont parents et qu’ils doivent maintenir entre eux, dans l’intérêt des enfants, un dialogue serein. Jacques Marquet7 relève également cette composante du « nouveau contrat familial ». La responsabilité à l’égard des enfants est devenue indéfectible. L’affirmation de liens parentaux inconditionnels contraste avec la fragilité des liens conjugaux. La médiation procède-t-elle du « mythe d’un axe parental en acier » ? Elle peut être perçue comme une tentative de déconflictualisation pour préserver le couple parental. Or, ce modèle du couple de parents « conjoints à vie »8 est moins fréquemment vécu dans les milieux populaires où domine une logique de substitution. On peut faire l’hypothèse d’un écart entre des procédures juridiques pacificatrices et qui visent la continuité du couple parental et des réalités conjugales difficiles, marquées par le conflit. Dans la pratique, de nombreuses familles pourraient éprouver des difficultés à dissocier parentalité et conjugalité. 1.2.2. Les attentes des usagers à l’égard des dispositifs d’intervention Quelles sont les attentes des usagers à l’égard des intervenants susceptibles d’intervenir auprès d’eux pour la gestion d’un conflit familial ? Et quelles sont les attentes qu’ils adressent à la médiation en particulier, en contraste ou en complémentarité avec d’autres modes de gestion des conflits, judiciaires ou sociaux ? Des études récentes9 établissent la pluralité des attentes à l’égard de la Justice. Sans réduire la médiation à une intervention para ou méta judiciaire, il peut être intéressant de confronter les attentes qui lui sont adressées à celles qui visent la Justice. François Ost distingue trois modèles de Justice : le modèle représenté par Jupiter, fondé sur une loi sacralisée qui s’applique de façon logico-déductive dans un mouvement vertical à l’égard des justiciables ; le modèle représenté par Hercule, selon lequel la décision imposée tient compte des intérêts en présence, en balançant les intérêts concurrents ; le modèle représenté par Hermès où il s’agit moins de trancher par droit et sentence que d’assurer la résolution procédurale des conflits. Les auteurs relèvent que les pratiques contemporaines sont caractérisées par une tension entre plusieurs modèles de justice : l’opposition entre une justice d’imposition (la décision est l’application d’une norme justifiée a priori) et une justice communicationnelle (la décision se construit à partir du savoir des acteurs) ; l’opposition entre des attentes instrumentales (selon une logique coût-bénéfice) et des attentes de resymbolisation (selon une conception substantielle de la justice comme garante de normes et de valeurs) ; l’opposition entre une justice de proximité et une justice distante ; 6
B. BASTARD, Ibidem, p. 69. J. MARQUET, Les défis de la famille contemporaine, Unité d’anthropologie et de sociologie et Institut d’études de la famille et de la sexualité UCL. 8 Selon l’expression d’I. Théry. 9 A. FRANSSEN et J-L. GENARD, La Justice en questions : concept d’enquête sur les attentes des citoyens à l’égard de la justice, Service fédéraux des Affaires Scientifiques, Techniques et Culturelles (SSTC), Bruxelles, 2000. 7
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l’opposition entre une justice tarifée et une justice individualisée.
Les attentes à l’égard de la médiation peuvent-elles être éclairées par ces typologies des modèles de justice ? La médiation définit-elle un horizon idéal de justice communicationnelle, de proximité et individualisée, incarnée par Hermès ? Et surtout quelle est l’adhésion des usagers à ce type idéal et aux modèles concurrents ? 1.2.3. La normativité des dispositifs d’intervention à l’égard des usagers Les dispositifs d’intervention sociale et judiciaire et en particulier la médiation, contribuent à construire et à diffuser une norme qui pourrait prendre la forme d’injonctions plus ou moins explicites à l’égard des usagers. La confrontation avec la pratique de la médiation (via les entretiens avec les médiateurs et autres professionnels) visait aussi à explorer cette intuition. La présente recherche à tenter de confronter aux entretiens réalisés avec des professionnels de la gestion des conflits familiaux et avec des usagers de ces dispositifs l’hypothèse selon laquelle la médiation familiale soutient : 1/ le modèle de la famille négociatrice ; 2/ le principe de la continuité du couple parental ; 3/ l’idéal communicationnel (l’obligation de s’exprimer et d’écouter) ; 4/ une intention pacificatrice (parvenir au dialogue et à l’entente au-delà du conflit) ; 5/ une norme de responsabilisation (l’usager est un acteur supposé compétent et non plus seulement un justiciable). Nous avons aussi cherché à comprendre les attitudes des familles en conflit face à ce dispositif : leur adhésion, leurs résistances, leurs difficultés, les ressources et les contraintes qu’ils lui reconnaissent. 2.
Perspectives méthodologiques
C’est au croisement des représentations et des pratiques des différents acteurs – juge, avocat, notaire, médiateur, psychologue, parent, enfant – impliqués dans une même situation que se jouent les enjeux d’une médiation. D’où l’intérêt de rencontrer ces divers acteurs. Hors enjeux éthiques et moraux, l’idéal eut sans doute été de pouvoir étudier des cas concrets réunissant l’ensemble de ces acteurs. Pour des raisons bien compréhensibles de confidentialité et d’anonymat cela est cependant impossible, de même qu’il ne pouvait être question dans une recherche « générale », et donc sans moyens spécifiques et méthodologie particulièrement adaptée à ce groupe d’âge, d’interroger des enfants. Les acteurs rencontrés dans le cadre de cette recherche ne sont donc que très rarement impliqués dans une même interaction ; la diversité des points de vue est cependant assurée. 2.1.
Des entretiens semi-directifs
Pour appréhender le point de vue des acteurs, nous avons choisi de procéder à des entretiens individuels semi-directifs. Le recours aux entretiens individuels n’est à notre sens qu’une solution de repli, mais sans doute la meilleure qui soit. On peut en effet faire l’hypothèse que la « non connectivité » des points de vue a l’avantage de permettre des propos plus libres dès lors que les personnes interrogées ne sentent pas le risque d’un possible contrôle de leurs propos. Cette crainte de contrôle eut d’ailleurs fortement compliqué la réalisation des entretiens. 7
Mais s’il ne s’agissait pas de rencontrer tous les acteurs intervenant dans un même cas, les différents guides d’entretien – juge, avocat, notaires, médiateur, psychologue, « client » de la médiation – furent développés en parallèle afin de pouvoir saisir le jeu des logiques qui se nouent dans des interactions concrètes entre eux. L’évolution d’un guide d’entretien a eu dans la plupart des cas des répercussions sur les autres. Le test des guides a porté sur trois points : la compréhension des questions, la structure des guides d’entretien et leur capacité à « produire un discours » sur l’ensemble des thématiques de recherche. Chaque guide d’entretien a été présenté devant et discuté avec le comité d’accompagnement, testé auprès d’une ou deux personnes au moins, et réaménagé. L’objectif général des entretiens est de mettre au jour la façon dont la médiation familiale est appréhendée par ses divers acteurs afin de comprendre les motifs pour lesquels on y a ou non recours, dans la perspective de favoriser le recours à la médiation dans les conflits familiaux. Les guides d’entretien visent à approcher de façon différenciée l’expérience et les représentations des différentes catégories d’interlocuteurs pertinents (d’une part, des professionnels – juges, avocats, notaires, psychologues et médiateurs familiaux – et d’autre part des usagers ou clients ayant suivi un processus de médiation familiale et des usagers ou clients ayant refusé ou n’ayant pas pratiqué la médiation familiale). Dans la perspective de la méthode de l’entretien compréhensif, les guides d’entretien constituent un canevas et prennent la forme d’une liste de consignes à suivre et de thèmes à aborder de façon souple au cours de l’entrevue. Il ne s’agit pas d’un questionnaire standardisé et formalisé mais de repères raisonnés pour réussir la conduite de l’entretien. Ces consignes et thèmes furent ensuite « traduits » en langage oral avant les entretiens. Les guides d’entretien figurent en annexe. 2.2.
La population de l’étude
Soixantaine-deux entretiens ont été réalisés. Pour une recherche qualitative, il s’agit d’une population importante ; cependant, il ne peut être question de la considérer comme une population « représentative » de la population concernée. Par exemple, comment avoir la garantie que le seul avocat bruxellois sélectionné (voir infra) soit représentatif de l’ensemble de ses collègues ? Cela est totalement utopique et n’a aucun sens. Plus réalistement, nous avons visé à constituer une population « significative eu égard à l’objet de recherche ». En ce sens, les personnes sélectionnées devaient d’abord être directement concernées par cet objet de recherche ; ensuite, elles devaient (re-) présenter des cas de figures diversifiés afin de couvrir le spectre le plus large possible de positions par rapport à cet objet de recherche. Les juges traitant des matières de séparation, de garde d’enfants et de conflits familiaux, les avocats et notaires spécialisés, les psychologues, et les médiateurs familiaux sont issus des trois régions du pays. Des variables telles que l’arrondissement judiciaire, la réputation, le sexe, l’âge (pour l’effet de génération qu’il peut dissimuler)…, variables susceptibles d’être corrélées aux opinions et pratiques relativement à l’objet de recherche, furent mobilisées afin de diversifier ces trois sous-populations. Ils furent appelés à rendre compte de leurs expériences et de leur évaluation des évolutions consécutives à la loi du 21 février 2005. Il leur fut aussi demandé de servir de « relais » pour accéder à des « clients (potentiels) de la médiation » ayant récemment eu à gérer un différend familial. Pour l’essentiel, la population des « clients (potentiels) de la médiation » fut constituée en demandant aux juges, notaires, avocats, médiateurs, psychologues de servir de « relais » 8
pour accéder à des personnes s’étant vus récemment proposer une médiation ; certains de ces professionnels ont eux-mêmes collaboré à la recherche en nous accordant un entretien, d’autres non. Les « clients (potentiels) de la médiation » sont des deux sexes, issus des trois régions du pays, de milieux urbains et ruraux, de milieux sociaux différents. Ils auront rencontré des différends familiaux divers : séparation, hébergement des enfants, autorité parentale, succession… Certains ont suivi, d’autres refusé ou n’ont pas vu l’utilité de suivre un processus de médiation. Population
Juges
Avocats
Notaires
Médiateurs
Psychologues
« Usagers médiat. »
« Usagers sans m. »
Flandre : 25
2 1
2 1
2 1
5 4
2 1
6 2
6 4
2
2
2
4
2
9
3
5
5
5
13
5
17
13
Bruxelles : 14 Wallonie : 24 Total : 66
En plus des entretiens du pré-test, 63 entretiens qualitatifs ont été réalisés. Ils sont retranscrits et rassemblés dans le tome annexe du présent rapport. Au total, 33 professionnels – 5 juges, 5 avocats, 5 notaires, 5 psychologues et 13 médiateurs – et 30 usagers – 17 ayant eu une expérience de médiation et 13 n’en ayant pas eue – ont été interviewés. Selon les régions, les professionnels se répartissent comme suit : 13 en Flandre, 12 en Wallonie et 8 à Bruxelles. Pour les usagers la répartition est de 12 en Flandre, 12 en Wallonie et 6 à Bruxelles. Parmi les professionnels, 21 étaient des femmes et 12 étaient des hommes. Chez les usagers, on compte 17 femmes et 13 hommes. Dans la suite du texte (chapitre 2), les extraits sont identifiés par un code formé de lettres et de nombres. Les lettres renvoient à la catégorie à laquelle appartient l’interviewé et le nombre à son rang (totalement arbitraire) au sein de cette catégorie. Le tableau qui suit présente la liste des codes et leur signification. Codes Flandre Bruxelles et Wallonie
Juges
Avocats
Notaires
Médiateurs
Psychologues
« Usagers médiat. »
« Usagers sans m. »
R1 à R2
AD1 à AD2 A1 à A3
NO1 à NO2 N1 à N3
B1 à B5
PS1 à PS2 P1 à P3
GB1 à GB6 UM1 à UM11
GNB1 à GNB6 NUM1 à NUM7
J1 à J3
M1 à M8
Les entretiens ont fait l’objet d’une analyse thématique dans les principaux résultats sont présentés dans le Chapitre 2.
9
ANNEXE 1 au chapitre 1 1. Entretiens avec les professionnels Consignes d’entretien : amener les interlocuteurs à distinguer ce qui relève des pratiques et des représentations par des relances éventuelles ; viser le plus possible des expériences et des situations vécues par les interlocuteurs ; à défaut, on pourra prendre en compte les situations dont ils ont connaissance sans y avoir participé. Les témoignages indirects sont intéressants comme traces des représentations qui circulent dans les milieux professionnels ; l’évaluation positive ou négative des médiations, notamment au point 3. expériences réussies et ratées, ne doit pas être vue comme une simple évaluation des accords auxquels aurait abouti (ou non) la médiation. En effet, l’évaluation positive ou négative peut porter autant sur le processus que sur l’accord, autant sur des dimensions relationnelles que sur des enjeux pratiques. Laisser les interlocuteurs libres de formuler leurs critères d’évaluation ; terminer l’entretien par une demande de contacts pour les entretiens suivants.
1.1. Les juges 1. Description du cadre professionnel dans lequel ils évoluent et des types de dossiers auxquels ils sont confrontés. 2. Expérience et perception de la médiation : - que savent-ils de la médiation ; comment la définiraient-ils ; - y sont-ils souvent confrontés, dans quel cadre (contraint ou choisi), pour quel type d’affaires ; - perçoivent-ils des changements dans les pratiques ou les discours (en lien ou non avec la loi du 21 février 2005) ; - sont-ils souvent sollicités pour une homologation d’accords issus de médiation ; rencontrent-ils des problèmes dans cette tâche ; - ont-ils envoyé des personnes en médiation ; pourquoi ; souvent ? Présentent-ils systématiquement cette possibilité et comment la présentent-ils ? 3. Récit d’une expérience réussie de médiation familiale et analyse de celle-ci ; récit d’une expérience « ratée » ou problématique et analyse de celle-ci. 4. Interactions entre les professionnels : - définition des rôles : celui du juge et celui des autres professionnels, en particulier celui du médiateur, en distinguant les rôles (lieux, moments, méthodes, thèmes pertinents) ; quelle est la spécificité du rôle de médiateur ; fallait-il un rôle spécifique? - quelle est la différence entre un jugement et une médiation ; dans quelle séquence temporelle ces deux types de travail peuvent-ils intervenir ? - interactions et articulations des rôles des différents professionnels, en distinguant les zones de complémentarité, de concurrences ou de conflits de compétences éventuels entre eux. 5. Sur base de leur expérience de la médiation familiale, comment définissent-ils ses indications et contre-indications éventuelles (contexte, type de dossier, engagement des différents acteurs, type d’intervention des professionnels…). 10
6. Evaluation et développement du dispositif : mérite-t-il d’être étendu, pourquoi et dans quel contexte ; dans quels lieux (physiques) devraient se dérouler les médiations ; comment favoriser le recours à la médiation dans le cadre de conflits familiaux ; quelles pistes peut-il suggérer pour développer le recours à la médiation. 7. Clôture et vérification des informations personnelles : âge, sexe, ancrage institutionnel, depuis combien de temps ils exercent.
1.2. Les notaires 1. Description du cadre professionnel dans lequel ils évoluent et des types de dossiers auxquels ils sont confrontés. 2. Expérience et perception de la médiation : - que savent-ils de la médiation ; comment la définiraient-ils ; - y sont-ils souvent confrontés, pour quel type d’affaires ; - comment et pourquoi ont-ils été amenés à être impliqués dans la gestion d’un conflit familial où il y a recours à la médiation ; - perçoivent-ils des changements dans les pratiques ou les discours en matière de recours à la médiation au cours de ces dernières années ; - quel est l’intérêt de la médiation ; - un membre de l’étude a-t-il suivi une formation à la médiation ou compte-t-il le faire ? Si oui pourquoi ? - ont-ils envoyé des personnes en médiation ; pourquoi ; souvent ? 3. Récit d’une expérience réussie de médiation familiale et analyse de celle-ci ; récit d’une expérience « ratée » ou problématique et analyse de celle-ci. 4. Interactions entre les professionnels : - définition des rôles : celui du notaire et celui des autres professionnels, en particulier celui du médiateur, en distinguant les rôles (lieux, moments, méthodes, thèmes pertinents) ; quelle est la spécificité du rôle de médiateur ; fallait-il un rôle spécifique? - quelle est la différence entre le travail du notaire et une médiation ; dans quelle séquence temporelle ces deux types de travail peuvent-ils intervenir ? - le notaire qui est formé à la médiation joue-t-il réellement le médiateur dans certaines affaires ou la formation est-elle utilisée comme atout pour exercer le métier de notaire ; - interactions et articulations des rôles des différents professionnels, en distinguant les zones de complémentarité, de concurrences ou de conflits de compétences éventuels entre eux ; - du point de vue du notaire, quelle est leur réaction lorsqu’un client leur annonce qu’il va en médiation ; quelle consigne donnent-ils au client en médiation ? 5. Sur base de leur expérience de la médiation familiale, comment définissent-ils ses indications et contre-indications éventuelles (contexte, type de dossier, engagement des différents acteurs, type d’intervention des professionnels…). 6. Evaluation et développement du dispositif : mérite-t-il d’être étendu, pourquoi et dans quel contexte ; dans quels lieux (physiques) devraient se dérouler les médiations ; comment favoriser le recours à la médiation dans le cadre de conflits familiaux ; quelles pistes peut-il suggérer pour développer le recours à la médiation. 7. Clôture et vérification des informations personnelles : âge, sexe, ancrage institutionnel, depuis combien de temps ils exercent. 11
1.3. Les avocats 1. Description du cadre professionnel dans lequel ils évoluent et des types de dossiers auxquels ils sont confrontés. 2. Expérience et perception de la médiation : - que savent-ils de la médiation ; comment la définiraient-ils ; - y sont-ils souvent confrontés, dans quel cadre, pour quel type d’affaires ; - perçoivent-ils des changements dans les pratiques ou les discours (en lien ou non avec la loi du 21 février 2005) ; - ont-ils suivi eux-mêmes ou un membre de leur cabinet a-t-il suivi une formation à la médiation et sinon comptent-ils le faire ; pourquoi ; - ont-ils envoyé des personnes en médiation ; pourquoi ; souvent ? 3. Récit d’une expérience réussie de médiation familiale et analyse de celle-ci ; récit d’une expérience « ratée » ou problématique et analyse de celle-ci. 4. Interactions entre les professionnels : - définition des rôles : celui de l’avocat et celui des autres professionnels, en particulier celui du médiateur, en distinguant les rôles (lieux, moments, méthodes, thèmes pertinents) ; quelle est la spécificité du rôle de médiateur ; fallait-il un rôle spécifique ? - quelle est la différence entre le travail de l’avocat et une médiation ; dans quelle séquence temporelle ces deux types de travail peuvent-ils intervenir ? - rôle de conseiller en médiation : sont-ils consultés comme conseil sur des accords en médiation ; comment voient-ils leur rôle à cet égard ; - l’avocat qui est formé à la médiation joue-t-il réellement le médiateur dans certaines affaires ou la formation est-elle utilisée comme atout pour exercer le métier d’avocat ; - interactions et articulations des rôles des différents professionnels, en distinguant les zones de complémentarité, de concurrences ou de conflits de compétences éventuels entre eux ; - du point de vue de l’avocat, quelle est leur réaction lorsqu’un client leur annonce qu’il va en médiation ; quelle consigne donnent-ils au client en médiation ; quel est l’impact de la médiation sur l’évolution du dossier ; sur le travail de l’avocat ; la médiation produit-elle des informations pertinentes et utiles au travail de l’avocat? 5. Sur base de leur expérience de la médiation familiale, comment définissent-ils ses indications et contre-indications éventuelles (contexte, type de dossier, engagement des différents acteurs, type d’intervention des professionnels…). 6. Evaluation et développement du dispositif : mérite-t-il d’être étendu, pourquoi et dans quel contexte ; dans quels lieux (physiques) devraient se dérouler les médiations ; comment favoriser le recours à la médiation dans le cadre de conflits familiaux ; quelles pistes peut-il suggérer pour développer le recours à la médiation. 7. Clôture et vérification des informations personnelles : âge, sexe, ancrage institutionnel, depuis combien de temps ils exercent.
1.4. Les psychologues 1. Description du cadre professionnel dans lequel ils évoluent et des types de dossiers auxquels ils sont confrontés. 12
2. Expérience et perception de la médiation : - que savent-ils de la médiation ; comment la définiraient-ils ; - y sont-ils souvent confrontés, dans quel cadre, pour quel type d’affaires ; - perçoivent-ils des changements dans les pratiques ou les discours à l’égard de la médiation ; - le métier de psychologue a-t-il changé avec (ou depuis) l’émergence de la médiation ; - quel est l’intérêt de la médiation ? - ont-ils envoyé des personnes en médiation ; pourquoi ; souvent ? 3. Récit d’une expérience réussie de médiation familiale et analyse de celle-ci ; récit d’une expérience « ratée » ou problématique et analyse de celle-ci. 4. Interactions entre les professionnels : - définition des rôles : celui du psychologue et celui des autres professionnels, en particulier celui du médiateur, en distinguant les rôles (lieux, moments, méthodes, thèmes pertinents) ; quelle est la spécificité du rôle de médiateur ; fallait-il un rôle spécifique? - quelles sont les différences entre processus de médiation et processus thérapeutique ; dans quelles séquences temporelles les deux processus interviennent-ils ; - s’ils sont psy et médiateur, comment articulent-ils les deux rôles, comment « changent-ils de casquette » ; - lorsqu’ils suivent un patient impliqué dans une médiation, en ont-ils des échos, lesquels ; - du point de vue du psychologue, quelle est leur réaction lorsqu’un client leur annonce qu’il va en médiation ; quelle consigne donnent-ils au client en médiation ; - le psychologue qui est formé à la médiation joue-t-il réellement le médiateur dans certaines affaires ou la formation est-elle utilisée comme atout pour exercer le métier de psychologue ; - interactions et articulations des rôles des différents professionnels, en distinguant les zones de complémentarité, de concurrences ou de conflits de compétences éventuels entre eux. 5. Sur base de leur expérience de la médiation familiale, comment définissent-ils ses indications et contre-indications éventuelles (contexte, type de dossier, engagement des différents acteurs, type d’intervention des professionnels…). 6. Evaluation et développement du dispositif : mérite-t-il d’être étendu, pourquoi et dans quel contexte ; dans quels lieux (physiques) devraient se dérouler les médiations ; comment favoriser le recours à la médiation dans le cadre de conflits familiaux ; quelles pistes peut-il suggérer pour développer le recours à la médiation ? 7. Clôture et vérification des informations personnelles : âge, sexe, ancrage institutionnel, depuis combien de temps ils exercent.
1.5. Les médiateurs 1. Retracer brièvement la trajectoire professionnelle du médiateur : formation (initiale et continuée), emplois (métiers, employeurs, contextes…) ; comment en sont-ils arrivés à pratiquer la médiation ; quel projet poursuivent-ils par la pratique de la médiation. 2. Expérience et perception de la médiation : - description du cadre professionnel dans lequel ils exercent la médiation (terrains, dossiers, domaines…). - quel intérêt trouvent-ils à ce type de processus ; 13
- comment se situent-ils dans le monde de la médiation : conception du métier, du rôle de médiateur ; ces conceptions sont-elles partagées par la majorité des collègues ; - les médiateurs déclarent souvent viser la neutralité : que mettent-ils en place pour y arriver ; quelles sont les difficultés et comment les surmonter ; - comment réagissent-ils pour résister à l’instrumentalisation (des clients et des différents intervenants professionnels) ? 3. Récit d’une expérience réussie de médiation familiale et analyse de celle-ci ; récit d’une expérience « ratée » ou problématique et analyse de celle-ci. Qu’est-ce qu’une médiation réussie, qu’est-ce qu’une médiation ratée ? Leur est-il arrivé de stopper une médiation, pourquoi et à l’initiative de qui ?yy 4. Interactions entre les professionnels : - définition des rôles : celui du médiateur et celui des autres professionnels, en distinguant les rôles (lieux, moments, méthodes, thèmes pertinents) ; quelle est la spécificité du rôle de médiateur ? Quelles sont les différences entre une médiation et une démarche thérapeutique ? Entre une médiation et un jugement , le travail du notaire, celui de l’avocat? Dans quelle séquence temporelle tous ces types de travail peuvent-ils intervenir ? - interactions et articulations des rôles des différents professionnels, en distinguant les zones de complémentarité, de concurrences ou de conflits de compétences éventuels entre eux. - médiateur/avocat , médiateur/psy, médiateur/notaire… : articulation et composition des différents rôles ; compatibilités et incompatibilités ; séquences temporelles ; - est-il arrivé que des informations recueillies lors d’une médiation soient utilisées dans un autre cadre ? 5. Sur base de leur expérience de la médiation familiale, comment définissent-ils les atouts et les faiblesses de la médiation, ses indications et contre-indications éventuelles (contexte, type de dossier, engagement des différents acteurs, type d’intervention des professionnels…). 6. Evaluation et développement du dispositif : - mérite-t-il d’être étendu, pourquoi et dans quel contexte ; comment favoriser le recours à la médiation dans le cadre de conflits familiaux ; quelles pistes peut-il suggérer pour développer le recours à la médiation ; - dans quels lieux (physiques) devraient se dérouler les médiations ; - comment évaluent-ils la formation, les dispositions légales, le statut professionnel (y compris pécuniaire) et la position institutionnelle des médiateurs. 7. Clôture et vérification des informations personnelles : âge, sexe, ancrage institutionnel, depuis combien de temps ils exercent.
2. Les entretiens avec les usagers Consignes d’entretien : Dans la plupart des cas, l’information selon laquelle ils ont ou non eu recours à la médiation sera connue avant l’entretien. Si ce n’est pas le cas, commencer l’entretien par clarifier ce point avant de s’orienter vers le guide adéquat. L’évaluation positive ou négative des médiations, en particulier au point 4. évaluation de l’expérience, ne doit pas être vue comme une simple évaluation des accords auxquels aurait abouti (ou non) la médiation. En effet, l’évaluation positive ou négative peut porter autant sur le processus que sur l’accord, autant sur des dimensions relationnelles que sur 14
des enjeux pratiques. Laisser les interlocuteurs libres de formuler leurs critères d’évaluation.
2.1. Les usagers ayant eu recours à la médiation 1. Trajectoire en médiation : - comment ils y sont-ils arrivés ; qui a décidé ou suggéré d’y avoir recours, dans quelles circonstances ; - comment ils en ont entendu parler (être attentif à la distinction avec d’autres médiateurs, scolaire, de dettes…) ; qu’est-ce qu’ils en savaient au moment de prendre la décision (ou d’y être contraint) ; quelle est leur connaissance du cadre législatif ; - ont-ils eu recours à un autre mode de gestion des conflits (thérapie, autre tiers…) ; - comment ils ont choisi leur médiateur ; - où ils en sont dans le processus ; celui-ci est-il achevé ; - qu’est-il advenu des accords (ou conventions) éventuellement obtenus ? 2. Expérience de la médiation - Dans quel contexte s‘est déroulée la médiation : l’affaire, le moment, le cadre ; - retracer le déroulement de la médiation ; - quel bilan ils en tirent. 3. Rôle du médiateur et interactions entre professionnels : - comment ils ont perçu le rôle du médiateur ? Et celui de l’avocat, du juge, du notaire, du psychologue… Quelle est la spécificité du rôle du médiateur ? - le médiateur était-il en relation avec les autres professionnels (avocat, juge, notaire, psychologue), à quel propos, dans quel but ? Si oui comment ces contacts se sont-ils passés ? Comment les usagers ont-ils perçu ces contacts ? - les usagers « s ‘y retrouvaient-ils » entre les rôles respectifs des différents professionnels ? Savaient-ils à qui adresser telle ou telle question ? 4. Evaluation de l’expérience : - leur a-t-elle apporté quelque chose ; qu’en ont-ils retiré ; - que pensent-ils de leur médiateur ; - que pensent-ils du résultat obtenu ; - et si c’était à refaire ; - s’il y a un nouveau problème auraient-ils recours à la médiation ? 5. Développement du dispositif : - conseilleraient-ils le recours à la médiation à des proches, en cas de conflit familial, pourquoi ; - voient-ils des situations où le recours à la médiation est plus ou moins adéquat ; - est-ce une pratique à développer ; si oui quelles sont les voies les plus judicieuses pour favoriser le recours à la médiation. 6. Clôture et vérification des informations sur l’usager : âge, sexe, profession, niveau d’études, type de conflit.
2.2. Les usagers n’ayant pas eu recours à la médiation 1. La situation problématique - expliciter brièvement le conflit familial auquel ils ont été confrontés - préciser le déroulement de l’affaire et l’intervention des différents professionnels. 15
2. Perception de la médiation : - connaissance du dispositif, par quelle voie (témoignages, médias, avocat…) ; connaissance du cadre législatif (être attentif à la distinction avec d’autres médiateurs); - perception des objectifs poursuivis par la médiation ; - perception du rôle de médiateur ; de ses spécificités par rapport aux autres professionnels ; - ont-ils eu recours à un autre mode de gestion des conflits (thérapie, autre tiers…). 3. La décision du non-recours : - la possibilité d’une médiation leur a-t-elle été proposée et si oui, en quels termes ; - pourquoi n’ont-ils pas eu recours à la médiation(connaissance, utilité, désaccord entre partenaires, rôle déjà assumé par un autre professionnel…) ;
4. Evaluation de la médiation : - la médiation pourrait-elle être indiquée et contre-indiquée dans certaines situations ; - si c’était à refaire ? Rétrospectivement, aurait-elle pu être utile, à qui, pourquoi ; - faut-il encourager le recours à la médiation et si oui par quelle voie ? 5. Clôture et vérification des informations sur l’usager : âge, sexe, profession, niveau d’études, type de conflit.
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ANNEXE II. RICHTLIJNEN VOOR VRAAGGESPREK I.
HET WERKVELD
Richtlijnen : De gesprekspartners aanmoedigen om het onderscheid te maken tussen de praktijken en de voorstellingen door eventuele terugstappen te maken in het gesprek. Zoveel mogelijk ervaringen en doorleefde situaties van de gesprekspartners viseren ; of bij gebrek hieraan zouden we rekening kunnen houden met situaties waar men weet van heeft zonder er deel van uitgemaakt te hebben. Deze indirecte getuigenissen zijn interessant als sporen van voorstellingen die in de professionele middens circuleren. De negatieve of positieve evaluatie van de bemiddelingen (voornamelijk de geslaagde of mislukte ervaringen zoals besproken in punt 3) moet niet gezien worden als een simpele vaststelling over de akkoorden waaraan de bemiddeling al dan niet ten grondslag lag. De positieve of negatieve beoordeling kan evenveel vertellen over het proces en de relationele dimensies van de bemiddeling als over het akkoord en de praktische beslommeringen. De gesprekspartners vrij hun evaluatiecriteria laten formuleren ; Het gesprek beëindigen met het polsen naar mogelijke contacten voor volgende onderhouden.
1.1. De rechters 1. Omschrijving van het professionele kader waarin zij evolueren en de verschillende typen dossiers waarmee zij geconfronteerd worden. 2. Ervaring en perceptie van bemiddeling : - wat weten ze van bemiddeling ; hoe zouden ze dit definiëren ; - worden ze hier vaak mee geconfronteerd ; in welk kader (gedwongen of gekozen) ; voor welk soort zaken ; - stellen zij veranderingen vast in de praktijk of het discours (al dan niet gelinkt aan de wet van 21 februari 2005) ; - worden zij vaak benaderd voor een homologisering van akkoorden ten gevolge van bemiddeling ; ondervinden zij problemen bij het uitvoeren van deze taak ; - hebben zij mensen doorverwezen naar bemiddelaars ; waarom ?; vaak ; Stellen zij deze mogelijkheid systematisch voor en hoe stellen zij deze voor ? 3. Getuigenis over een geslaagde ervaring met de familiale bemiddeling en analyse hiervan ; getuigenis over een « mislukte » ervaring of problematiek en analyse hiervan. 4. Interactie tussen de professionelen : - definitie van de rollen : de rol van de rechter en die van de andere mensen uit het werkveld ; in het bijzonder die van de bemiddelaar, onderscheid maken tussen deze rollen (plaatsen, momenten, methoden, pertinente thema’s) ; wat is de specificiteit van de rol van bemiddelaar ; moet er een specifieke rol zijn ? - wat is het verschil tussen een rechterlijk oordeel en een bemiddeling ; in welke tijdsdimensie kunnen deze twee types van interventies voorkomen ? - interacties en voorkomen van de rollen van de verschillende professionelen, met aandacht voor de zones waarin deze complementair zijn, concurreren of waar er eventuele conflicten van competenties zijn.
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5. Op basis van hun ervaring met de familiale bemiddeling, hoe zouden zij haar indicaties en eventuele contra-indicaties definiëren (context, dossiertype, aanwezigheid van verschillende spelers, types van professionele interventies,...). 6. Evaluatie en ontwikkeling van het dispositief : verdient de familiale bemiddeling uitgebreid te worden, waarom en in welke context ; op welke (fysieke) plaatsen zou de bemiddeling moeten plaatsvinden ; hoe kan het aanwenden van bemiddeling bij familiale conflicten bemoedigd worden ; welke pistes kan men suggereren om de toestroom tot bemiddeling te ontwikkelen. 7. Afronden van het gesprek en verificatie van persoonlijke informatie : leeftijd, geslacht, institutionele verankering, periode in dienst.
1.2. De notarissen 1. Omschrijving van het professionele kader waarin zij evolueren en de verschillende typen dossiers waarmee zij geconfronteerd worden. 2. Ervaring en perceptie van bemiddeling : - wat weten ze van bemiddeling ; hoe zouden ze deze definiëren ; - worden ze hier vaak mee geconfronteerd ; in welk kader (gedwongen of gekozen) ; voor welk soort zaken ; - op welke manier en waarom werden zij ingeschakeld bij de behandeling van een familiaal conflict of de stap naar bemiddeling ; - stelden zij de laatste jaren veranderingen vast in de praktijk of het discours over het beroep op dat op bemiddeling gedaan wordt - wat is het doel/ de meerwaarde van bemiddeling ; - heeft een lid van de praktijk een opleiding tot bemiddelaar gevolgd of heeft iemand zich voorgenomen dit te doen ? Zo ja, waarom ? - hebben zij mensen doorverwezen naar een bemiddelaar ; waarom ; vaak ? 3. Getuigenis over een geslaagde ervaring met de familiale bemiddeling en analyse hiervan ; getuigenis over een « mislukte » ervaring of problematiek en analyse hiervan. 4. Interactie tussen de professionelen : - definitie van de rollen : de rol van de notaris en die van de andere mensen uit het werkveld ; in het bijzonder die van de bemiddelaar, onderscheid maken tussen deze rollen (plaatsen, momenten, methoden, pertinente thema’s) ; wat is de specificiteit van de rol van bemiddelaar ; moet er een specifieke rol zijn ? - wat is het verschil tussen het werk van de notaris en een bemiddeling ?; in welk tijdskader kunnen deze interventies plaatsvinden ? - vervult de notaris die een opleiding tot bemiddelaar genoot in de realiteit de rol van bemiddelaar bij bepaalde zaken of wordt de opleiding eerder gebruikt als een meerwaarde bij het uitvoeren van het beroep van notaris ? - wat is de reactie van de notaris wanneer een cliënt aankondigt beroep te doen op bemiddeling ; welke aanwijzingen geeft met aan een cliënt in bemiddeling ? - interacties en voorkomen van de rollen van de verschillende professionelen, met aandacht voor de zones waarin deze complementair zijn, concurreren of waar er eventuele conflicten van competenties zijn. 5. Op basis van hun ervaring met de familiale bemiddeling, hoe zouden zij haar indicaties en eventuele contra-indicaties definiëren (context, dossiertype, aanwezigheid van verschillende spelers, types van professionele interventies,...). 18
6. Evaluatie en ontwikkeling van het dispositief : verdient de familiale bemiddeling uitgebreid te worden, waarom en in welke context ; op welke (fysieke) plaatsen zou de bemiddeling moeten plaatsvinden ; hoe kan het aanwenden van bemiddeling bij familiale conflicten bemoedigd worden ; welke pistes kan men suggereren om de toestroom tot bemiddeling te ontwikkelen. 7. Afronden van het gesprek en verificatie van persoonlijke informatie : leeftijd, geslacht, institutionele verankering, periode in dienst.
1.3. De advocaten 1. Omschrijving van het professionele kader waarin zij evolueren en de verschillende typen dossiers waarmee zij geconfronteerd worden. 2. Ervaring en perceptie van bemiddeling : - wat weten ze van bemiddeling ; hoe zouden ze deze definiëren ; - worden ze hier vaak mee geconfronteerd ; in welk kader (gedwongen of gekozen) ; voor welk soort zaken ; - stellen zij veranderingen vast in de praktijk of het discours (al dan niet gelinkt aan de wet van 21 februari 2005) ; - hebben zijzelf of iemand van hun kantoor een opleiding gevolgd tot bemiddelaar of zijn zij van plan dit te doen ; waarom ; - hebben zij mensen doorverwezen naar bemiddelaars ; waarom ?; vaak 3. Getuigenis over een geslaagde ervaring met de familiale bemiddeling en analyse hiervan ; getuigenis over een « mislukte » ervaring of problematiek en analyse hiervan. 4. Interactie tussen de professionelen : - definitie van de rollen : de rol van de advocaat en die van de andere mensen uit het werkveld ; in het bijzonder die van de bemiddelaar, onderscheid maken tussen deze rollen (plaatsen, momenten, methoden, pertinente thema’s) ; wat is de specificiteit van de rol van bemiddelaar ; moet er een specifieke rol zijn ? - wat is het verschil tussen het werk van de advocaat en een bemiddeling ; in welk tijdskader kunnen deze twee types van interventies voorkomen ? - rol van raadgever in bemiddeling : worden zij geconsulteerd over akkoorden binnen het kader van de bemiddeling ; hoe zijn zij hun rol in deze context ? - vervult de advocaat die een opleiding genoot als bemiddelaar, in werkelijkheid de rol van bemiddelaar bij bepaalde zaken of wordt deze opleiding eerder aangewend als meerwaarde om het beroep van advocaat uit te oefenen ; - wat is de reactie van de advocaat wanneer een cliënt aankondigt een beroep te doen om bemiddeling ; wat is de impact van de bemiddeling op de evolutie van het dossier ; op het werk van de advocaat ; bezorgt de bemiddeling pertinente en bruikbare informatie voor het werk van de advocaat ? - interacties en voorkomen van de rollen van de verschillende professionelen, met aandacht voor de zones waarin deze complementair zijn, concurreren of waar er eventuele conflicten van competenties zijn. 5. Op basis van hun ervaring met de familiale bemiddeling, hoe zouden zij haar indicaties en eventuele contra-indicaties definiëren (context, dossiertype, aanwezigheid van verschillende spelers, types van professionele interventies,...). 6. Evaluatie en ontwikkeling van het dispositief : verdient de familiale bemiddeling uitgebreid te worden, waarom en in welke context ; op welke (fysieke) plaatsen zou de 19
bemiddeling moeten plaatsvinden ; hoe kan het aanwenden van bemiddeling bij familiale conflicten bemoedigd worden ; welke pistes kan men suggereren om de toestroom tot bemiddeling te ontwikkelen. 7. Afronden van het gesprek en verificatie van persoonlijke informatie : leeftijd, geslacht, institutionele verankering, periode in dienst.
1.4. De psychologen 1. Omschrijving van het professionele kader waarin zij evolueren en de verschillende typen dossiers waarmee zij geconfronteerd worden. 2. Ervaring en perceptie van bemiddeling : - wat weten ze van bemiddeling ; hoe zouden ze deze definiëren ; - worden ze hier vaak mee geconfronteerd ; in welk kader (gedwongen of gekozen) ; voor welk soort zaken ; - stellen zij veranderingen vast in de praktijk of het discours - is het beroep van psycholoog veranderd met (of sinds) de opkomst van de bemiddeling; - wat is het doel/meerwaarde van de bemiddeling ? - hebben zij mensen doorverwezen naar bemiddelaars ; waarom ?; vaak ; 3. Getuigenis over een geslaagde ervaring met de familiale bemiddeling en analyse hiervan ; getuigenis over een « mislukte » ervaring of problematiek en analyse hiervan. 4. Interactie tussen de professionelen : - definitie van de rollen : de rol van de psycholoog en die van de andere mensen uit het werkveld ; in het bijzonder die van de bemiddelaar, onderscheid maken tussen deze rollen (plaatsen, momenten, methoden, pertinente thema’s) ; wat is de specificiteit van de rol van bemiddelaar ; moet er een specifieke rol zijn ? - wat zijn de verschillen tussen het bemiddelingsproces en het therapeutische proces ; binnen welk tijdskader situeren deze processen zicht ? - wanneer ze zowel psycholoog als bemiddelaar zijn, hoe benaderen zij deze beide rollen, hoe « zetten ze een andere pet op » ; - wanneer ze een patiënt opvolgen die verwikkeld is in een bemiddeling, vangen zij hier van echo’s van op ; de welke ; - wat is de reactie van de psycholoog als een cliënt aankondigt beroep te zullen doen op een bemiddeling ; welke raad geven zij aan een cliënt in bemiddeling ; - vervult de psycholoog die een opleiding tot bemiddelaar genoot in werkelijkheid de rol van bemiddelaar bij bepaalde zaken of wordt deze opleiding eerder aangewend als troef om het beroep van psycholoog uit te voeren ; - interacties en voorkomen van de rollen van de verschillende professionelen, met aandacht voor de zones waarin deze complementair zijn, concurreren of waar er eventuele conflicten van competenties zijn. 5. Op basis van hun ervaring met de familiale bemiddeling, hoe zouden zij haar indicaties en eventuele contra-indicaties definiëren (context, dossiertype, aanwezigheid van verschillende spelers, types van professionele interventies,...). 6. Evaluatie en ontwikkeling van het dispositief : verdient de familiale bemiddeling uitgebreid te worden, waarom en in welke context ; op welke (fysieke) plaatsen zou de bemiddeling moeten plaatsvinden ; hoe kan het aanwenden van bemiddeling bij familiale conflicten bemoedigd worden ; welke pistes kan men suggereren om de toestroom tot bemiddeling te ontwikkelen. 20
7. Afronden van het gesprek en verificatie van persoonlijke informatie : leeftijd, geslacht, institutionele verankering, periode in dienst.
1.5. De bemiddelaars 1. Kort het professionele traject van de bemiddelaar schetsen : opleiding (vooropleiding en verdere studies), tewerkstelling (beroepen, werkgevers, contexten...) ; hoe zijn ze aanbeland bij het verzorgen van bemiddeling ; welk doel hebben zij voor ogen bij de praktijk van de bemiddeling. 2. Ervaring en perceptie van bemiddeling : - beschrijving van het professionele kader waarin zij bemiddelen (terreinen, dossiers, domeinen...) - wat is de meerwaarde van dit type van proces - Hoe situeren ze zich binnen de wereld van de bemiddeling : conceptie van het beroep, de rol van bemiddelaar, worden deze concepties gedeeld door de meerderheid van collega’s ? - de bemiddelaars verklaren vaak dat zij neutraliteit beogen : wat doen ze om deze te bereiken ; wat zijn de moeilijkheden en hoe proberen ze deze te overkomen ? - hoe reageren zij om de instrumentalisering (van cliënten en verschillende professionele spelers) te vermijden 3. Getuigenis over een geslaagde ervaring met de familiale bemiddeling en analyse hiervan ; getuigenis over een « mislukte » ervaring of problematiek en analyse hiervan. Wat is een geslaagde bemiddeling, wat is een mislukte bemiddeling ? Is het hen overkomen dat een bemiddeling gestaakt werd, waarom en op wiens initiatief ? 4. Interactie tussen de professionelen : - definitie van de rollen : de rol van de bemiddelaar en die van de andere mensen uit het werkveld ; in het bijzonder die van de bemiddelaar, onderscheid maken tussen deze rollen (plaatsen, momenten, methoden, pertinente thema’s) ; wat is de specificiteit van de rol van bemiddelaar ; wat zijn de verschillen tussen een bemiddeling en de therapeutische insteek ? tussen een bemiddeling en een rechterlijk oordeel, het werk van de notaris en dat van de advocaat ? binnen welk tijdskader situeren deze processen zicht ? - interacties en voorkomen van de rollen van de verschillende professionelen, met aandacht voor de zones waarin deze complementair zijn, concurreren of waar er eventuele conflicten van competenties zijn. - bemiddelaar/advocaat, bemiddelaar/psycholoog, bemiddelaar/notaris... : het samengaan en de samenstelling van deze verschillende rollen, compatibiliteit en incompabiliteit, tijdskader ; -Is het wel eens gebeurd dat informatie die de bemiddeling opleverde gebruikt werd binnen een ander kader ? 5. Op basis van hun ervaring met de familiale bemiddeling, hoe zouden zij haar troeven en zwaktes, indicaties en eventuele contra-indicaties definiëren (context, dossiertype, aanwezigheid van verschillende spelers, types van professionele interventies,...). 6. Evaluatie en ontwikkeling van het dispositief : - verdient de familiale bemiddeling uitgebreid te worden, waarom en in welke context ; - op welke (fysieke) plaatsen zouden de bemiddelingen moeten plaatsvinden ; hoe kan het aanwenden van bemiddeling bij familiale conflicten bemoedigd worden ; - welke pistes kan men suggereren om de toestroom tot bemiddeling te ontwikkelen. 21
- hoe evalueren zij de opleiding, de wettelijke disposities, het professionele statuut (vergoeding inbegrepen) en de institutionele positie van de bemiddelaars. 7. Afronden van het gesprek en verificatie van persoonlijke informatie : leeftijd, geslacht, institutionele verankering, periode van uitoefening.
II.
DE GEBRUIKERS
Gespreksrichtlijnen : In het merendeel van de gevallen zal de informatie over het al dan niet gebruikmaken van de bemiddeling bekend zijn voor het gesprek. Zo nee, het gesprek beginnen door dit punt duidelijk te maken alvorens zich tot de juiste aanwijzingen te richten. De negatieve of positieve evaluatie van de bemiddelingen (voornamelijk de geslaagde of mislukte ervaringen zoals besproken in punt 4) moet niet gezien worden als een simpele vaststelling over de akkoorden waaraan de bemiddeling al dan niet ten grondslag lag. De positieve of negatieve beoordeling kan evenveel vertellen over het proces en de relationele dimensies als over het akkoord en de praktische beslommeringen. De gesprekspartners vrij hun evaluatiecriteria laten formuleren ;
2.1. De gebruikers die een beroep deden op familiale bemiddeling 1. Bemiddelingstraject : - hoe zijn zij hier aanbeland ; wie heeft beslist of gesuggereerd om een beroep te doen op bemiddeling, in welke omstandigheden ; - hoe hebben zij over de mogelijkheid van bemiddeling gehoord (aandachtig zijn voor het onderscheid tussen de verschillende bemiddelaars : school, schuldbemiddeling) ; wat wisten ze hierover op het moment waarop de beslissing genomen werd (of deze opgelegd werd) ; wat is hun kennis van het wettelijke kader ; - hebben ze beroep gedaan op een andere soort van conflictbehandeling (therapie, andere derden) ; - hoe hebben ze hun bemiddelaar gekozen ; - hoever staan ze in het proces ; is dit afgerond ; - wat is er geworden van de akkoorden (of overeenstemmingen) die eventueel verkregen werden ? 2. Ervaring met de bemiddeling - Binnen welke context heeft de bemiddeling plaats gevonden : zaak, tijdstip, kader ; - schetsen van het verloop van de bemiddeling - de persoonlijke balans die zij hier van opstellen 3. Rol van de bemiddelaar en de interacties tussen professionelen : - hoe hebben zij de rol van de bemiddelaar beschouwd ? en die van de advocaat, rechter, notaris, psycholoog... Wat was de specifieke rol van de bemiddelaar ? - stond de bemiddelaar in contact met de andere professionelen (advocaat, rechter, notaris, psycholoog), waaromtrent, met welk nut ? Zo ja, hoe zijn deze contacten verlopen ? hoe hebben de gebruikers deze contacten beschouwd ? - Bevonden de gebruikers zich tussen de respectievelijke rollen van de verschillende professionelen ? Wisten ze tot wie ze zich moesten richten met welke vraag ? 4. Evaluatie van de ervaring: - heeft de bemiddeling hen iets opgebracht, wat hebben ze er aan overgehouden ; - wat vinden ze van hun bemiddelaar - wat vinden ze van het bereikte resultaat ; 22
- en wat als ze het opnieuw zouden moeten doen ? - als er zich een nieuw probleem stelt zouden ze dan beroep doen op bemiddeling ? 5. Ontwikkeling van het dispositief : - zouden zij naasten aanraden een beroep te doen op bemiddeling in het geval van een familiaal conflict, waarom ; - zijn er situaties waarin een beroep op bemiddeling min of meer aangewezen is ; - is de bemiddeling een praktijk die ontwikkeld moet worden, zo ja wat zijn de meest aangewezen wegen om mensen aan te moedigen een beroep te doen op bemiddeling 6. Afronden en verificatie van informatie over de gebruiker : leeftijd, geslacht, beroep, opleidingsniveau, type conflict.
2.2. De gebruikers die geen beroep deden op de bemiddeling 1. De problematische situatie - kort expliciteren met welk familiaal conflict zij geconfronteerd werden - het verloop van de zaak preciseren, alsook de interventie van verschillende professionelen. 2. Perceptie van de bemiddeling: - kennis van het dispositief, via welk informatiekanaal (getuigenissen, media, advocaat...) ; kennis van het wettelijke kader (aandachtig zijn voor het onderscheid tussen verschillende soorten bemiddelaars) - perceptie van de objectieven die de bemiddeling voor ogen heeft ; - perceptie van de rol van de bemiddelaar, van zijn eigenheden ten opzichte van andere professionelen ; - hebben zij gebruik gemaakt van een ander type van conflictbehandeling (therapie, andere derden....) 3. De beslissing om geen gebruik te maken van de bemiddeling : - werd deze mogelijkheid hen voorgesteld en zo ja, in welke termen ; - waarom hebben ze geen beroep gedaan op bemiddeling (kennis, bruikbaarheid, meningsverschil tussen partners, rol die reeds werd ingevuld door een andere persoon uit het werkveld) 4. Evaluatie van de bemiddeling: - de bemiddeling kan zij aangewezen of af te raden zijn in verschillende situaties ; - als ze het opnieuw moesten doen ? Zou bemiddeling achteraf gezien nuttig geweest kunnen zijn? Waarom ; - moet de bemiddeling aangemoedigd worden en zo ja, via welke weg ? 5. Afronden en verificatie van informatie over de gebruiker : leeftijd, geslacht, beroep, opleidingsniveau, type conflict.
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ANNEXE III au chapitre 1 : COURRIERS DE PRISE DE CONTACT AUPRES DES PROFESSIONNELS ET DES USAGERS
Louvain-la-Neuve, le 3 mars 2009
Madame, Monsieur, Le Secrétaire d’Etat à la Politique des Familles nous a confié une recherche sur le recours à la médiation familiale dans les conflits familiaux. Dans ce cadre, nous souhaitons recueillir le témoignage de différents professionnels – magistrats, avocats, notaires, psychologues et médiateurs – sur leur expérience de la gestion des difficultés familiales. Auriez-vous l’amabilité de nous accorder un entretien de 45 à 60 minutes ? Un des membres de notre équipe prendra contact avec vous à cette fin. Il est également utile de préciser que nous garantissons l’anonymat de cet entretien. En vous remerciant de votre attention, nous vous prions, Madame, Monsieur d’agréer l’expression de notre considération.
Jacques MARQUET Professeur de Sociologie UCL
Bernadette WYNANTS Chargée de cours invitée Assistante de recherche UCL
Equipe de recherche : Bernadette WYNANTS, Noëmi WILLEMEN, Cécile GUISLAIN, Jacques MARQUET, UCL.
Contact :
[email protected]
0477/513 587
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Louvain-la-Neuve, le 3 mars 2009
Madame, Monsieur, Nous sommes chargés par le Secrétaire d’Etat à la Politique des Familles d’une recherche sur la médiation familiale. Dans ce cadre, nous souhaitons recueillir le témoignage de personnes ayant vécu un épisode de tension familiale : séparation, divorce, difficulté avec un enfant ou un parent, succession difficile… Nous garantissons totalement l’anonymat de ces entretiens : tous les noms propres seront supprimés ainsi que tous les éléments permettant d’identifier les personnes. Auriez-vous l’amabilité de nous accorder un entretien de 45 à 60 minutes ? Un des membres de notre équipe prendra contact avec vous à cette fin. En vous remerciant de votre attention, nous vous prions, Madame, Monsieur, d’agréer l’expression de notre considération.
Jacques MARQUET Professeur de Sociologie UCL
Bernadette WYNANTS Chargée de cours invitée Assistante de recherche UCL
Equipe de recherche : Bernadette WYNANTS, Noëmi WILLEMEN, Cécile GUISLAIN, Jacques MARQUET, UCL.
Contact :
[email protected] 0477/513 587
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Louvain-la-Neuve, xx maart 2009
Mevrouw, Mijnheer De Staatssecretaris voor Gezinsbeleid heeft ons een onderzoek toevertrouwd over bemiddeling bij familiale conflicten. Binnen dat kader wensen wij getuigenissen te verzamelen van magistraten, notarissen, psychologen en bemiddelaars over hun ervaring met het behandelen van familiale conflicten. Graag hadden wij daarom uw toestemming verkregen voor het afnemen van een open interview gedurende ongeveer 45 tot 60 minuten. Een van onze teamleden zal hiervoor contact met u opnemen. Wij willen graag benadrukken dat de anonimiteit van het gesprek bewaard zal blijven. Wij danken u voor uw aandacht. Hoogachtend
Jacques MARQUET Professor Sociologie UCL
Bernadette WYNANTS Gastprofessor Onderzoeksassistente UCL
Onderzoeksteam: Bernadette WYNANTS, Noëmi WILLEMEN, Cécile GUISLAIN, Jacques MARQUET, UCL. Contactpersoon : Noëmi WILLEMEN,
[email protected] Tel. 0478.562572
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Louvain-la-Neuve, XX maart 2009
Mevrouw, Mijnheer, De Staatssecretaris voor Gezinsbeleid heeft ons een onderzoek toevertrouwd over bemiddeling bij familiale conflicten. Binnen dat kader wensen wij getuigenissen te verzamelen van mensen die een periode van familiale spanning ervaren hebben: relatiebreuk, echtscheiding, moeilijkheden met een kind of een ouder, erfopvolgingskwesties... We garanderen de volledige anonimiteit van deze gesprekken: alle eigennamen zullen verwijderd worden, alsook alle elementen die het mogelijk maken om personen te identificeren. Graag hadden wij daarom uw toestemming verkregen voor het afnemen van een open interview gedurende ongeveer 45 tot 60 minuten. Wij danken u hartelijk voor uw aandacht. Hoogachtend
Jacques MARQUET Professor Sociologie UCL
Bernadette WYNANTS Gastprofessor Onderzoeksassistente UCL
Onderzoeksteam: Bernadette WYNANTS, Noëmi WILLEMEN, Cécile GUISLAIN, Jacques MARQUET, UCL.
Contact :
[email protected] 0477/513 587
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CHAPITRE 2 PERCEPTIONS ET EXPERIENCES DE LA MEDIATION
1. L’évaluation de la médiation et de ses acteurs Les rencontres avec des professionnels et avec des personnes confrontées à des difficultés familiales ont permis de confirmer l’intuition d’une adhésion très large au principe de la médiation. Elle va de pair, de façon assez systématique, avec la stigmatisation de la justice, des audiences, du monde des avocats. La valorisation de la médiation familiale est quasi générale, dans son principe et son projet, chez les professionnels, qu’ils la pratiquent ou non ; chez les usagers qu’ils en aient l’expérience ou non. Par exemple, les professionnels non médiateurs sont nombreux à affirmer ne pas la pratiquer par manque de temps, de retour lucratif, de formation, ou encore en raison d’une incompatibilité de rôle, mais pas par désintérêt. Parmi les médiateurs, plusieurs abordent avec fierté leur antériorité dans la profession, leur présence dans tel module de formation ou dans telle commission. Les membres de familles rencontrés, quant à eux, soutiennent globalement l’idée que la médiation est souhaitable. Même si ce n’est pas pour eux, pour les autres, c’est une bonne idée ; même s’ils en ont peur ; même s’ils l’ont refusée ; même s’ils en ont une expérience négative ! Ainsi cet homme, très récemment confronté à une demande de médiation de son excompagne et qui avouant sa peur et sa méfiance à longueur d’entretien, finit par admettre sa perplexité: UM9 : « Foncièrement je sais que la médiation ça ne peut être que bon mais je me méfie tellement que je voudrais savoir pourquoi [elle demande une médiation] mais je ne le saurai jamais. Tout le monde me la recommande et à la base je ne suis pas contre. (…) Au fond de moi je suis persuadé qu’elle ne veut pas la médiation pour le fric, le problème, je ne sais pas ce qu’elle veut et c’est ça qui me manque. Je sais que je ne risque rien à aller en médiation mais voilà je n’ai aucune confiance. »
Ainsi cet homme est convaincu des qualités positives de la médiation par les expériences de ses amis, même s’il croit que dans sa propre situation, la médiation n’aurait pas aidé à résoudre les problèmes : GNB3 : « Dat is iemand die probeert van voor het koppel zelf toch nog een klein beetje iets proberen recht te trekken of toch op een deftige manier iets probeert te regelen zonder dat je naar de rechtbank moet stappen, denk ik. (...) Maar dat hangt af van elke situatie, denk ik. (...) In mijn geval bijvoorbeeld, had dat zeker niet geholpen. (...) Wij konden trouwens al niet meer praten met elkaar. Het is wel de bedoeling, als je met een bemiddelaar werkt, dat je daar samen eens naartoe gaat, dat je eens een keer even de problemen op tafel legt en proberen vandaar een zo goed mogelijke oplossing voor te zoeken, voor beide partijen. Maar in mijn geval was dat gewoon niet meer waar (...) »
Ainsi cette dame, ayant refusé une médiation après une première séance, la percevant comme un risque d’aliénation et d’instrumentalisation, formule ses regrets : NUM3 : « Moi, a priori je dirais, de façon très extérieure à mon histoire, je trouvais que c’était une démarche favorable. (…) Donc je trouve que oui, l’entre-deux [psychologique et juridique de la médiation] qui est intéressant. Voilà, c’est peut-être pour ça que je suis un peu tristounette de ne pas l’avoir vécu un peu mieux. Parce que je pense qu’objectivement, oui, ça peut être intéressant. »
Ainsi cet homme, persuadé que la médiation qu’il a vécue est un échec, un leurre, un « foutage de gueule », en raison de la mauvaise foi de son ex, mais qui estime que, pour les autres, la médiation devrait marcher et même : 28
UM11 : « Ben c’est clair pour moi cela devrait être obligatoire avant tout passage devant un tribunal, accompagné d’un rapport circonstancié stipulant s’il y a mauvaise volonté d’une des parties. »
Ou encore cette dame (UM1) après trois médiations, dont deux vécues difficilement, et qui formule un jugement sévère à l’égard de son dernier médiateur, prête à conseiller la médiation à ses proches. Et à plusieurs reprises, nous avons pu constater qu’une expérience négative de médiation n’était pas une raison de renoncer à cette solution ; plusieurs aussi de ces témoins estiment que, si ce n’était pas adéquat dans leur situation, s’ils n’en ont pas besoin pour eux-mêmes, pour d’autres, cela pourrait être utile : NUM4 : « Si on n’y parvient pas tout seul, il faut se faire accompagner. Je trouve que c’est une fonction utile. Dans des situations comme ça, oui. »
l’adhésion de principe à la médiation n’empêche cependant pas l’expression de réticences ou même, chez certains usagers, le refus d’entrer dans le processus. Autant la valorisation de la médiation est perceptible, autant l’expérience de la justice et de ses professions emblématiques est stigmatisée par de nombreux interlocuteurs. La médiation est rarement valorisée pour elle-même sans référence négative aux audiences, aux tribunaux et, surtout, aux avocats, dont la caricature semble incarner l’inverse idéalisé du médiateur. Les audiences sont décrites par plusieurs usagers comme des moments de rituel froid, de procédures extérieures à eux, des expériences pénibles, inadaptées à l’intimité des enjeux et à la douleur ressentie par les personnes en présence. Les avocats, quant à eux, sont souvent décrits par les usagers et même par certains professionnels, comme de véritables repoussoirs : cherchant la guerre, attisant les conflits, âpres au gain, les avocats sont décrits comme des acteurs « d’un jeu de cap et d’épée », qui « jetent l’huile sur le feu ». 1.1. La connaissance de la médiation Les professionnels connaissent la médiation, généralement assez bien. Outre les médiateurs, bien évidemment, plusieurs d’entre eux ont été mis en contact avec la médiation et avec des médiateurs au cours de leur carrière, ainsi, ce juge : J1 : « Déjà quand j’étais au barreau. Parce qu’il y avait une autre associée de cabinet qui avait suivi une formation mais intensive. Des vraies formations. Parce que je me méfie un petit peu. Et qui a commencé à pratiquer. Donc j’ai dû en entendre parler bien avant l’année 2000, je dirais, facilement en 95. Et puis on avait des colloques en droit familial. Et il y avait de plus en plus d’avocats qui étaient attirés vers cette formation. Certains profondément attirés et d’autres attirés comme un petit plus sur leur CV. »
D’autres professionnels ont une connaissance beaucoup plus vague de la médiation. Ils en connaissent l’existence et le principe mais n‘ont aucun écho de la pratique, n’ont rencontré ni praticiens ni usagers de la médiation. Ainsi cette psychologue : P2 : « Même au centre PMS, on n’a jamais eu de contact… J’ai 18 écoles, j’ai donc une population assez vaste !... Jamais. »
Ou ce notaire, évoquant systématiquement le domaine de la médiation de dettes et n’abordant jamais le domaine de la médiation familiale sur laquelle il était pourtant interrogé : N2 : « Pour moi une médiation de dette au départ comme je vous l'avais dit c'est pour moi la formation qui est donnée durant 150 heures de cours qui sont proposées aux notaires pour devenir médiateurs de dettes. »
Mais ces personnes figurent plutôt l’exception dans un ensemble de professions assez au courant des principes et réalités de la médiation familiale. Hors les médiations judiciaires, les usagers de la médiation familiale ont pris connaissance de l’existence de la médiation par deux sources, essentiellement : des professionnels de la 29
famille (par exemple dans un planning familial) et le bouche-à-oreille auprès des amis. Par exemple : UM2 : « Je ne sais plus exactement par qui bien que, en fait, travaillant sur le site de l’UCL, il y a un planning familial. Et j’avais moi personnellement été consulter par un peu, détresse sur le moment même. Et c’est cette dame-là qui m’avait renseigné donc une personne qui faisait de la médiation près de chez nous. Et donc d’un planning à l’autre, on est arrivés comme ça. » UM4 : « Nous nous sommes rendus chez I. Pourquoi là ? Par connaissances qui étaient passées par ce service-là. Qui se sont séparés (…), c’est un couple d’amis très proches. » GB2: « Tot dat we komen in het centrum in – ik dacht – in Dilbeek, dus een CAW in Dilbeek. (...) Mijn vrouw – mijn ex-vrouw – heeft die gezocht, die bemiddeling. Waarschijnlijk heeft ze via haar advocaat of via vrienden dat adres verkregen. »
Ainsi cette dame, active dans le champ politique, a obtenu les coordonnées d’un médiateur par un de ses collègues : GB1: « Ik heb één van onze senatrices destijds aangesproken, die ook een advocate is, en zei sprak mij over G.D.C. (sic.) waarvan dat zij zei van: “Kijk, die heeft daarin een zeer goeie reputatie en ik ken hem als een hele goeie advocaat en die gaat u goed helpen.”. En dan heb ik aan G. gevraagd van: “Zie jij dat ook zitten? Gaan we daar naartoe?”. En dan was dat oké. »
Les personnes interrogées qui n’ont pas eu (ou peu) l’expérience de la médiation connaissent souvent son existence. Certains d’entre eux l’ont refusée, d’autres l’ont proposée et se sont heurtés à un refus, d’autres encore en ont entendu parler, souvent par le témoignage de connaissances. Par exemple : NUM6 : « Je ne sais même pas si cela existait déjà, nous nous sommes séparés en 99, en fait je ne sais pas depuis quand existe la médiation. La première fois que j’en ai entendu parler c’est il y a deux ans quand nous sommes partis aux sports d’hiver avec des amis nous étions tout un groupe, « les amis de vos amis sont nos amis », vous voyez le genre. Nous étions tout un groupe de divorcés, remariés, de fraichement séparés, soit il fallait s’y retrouver pour savoir à qui était les enfants, on a bien ri ! Donc le soir on échange un peu nos expériences et c’est là que j’ai entendu parler de la médiation. Une des filles fraichement séparée était en pleine médiation pour arranger la garde etc. des enfants et pour elle c’était l’idéal. » GNB6: “Ja, ik had dat wel voorgesteld aan mijn ex maar die zei direct van in het begin: “Ofwel is het week om week” – voor de kleine dan – “ofwel is het ambras.”. (...) Ja, gehoord, ik had dat allemaal opgezocht op internet.”
1.2. Les perceptions de la médiation et les appréciations de principe Avant d’explorer les évaluations de la médiation fondées sur l’expérience, celle des professionnels qui la pratiquent ou qui l’observent, celle des usagers qui l’ont pratiquée ou en ont eu des échos, nous avons relevé les perceptions et appréciations de principe. Comment la médiation a-t-elle suscité l’intérêt des médiateurs ou des autres professionnels au tout début de leur contact avec cette pratique ? Comment s’exprime, chez les usagers, qu’ils l’aient pratiquée ou non, l’adhésion au principe, à l’idée de la médiation ? Et en revanche, comment s’expriment les réticences et les refus au principe et à l’idée de la médiation, avant même toute expérience en la matière ? 1.2.1. Intérêt des professionnels, adhésion des usagers Plusieurs professionnels de la médiation signalent un intérêt pour le caractère pluridisciplinaire de la médiation et pour l’apport complémentaire à la formation initiale dans laquelle ils se sentent parfois à l’étroit. C’est particulièrement le cas des juristes de formation : M1 : « Je vais dire que je ne sais plus. Je ne sais plus très bien, moi-même ayant travaillé dans le développement et puis aussi par des engagements politiques, des gens comme ça, j’ai toujours été assez en
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lien avec l’associatif. Quand on parle de famille, j’ai assez vite cherché à pouvoir collaborer avec un planning familial. Donc j’ai commencé aussi à travailler comme ça, c’est un peu en lien. C’est aussi une manière de voir l’approche du droit comme pluridisciplinaire. D’emblée ça m’a paru assez clair. Si je m’intéressais aux familles, ce ne serait pas seulement sur le plan juridique mais aussi de manière plus globale. » A1 : « Et assez rapidement je me suis rendue compte que travailler avec des couples en étant juriste c’était assez difficile. Et je trouvais intéressant de travailler avec une psychologue, un psychiatre, quelqu’un qui avait une formation en thérapie de couple. Parce que même si c’est pas la thérapie, on est quand même entre deux mondes, le monde psy et le monde judiciaire. Et donc je trouvais que c’était intéressant de voir quelqu’un qui avait une habitude et une approche systémique. » M3 : « Puisque dans le cadre de mon travail, je réalisais beaucoup de médiations entre auteurs et je me sentais désarmé par rapport aux aspects psychologiques de leur conflit qui rappelle d’une manière plus proportionnelle les conflits que peuvent rencontrer les couples en fait, sur les aspects psychologiques d’appartenance, de reconnaissance, de propriété, d’identification et de complémentarité de conflit. Donc de cette manière-là, je me suis dit, le seul moyen pour avoir une maîtrise de ces aspects psychologiques, étant juriste par ma formation, j’ai fait cette excellente formation à l’UCL qui était de 2 ans. » A2 : « Je me suis rendue compte que souvent dans des réunions que l’on avait entre avocats, on avait le sentiment qu’au cours d’une réunion on arrivait presqu’à un accord et puis parce que les gens sentant sans doute qu’on arrivait à un accord ressortaient des problèmes, des litiges et la réunion capotait. Donc pas nécessairement, bon il y a le problème de se trouver face à un avocat qui n’est pas tellement ouvert à la négociation ça c’est vrai. Donc ça c’était une chose qui me manquait au niveau des techniques lors de réunion. L’idée aussi de pouvoir aider les gens autrement que d’aller plaider devant un juge (…) désolée ce n’est pas la place d’un juge et en matière familiale la justice n’est pas à sa bonne place, ce n’est pas à la justice de trancher ça. »
Plusieurs d’entre eux évoquent également le souci de résoudre les conflits ou font le constat d’un manque de dispositifs adaptés pour les familles confrontées à des situations de violence : M2 : « Ce qui m’intéressait, c’est le fait un peu mythique du conflit qu’on peut essayer de résoudre en écoutant les parties. Et puis aussi, je dois bien reconnaître, pourquoi pas essayer, ça peut être aussi pour le planning, une ouverture d’attirer les gens. Donc il y avait les deux aspects. Et je me disais puisque dans d’autres plannings il va y avoir des médiateurs, on va essayer de faire la même chose aussi. Donc les deux aspects m’ont intéressée. Et finalement à force de travailler avec les familles, on entend beaucoup de confidences des gens. On est beaucoup dans l’écoute, les interviews. Je trouvais que ça allait assez bien avec ce qu’on faisait ici. » M6 : « On se rend compte que juste faire des rencontres parents-enfants sans essayer de voir un peu… déblayer le conflit, ça n’avançait pas des masses ! Mais ce sont des situations tellement extrêmes ici, que souvent il est déjà trop tard. Les gens ne sont même plus d’accord de se rencontrer. » M4 : « Alors, on a créé l’asbl en mars 2007 parce qu’en fait, j’avais fait un stage au Palais en médiation pénale et qu’on s’était rendu compte en discutant avec les magistrats que quand il y avait de la violence intrafamiliale et que c’était pris en charge par la médiation pénale, il n’y avait aucune structure offerte pour que la famille puisse discuter de sa problématique. L’auteur était pris en charge d’un côté, la victime était prise en charge de l’autre mais refaire la synthèse des apprentissages et essayer de remettre une dynamique non violente en place, il n’y avait pas. Donc ça avait l’air de manquer. Donc on a créé l’asbl avec ce premier objectif-là qui était de travailler dans les cas de violence. Et on s’est retrouvé en disant, en justice, c’est déjà loin donc on va essayer le plus tôt possible quand la violence apparaît. »
Le projet de la médiation est aussi soutenu par le souci de responsabiliser les usagers et de leur permettre de contribuer à la construction de la solution : M5 : « Donc et ce qui m’a surtout intéressée dans la démarche de médiation, c’était le fait de responsabiliser les personnes par rapport à leur propre histoire. Et surtout quand ils sont dans une situation de crise justement, le problème est qu’ils sont pris tellement par leurs émotions personnelles que quelque part, ils en oublient même l’intérêt de l’enfant. Et donc, la médiation permet ce recul et donc permet de parler de ce que l’on vit, mais aussi de ce que l’autre vit et de pouvoir, par cet échange en tout cas, retrouver sa place de parent même si on n’est plus conjoint. » M7 : « J’ai une formation à l’origine de thérapeute Rogérienne. Et donc avec tout un souci de non directivité. Et donc de me dire même dans le cas d’une expertise en général, une des deux parties n’est pas particulièrement favorable à l’expertise, de se dire, est-ce qu’il y a moyen de co-construire ou de permettre aux gens de construire une solution à l’amiable qui a beaucoup plus de chances de tenir dans le temps évidemment. Et donc c’est dans cette perspective-là et tout cet investissement-là, que je me suis intéressée à la médiation. »
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NO2 : “Het grote verschil is dat we geleerd hebben van bemiddeling, dat de mensen de oplossing moeten aanreiken. (...) Vroeger zouden we zeggen: “Ah meneer, madame, dat is het probleem, los dat zo op. Dat is het beste. En we schrijven dat op en maak dat je buiten bent dan kunnen we iets anders doen…”. Nu zullen we dat zo niet meer doen. We zullen nu eerder aan die mensen vragen: “Maar, hoe wil jij het? Wat denk je nu dat het beste voor u is?”, waardoor je het gesprek op zich alles stuurt. Misschien om bij dezelfde oplossing uit te komen maar de mensen gaan minstens het gevoel dat dit voor hen een betere oplossing is. (...) Omdat ze zelf meer aanleiding hebben gegeven tot het nadenken over de oplossing en de oplossing dan ook beter aanvaarden. » PS2 : « Ja, het is kiezen voor uw eigen oplossing te vinden, samen. Het is al een begin van samenwerking. Dat is al preventief ten opzichte van conflicten die er later kunnen zijn. je maakt je eigen oplossing op maat. Wat heb ik daar nog allemaal over te zeggen? Ja, je kiest zelf en je zit niet in een gevecht. Je probeert minimaal samen te werken. » GB1: “Ik heb ook als professional, hier, alleen maar goeie inzichten over – en goeie verhalen – over bemiddeling… Alleen denk ik dat veel mensen zich daar toch aan mispakken, dat ze zo iets hebben van: “De bemiddelaar, dat is een Deus ex Machina die ons hier gaat helpen.”. (...) Maar je moet het uiteindelijk zelf doen en… Dat je zo aangesproken wordt op je verantwoordelijkheid, op… Gedwongen worden tot nuancering en tot redelijkheid. Die redelijkheid bij jezelf moeten gaan zoeken. Dat is nogal… Allez, dat is niet evident. En je moet daar wel wat… Je moet daar ook klaar voor zijn. ik denk dat veel mensen het ook eigenlijk ergens als een excuus zien om zo nog altijd af te zien van de gevolgen van hun echtscheiding en dergelijk, omdat ze uiteindelijk niet het heft in handen genomen hebben om tot een redelijk akkoord te komen of (…) die emotie blijft bestaan hoor. Maar om tot dat akkoord te komen moet je daar wel even afstand moeten van doen.”
Et il arrive qu’un professionnel s’engage dans la voie de la médiation par le jeu des circonstances ou par opportunité : M6 : « Et puis j’ai repris le travail il y a 4 ans maintenant, ici à « l’espace rencontre ». Qui est un lieu de rencontre pour les enfants et leurs parents quand ils ne peuvent pas les voir en dehors. J’ai travaillé dans ce cadre-là une petite année. Il y avait déjà eu de la médiation familiale…, le projet était sur la table, mais personne n’avait de formation pour. Et pas de moyen d’engager quelqu’un. J’étais donc d’accord de faire la médiation sans trop savoir ce que c’était. »
Ces deux médiateurs, en couple, sont juristes de formation et après une carrière dans le privé, ils ont ouvert un centre de médiation, unique en Flandre par sa démarche « commerciale » : ils utilisent principalement l’Internet pour promouvoir leur service de médiation et de thérapie relationnelle : B4 : “Dus ja, we zijn bijna drie jaar eigenlijk actief. En het hele opzet is eigenlijk geweest van: hoe kunnen wij mensen die in een conflictsituatie zitten – dan, heel specifiek in de beginperiode, was dat echtscheidingsconflicten, ja? – hoe kunnen we die iets bieden waar dat ze op een andere manier, een meer menselijke manier, tot regelingen kunnen komen? Het is eigenlijk vanuit twee hoeken tot ons doorgedrongen dat er iets moest gebeuren als we dat ook graag zouden doen: enerzijds de noodzaak omdat je natuurlijk, als je in je vriendenkring en netwerk rond hoort, de statistieken liegen er niet om, één op drie heeft ermee te maken en één op twee of iedereen heeft er ooit al eens van dicht of van niet zo heel ver hetzij betrokken bij geweest, hetzij het verhaal van heel nauw kunnen volgen. En anderzijds dat onze economische achtergrond – want we hebben geen achtergrond in de sociale sector – ons er heeft toe aangezet om te zeggen van: “Maar wacht eens, we hebben die overtuiging, we hebben dat gevoel.”. Maar er is natuurlijk ook een heel groot aanbod ook in de sociale sector die vooral georiënteerd is rond hulpverlening. (...) Hebben we op een bepaald moment gezegd van: “Goed, als je nu kijkt hoe een complex project wordt aangepakt, dan is dat puur vanuit een rationele benadering net hetzelfde als dat een menselijk conflict kan ontrafeld worden. (...). Omgekeerd, als je – wat voornamelijk gebeurt in de hulpverleningssector – vooral gaat gaan kijken naar de emotionele geladenheid van een zaak, dan geraak je ook natuurlijk ergens geblokkeerd (...). Wij hebben eigenlijk daar de reflex gemaakt van: “God, eigenlijk, als we die twee eens proberen samen te brengen.”. En we hebben ons… Allez, het warm water niet opnieuw uitgevonden. We hebben ons gebaseerd op een succesvol verhaal uit Nederland waar kennissen van mijn medevennoot aan de basis hebben gelegen, in 2003, om op die manier ook in Nederland een dienstverlening op te zetten.”
Chez les membres de familles interrogés, la médiation est notamment valorisée pour son approche globale, en écho semble-t-il de l’approche pluridisciplinaire appréciée par les professionnels. Par exemple : NUM1 : « Je connais très très mal la médiation. J’en entends parler par de amis qui la pratiquent. Moi ce que j’entends de ça, c’est la recherche d’un accord, si je veux parler de la séparation, des modalités concrètes de la séparation avec la possibilité toujours, pour chacun des usagers, des membres du couple, de pouvoir se retirer en tout cas jusqu’à la conclusion, jusqu’à l’accord de l’agrément. Donc, moi j’entends surtout ça dans la
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médiation. Je dirais, ce à quoi ça me fait penser, c’est plutôt à une possibilité de discuter avec des dimensions qu’on n’aborderait pas facilement par exemple chez un notaire. - Pourquoi ? - Parce ce que moi je pressens, les accords qu’on pouvait trouver chez un notaire, comme réglant essentiellement les aspects matériels, patrimoniaux. Tandis que dans la médiation, j’ai l’impression qu’on peut parler aussi d’aspects psychologiques, éducatifs, affectifs et autres. C’est surtout cette dimension-là qu’on retire. »
Mais c’est globalement la volonté d’éviter le conflit ou de le surmonter qui intéresse le plus les usagers. Notons ici que la comparaison avec le traitement judiciaire des problèmes est constante, celui-ci étant perçu comme impropre à apaiser les conflits et les avocats comme des anti-médiateurs. Les comparatifs utilisés dans le discours renvoient tous implicitement au repoussoir de l’univers du procès, de l’audience, des prétoires. Par exemple « plus humain », « moins conflictuel »… Par exemple : UM2: « Et donc, que bon, on a pas des revenus mirobolants, et on s’est dit, bon, si on commence avec des avocats, etc. non seulement il y a ce côté un peu agressif et très législatif, très légiféré du côté avocat. On voulait s’arranger à l’amiable. Parce que bon, on se doutait bien qu’il y avait des choses à arranger. Et finalement, c’est la médiation qui nous a paru la plus adaptée à quelque chose de plus humain. (…), j’ai entendu des situations qui étaient passées par des avocats, et là c’est vraiment à couteaux tirés. Et ça n’a jamais été notre but. On n’avait pas de reproches ni de comptes à régler, d’intérêts à défendre, on voulait vraiment que ça se passe à l’amiable. Et c’est ce côté à l’amiable de la médiation qui nous a attirés. Et qui nous arrangeait bien. Parce que vraiment, et ça s’est confirmé par la suite, il y a des situations vraiment où on défend des intérêts à tout prix. Et tous les coups sont permis. En tout cas dans les situations que j’ai entendues. Et la situation est déjà horrible au point de vue émotionnel et donc rajouter ça en plus, pour nous c’était vraiment affreux. On n’en a jamais vraiment discuté mais c’était vraiment notre perception à tous les deux, voilà. On n’avait rien à défendre ni à attaquer. » UM3 : « Je voulais rester sur le principe de la médiation et qu’on se mette d’accord. Et ça me semblait tout à fait approprié, à la fois l’aspect juridique pour établir une convention et médiateur pour nous mettre d’accord. (…) C’est le père de mes enfants, on a des enfants, ce contact doit être maintenu et je ne voulais pas sombrer dans des histoires moches comme on en entend régulièrement. Coûte que coûte pas de bagarre. » NUM3 : « Moi, a priori je dirais, de façon très extérieure à mon histoire, je trouvais que c’était une démarche favorable. A savoir que c’est vrai qu’on ne divorce jamais dans une paix royale. Il y a l’exception qui confirme la règle. Que tout d’un coup des choses qui se passent mal quand on est ensemble, vont se passer bien au moment où l’on décide de se quitter. Parce qu’il y a plein de choses qui sont en jeu. Des questions d’orgueil, d’amour blessé, de tensions matérielles. Donc au départ j’avais plutôt une optique, ah oui, un tiers qui permet un peu de désamorcer l’agressivité, les tensions. Maintenant l’objectif c’est finalement d’arriver à des accords sous cette forme-là. Je m’attendais pas en fait. En fait, j’ai été très surprise. » UM8 : « Pourquoi se battre, se déchirer alors qu’il est possible de construire un après paisible. Si on avait pu trouver un accord en médiation tout le monde aurait été gagnant. » NUM4 : « Moi, ce que je recherche, c’est l’équilibre. Et je l’ai avec mes ex, comme je l’ai de manière générale. Si je bosse, si je suis en association pour des affaires, je ne cherche pas le dernier carat. Je cherche à ce qui tout le monde y trouve son compte et qu’il y ait un équilibre. Et donc je ne suis pas tellement dans le conflit. Je peux être très conflictuel, dans des situations, je peux être très très conflictuel. Dans des conflits, en général, je suis, dans la surenchère, je ne connais personne qui me bat. Tu vois, au niveau du conflit, personne. J’ai toujours un truc en plus dans l’agressivité. - Et donc, là, ça ne te semblait pas nécessaire parce que c’était pas une position conflictuelle ? - Non, parce que la relation au départ s’est construite sur autre chose. Quand tu es dans une relation conflictuelle, c’est parce que ça se construit dès le départ sur du conflit. Donc, si c’est comme ça, allons-y quoi. Et je trouve ça même plutôt sportif. Mais là, le creuset de la relation, c’est l’amour. C’est quand même la proximité, la fusion. La tendresse des échanges, l’exclusivité. Et à partir de ce creuset-là, se dire, tiens maintenant on va être dans un rapport de guerre et considérer qu’on a tout faux tous les deux, j’ai un peu de mal. Je trouve que c’est une façon de se nier soi, en fait. - Mais au-delà des situations que toi tu as vécues, si tu es confronté à l’histoire de quelqu’un qui t’est proche, qui vit un conflit, est-ce que le recours à la médiation te semblerait une bonne idée ? - Oui, parce dans une situation qui est une situation de blocage, où il y a du mépris mutuel. Et même plus que ça. - Tu parles de ta compagne actuelle ? - Ouais. Et je trouve ça problématique. D’abord parce que c’est un cancer pour l’un et pour l’autre, en tout cas pour l’un.»
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Cette dame, qui est juriste elle-même, souligne l’intérêt de la médiation pour rationaliser et pour simplifier le traitement des conflits : GB1 : “ Wel, omdat, als er een conflict is, dan heb je daarvoor een dialoog nodig, om uit dat conflict te geraken. En als je die dialoog zelf in de rechtbank moet voeren of door middel van een procedure moet beslechten, van: “Ik zeg nu dit en nu wacht ik veertien dagen op uw antwoord en dan nog een keer het kind nog veertien dagen voor mijn repliek en ik geef nog een tegeneis en nog een eis…”. Ik ben zelf juriste, ik weet wel een beetje hoe dat dat gaat. Dat is, denk ik, de zaken nodeloos bemoeilijken, soms. Terwijl, als je gewoon zegt van: “Voila, nu nemen wij… Dit uur gaat rechtstreeks naar die dialoog die hier nodig is om die en die en die punten uit te klaren. Want de rest is duidelijk.”, of: “De rest, dat moeten we nu niet doen.”. Zo een beetje een… Toegespitst op… Dan gaat dat veel, veel rapper vooruit. En je houdt het overzicht op uw zaak Neen, als dat zo de klassieke weg gaat, zoals het nu vaak loopt in familiale geschillen, ja, dat sleept eindeloos aan. Er wordt ongelofelijk gecompliceerd. Het zijn goede stappen dat ze ondernemen, Wathelet en Declerck, voor die zaken te vereenvoudigen. (...) En daar gaat ook heel veel manuren en dus ook geld naartoe dat de mensen uiteindelijk beter kunnen gebruiken.”
La médiation est parfois perçue comme une alternative à la justice non seulement parce qu’elle vise à surmonter le conflit mais aussi parce qu’elle donne une parole, un rôle, une place aux personnes concernées. Cette volonté d’être considéré comme un acteur fait écho au souci des médiateurs de responsabiliser les usagers : NUM2 : « Puis une première audience. J’étais présent pour la première audience. Les deux avocats étaient là. Et tout s’est passé entre les avocats et la juge. Moi j’étais présent, devant, et je n’ai pas eu le droit à la parole. Et la deuxième audience, je n’ai pas eu droit à la parole non plus. Donc tout s’est passé hors de mon expression. - Et quand tu dis qu’au cours de ces audiences, toi tu n’avais rien à dire. Tu le vivais mal ? - Oui, tout à fait. Son avocate a menti au tribunal mais je n’ai pas pu le dire comme ça. Comme on disait dans les conclusions, au tribunal elle a encore avancé des conclusions qui étaient totalement fausses. Je n’ai pas pu l’exprimer. Et donc effectivement, je l’ai vécu très mal. C’est l’impression d’une justice qui passe audessus. - Au-dessus des gens ? - Et physiquement, moi j’étais devant et les avocats étaient derrière. Et tout se passait... - Et c’est un peu pour ça que tu aurais souhaité une solution négociée ? - Moi, j’aurais voulu dès le départ une solution négociée pour éviter le processus judiciaire. Parce que ça n’amène rien, ça ne fait que crisper les choses. (…)Tout ce qui peut se passer hors de la sphère judiciaire, moi, est totalement favorable. Parce que simplement rentrer dans une procédure judiciaire fige les comportements, et raidit les comportements par le jeu de certains avocats. Il y a des avocats conciliants et il y en a d’autres pas du tout. » UM7 : « Moi, ce qui m’aurait vraiment déplu c’est qu’un jour on m’impose un mode d’hébergement de mes filles, ou un mode de m’occuper de mes filles sans que j’aie mon mot à dire. Donc il faut trouver un système. Mais apparemment c’est la seule manière dans la structure actuelle de la société de faire pour pouvoir avancer. Il fallait pouvoir rediscuter ensemble. »
Cette valorisation de la responsabilité s’exprime quelquefois de façon plus virile : NUM6 : « Et puis qu’ils prennent conscience que passer par le tribunal ça ne va rien leur apporter, ils vont dépenser un fric bête pour de toute façon ne pas être satisfaits de la décision donc autant se mettre autour d’une table, vider l’abcès et puis décider ensemble de ce qui leur convient à eux et aux enfants… Faut être adulte ! Voilà et je pense que le boulot du médiateur c’est ça, les aider à devenir adulte ! »
Enfin, le souci des enfants est parfois évoqué comme motivation pour la médiation : NUM4 : « Et je trouve que ce type de conflit a des effets sur des enfants qui est dévastateur, parce qu’on les oblige à se positionner par rapport à l’un ou par rapport à l’autre. Même si c’est pas la logique voulue. On ne leur demande pas de se positionner mais implicitement ils sont écartelés. Et donc eux ils sont dans la souffrance. Et donc je trouve que dans des situations pareilles, il faut se dire, si on ne le fait pas pour nous, on le fait pour eux. Et si on n’y parvient pas tout seul, il faut se faire accompagner. Je trouve que c’est une fonction utile. Dans des situations comme ça, oui. » UM10 : « Quand j’ai entamé la médiation je me suis dit : « tout le travail que je fais maintenant c’est le travail que mon fils ne devra pas faire », parce que nos enfants ont autre chose à faire que de se choper nos failles donc il faut vraiment éviter que nos enfants doivent s’en charger. »
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GB2 : « De bemiddeling was voor mij enkel in functie van de kinderen. Inzet: de verdediging van de kinderen. Allez, verdediging niet van de kinderen maar van het hoederecht. Maar anderzijds ook de begeleiding van de kinderen als ouders.”
1.2.2. Réticences et refus Les réticences à la médiation, à l’inverse des principes d’adhésion, sont souvent formulées en termes de refus de sortir du conflit ou même, de besoin de conflit. Ce sont surtout les professionnels qui en font le constat. Par exemple : J1 : « Il y a des gens engagés dans le conflit en permanence, qu’on voit revenir avec la saisine permanente du tribunal et qui ne veulent pas aller en médiation. Ils aiment bien se disputer et ils aiment bien que le juge décide. Et si possible, ils aiment aussi ne pas respecter la décision du juge après. Ça c’est une dynamique. » P2 : « C’est une bataille, c’est leur raison de vivre. Ça devient leur raison de vivre, ça devient de la fierté, de l’ego. Parce que parfois, ils n’ont rien à y gagner. Ils ne se bataillent pas pour de l’argent, ce sont des gens qui ont des moyens normaux. Ils ne se bataillent pas pour une garde qui serait néfaste à l’enfant. C’est vraiment leur cheval de bataille. J’observe qu’il y a pas mal de gens qui préfèrent vivre dans le conflit plutôt que de ne pas exister… dans la vie de l’autre. C’est le seul moyen qui leur reste de garder le lien. » NUM3 : « Parce que l’avocate que j’avais prise est dans un cabinet où il y a des avocats médiateurs. Et donc elle m’avait conseillé des adresses. Et bon, par rapport à ça, il y a eu un accord pour aller une première fois. Mais c’est vrai que j’étais un peu pessimiste. Je ne suis pas partie en disant que ça allait... je sais bien que j’y suis allée mais, c’était tellement dans l’hostilité, dans la difficulté que je ne suis pas partie en disant... alors là c’est peut-être aussi mon a priori qui a joué. »
Cette médiatrice-psychologue souligne l’influence possible des tiers dans le climat conflictuel: PS1: “En natuurlijk, als jij dan in een situatie zit waarin jij – er kan van alles gebeurd zijn – waarin jij ofwel juist te weten gekomen bent dat uw man eigenlijk al vijf maanden een ander heeft – of uw vrouw – en dan er een echtscheiding gaat gebeuren en je gaat dan naar je moeder en je moeder zegt: “Godverdomme, de smeerlap! We zullen hem pakken!”, ja, dan denk je niet zo van: “Zou ik misschien naar een bemiddelaar gaan waar we het vriendelijk kunnen oplossen.”
Non seulement certaines personnes « aiment le conflit » mais aussi elles veulent qu’on « tranche pour eux », elles refusent de décider par elles-mêmes : A2 : « Oui mais ces gens-là refusent la médiation, ils ne veulent pas entendre parler de la médiation, ils veulent que quelqu’un d’autre tranche pour eux. Moi en tant qu’avocat je vois des gens à qui j’ai proposé la médiation et qui me disent non ça ne sert à rien, je ne veux pas me mettre autour d’une table, je veux que quelqu’un décide pour nous. Certains aiment le conflit ça c’est certain il y en a qui aiment le conflit. Donc il y en a qui veulent le conflit ça c’est vrai, il y en a d’autres qui ne veulent pas prendre la responsabilité, c’est plus facile : vous déciderez moi je ne veux pas. (…) il y a des gens qui ne veulent pas de la médiation parce qu’ils veulent que quelqu’un d’autre tranche, c’est plus facile, on ne prend pas ses responsabilités ? C’est toujours la mentalité mais qui est la mentalité de notre société à l’heure actuelle d’assistanat. »
Toujours dans le registre du conflit, mais aussi dans celui de la souffrance, la présence de l’autre est aussi perçue comme un obstacle et une difficulté majeure. Ce constat est fait aussi bien par les professionnels que par les usagers : A3 : « Quelqu’un qui est dans la douleur, lui parler de médiation ce n’est pas évident du tout. » J1 : « Les réticences ? Eh bien c’est l’autre, c’est l’autre partie. Donc c’est le fait d’aller en médiation avec l’autre conjoint. Avec l’autre qui est soit manipulateur, soit pleurnichard, soit vindicatif. En gros, l’autre est parfois quand même un obstacle. C’est vrai que si vous avez un des parents qui est « manipulateur », c’est celui qui va dire le plus vite « oui » au juge. Mais oui, une médiation pourquoi pas. Mais il va la torpiller assez vite. L’autre le sait. Donc l’autre va dire non. » M3 : « Et c’est le plus difficile pour les gens, d’accepter de se retrouver avec la personne avec qui on a un grave conflit dans une même pièce, en en parlant à un tiers de confiance qu’on nous a dit, qui nous a été renseigné comme tel, indépendant et neutre. » A2 : « D’autres ne veulent plus se retrouver en face de l’autre, il ne faut quand même pas oublier que ces gens viennent parce qu’ils sont dans un conflit et qu’ils ne peuvent plus encadrer l’autre puisqu’ils veulent se
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séparer, ils veulent divorcer. Parce que quand on dit pourquoi il y a aussi peu de médiations familiales il ne faut quand même pas oublier que l’on demande à des gens de se mettre autour d’une table alors qu’ils vivent un conflit sur le plan des sentiments, sur le plan humain qui n’est pas évident du tout. Donc ce n’est pas facile de dire à ces gens-là, bon maintenant vous vous mettez autour d’une table et vous trouvez une solution, il y en a, mais il y en a qui sont trop blessés pour pouvoir le faire. » UM9 : « On a essayé de se retrouver devant une psychologue mais maintenant je n’y aurais pas pensé puisque c’est une bagarre à bâtons rompus. Allez, je la vois, je la salue, elle n’est même pas capable de me dire bonjour et on va se retrouver tous les deux devant un médiateur, un assistant social ou un psychologue alors qu’elle ne me dit même pas bonjour ! » B2 : “Onlangs belde mij een man voor een afspraak van… Omwille van het feit dat hij door zijn advocaat was doorverwezen. Door de twee advocaten. En de advocaten hadden gevraagd: “Wil jij de mensen uitnodigen voor een bemiddeling?”. En ik had dat gedaan en die man belt mij en die zegt: “Ik wil komen maar alleen maar om te tekenen want voor de rest wil ik daar helemaal geen woord zeggen want ik wil met dat mens niet praten.”. (...) Als de mensen geen openheid hebben om uit een conflict te willen geraken op die manier, dan geraak jij daar ook niet uit. (...) En wat ik dan soms dan wel doe, is, als ze echt niet anders willen, is ze elk een keer apart zien. Maar met duidelijk de voorwaarde van: “Alles wat hier gezegd wordt mag ik ook tegen de andere zeggen. Dus geen geheimen die ik wil delen. En het is niet de bedoeling dat ik uw partij kies. Maar dat ik gewoon aan u dan is kan uitleggen van wat dat bemiddeling is, wat dat dat betekent en wat je van mij kan verwachten en van de andere.”. Omdat sommigen ook wel bang zijn van: “Ja die heeft altijd geroepen en ik ga daar niet…”
Une des sources de réticences tient à la réserve, à la pudeur de dévoiler des questions douloureuses et intimes et à la fatigue de se raconter, une fois de plus, de « se déballer » encore et encore : P3 : « Ce n’est pas toujours facile, parce que les gens je les comprends, ils ont déjà déballé leur trucs. Aller le raconter encore à quelqu’un d’autre ce n’est pas facile. » M6 : « (…) ma sœur, que je n’ai pas réussi à convaincre d’aller en médiation et qui est passée par le tribunal, qui a peur de la médiation de peur de devoir redéballer tout ca. Parce qu’elle ne veut pas aborder l’histoire du passé, elle veut aborder le présent point. » J2 : « Une fois qu’on a passé un an à tout déballer, les gens en on marre… » UM1 : « - Et les réticences au départ, elles tenaient à quoi ? - Au fait qu’on allait déballer devant quelqu’un d’autre ce qui est de l’ordre du privé et qui était nos grosses difficultés et nos grosses hontes. Parce que c’est honteux de ne pas s’entendre. » NUM3 : « C’est une situation où on redéballe encore ses affaires. Encore une fois de plus. On l’a déjà sûrement dit à son entourage. On l’a dit à l’avocat. Les enfants. On a dit des choses. Bref, c’est le sujet. Et on va devoir encore raconter. Et on va revenir sur les mêmes sujets. Même si c’est une autre optique, c’est toujours au démarrage les mêmes choses qu’on déballe. »
Certaines personnes interrogées identifient clairement la réticence à la médiation comme l’expression d’un refus de toute intervention dans le registre psychologique : N1 : « Et par ailleurs, j’ai assez souvent ressenti des réticences parce que chez une partie du public, vous le savez sans doute mieux que moi, il y a encore une espèce d’appréhension pour tout ce qui est, pour le dire vulgairement, psy. Donc les gens confondent, semble-t-il, le médiateur, le conseiller conjugal, ou le thérapeute, etc. (…) Il y a une espèce de réflexe anti-psy qui me paraît certainement exister. » NUM1 : « C’est vraiment une impression, un parti pris. Parce qu’au fond je ne connais pas le processus. Il y a une chose qui me gêne c’est que j’ai l’impression qu’entrer en médiation c’est un peu entrer dans un processus d’accompagnement psychologique ou thérapeutique. Tu sais quand tu entres, mais tu ne sais pas quand tu sors. Et donc cette impression-là me gêne. Je n’ai en tout cas pas envie pour moi, je ne parlerai pas des autres, d’entrer dans un processus où je ne sais pas où il m’amène. Donc là-dedans vont surgir pas seulement des modalités pratiques mais tout le fatras de la relation dont tu n’as peut-être plus envie de parler. Et donc moi ça m’est déjà arrivé de conseiller à des amis, allez voir un tiers, qu’ils puissent entendre les deux parties, faire des propositions, mais j’ai jamais prononcé le mot médiation. » UM5 : « - Et lui, qu’est-ce qui le rebutait dans la médiation ? - Ah, tout ce qui est psychologue et autres, il en est contre parce que c’est un manipulateur et que forcément, il risque d’être pris au piège et... voilà. »
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NO2 : “Ik denk dat een Belg, wat dat betreft… Dat dat een mentaliteit van een Belg is om zo gemakkelijk zijn ziel bloot te geven. Dat zal zeker zijn nut kunnen hebben. Dat zal zeker oplossingen kunnen bieden maar ik denk dat veel mensen daar niet toe bereid zijn.”
En outre, la médiation est entourée d’un certain flou : le rôle du médiateur n’est pas toujours identifié et la démarche est insécurisante parce qu’elle rompt avec les habitudes. Par exemple : N1 : « Les gens n’ont encore pas tout à fait le réflexe qu’il faut aller s’expliquer à quelqu’un dont... Ils voient bien à quoi sert un notaire ou un avocat mais ils ne voient pas nécessairement à quoi sert un médiateur. - Il y a une confusion sur le rôle ? - Ça, je pense. » M4 : « C’est un mode de résolution de conflits que les gens n’ont pas l’habitude d’utiliser mais qui est effrayant. On leur dit, « on ne va pas trancher pour vous, on ne va pas prendre parti », donc c’est très insécurisant. Ils ont peur de perdre. (…) Imaginer qu’ils sont capables eux-mêmes de trouver la solution, ça les surprend très fort. »
Le coût de la médiation est aussi identifié comme obstacle. Par exemple : J3 : « Il y a le coût je crois qui rebute beaucoup de personnes. J’ai des avocats qui me disent oui mais ça coûte autant de l’heure, 70€ je crois. C’est vrai qu’ils peuvent avoir l’assistance judiciaire mais il faut qu’ils remplissent les conditions pour pouvoir en bénéficier. » GB1: “Dus ik vind, als het verplicht zou zijn, moet dat ergens een dienstverlening zijn of aan een zeer fair tarief aangeboden worden. Dat kan via Justitiehuizen (…) Ja, dat was verschrikkelijk duur (...) Dat was één van de redenen dat we toch maar snel een akkoord bereikt hebben, van: “Dit kunnen we niet blijven verder doen.” B2 : « Mensen kijken nog wel op hun geld. Allez, ik merk toch ook wel, sinds de economische crisis, dat mensen gelijk (…) Gelijk, als ze hier komen voor een echtscheiding met onderlinge toestemming. Als ze een huis hebben moet ik ze nog altijd naar de notaris sturen. De notariskost is een vaste kost van duizend à duizend tweehonderd euro. Of dat dat nu alleen over het huis gaat of over de volledige akte. Als mensen dan in bemiddeling komen over… Allez, ik vraag hen dan ook meestal of dat er discussies zijn rond het huis en de goederen. Als die er niet zijn dan zeg ik hen: “Doe het dan bij de notaris, dat is toch betaald in die duizend euro.”. Maar als ze dan voor de kinderen, bijvoorbeeld, hier komen of dat ik denk dat dat een meerwaarde is, dan moeten zij wel extra betalen. »
Une dame ayant refusé une médiation exprime bien le coût et surtout l’énergie nécessaire pour ce qui est à ses yeux une démarche non substitutive mais supplémentaire : NUM3 : « Quand il y a un divorce, on est submergé de questions. A savoir, maintenir la vie quotidienne malgré toute la déroute que ça provoque. Soutenir ses enfants ou être présent et essayer par rapport aux enfants d’avoir une relation semblable dans la difficulté. Tu vois ce que je veux dire ? Les questions d’avocat, les discussions avec le futur ex, le climat de tensions... qui prend énormément d’énergie, qui prend toute l’énergie. Tout bascule. Donc, ce serait rajouter une démarche volontaire dans tout un déroulement qui submerge je trouve. Qui te prend 24h/24. Et qui est incontournable celui-là. Les enfants, tu ne peux pas dire, ben plus tard, le boulot il t’attend, les avocats sont là, les discussions avec l’autre sont inévitables. Parce que ça, c’est inévitable. Le maintien d’une vie quand même... Et donc c’est une démarche supplémentaire, volontaire et payante. Et un divorce, ça coûte déjà extrêmement cher. »
1.3.
Les évaluations fondées sur l’expérience 1.3.1. Le poids relatif des accords dans les critères d’évaluation
Les professionnels sont quasi unanimes : la qualité d’une médiation ne se mesure pas à l’existence ou même à la qualité des accords. Les critères de réussite sont davantage relationnels ou communicationnels. Par exemple : A1 : « D’abord il faut savoir s’entendre ce que ça veut dire réussir ou rater. Après de multiples médiations pour nous, c’est pas parce qu’il y a un accord que la médiation est réussie. Et donc l’inverse c’est pas parce qu’il n’y a pas d’accord qu’elle est ratée. (…) Même si la médiation n’aboutit pas à un accord, s’il y a un
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espace de dialogue qui est mis en place ça permet aux gens de continuer à discuter. Finalement les accords écrits... » M2 : « C’est pas si on ne signe pas un accord que ça n’a pas été d’office satisfaisant. C’est pas parce qu’on signe l’accord que d’office tout a été satisfaisant. » M3 : « Le médiateur est vraiment le tiers interlocuteur, neutre, indépendant, qui aura deux missions : un, être le garant du respect d’un cadre dans le processus, la médiation est un processus de rétablissement du dialogue. Et le deuxième point, c’est de rétablir le dialogue et le cas échéant, obtenir des accords très concrets sur des questions que les parties amènent en médiation. - Le cas échéant, ça veut dire que ce n’est peut-être pas l’essentiel ? - Non, oui, pour les parties, c’est l’essentiel. Mais je crois que la médiation, il faut avoir l’humilité de se dire que les accords peuvent se dégager soit au sein de la médiation, soit plus tard. Mais l’objectif c’est de donner, de re-cadrer, donner un cadrage différent du conflit aux parties. De pouvoir essayer vraiment de se comprendre à nouveau, de se re-comprendre. Pouvoir re-dialoguer. Et une fois que ce dialogue est amorcé, peut-être que l’accord se fera en médiation mais peut-être qu’il se fera en dehors de la médiation. » M4 : « Et l’objectif chez nous c’est pas tellement de faire des accords bien ficelés techniquement, ça on va laisser aux avocats, aux notaires, mais c’est de faire en sorte qu’il y ait suffisamment de communication et la création d’une relation suffisamment efficace et efficiente pour que l’accord que les personnes trouvent puisse être adapté au fur et à mesure. On peut leur trouver un accord. C’est facile. Vous voulez une garde alternée aujourd’hui, ok, garde alternée. Et dans deux ans, un des deux enfants, l’horaire a changé à l’école, il veut changer d’école et vu que les parents ne savent pas se parler, ils ne savent pas trouver de solution. Donc ça n’a aucun intérêt. L’idée c’est pas de donner un poisson, c’est d’apprendre à pêcher. » M5 : « Mais je dirais qu’il y a deux grands courants dans le type de pratique de médiation, c’est que l’un va avoir comme objectif d’aboutir à un résultat, et donc un accord écrit. Et l’autre peut-être travailler sur le relationnel et la dynamique qui s’installe entre les personnes. Alors moi je vous dirais que je privilégie plutôt la relation. Et parfois, nous n’aboutissons pas nécessairement à un accord écrit mais ce n’est pas pour ça que la médiation n’a pas réussi, parce que les gens sont capables de se parler et de trouver eux-mêmes les accords qui sont nécessités par l’évolution de la vie. Et donc, je trouve plus intéressant en tout cas, cette démarche-là, que d’avoir un accord écrit qui ne tient pas la route. » J2 : « L’accord n’est pas important. Le plus important c’est que les gens puissent exprimer leur point de vue et considérer que l’autre a une part de vérité. » B2 : “Maar, ik denk dat elke bemiddeling geslaagd is als mensen… Allez, gewoon als je tot een overeenkomst komt maar dat is zelfs niet het meest essentiële maar dat mensen, als ze hier buiten komen ten minste van elkaar weten wat hun behoeften zijn en daar ook rekening nog mee houden, ondanks het feit dat ze gescheiden zijn. En dat ik weet van als die een conflict hebben, dat die daarover gaan praten en gaan proberen van er samen een oplossing aan te zoeken. Dan vind ik dat geslaagd. Als dat mensen zijn die, als die hier buiten komen, blijven ruzie maken en binnen de kortste keren naar de jeugdrechter gaan stappen, dan vind ik een bemiddeling mislukt. Al heb ik misschien in eerste instantie een akkoord.” B3 : “ Dat je voelt dat mensen terug naar elkaar hebben leren luisteren. Terug, ja, rekening houden met elkaar. Rekening houden met het standpunt. Begrip hebben voor elkaar, dus ook dat empathisch vermogen naar elkaar terug hebben weten op te bouwen.”
Pour certains en revanche, la conclusion d’un accord est un signe de réussite, mais celle-ci ne se réduit pas à la présence ou à la qualité de l’accord : M2 : « C’est quand on parvient à mettre les gens autour de la table et qu’on trouve des accords, que chacun retrouve sa place de père et de mère, qu’on parvienne à trouver un accord qui tient bien la route au niveau des enfants, on a bien brainstormé. Et là on se dit, c’est chouette on a pu remplir un rôle. Et on leur dit, voilà, la médiation c’est couper les cheveux en 4, comment vous allez faire pour les réunions de parents. Vous allez seul ou pas ? Et les gens disent « ah, c’est vrai, on avait oublié de penser à ça ». Ou on ouvre les options par rapport à un achat de maison. On se dit, on a pu ajouter un peu de créativité. » N1: « Un exemple suffisamment récent où j’ai donc finalement acté les conditions d’un divorce par consentement mutuel, j’ai effectivement envoyé les gens en médiation, ça a abouti à un accord alors qu’au départ ils étaient quand même très très opposés sur des questions. (…) Je les ai envoyés en médiation, ça a duré longtemps, et finalement ils sont arrivés à un accord, ce qui me fait dire que c’était une médiation réussie. Ceci dit, est-ce que c’est une médiation heureuse ? C’est ma petite idée personnelle, pas d’angélisme, les gens quand ils sortent de la médiation, malgré tout ils ont terminé une affaire qui marchait mal et ils sont peut-être heureux d’en avoir terminé sans se disputer devant le tribunal mais ils ont quand même toujours l’impression que c’est eux qui ont fait les concessions et pas l’autre. »
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1.3.2. Expériences positives de la médiation et des médiateurs Les évaluations positives de la médiation se fondent souvent sur sa capacité à apaiser des conflits ainsi qu’à maintenir ou restaurer un lien entre des membres d’un couple ou d’une famille. Par exemple un juge met en évidence la pacification intervenue entre deux parents à propos de la garde de leur fille et se félicite du maintien de relations entre la fille et son père : J1 : « La maman vient d’un refus de droit pur et simple. Et elle arrive à dire que sa fille trouve du profit. Tout autour, la mère n’est pas très mécontente avec tout ce qui se passe, et le père non plus. Il y a quand même une haine bien apaisée entre eux. Et cette fille qui a quand même un âge assez crucial, elle n’a pas perdu son père. »
D’autres témoignages soutiennent encore l’affirmation des vertus pacificatrices de la médiation : P1 : « Je dirais le côté positif de la médiation, c’est quand même à arriver à dédramatiser certaines situations qui pourraient vraiment partir en vrille et qui pourraient passer à des passages à l’acte, que ce soit à des passages à l’acte violent, que ça soit des passages à l’acte de non-respect, d’un qui capte tout l’avoir de la famille. Des choses comme ça. Je pense que ça permet quand même de ( ?) dédramatiser pas mal de situations et d’arriver à ce qu’on temporise et qu’ ( ?) on devienne un peu des adultes responsables et pas des ennemis. Juste dans la guerre amoureuse quoi. » M4 : « Monsieur voulait absolument une garde alternée. Madame ne voulait absolument pas en entendre parler. Et maintenant, ils arrivent à se rendre des services. Quand madame va au travail tard, c’est monsieur qui va chercher la petite. Et on a toujours pas fait d’accord avec eux. Donc ça traîne. Le tribunal... Il n’y a rien. C’est toujours garde principale chez madame. Et tous les trois, quatre mois on téléphone, ça va ? oui, oui. Et de temps en temps ils reviennent. Et ils s’organisent. - Ils parviennent à s’arranger. - Ce qui est magnifique évidemment. » P2 : « Il y a un couple pour qui cela a bien fonctionné, mais aussi à la base il n’y avait pas vraiment de…. J’ai l’impression qu’à la base c’est souvent des faux conflits. Les gens discutent sur les choses qui ne sont pas des choses de fond. Et lorsqu’on creuse sur le fond, ils sont généralement d’accord. Les tensions se sont estompées, cela a vraiment été bénéfique pour eux. » AD2 : “Ik heb dan eigenlijk bemiddeld tot echt alles, alles op punt stond, dat overgemaakt aan de notaris die dan de akte heeft opgesteld (...) Daar toch ook tegen de eerste zomervakantie waren daar dan toch ook al onduidelijkheden nog. Allez, dat je denkt: “Ja, dat was misschien dan, allez, op dat ogenblik wel allemaal heel duidelijk.” maar dat de situatie dan toch al een beetje verandert en… Het was daar toch ook al terug gekibbel maar uiteindelijk, allez, heb ik dan de, allez, neutrale interpretatie gegeven of wat er bedoeld was met een bepaald zinnetje en dan, allez, zijn ze er toch terug uitgeraakt.” UM3 : « Et donc ça a permis d’avoir une séparation qui était la plus sereine possible. Ça nous a permis de ne pas se disputer pour des choses, j’aurais pas admis qu’on se soit disputés pour des questions d’argent ou qu’on ait pris à témoin les enfants. Et qu’on utilise les enfants. En tout cas ça nous a aidé à ne pas nous servir des enfants, à ne pas avoir de disputes glauques dont on n’est pas fiers après. Et à établir les bases qui fonctionnent encore actuellement. » PS1 : “Als je met twee zit te discussiëren en je praat gewoon naast elkaar door en een derde zegt van: “Mag ik u even onderbreken, kan u even zeggen wat mevrouw gezegd heeft?”, of: “…wat meneer gezegd heeft?”. Dat moet die mevrouw bij haar thuis niet proberen: “Mag ik u even onderbreken?”, want op dat moment zal dat niet lukken. Maar een derde kan dat wel. Dus die kan eigenlijk wat rust brengen in het gesprek ook.” UM11 : « Je ne dirais pas que ce fut une perte de temps, ça m’a permis de me rendre vraiment compte de qui j’avais en face de moi. La médiation a un avantage c’est que ça nous a permis d’avoir des conversations sans que cela ne tourne au vinaigre. Il y avait un médiateur pour recadrer la conversation et la replacer dans son contexte et d’éviter les mauvaise interprétations. » R1 : “Ah, de grote meerwaarde is dat de partijen volledig zelf tot een akkoord… Een akkoord uitwerken waar dat ze honderd procent achter staan. Terwijl, als het dossier gepleit wordt en de rechter moet zelf een vonnis maken, dat vonnis zal nooit honderd procent gedragen worden door partijen. Er zal altijd wel op één of ander
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punt een veroordeling zijn of een deeltje zijn van het vonnis waar dat ze zich niet kunnen in vinden. Waardoor dat eigenlijk… Ze blijven… R2 : …een eigen rol spelen. R1 : En de verhouding van gelijk en ongelijk zitten. Terwijl, als ze naar een bemiddelaar gaan en er wordt daar een akkoord gerealiseerd, dan staan beide partijen honderd procent achter dat akkoord en dan is een einde aan het geschil gekomen. R2 : Ik denk ook dat er een totale depolarisatie komt met de echte advocaten en beleven de mensen dat nog als een tegen elkaar opbotsen en proberen elk zijn gelijk zo goed mogelijk te hebben. Ik denk, als je dan de mens naar de bemiddelaar kan sturen, dat die dat op een heel andere manier ziet. Die plaatst het in een andere context, niet vanuit elk heeft zijn rechten en elk heeft zijn plichten maar laat ons hier los van uw rechten en plichten iets proberen samen op te bouwen. Dus eigenlijk, een bemiddelaar is meer… En met alle respect. Advocaten hebben ook de neiging – en dat is normaal – “Wat zijn de rechten? Wat moet ik hier accentueren om het gelijk te halen?”. Terwijl een bemiddelaar heeft eigenlijk daar geen… Moet zich daar niets van aantrekken, wie dat er nu gelijk of ongelijk heeft en dat is waarschijnlijk wel vooral met kinderen. U hebt het vooral over de ouderschapsbemiddeling, dat dat zo gevoelig ligt dat men er eigenlijk niet uit geraakt want, strikt juridisch, heeft men toch recht beiden op de helft maar er zijn zo veel factoren die die geldpremie (sic.) doorklieven en dan heeft men met een bemiddelaar, volgens mij, een veel betere gesprekspartner. Want met die advocaten waarbij dat blijft een polarisatie. Dus eigenlijk een beetje depolariseren, een beetje ontjuridissen. In feite, ja, het is tegen onze eigen…”
Néanmoins, d’autres vont chez le médiateur pour obtenir des accords et un traitement de conflit clairement délimités : GB1 : “ - Maar dus er was geen akkoord nodig over onroerend goed of zo? Dat was niet het geval? - Wel, wij hadden… Dat was misschien het geval in het hoofd van mijn ex, maar op zich, ook omdat wij niet getrouwd waren, vond ik niet dat wij daar een akkoord over moesten hebben. Wat dat wel moest was de regeling van ons kind duidelijk, helder maken. Dus ik zocht ook hulp bij die bemiddelaar om het alleen daar rond te houden. En dan naar Gino toe iets te hebben van: “Kijk, de rest komt later. Of wil jij mij daarvoor voor de rechter trekken? Doe maar. Maar eerst moeten we nu dit doen zodanig dat we verder… Dat we weten hoe dat we dit nu gaan aanpakken, wanneer dat ons kind wie ziet en dergelijke.”. (...)voor het kind.”, ja, “en de rest, dat zien we dan wel, wat we daarmee doen. Maar nu doen we een bemiddeling voor de regeling van het kind en alleen daarover.”
La médiation est aussi valorisée parce qu’elle permet un travail de reconnaissance de la personne dans sa souffrance ou plus simplement dans son rôle au sein du couple ou de la famille : M1 : « Elle a pu tout d’un coup être reconnue comme une mère qui avait pu au contraire protéger son enfant à un moment où il était vraiment en danger. Ça a permis à ce moment-là de tout changer aussi. Elle a pu à ce moment-là, parce qu’elle a été reconnue là-dedans, d’abord on a pu discuter de c’est quoi les critères d’un risque d’enlèvement. Et elle a pu reconnaître que ce type, si quelques années avant il était sur le point effectivement d’enlever son enfant, aujourd’hui tout avait changé. Parce qu’il s’était remarié en Belgique, il avait un boulot alors qu’il n’en avait pas avant. Un ensemble de critères qui faisait qu’elle n’avait plus à s’inquiéter autant de ça. Et puis elle a pu entendre combien pour lui c’était important pour son honneur de pouvoir montrer sa fille à sa famille là-bas, etc. Et alors ce qui était intéressant pour moi, ça m’a beaucoup appris aussi, c’est que finalement elle a refusé de donner son accord. Et donc pour moi c’était un moment-clé dans ma manière d’être médiateur. Plutôt que d’être un intervenant de plus, qui aurait dit ok Madame, de nouveau votre... En plus elle avait exprimé que si elle était tellement inquiète, c’était pour des histoires d’enfance personnelle à elle, ça y est, vous retombez dans votre pathologie... je lui ai dit, ok, voilà, je comprends, je constate que pour vous c’est très important de continuer à dire non et de ne pas prendre la décision même si on sait que le juge va prendre une décision de condamner et que je sais aussi que vous allez mieux l’accepter qu’avant. Mais néanmoins c’est important pour vous de résister jusqu’au bout et donc vous allez retourner au tribunal, le juge va vous condamner et prendre la décision pour vous. » M7 : « Qu’est-ce qui fait que ça réussit ? Je pense qu’il y a la reconnaissance de chacun. Que chacun se sente toujours bien reconnu dans ce qu’il vit. Ça pour moi c’est la base de tout. Parce que si on ne passe pas par là, la personne reste calée, et revendique d’être reconnue dans quelque chose. Et tant que c’est pas fait, il n’y a rien qui avance. Ça c’est une première chose. Et je dirais que parfois ça suffit. Moi je suis très adepte de quelque chose de très dénudé dans l’intervention. De très très, comment est-ce qu’on dit ça ? – Minimaliste. – Voilà. Exactement. D’extrêmement minimaliste. »
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UM5 : « ça m’a apporté que j’ai été très soutenue par elles deux au départ. Elles m’ont reconnue toutes les deux comme étant une victime. Alors que ça c’était très très dur au départ. C’est très difficile d’admettre ce genre de choses. Et j’ai été reconnue en tant que telle mais sans aucun jugement. Et ça c’était vraiment bien. »
Une avocate pratiquant la médiation ajoute que cette démarche permet aux membres d’un couple séparé de retrouver leur individualité : A1 : « Ce qui est important dans la médiation me semble-t-il c’est que d’abord les gens ont pu reprendre un minimum d’individualité, au sein d’un couple. C’est quand même très fréquent que les gens collent l’un à l’autre. Et l’intérêt de la médiation c’est que chacun peut vraiment se séparer de l’autre et avoir une identité propre. Qu’ils n’ont plus au moment du conflit et au moment du couple. Le couple fait qu’ils ont partagé beaucoup de choses. Le couple n’est plus là donc il y a une partie d’eux qui n’est plus là. Et donc voilà. Tu as l’impression que probablement le conflit permet à ce couple de continuer à vivre. Et donc ça c’est un des effets de la médiation, c’est de permettre aux gens de pouvoir rester debout même s’ils sont séparés.
Enfin plusieurs témoignages mesurent la réussite d’une médiation au changement intervenu : les positions ont bougé, les personnes ont appris à penser autrement. Par exemple : M3 : « Et ils sont repartis sans accord. Et ils ne sont toujours pas revenus. Je n’ai toujours pas eu de nouvelles comme quoi l’accord aurait échoué. Et donc ça ne durera peut-être qu’un temps. Mais c’est ce temps qui est nécessaire pour l’un et l’autre de se dire, voilà, on verra dans quelques années si ça se passe bien ou non. Ils avaient vraiment, était-ce vrai, on en sait rien, l’intérêt de l’enfant qui devait primer. (…) Et on a vraiment vu dans cette médiation qui a été très difficile, les gens partaient en claquant la porte, ils ont réussi à faire, ils ont bougé leur position, ils ont trouvé des intérêts. Ils ont pu conclure quelque chose, un accord autour d’un intérêt commun sans passer par les tribunaux. Voilà. Ça c’est une médiation je trouve, qui était intéressante. » J2 : « Les médiations qui font résonance, sont des médiations qui sont éducatives. Les beaux divorces par consentement mutuel sont très beaux d’un point de vue juridique mais pas d’un point du vue relationnel. Une médiation réussie est celle là. Quand on commence à se comprendre… » UM7 : « Ah oui, c’était d’abord nous recevoir tous les deux et faire en sorte qu’on arrive à penser un peu différemment. Et se dire, voilà, il y a un point d’achoppement sur ça. Qu’est-ce que vous proposeriez, vous, comme solution ? C’était la même discussion de l’autre côté, voilà, qu’est-ce que vous proposeriez, vous ? Et puis monsieur a proposé ça, qu’est-ce que vous en pensez ? Madame a proposé ça, qu’est-ce que vous en pensez ? Oui, c’est pas une mauvaise idée mais je pensais plutôt à ça. Et on revoyait chacun séparément les deux dames. Et on arrivait à un accord. Qui n’était pas un accord en face à face mais qui était quand même un accord qui venait des deux côtés. »
L’évaluation la plus optimiste, mais aussi la plus modeste, est probablement celle de cette médiatrice : M4 : « Il y a des choses que le médiateur ne maîtrise pas. On n’est jamais qu’une toute petite pierre. Même quand on a l’impression de n’avoir rien fait, voilà, ça a peut-être suffi de ne rien faire. Rien faire était peut-être la solution. »
L’évaluation positive des médiateurs complète la description de la valorisation de la médiation. En décrivant les qualités des médiateurs rencontrés, nos interlocuteurs opèrent une évaluation positive de leur(s) expérience(s) de médiation, comme professionnel, usager ou témoin d’autres usagers. Une des qualités les plus relevées est leur empathie, leur capacité à comprendre et, surtout, à laisser de la place aux émotions, bref, quelqu’un d’humain : UM1 : « On a été trois fois mais c’est la seule fois où j’ai senti qu’elle avait compris et je voyais à ses yeux, je sentais dans ses yeux que j’étais encouragée dans moi qui étais quelqu’un de bien, qui étais une bonne mère. (…) Et chez Madame V., les choses étaient..., j’étais heureuse en sortant, je me dis, je sens des perspectives. (…) Et c’est la seule qui dit, « vous serez vraiment bien à trois ». Vous êtes une bonne mère. Vous allez vous en sortir toutes les trois, vous devez vous reconstruire. Moi j’ai senti, tu sens un encouragement, elle a confiance en toi, tu vas y arriver. Et tu n’es pas l’horrible bonne femme que tout le reste t’avait faite. C’était presque du bonheur.» UM2: « C’était un monsieur vraiment très très cool, euh, vraiment cool dans ses baskets comme on dit, et on s’est tout de suite sentis très à l’aise. Son style, quoi, ça nous a bien collé. Et vraiment, il laissait aussi la place aux émotions. Ça nous a paru important aussi, c’est ce que la dame m’avait dit, c’est qu’il n’est pas
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froid en disant, « Madame, vous êtes là pour arranger les choses pratiques, arrangeons les choses pratiques, point ». Bon, les émotions étaient quand même très fraîches. Donc il laissait des temps pour laisser la place à nos émotions. Et c’était quand même fort important. Et il a entendu du coup les choses avec ces émotions-là collées dessus. Donc il voyait bien que c’était pas facile mais qu’on voulait quand même arriver à quelque chose qui arrangeait les deux. Mais avec toute cette connotation humaine. »
L’intervention du médiateur est aussi perçue comme une compétence, parfois définie comme théorique mais le plus souvent définie comme un savoir-faire, celui de créer les conditions de la discussion, de l’alimenter. Par exemple : UM1 : « C’était quelqu’un de riche et dans la manière de reformuler par exemple. Et de théoriser par rapport à des relations de triangle et des choses comme ça. Et je trouvais qu’elle avait une manière de faire qui était bien. » UM4 : « Une personne compétente, à l’écoute, qui essaie de comprendre, qui ne juge pas. Qui explique avec des supports un petit peu scientifico-psychologiques. Donc l’homme est comme ça, la femme est comme ça. » NUM4 : « Je pense qu’il y a un vrai know how. Il y a probablement des techniques qui permettent de renouer des liens, des façons de se comporter qui permettent... Je pense qu’il y a un métier. Il n’y a pas seulement de la bonne volonté. La bonne volonté dans ces matières-là ne suffit peut-être pas. » UM3 : « Et on est allés après voir une médiatrice familiale qui a aussi une formation de juriste. Qui je pense était aussi avocate dans un planning familial à Etterbeek. Et là, on a trouvé que c’était vraiment bien. Que ça avançait. Et en même temps ça discutait. Parce qu’on a discuté de tout. On imaginait l’éducation des enfants, le choix des écoles, la semaine quand elle commence, quand elle se termine. Tout vraiment même dans le détail ça nous a permis de ne plus avoir de discussion après, même dans le choix des écoles. École catholique, néerlandophone, école de quartier ? Et donc on a vraiment, elle nous a fait un document après, une dizaine de page, qui reprenait tout. Après, ça vaut ce que ça vaut. Et donc, et puis c’est avec ce document-là qu’on a été chez le notaire, on a remis ça au notaire et le notaire a pris ce qu’il avait besoin pour avoir une convention de divorce. Et le reste, on en a tellement discuté que c’est dans notre tête quoi. Et elle nous a bien aidés, et elle attendait toujours de voir qu’on soit vraiment d’accord. (…) elle n’essayait pas d’avoir de côté psy. Et en même temps, on discutait en détails de plein de points, le choix de l’école, les vêtements, les médicaments. »
La formation initiale ou le métier principal des médiateurs suscite de nombreux commentaires, surtout de la part des professionnels. Les juristes et/ou avocats ont la cote. Surtout chez… les juristes de formation. Par exemple : J1 : « Je préfère un petit peu les médiateurs juristes parce que je pense que l’accord sera plus précis. Et qu’a priori, ils vont déjà employer les bons termes. Même les notaires qui font des conventions de divorce, ils utilisent parfois des termes qui sont abrogés depuis dix ans. Et donc, et ça ça ne va pas. On ne peut pas homologuer ce type d’accord. Je trouve ça difficile. Et donc, moi je préfère un médiateur juriste parce qu’en principe, en principe, il va penser à tout. Les aspects alimentaires, fiscaux, allocations familiales et tout ça, j’imagine qu’il va y penser. Mais c’est pas une préférence absolue. » N1 : « Le médiateur doit avoir une très bonne formation juridique parce que de temps en temps quand les conflits sont des conflits matériels, il faut bien savoir ce qui est possible techniquement de proposer aux gens, avec notamment les conséquences au point de vue des frais des actes ou au niveau de l’impact fiscal de certaines solutions. » J3 : « Pour moi cela doit rester attaché à la justice, oui ça sûrement, c’est les avocats qui devraient faire ça ou des juristes me semble-t-il. Maintenant c’est vrai qu’ici il y a des stagiaires qui viennent en stage. Pour le moment on a un assistant social mais je pense que lui veut agir en médiation scolaire euh et une autre qui fait de la médiation de dettes. Disons que le problème en médiation familiale c’est qu’il faut bien maitriser l’aspect juridique du dossier, l’hébergement des enfants… il faut vraiment bien le maitriser pour pouvoir le faire. Maintenant ma foi si les autres arrivent à le maitriser pourquoi pas mais… (…) Les médiateurs que je renseigne sont des avocats, toujours. » AD1 : “Wat ik ook al eens probeer, dat zijn akkoorden te maken over… “oké, over het huis hebben we een akkoord en over de verblijfsregeling van de kinderen hebben we een akkoord, maar we geraken er niet uit wie wat moet betalen.” Ik zeg: “oké, we kunnen een echtscheiding vragen die punten laten we noteren… Er is een akkoord en we blijven dan in dat stukje. Dan gaat de rechtbank maar beslissen.” Het is ook een oplossing want dan is er een derde die dat beslist heeft. Dan hebben ze niet moeten toegeven en dan is dat dikwijls eigenlijk bijna hetzelfde als waar we waren maar dan is dat psychologisch beslist en dan leggen ze zich daar dikwijls bij neer. Dus dat zijn ook oplossingen om het in z’n geheel opgelost te krijgen. (...) Ik denk dat wij heel dikwijls beter geplaatst zijn te zeggen: “ja, oké, we proberen oplossingen te zoeken, daar hebben we een akkoord en laat ons dat pleiten, één keer.”
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AD2 : “Daar bijvoorbeeld was voorzien dat de onderhoudsgelden niet zouden geïndexeerd worden voor de kinderen, terwijl de wet voorziet dat dat geïndexeerd wordt. Dat is zo iets dat… Juristenbemiddelaars gaan dat, denk ik, niet laten opstellen. Dat was iemand uit – wij noemen dat – de derde groep die dat wel zo had voorzien. Of bijvoorbeeld… Ja, soms gewoon ook de terminologie… (...) Ja, bijvoorbeeld, het woord coouderschap. (...)En dat ze dan eigenlijk bedoelen: “een week-weekregeling.”, terwijl dat een locatieregeling is. (...) Om nadien te vermijden dat de andere daar gaat op spelen is het wel belangrijk dat alles, natuurlijk, terminologisch goed verwoord is en uitsluit dat er nog discussies komen.( Wel ja, daar is dan, van de advocaten uit, kritiek op de derde groep.(....) Dat de overeenkomsten… zijn meer in mensentaal en dat is zeker niet slecht maar daardoor soms onzorgvuldiger. »
D’autres interlocuteurs sont plus nuancés : il faut apprécier la situation et la diversité des profils est intéressante. Par exemple : A2 : « On envoie plus facilement chez un avocat médiateur que chez un médiateur psy, plus facilement quand on se rend compte que le problème a beaucoup de connotations juridiques importantes et la façon dont l’accord va être rédigé est important. Maintenant si c’est un problème de communication on renvoie vers un médiateur psy. Je ne pense pas être la seule à penser de la sorte. » P1 : « Non, je pense que c’est justement la richesse. Que ça soit justement une profession qui puisse... que les gens qui se forment à la médiation puissent venir d’horizons différents. Je ne pense pas qu’il faudrait faire un lien direct avec les psys ou les avocats. Forcément, selon la formation de base qu’on a, on aura sans doute un abord différent. Mais je pense que c’est plutôt une richesse. »
En une formule extraordinairement efficace, une dame résume assez bien l’idéal de formation du médiateur pour beaucoup de nos interlocuteurs : UM10 : « En fait c’est une juriste mais qui a de la psychologie derrière. »
Cette avocate ne la contredit pas: AD1 : “Men moet proberen met de bemiddeling te bekomen dat de mensen de wrok die ze hebben, de haat die ze meedragen en de frustraties die ze meedragen… Die moet je daar allemaal in inbouwen. Die moet je trachten te neutraliseren om zo tot een eerlijke oplossing te komen. Ik vind dat, eerlijk gezegd, voor psychologen. Waar ik dan zeg: “psychologen”, pas op, want het is heel belangrijk dat je, afspraken die er dan uiteindelijk zijn, dat die juridisch kloppen, dat die uitvoerbaar zijn, en zo verder. En daar hebben ze dan weer geen ervaring mee, vind ik. (...) Ja, want ik heb een beetje moeite met het feit dat ik toegeef dat ik, psychologisch, daar niet echt voor opgeleid ben om echt mensen van extremere standpunten naar mekaar te brengen op menselijk vlak. Maar ik vind dat de meeste mensen van… die niet in juridische opleiding… zich ook wel eens wagen aan… die maken een heelakkoord, die vereffenen de huwgemeenschap, die verdelen de goederen, die doen dat allemaal. »
Pour un médiateur, c’est surtout la pratique qui signale le « bon » médiateur : M1 : « Il y a un truc totalement inversé dans le monde de la médiation c’est que, comment vous dire, dans les métiers en général plus vous êtes bons, plus vous gagnez, plus vous voulez un bon service, plus vous payez cher. Dans la médiation, c’est inversé. A savoir que les meilleurs médiateurs sont ceux qui sont en planning. Pourquoi ? Parce qu’ils ont beaucoup de pratique, or, c’est les moins chers. Donc c’est totalement inversé. Les meilleurs médiateurs, vous les trouverez aux endroits où ils coûtent le moins cher. »
Un médiateur relève pour sa part deux styles d’interventions : un médiation hyper pragmatique, plutôt dévalorisée et une médiation plus communicative et dialogique : M3 : « Et il y a des médiateurs qui sont plus, on les appelle au Québec les tordeurs de bras. Qui arrivent plus avec des solutions. Pour moi, c’est comme ça que ça doit fonctionner. Voilà. Votre dossier, c’est souvent les juristes, votre dossier, c’est très simple, j’ai la solution. Je suis le sauveur en fait. D’autres sont plus dans un travail où on travaille sur la compréhension, sur les petits accords qui permettent de rétablir ce dialogue. »
Enfin s’esquisse un débat, une tension dans les évaluations autour de la question de l’impartialité, de la neutralité du médiateur. Très ténues ici, ces considérations seront plus explicites dans les évaluations négatives de la médiation et des médiateurs. Une dame signale les efforts systématiques de sa médiatrice pour garantir l’impartialité : UM10 : « On a essayé une thérapie de couple de deux trois séances mais moi j’avais l’impression d’avoir deux personnes contre moi. Mais celle-ci aussi parce qu’au début cette médiatrice est d’un milieu bourgeois et elle pense comme mon ex et à un moment j’ai dû reclarifier en disant : « oui vous avez l’air de bien vous entendre mais moi j’ai l’impression que je ne me fais pas bien entendre et j’ai l’impression que vous êtes plus pour lui que pour moi » et ça lui a permis de … elle a fait gaffe d’être plus impartiale. Elle a fait gaffe et elle a
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toujours fait attention de toujours accentuer sur le fait de me demander « qu’est ce que vous en pensez, et vous …. »
Une autre en revanche raconte avec soulagement que sa médiatrice avait pris position à plusieurs reprises : UM1 : « Elle lui avait dit, je pense que c’est pas bien d’avoir dit à vos filles que vous avez une compagne. C’est votre vie privée, ça doit rester votre vie privée. Et lui, oh moi, je suis transparent. (rires). Le genre de truc comme ça. »
Autrement dit, pour certains, le « bon » médiateur serait impartial ; pour d’autres, il doit prendre position. Nous reviendrons plus loin sur cette question. 1.3.3. Expériences négatives et critiques de la médiation et des médiateurs Quelques personnes témoignent de médiations problématiques en raison d’une confusion des rôles entre médiateur et avocat ou entre médiateur et expert : M1 : « Tout le monde est à ce point à penser la même chose. Parfois ça devient un peu la confusion. Des gens qui ne comprennent plus rien. Je ne sais pas, je recevais l’autre jour la lettre, je reçois une dame dont le mari a pris un avocat qui lui a écrit et qui dit pour la convaincre d’aller à la négociation avec lui, chez lui, il lui dit, je suis consulté par Monsieur, donc comme avocat, venez chez moi, je suis par ailleurs formé à la médiation. C’est typique, je connais le gars en plus, je l’aime beaucoup. Mais ça crée une confusion totale. Elle dit ok, mon mari va prendre un avocat qui me dit qu’il est formé à la médiation. Et alors quoi, c’est quoi sa position ? Et c’est le même problème quand les juges, parce que ça se voit, finissent par tellement être dans la négociation qu’ils ne savent plus trancher. Et les gens ne savent plus dans quel jeu ils sont parce que tout le monde fait un peu la même chose. » J1 : « Il y a des médiateurs qui n’ont pas tout compris. L’ennui c’est que vous parliez tout à l’heure de tous les intervenants, les contacts avec le juge, il y a des gens qu’on désigne comme experts. La loi sur l’expertise, elle vient d’être modifiée. Elle est assez précise et difficile. Mais ces experts ont une formation de psychologue, parfois même de médiateur. Et ils aimeraient mieux que les gens arrivent à s’entendre plutôt que de rendre un rapport écrit au juge. D’abord, c’est très difficile de faire un rapport écrit. C’est vraiment peser chaque mot. Et alors, ils estiment eux-mêmes que l’expertise sollicitée par le juge peut déboucher sur une sorte de médiation prolongée. Là, à mon avis, ils se trompent même si les experts doivent d’abord tenter de concilier les parties. Ils ont un délai et puis ils ont un cadre bien... Et donc, ce qui est arrivé, c’est que des experts tentent de faire des médiations. C’est pas une bonne idée non plus parce qu’ils sont mandatés comme experts et qu’à la fin ils doivent rendre un rapport quand même. Il y en a eu un ou deux qui n’avaient pas tout compris. Et les parties n’étaient pas du tout contentes non plus. »
Quelques personnes nous font part de l’expérience d’une erreur du médiateur au cours d’une médiation. Une avocate-médiatrice et une médiatrice relatent leur propre erreur. La première procède d’un manque de vigilance qui aboutit à une situation inéquitable en médiation ; la seconde procède d’une démarche inadéquate auprès d’un juge. A1 : « Elle était d’origine thaïlandaise et elle prétendait, je pense que c’est vrai, qu’ ( ?) elle ne s’exprimait pas suffisamment bien en français. Et elle a demandé qu’un interprète soit présent. Et on a accepté sans vérifier de manière suffisamment claire vis-à-vis de monsieur que c’était possible pour lui et il s’est avéré que l’interprète en question, ça c’est aussi une erreur de jeunesse, c’était son employeur. Alors elle avait son avocat en séance, alors c’était foutu… » M7 : « Un moment donné, je me suis rendue compte que le père en question représentait réellement à mes yeux un danger pour cet enfant. Et donc, qu’est-ce que j’ai fait, qu’est-ce qu’on a fait, parce qu’on travaillait à deux en médiation. J’ai écrit au juge. Erreur magistrale. Je n’avais pas à écrire au juge. Je devais écrire au procureur du Roi. Pour la sécurité d’un enfant. Et donc j’ai écrit au juge que voilà, c’était pas possible de poursuivre la médiation parce que pour moi, il y avait un enfant qui était en danger. Et j’expliquais, j’expliquais. Ça a été une erreur terrible parce que le juge n’a rien pu faire avec ça. J’ai encore eu bien de la chance de ne pas avoir une plainte, une plainte pénale par rapport au secret professionnel. Ça c’est une erreur, c’est le genre d’erreur qu’on fait une fois mais pas deux. »
Toujours dans le registre de l’erreur, une dame en médiation stigmatise une erreur d’appréciation de ses médiatrices, valorisant selon elle excessivement la répartition traditionnelle des rôles sexués : 44
UM5 : « Il y a qu’une chose que j’ai à leur reprocher c’est qu’à une des séances, elles se sont un peu emmêlées dans leur dossier et voilà. Elles ont dit des propos un peu durs. Et comme j’étais avec la petite, j’en ai reparlé par après au téléphone avec une des deux. En disant, « oui, je me suis trompée dans le dossier ». - C’était une erreur technique ? - Oui, mais en attendant, il y a des choses qui ont été dites et qui n’auraient pas dû être sorties à ce momentlà et qui ont été entendues aussi par les enfants et bon voilà. C’est vrai que faire des comparaisons aussi, c’était assez hard aussi. Parce que la petite se plaignait que quand elle était chez son père, il faisait ses siestes après-midi. Et alors, il y en a une des deux qui a dit, « oui, c’est normal, les hommes, l’homme des cavernes, l’homme était à l’extérieur et puis la femme s’occupait des enfants et tout et tout. Donc, c’est normal, ça reste comme ça dans les mentalités ». Et puis, par après, je me suis dit mais non, à l’heure actuelle, la femme boulotte tout autant que l’homme et ça j’en ai parlé. J’ai dit, « écoutez, moi j’ai été touchée dans mon rôle de mère, de femme. C’est une situation difficile. Je travaille quand même toute la journée, je rentre le soir, je m’occupe des enfants. Je rentre le soir, je m’occupe des enfants en plus de tout le reste ». C’est facile de dire que l’homme rentre et fait une sieste parce qu’il est fatigué, parce qu’il a été travailler. Il ne faut pas rire. Il l’a eue 2 heures la première fois et puis il l’a de 10h à 17h. Il ne faut pas me dire qu’il ne faut pas faire un petit effort quoi. »
En termes de méthode de travail, le style pragmatique, opératoire, est stigmatisé, comme nous l’avons vu plus haut lorsque nous avons souligné la priorité donnée par de nombreux professionnels rencontrés à la dimension relationnelle et dialogique de la médiation : A1 : « Mais, euh, oui, je trouve qu’il faut être attentif que les gens soient suffisamment protégés, tu vois. Il ne faut pas, mais il y a certaines pratiques de médiation avec lesquelles je ne suis pas du tout d’accord. Justement, les gens qui annoncent, j’ai un peu l’impression que c’est très américain comme concept, voilà, vous aurez six séances. Et ça va se passer comme ça. Je ne sais pas si tu as déjà vu ce type de fascicule, c’est très organisé. - Une forme de contrat ? - Une pensée opératoire tu vois. Ça va se passer comme ça, vous allez exprimer vos émotions, et puis après on va arriver à un accord et à la sixième séance, vous avez votre contrat. Je caricature légèrement. Mais parfois, tu as ce sentiment-là. Alors ça, c’est pire que tout évidemment. Il faut accepter que c’est un truc qui prenne du temps. Qui marche d’erreurs et d’essais. Et que c’est pas linéaire, comme le psychisme des gens. Et puis, tu as certains médiateurs qui parfois font vraiment pression pour que l’accord aboutisse. Ça c’est vraiment un problème. »
On retrouve ces idées dans les critiques nombreuses des autres médiateurs sur cette démarche « commerciale » du centre de médiation mentionné plus haut : B2 : « Dat is echt één commerce. Die beginnen ook heel veel met beginnende bemiddelaars die zelf niet een eigen zaak durven opstarten. Dus kwaliteit? Die bemiddelen aan huis. Kan je je voorstellen dat uw kinderen daar aan het spelen zijn en dat je hier zit afspraken te maken rond de verblijf van de kinderen? Ik vind gewoon niet kunnen zelfs. Ik vind dat echt niet kunnen, wat die uithalen. Maar dat is een pakket. Je betaalt zo veel voor een echtscheiding. Dus ik denk dat dat voor mensen misschien ook beter aanvoelt van: “Ja, het gaat ons zo veel kosten.”. (...) Ik denk dat wel. Ik denk dat mensen echt niet weten wat dat is. Het zijn ook mensen die vanuit een commercieel oogpunt daarmee gestart zijn. Dat vind ik nu juist de weg dat het niet moet op gaan. » PS1: “Het is een, eigenlijk, een soort van vereniging waarin verschillende bemiddelaars zitten en zij nemen een aantal taken op zoals de bemiddelaars bekend maken en een aantal… Goh. Ja, zij bouwen het uit en de bemiddelaars betalen eigenlijk van hun inkomsten voor die dienst die ze daar krijgen. De bekendmaking en die dingen allemaal. Ook juridische ondersteuning. Opleiding. Dus die dingen. (...). Ik wil me daar ook niet over uitspreken, wat P (naam van de firma) wil.”
Les expériences décevantes de la médiation ou les constats d’échec sont souvent fondés sur l’incapacité à provoquer le changement escompté en termes de pacification, de renoncement aux procédures. On n’a pas réussi à bouger les positions. Ou même, certains médiateurs craignent que, parfois, la médiation ne fasse qu’amplifier les tensions ou qu’elle soit instrumentalisée par un des deux partenaires. Dans tous les cas, les tensions et les conflits n’ont pas été apaisés. Par exemple : M3 : « Une médiation ratée, euh, ben la médiation ratée c’est où les gens continuent à procéder. Mais peutêtre qu’ils ont besoin de procéder en justice et qu’ils vont revenir en plein milieu du procès en se rendant
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compte que 50 procès, c’est terrible. Parce que j’ai eu un autre cas en civil et commercial, où une personne assigne une autre pour 2000 euros, dans le cadre d’un contrat qui portait sur 6000 euros. Et après 2 ans de procédure et chacun ayant payé 7000 euros de frais d’avocat, ils se sont dit, c’est pas possible. Ils ont fait l’expérience de la justice, pas de la justice, du procès. Et ils sont venus en médiation et en trois heures, c’était conclu. Donc voilà. Il se peut que les gens viennent en médiation et que l’un ou l’autre ou les deux ne soient pas tout à fait prêts. Qu’ils n’y voient aucun intérêt. Qu’ils fassent une boucle par la procédure judiciaire pour revenir vraiment à une médiation. Et une médiation qui ne réussit pas c’est lorsque les gens partent sans accord mais avec un conflit renforcé. » P1 : « J’ai des situations notamment je pense à une parce que je l’ai eue récemment, de situation de médiation qui n’a pas vraiment abouti. On reste dans un statu quo comme ça. Sans communication. Où chacun reste sur ses gardes. » M6 : « Ils étaient passés 7 ou 8 fois devant le tribunal. Le moindre changement ne pouvait pas être discuté et passait devant le tribunal. Leurs attentes en médiation étaient assez passives. C’était : « trouvez moi une solution, moi je n’en peux plus, mais je ne bougerai pas ». Autant l’un que l’autre, et avec plus aucun souvenir positif ensemble. Impossible de parler de soi, c’est tout le temps la critique de l’autre. C’est difficile, je n’ai pas réussi à désamorcer ça. » M4 : « Il y avait de la manipulation dans le couple. Et la manière dont il parlait, dont il regardait sa femme, etc, on ne faisait qu’amplifier le phénomène. Et on a essayé de le casser par plusieurs moyens, il n’y a jamais eu moyen. Et quand on entravait un peu le jeu du monsieur, il nous taxait de manque professionnel, de prise de parti. Il essayait de nous rabaisser. Et quand on était dans son jeu, il nous glorifiait. Et on l’a verbalisé. On a dit, « écoutez, il se passe ça. On se sent très mal, on ne peut pas être compétent dans votre histoire parce qu’on a l’impression d’être pris dans un jeu qui n’est pas sain. Donc nous préférons arrêter ». UM11 : « Eh bien je me suis rendu compte après dix minutes que la personne que j’avais en face de moi (son épouse) n’était pas là pour trouver une solution mais pour éviter de passer devant un juge et de devoir justifier son attitude… Ca c’est passé en 5 ou 6 fois où on est remonté à Mathusalem de notre conflit, pourquoi j’étais parti, la reconnaissance de sa souffrance… (Mr mime le violon) soit rien qui faisait avancer le chmilblique sur le sujet qui me préoccupait c'est-à-dire mes droits de garde pour M. et qu’elle puisse venir avec moi en vacances. Au départ elle ne voulait rien changer, au bout d’un certain temps moi je perdais patience et le médiateur lui a fait comprendre que son attitude était obtuse. (…) Un combat de boxe, non je ne vais pas dire un combat de boxe, mais plutôt une partie d’échec ou de Monopoly où on essaye de tirer son épingle du jeu en essayant de faire le moins de dégât possible en ce qui me concerne. (…) Un foutage de gueule, pardonnez-moi l’expression mais c’était vraiment ça. On a dû faire 5 ou 6 réunions pendant lesquelles rien n’a évolué. Par exemple la médiatrice nous avait demandé de mettre sur papier nos propositions afin de pouvoir en discuter, voir ce qui était acceptable pour l’un et l’autre et essayer de trouver un accord qui nous respecterait tous les deux. Donc à la première réunion on met en place le protocole, la deuxième réunion n’en finit pas et rien n’aboutit d’où la proposition de la médiatrice de mettre tout sur papier pour la réunion suivante. La troisième réunion, un vrai cirque, mon ex n’avait rien mis sur papier et revenait toujours sur notre séparation ou des détails insignifiants. Quatrième réunion, elle n’a toujours pas fait la mise par écrit de sa proposition. Ensuite elle en a annulé une ou deux, une fois elle était malade, une autre fois une réunion qui ne se terminait pas, soit un foutage de gueule. En attendant le temps passe, j’ai fait ma première demande en septembre et on est au mois de décembre que rien n’avait avancé. »
Pour une avocate, qui a suivi la formation mais qui ne travaille plus comme médiatrice, la contrainte à suivre des formations ultérieures et l’approche plus « psychologique » de la médiation constituent des obstacles considérables : AD1 : « Ja, wat weet ik van bemiddeling ? Het is te zeggen, ik ben opgeleid.. Ik heb de opleidingen gevolgd als bemiddelaar. Ik was geaccrediteerd bemiddelaar langs de O.V.B – de Orde van Vlaamse Balies – maar er is dan een reglement gestemd dat men per 2 jaar minstens 16 uur bijkomende opleiding moet volgen en ik heb gezegd dat ik dat niet meer doe omdat ik eigenlijk heel weinig bemiddelingen doe – quasi niet – en dat ik het eigenlijk al veel te eenzijdig vind van daar maar altijd in te specialiseren en in bij te leren waar dat ik het eigenlijk niet gebruik. (...)Ik vul dat anders in dan dat men echt verwacht van de bemiddelaar, zoals bij die opleiding hebben gekregen.(...) Mijn leeftijd laat mij toe van – en ook mijn karakter waarschijnlijk – van ook tegen mijn cliënten te zeggen wat ik werkelijk meen en die niet kost wat kost te steunen in soms wel gekke overtuigingen. Maar dat is niet wat men van een echte bemiddelaar vraagt. Van een echte bemiddelaar vraagt men eigenlijk dat je de mensen gewoon helpt om zelf tot akkoorden te komen. Je mag die helemaal niet leiden. Je mag die helemaal niet sturen. Je moet alle mogelijke technieken gebruiken om ze zelf tot bepaalde conclusies te laten komen. Nu, dat strookt eigenlijk niet met mijn karakter. Dat werkt op mijn zenuwen. Dat is eindeloos tijdverlies, vooral omdat je ook heel veel mensen in bemiddeling krijgt die eigenlijk niet willen bemiddelen. »
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Une dame ayant connu trois médiations est très explicite sur le manque de reconnaissance et de compréhension dont elle a souffert au cours de sa première médiation. Dans le premier extrait, elle reproche à sa médiatrice de ne pas avoir compris la portée de son propos : parler du linge, c’est parler de la relation avec son mari ; la médiatrice ne l’a pas compris. Dans le deuxième extrait, elle regrette que celle-ci n’ai pas compris ce qu’elle-même était incapable de dire, à savoir qu’elle était victime de violences physiques. Dans le troisième extrait, elle formule plus globalement son besoin de reconnaissance. Elle est rejointe ici par une dame qui regrette que les médiatrices n’aient pas reconnu à sa fille d’avoir subi une violence de la part de son père : UM1 : « C’est qu’on mettait sur la table parfois des choses du type, il n’aide jamais à faire le ménage. En gros. Et donc je me tape toute la lessive, tout le repassage, de ranger tout le linge et je trouve que c’est trop lourd. Et en plus je demande qu’il défasse ses chaussettes pour les mettre dans la manne à linge. Et il ne met pas son linge à l’endroit, il ne défait pas ses chaussettes et il ne vide pas les poches. Donc on était dans des tensions de famille comme ça. Et la médiatrice propose une solution. En fait, elle n’entend pas que moi je veux partager le linge. Donc mon ex-mari propose une solution qui consiste à donner son linge à sa mère. Ce qui pour moi était intolérable. Inacceptable. Moi je ne demandais pas de ne pas faire le linge. Je demandais qu’il fasse avec moi toutes les tâches du ménage. Et le linge était révélateur. Donc la solution qu’il propose, c’est dramatique, c’est de mettre son linge chez sa mère. Pourquoi tu ne fais pas ça, ça te soulagerait ? Et donc il ne comprenait pas que je ne comprenne pas. Et la médiatrice, sa proposition c’était d’acheter un fer à repasser qui permettrait de pendre le linge et de faire aller la vapeur sur le linge qui allait se défroisser tout seul. C’est comme si elle n’avait pas compris qu’en dessous du repassage, il y avait autre chose. » UM1 : « On arrive chez la médiatrice. (Presque inaudible : En fait il se fait qu’il était violent.) Et donc on arrive chez la médiatrice, pour moi c’était tellement honteux que je n’en parlais pas. Et il y a une fois où j’en ai parlé. Et lui a réussi à tourner les choses en disant que c’était exceptionnel, que c’était à cause de moi qu’il avait été violent. Et c’était pas la seule fois, mais à ce moment-là je n’ai pas osé le dire, mais c’est pas la seule fois. Et chaque fois, j’avais tellement honte de ce qui se passait, honte de moi d’accepter d’être traitée de cette manière-là, que je me laissais manipuler et que je ne mettais pas le vrai sur la table. Et donc c’est aussi ma faute. Et la médiatrice, pourtant, elle avait l’air d’être chouette, elle aurait dû se rendre compte de ça. - Et elle ne sentait pas ça ? - Deux ans qu’elle a fait ça. » UM1 : « J’aurais eu besoin d’être beaucoup plus confortée, beaucoup plus rassurée quand à ma position. Au fait que je n’étais pas injuste, que ce que je disais avait de la valeur. Et ça j’ai vraiment manqué des deux côtés, d’un peu de compassion, de bienveillance à mon égard. » UM5 : « Et ici par exemple, un truc que je reprochais aussi à la médiation, c’est que la petite qui a maintenant 9 ans a été giflée très violemment par le papa, elle avait 5 ans, donc c’était juste un peu avant qu’on ne se sépare. C’était au mois de mai. En fait, on s’est séparés une première fois au mois de mai et puis il est revenu vivre à la maison et puis on est repartis en février l’année qui a suivi. Et là aussi, la petite, elle n’était pas bien dans sa peau. Elle m’a dit, elle était dans l’auto avec lui et elle avait envie d’écouter la chanson, je ne sais plus dire exactement, enfin bon. Et lui n’a pas supporté et elle a commencé à pleurer parce qu’elle avait envie de terminer ce qu’elle voulait faire. Et il l’a giflée parce qu’il était beaucoup plus nerveux aussi. Elle s’est retrouvée avec un œil au beurre noir, elle saignait du nez très fort et quand je suis rentrée à midi, elle était encore avec des taches de sang sur elle. Elle était paf quoi. Et la première chose qu’elle m’a dit c’est « j’ai rien fait, c’est pas de ma faute ». - Et vous disiez, par rapport à la médiation ? - Par rapport à la médiation, ils n’ont pas pris ça en considération. Voilà. Ils ont estimé qu’une gifle ça pouvait se donner. Et ils ont dit ça devant la petite. Et ça j’étais pas... - Donc, ils ont dit devant la petite que c’était normal quoi. - Que ça arrive, que papa et maman puissent s’énerver et que ben, de temps en temps on donne une gifle et puis ceci et cela. - Et vous auriez aimé quoi ? - Eh bien qu’on reconnaisse la souffrance de la petite. Parce qu’elle a été marquée par ça quoi. Et elle en a peur. Elle se fait toute gentille, toute sage parce qu’elle a peur de recevoir une gifle. Elle a été giflée encore les dernières vacances où elle est partie avec lui quoi. Ils sont partis 10 jours à l’étranger, et bien, elle a encore reçu une gifle. Pas aussi forte, heureusement. Voilà. »
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Entre les professionnels et certains usagers se noue un débat, voire un malentendu à propos de l’étanchéité de la médiation à l’égard d’autres univers professionnels ou institutionnels. Les professionnels stigmatisent les situations de perméabilité entre la médiation et le monde médical et surtout entre la médiation et le monde judiciaire. En revanche quelques usagers regrettent que ce qui s’est joué en médiation n’ait pas été pris en compte dans la décision judiciaire. L’un se sent floué, il aurait voulu que le juge soit mis au courant que son ex-compagne était responsable de l’échec de la médiation ; l’autre s’estime assez révolté, l’accord (qui prévoyait qu’il ne voyait plus sa fille) n’ayant pas été suivi par le juge ; il estime que, dans ces conditions, la médiation ne sert à rien : A1 : « On a eu le cas, je pense que ça a coupé court par notre faute. C’était un médecin en urgence qui nous avait envoyé une situation en disant, «ça sent la mort ». Déjà avec un truc pareil tu dis, ouf, c’est lourd. Il a donné 2, 3 mots comme font les psys entre eux quand ils s’envoient des patients et en fait ça a été pire que bien. Parce que les gens ne nous ont pas dit qu’ils venaient des urgences, ils nous ont pas dit qu’il y avait tentative de suicide, que les enfants avaient aussi fait des TS. Et nous on a dit « mais qu’est-ce qu’on fait ». Et en réfléchissant a posteriori on aurait dû dire, « on a eu un contact avec le médecin. (…) Quand les infos circulent, c’est pire que bien. » J1 : « Et puis les experts ont fait un rapport provisoire. Et un des parents a été brandir le rapport devant le médiateur. Qui, à mon avis, est sortie de son rôle, c’était une médiatrice, parce qu’elle a alors réagi au rapport provisoire en expliquant que le pourquoi de la fin de la médiation ce n’était pas du tout ce qui était dit là mais c’était autre chose. On avait l’impression qu’elle prenait la défense d’un des parents. C’était évidemment le parent le plus fragilisé et le plus inquiet, dans ce cas-ci, c’était la maman. Et ça n’a pas permis de faire avancer les choses, au contraire, ça a saboté une partie de l’expertise. La médiatrice, elle a estimé que son travail était aussi saboté. » NUM2 : « Et puis, ce que j’ai regretté c’est que ce qui est retourné vers la justice, c’est bon, voilà, ça a échoué. Mais sans motivation, je dirais maintenant sans motivation, sans dire pourquoi ça a échoué. Alors que moi j’étais entré dans le processus, j’avais joué le jeu. Tout difficile qu’il soit. Et j’ai parfois eu le ressentiment quelque part d’avoir été floué par cette non motivation. Par ce système tout à fait extérieur. Je comprends bien qu’il fallait qu’elle reste impartiale. Que cette médiatrice reste impartiale. Mais j’estime qu’à partir du moment où on échoue, on doit pouvoir mettre les responsabilités. » UM6 : « L’accord a été signé par les deux parties et par Intermission. A été renvoyé au juge. Lui l’a accepté pendant deux mois. Et là, il a carrément mis l’accord à la poubelle. Il ne veut pas ça. Il n’admet pas cette situation-là. Lui refuse catégoriquement que moi je ne prenne pas la petite. (…) Je ne m’y retrouve pas làdedans. Enfin, tout ce que je sais, c’est qu’on a dû quitter la salle d’audience, on a dû aller dans un bureau. Et là, bon, le juge il a dit, « moi, j’en ai rien à foutre que madame soit la pire des... », je ne sais plus ce qu’il m’a dit. Enfin, venant d’un juge, j’étais quand même assez étonné. Mais bon, là il a dit platement, « moi, je m’en fous de vos histoires, c’est vis-à-vis de l’enfant. Et moi, je n’admettrai jamais que vous ne la voyez pas. Donc, voilà ce que je propose ». On est retournés dans la salle d’audience. Et là, il a décidé que c’était comme ça. - Vous pensez qu’en fin de compte ça n’a servi à rien. - Non, puisque le juge l’a carrément foutu à la poubelle. Donc là, je pense que le juge est un peu ridicule. Il nous envoie dans cette asbl et puis il jette le papier à la poubelle. Donc, là je pense qu’il y a quand même une absurdité. »
Mais c’est surtout les questions relatives à l’impartialité, la neutralité, l’équité des médiateurs qui suscitent des commentaires critiques de la part des usagers. Nombreuses sont les personnes qui stigmatisent un manque de neutralité ou d’impartialité de la part de médiateurs qu’ils ont rencontrés. Mais nombreux sont aussi ceux qui regrettent une conception raide de la neutralité, empêchant les médiateurs de prendre position. Les tendances observées supra (1.3.2.) sont ici confirmées et considérablement amplifiées : alors que certains refusent toute médiation qui manquerait d’impartialité d’autres appellent les médiateurs à prendre davantage position. Et il s’agit parfois des mêmes personnes. Une des situations unanimement décriée est celle où le médiateur est lié à un des partenaires et ne peut ainsi faire jeu égal avec eux : NUM1 : « M. (son ex-compagne) était là, j’étais là et le notaire (censé faire la médiation) était là. On était trois. Et au fond, tout de suite ce notaire a épousé la thèse de M. Il ne m’avait pas écouté, il ne m’avait jamais rencontré et très vite je me suis rendu compte que en fait on était pas dans un processus avec un tiers, on était dans un processus deux contre un. Et je trouvais qu’il avait fait une erreur professionnelle en ne me
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recevant pas moi avant la rencontre. Et donc j’en ai gardé pour tout dire, cette fois-là, je suis parti en claquant la porte. Parce que le type a commencé à me juger en disant « ça ne va pas, vous vous rendez compte dans quel état vous mettez madame ». (…) Je sais par ailleurs qu’il était proche de la famille de M. Il avait réglé des choses pour ses frères et sœurs. Donc, j’ai été assez, je ne vais pas dire traumatisé par cette expérience, mais en sortant j’étais quand même très très fâché. Si c’est ça la médiation, je n’en veux pas. » UM1 : « Et il me dit, « j’ai rencontré un médiateur qui m’a dit que je me faisais rouler dans cette affaire ». Et il veut bien t’expliquer pourquoi. Et moi j’étais toujours dans le trip, il faut que ça réussisse, le plus vite possible, « est-ce que tu acceptes de le rencontrer ». Je ne suis pas revenue avec cette histoire d’avocat, ton ami, je veux le voir mais mon ami, tu ne peux pas le voir. Et j’ai dit oui. Et lui, ça n’a pas été de la médiation, ça a été un truc complètement explosif. Et au bout du compte, moi j’ai plus voulu aller chez son médiateur. »
Plusieurs usagers relèvent un défaut d’impartialité ou de neutralité au cours de la médiation, alors que la situation initiale n’était pas problématique : UM6 : « Et l’autre dame commençait par me juger. Donc, « Monsieur, c’est pas possible, c’est contre nature ». Et tchic et tchac. J’ai dit, « écoutez, je ne suis pas ici pour être jugé. Le tribunal sert à ça et non pas ici. Maintenant, si ça va pas, ça va pas. On en reste là et puis c’est tout ». UM7 : «On est allés deux fois. Et la séance a duré super longtemps. Et ça a été, il n’y a pas du tout un climat de dialogue. Je me suis fait engueuler sur tous les fronts par mon ex-mari. Et clairement, c’est pas parce que c’était dirigé contre moi, mais l’avocate a fait un parti pris, elle a décidé de prendre sa défense et chaque fois qu’il avançait quelque chose, elle me faisait la morale. Et je ne pensais pas que c’était ça une médiation. - Qu’est-ce que vous attendiez, vous ? - Ben, justement de donner la parole aux deux. Et essayer de construire quelque chose à deux. Et certainement pas de prendre parti pris pour une personne ou l’autre. Je pense qu’il faut vraiment rester neutre. »
Cette dame a immédiatement quitté le bureau du médiateur quand elle pensait ressentir la partialité : GB1 : “We zijn eerst wel in zo’n centrum geweest voor relatiebemiddeling – denk ik dat dat heette. Dat waren geen advocaten, eerder maatschappelijk werkers die ook familiale bemiddeling deden. Maar dat werkte niet. (...) En hij had eerder contact gehad met die bemiddelaar dan ik. Dus dat gesprek begon… Dat begon meteen… Dus ons eerste gezamenlijk gesprek begon meteen al zo van: “Ja, zoals wij al eerder hadden besproken”. En toen heb ik de deur dicht gedaan. Ik dacht van: “Dat kan hier niet. Jij wordt niet geacht van…”. Ik had sterk het gevoel dat dat zo iemand was die hij in zijn vriendenkring of zo al kende en dus…”
Mais cette neutralité affirmée par le médiateur peut insécuriser, rebuter. Ainsi cette dame explique qu’elle a refusé une médiation parce que la médiatrice s’est présentée comme avalisant leurs accords, alors qu’elle vivait une situation où elle se sentait en position défavorable dans un rapport de forces. Accepter la médiation, c’était perdre dans ce rapport de forces. Et c’était perdre doublement parce qu’au terme de la médiation, le résultat du rapport de forces aurait ainsi été cautionné publiquement. Elle attendait davantage un rôle actif de la médiatrice pour viser un équilibre, une équité dans la solution : NUM3 : « C’était quelqu’un qui est très connu dans la médiation. Et donc, en fait, quand on est allés, elle a expliqué la médiation, donc son rôle. Donc en nous disant que son rôle, c’était quelle que soit la solution, du moment qu’on était d’accord, elle était d’accord. Et voilà peut-être pourquoi je n’ai pas été très confiante. Finalement dans la médiation, j’attendais plus un rôle d’équilibre. Ça veut dire qu’elle n’acte pas si dans l’équilibre on peut se rendre compte qu’effectivement... - Il n’y a pas d’équité. - C’est ça, pas un tout petit peu d’équité entre les deux parties. Et donc, quand elle expliquait ça, ça m’a fait peur. Et je me suis dit, moi je trouve qu’on manque tout à fait d’équité. Et je me trouve avec quelqu’un d’extérieur qui peut en plus cautionner quelque chose qui n’est pas équitable. Donc je me sentais doublement, je vais dire, il y aura un cautionnement de ça. Donc, je n’aurais plus l’occasion de dire, « vous savez, c’était pas juste ». A mes yeux en tout cas. Parce qu’il y aurait eu en plus un cautionnement extérieur où on était passés chez la médiatrice, elle a avalisé vos décisions. (…) Mais dans le climat, dans la tension, dans la dureté, dans ma, comment je dirais, dans le fait que j’étais tellement secouée, tellement sensible. Et ben voilà. Je crois que ce cautionnement-là aurait réussi à me casser totalement. (…) Elle a dit : « je cautionne votre accord ». Donc, elle n’a pas dit « parce que je le trouve juste ». Elle a dit, « je cautionne votre
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accord si vous êtes d’accord tous les deux ». Alors je me suis dit, si effectivement on a un espace de parole comme ça, ça va jamais finir. »
Une autre dame explique qu’elle aurait attendu du médiateur qu’il puisse prendre position dans une situation où l’injustice est manifeste : UM1 : « Parce que le médiateur il a dit lors de la médiation à propos du train (objet d’un litige, le train provenant de la famille de la dame), en principe dans les séparations ce qui est le bien d’une famille reste dans la famille. Et c’est tout ce qu’il a dit. Il n’a pas été plus ferme que ça. Il n’est pas resté sur le train. En principe, c’est comme ça. Mais il n’a pas relancé, il n’est pas revenu. On a discuté de ce train pendant quasi 2 heures et il a dit seulement ça. Il ne lui a pas dit, « écoute, il faut absolument que tu renonces au train. Tu dois lâcher pour le train, c’est comme ça ». Il ne lui a pas dit. Il a dit « en principe c’est comme ça ». - Toi, c’est ce que tu attendais ? C’est ce que tu aurais attendu ? - Ben oui. A un moment on doit prendre position dans des trucs aussi bêtes que ça. Enfin, je veux dire, on ne peut pas être que médiateur comme ça. Il me semble qu’on peut prendre position. (…) Et alors, c’est vrai qu’ils ne doivent pas prendre position mais parfois quand les choses sont tellement injustes comme l’histoire du train, ils doivent arriver avec une position, on n’est pas obligé de faire en sorte qu’il y en a un qui craint l’autre. »
Pour un usager, c’est clair, le médiateur doit être plus interventionniste : UM11 : « Il faudrait que le médiateur ait plus d’influence dans la conversation, le médiateur devrait mettre plus vite les gens à leur place mais bon comment pourrait-il le justifier ! Il devrait mettre les gens plus devant leurs responsabilités. Je ne dis pas qu’il doit prendre la place du juge, ce n’est pas son rôle, mais quand les gens font preuve de mauvaise foi ou de mauvaise volonté leur faire comprendre qu’ils vont dans une impasse. »
Cette discussion sur la neutralité (ou plutôt la multipartialité comme disent les médiateurs) sera reprise plus loin, dans la partie consacrée au champ professionnel de la médiation (ci dessous, 2.). Il nous reste à relever un type de propos relatif à l’évaluation du métier principal du médiateur. Nous avons vu plus haut que les juristes étaient valorisés comme médiateurs vu leur formation. Mais pour quelques usagers, les avocats ne sont pas de bons médiateurs, en raison de l’exercice d’un métier dont la logique s’écarte trop de la médiation : UM3 : « Et là c’était difficile, parce que le fait que c’était un avocat médiateur, on imaginait plus l’aspect officiel et donc faire un acte et il était trop entre les deux. Donc à la fois l’aspect formel n’avançait pas assez et sur l’aspect psychologique, le fait que ça soit un avocat médiateur, ben, on sentait qu’il essayait, c’est certainement quelqu’un de très bien, mais ça ne collait pas sur l’aspect émotif, émotionnel, et ça n’avançait pas d’un point de vue formel. Et en plus ça coûtait très très cher parce que c’était un grand avocat. Et ça coûtait très cher. (…) Ici, c’était entre deux. Entre l’aspect émotionnel et juridique, ça n’avançait pas. (…) C’est peut-être juste une question de personnes. Et de cadre aussi. C’est le fait d’arriver dans, c’était un gros cabinet, pignon sur rue. C’est comme si ce cadre formel n’allait pas avec, du coup on attendait quelque chose de trop concret et de trop juridique. Et l’aspect, le fait qu’il soit avocat médiateur, c’était uniquement pour faire une convention. Et le médiateur, qu’il travaille pour les deux parties. Mais c’est peut-être une question de personne qui ne fonctionnait pas avec nous. Et quand il nous demandait avec un air très humain, à savoir si on était vraiment d’accord, et trop psy, sans, l’impression que j’en avais, sans être formé pour ça... Qu’il essayait, et que d’abord on n’attendait pas ça de lui, d’une part. Et d’autre part, même si on ne l’attendait pas, on aurait pu être sensible à ça mais on l’était pas. Et en plus, c’était cher. Donc quand c’est cher et que les minutes sont comptées, t’as pas envie de... surtout qu’on avait fait ce travail avant. Je pense c’est pas une question de formation. Quand je dis formé, c’est plus me dire, c’est pas un psy. Il a été formé. C’est un avocat médiateur, il a été formé à la médiation. Mais ça collait pas tellement entre nous. Et je me disais, qu’il ne se la joue pas psy, c’est pas un psy. Il va pas se la jouer psy. Et on n’était pas en attente de ça. Et on l’avait dit aussi. Qu’on avait déjà vu un psy. Et que là, voilà, on voulait être concret. En fait, on voulait une convention. Un psy n’allait pas nous faire une convention. On voulait une convention. » UM7 : « Et certainement pas, moi je pense que la médiation ne doit pas être faite par des avocats. Parce que d’abord on a l’impression d’aller se faire juger. Et ils n’ont pas ce processus, ils pensent encore en étant des avocats. En médiation, c’est encore, « vous faites ça et vous ne pouvez pas ». Je pense qu’il faut pouvoir tout démolir dans la manière dont on fonctionne pour reconstruire quelque chose. Et ils ne sont pas dans un processus de reconstruction chez les avocats. En tout cas dans ma pratique avec l’avocate qu’on est allés voir à Namur. »
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PS1 : “Maar je hebt ook advocaten die zeggen van: “Oké, we nemen dat erbij.”, maar die eigenlijk advocaat blijven. En die niet voldoende op het proces van mensen kunnen ingaan. En dan, denk ik… Ja, dan denk ik niet dat dat echt goeie bemiddelaars kunnen worden. Want er zijn dan ook mensen die in specialisatiecursussen of zo zaten, die dan zeggen: “Ja, ik kom hier gewoon voor de punten.”. (...) Maar een advocaat is niet opgeleid naar conflicthantering. (...) Als diezelfde advocaat die dat ene doet, dat ook die bemiddeling doet, dan moet die toch wel een beetje een dubbele persoonlijkheid hebben, denk ik.” B1 : “Ik ben geen jurist. Ik mag de scheidingen doen. Elke bemiddelaar, scheiding, mag, die dus erkend is, mag scheidingen doen. Maar ik weiger dat te doen. Ik vind dat je doorvoor een competentie, een veel grotere professionele competentie, juridisch, moet hebben. (...) Ik wil geen would be-jurist zijn. Maar ik zeg aan die advocaten en notarissen: “Jullie mogen geen would be-pedagoog of -psycholoog willen zijn, of -therapeut, want jullie kunnen dat niet. Het is niet omdat je thuis drie kinderen lopen hebt en opvoedt dat je denkt dat je het nu allemaal weet.”. Ik weet ook zo dat ik een briefje moet schrijven als ik iemand in gebreke moet stellen. Maar het is niet omdat ik dat weet, empirisch, dat ik een jurist ben. Dat is een discussie. Veel advocaten noemen ons de witte producten van de advocatuur.”
1.4.
La justice, miroir inversé de la médiation : l’avocat anti-médiateur
La médiation est parfois perçue comme une réponse aux failles ou aux faiblesses des procédures légales, comme une voie pour traiter les contentieux post-divorce : A1 : « Il y a énormément de conflits après un consentement mutuel. Mais ça je crois que les juges de la jeunesse peuvent confirmer ça. Tu as des gens qui font des consentements mutuels un peu dans la précipitation parce qu’ils en ont jusque là. Et puis un ou deux ans après, ils disent mais enfin, pourquoi j’ai accepté ça, c’est pas juste par rapport à mon enfant. Donc ils reviennent chez le juge et puis les juges essaient de les envoyer en médiation. »
Une juge valorise la médiation en la comparant à une audience : J1 : « Mais à l’audience c’est tellement court que quand ils vont repartir de l’audience avec leur avocat, ils vont se rendre compte qu’ils n’auraient pas dû parler comme ça des problèmes de trajet. C’est souvent de gros problèmes pour les enfants. Ils n’auraient pas dû lâcher la bride pour la scolarité de l’enfant. Donc ils sont un petit peu vus. - Donc la sphère judiciaire c’est plutôt celle de l’argumentation et celle de la médiation, elle est plus émotionnelle. C’est comme ça que vous diriez ? - Elle est plus dans le « dire vrai ». On peut ne pas être émotionnel et dire vrai. Tandis que dans la sphère judiciaire on sent que les parents se retiennent, même, pas toujours… d’estimer que l’autre a tout compte fait raison sur tel ou tel point. Pourquoi ? Parce qu’ils ont quand même peur de lâcher certaines choses sur certains points sur l’organisation de la vie de l’enfant. Et de se dire que s’ils lâchent ceci, peut-être ils vont aussi perdre autre chose et qu’ils n’auront même plus du tout ce qu’ils ont demandé. - C’est parce qu’il y a un enjeu, tandis que dans la médiation il n’y a pas d’enjeu ? - Dans la médiation, les enjeux sont à plat. »
Ainsi cette avocate confirme ce problème, sans néanmoins indiquer qu’un médiateur pourrait plus facilement résoudre le problème que l’avocat: AD1 : « Je moet ook zeggen: “je moet de mensen van de rechtbank weghouden”. Ik ben de eerste om dat te zeggen en ik blijf dat zeggen en ik geraak meer en meer overtuigd omdat de rechters veel te weinig tijd hebben, in familierecht zeer specifiek. En ik heb hier al heel veel debatten meegemaakt met de magistratuur in de hoop dat er meer ruimte wordt gegeven, meer magistraten ter beschikking zijn, meer tijd ter beschikking staat om dat familierecht te pleiten. Dat is, bovendien, als men zo veel zaken op een zitting heeft, en men wil die allemaal behandelen, en men kan daar geen tijd aan besteden, dan zeg ik tegen mijn cliënten van: “oké, op een bepaald moment slaat die rechter er met zijn klak naar. Die heeft niet voldoende informatie en die moet een beslissing nemen, dus hou dat in handen. Doet een beetje toegevingen, wees wat soepel, maar tracht ten minste zelf uw beslissing te nemen over uw kinderen en over de verblijfsregeling van uw kinderen. En zo verder. »
Mais les autres témoignages relevés à cet égard sont beaucoup moins nuancés et beaucoup plus critiques à l’égard de la Justice. Les procédures sont décrites comme « un calvaire » ; « un jeu de cap et d’épée » : 51
M3 : « La médiation d’une manière un peu plus approfondie, évidemment, lorsque les gens viennent avec un grave conflit, d’un point de vue sociologique, c’est de pouvoir apaiser ce conflit et éviter à ces gens de devoir vivre le calvaire d’une procédure judiciaire, le calvaire d’un conflit qui peut être long, coûteux et qui peut avoir des conséquences non seulement pour les parties mais aussi pour tous les membres de la famille. » M7 : « Donc habituellement les procédures judiciaires, c’est un grand jeu de cap et d’épée pour moi. Je dis pas ça pour dire, ça ne doit pas exister, je pense que c’est important que ça existe mais ce qui se dit via les avocats, les gens sont meurtris mais grave. Gravement meurtris par ce qu’ils entendent dire par les avocats. (…) C[la médiation]’est beaucoup moins lourd qu’une procédure judiciaire et c’est plus juste. Je pense qu’il y a une économie, même si c’est très dur, une économie de blessures profondes. Les gens sont marqués par les discours des avocats. Parce que tout est bon pour essayer de convaincre le juge. C’est affreux. Moi je n’en connais pas un qui sort de là indemne. Ils sont plus meurtris par ça. Et en plus tout est faussé. Il y a plein de mensonges dans ce qu’ils disent. »
Quelques témoignages d’audiences ou d’expériences judiciaires sont glaçants. Le témoignage de NUM2 supra (1.2.1.) évoquant l’audience comme une scène où il est privé de parole était déjà explicite. Mais de nombreux interlocuteurs nous ont fait des récits assez similaires : un usager de la médiation raconte une audience récente ; une dame raconte son divorce, intervenu trois jours avant l’entretien : UM6 : « C’est un bazar, je ne sais pas si vous y avez déjà mis les pieds mais c’est une immense pièce. Tout le monde est bourré dedans. On peut rentrer, sortir comme on veut. Mais tous les avocats sont à l’entrée et à tour de rôle, « Monsieur le juge, c’est à moi maintenant ». Et ainsi de suite. Voilà. Et on passe comme ça devant tout le monde. Ça dure cinq minutes, je ne sais pas, une demi-heure. Ça dépend des cas. - Donc, il ne peut pas rentrer dans des questions plus personnelles ? - Non, il regarde les rapports, c’est tout. Maintenant, il y a des choses qu’on entend. Il ne se gêne quand même pas. S’il a un truc plus personnel à demander, ben il demande devant tout le monde. » NUM3 : « (Mon divorce ?) Horrible, inhumain. Donc, en fait avec la nouvelle loi, étant donné qu’on a des domiciles différents, il n’y a pas à discuter. Suivant l’article 329 § 3 ? J’ai déjà oublié. Donc la première fois qu’on est allés, c’était il y a 3 semaines. Il y a tellement de monde qui divorce. Et j’ai pas très bien compris. Il est impossible pour le juge de recevoir autant de monde. Donc on attend que tous les numéros supplémentaires de la tranche aient un autre rendez-vous. Donc report de date. Donc, je ne comprends pas très bien. On sait bien qu’on ne sait pas faire 70 divorces le matin. Je ne vois pas pourquoi on est convoqués s’il y a 70 ce jour-là. Donc, ça veut dire que c’est une démarche qui est difficile. On va divorcer comme on va faire son Delhaize. On est amenés qu’il y a un monde fou, qu’il faut attendre. Alors, il y a les démarches pour les dates. Ce qui prend, j’imagine, il y a des gens qui travaillent et tout ça. Ça fait une matinée quoi. On est postposé à une autre date. Alors là, les reportés, comme ils disent ont priorité. Donc au bout du compte, il y a les demandes volontaires, je pense que c’est comme ça que ça s’appelle, et puis les reportés, et puis ... La deuxième fois, il y avait moins de monde. Et il n’y a rien d’aussi impersonnel, on est en dehors du divorce. A savoir, moi j’avais pas d’avocat. U. (son ex-mari) en avait un. Donc les papiers ont été préparés. Il ne faut jamais que prouver une séparation de domicile. Ce n’est que ça. Donc comme les documents étaient préparés, le juge vérifie ces documents. Donc, je n’ai pas dit un mot. U. non plus. Pas un. On n’a pas signé. Ça a duré une heure, c’est tout, on est divorcés. Donc voilà. - Donc, c’est comme si tu étais derrière un guichet... - Derrière un guichet. Sauf que oui, il n’y a pas de vitre. Et qu’il y a en plus la magistrature qui se veut imposante parce qu’avant ça, on nous a dit que si on continuait à parler dans la salle, le magistrat, si ça continuait, il levait la séance. Donc ça reste aussi quelque chose de très hiérarchisé, comment on dit... - Ritualisé ? - Non, avec effectivement les personnes qui ont un titre à respecter. - Hiérarchique. - Hiérarchique, tout à fait. Avec la Cour arrive. On peut s’asseoir quand la Cour l’a dit. La Cour va être de mauvaise humeur et va annuler la séance... (rires). C’est vraiment la structure hiérarchisée, voilà les documents, l’avocat qui joue le rôle de la hiérarchie, là, comme si les magistrats étaient des personnes qu’on craint par leur autorité. On m’avait déjà dit ça sur le juge de paix. Là en tout cas, au tribunal... Donc voilà. Tout à fait impersonnel. J’ai trouvé ça terrible. J’ai trouvé ça terrible. On a même pas eu un tout petit quelque chose de personnel, pour dire Ok. Moi j’étais, j’étais... voilà, le divorce était demandé et d’office il était acquis. Mais je n’ai même pas du faire un acte quelconque pour dire Ok, signer... rien, rien. (…) Aucun rituel, une pure démarche administrative, de vérification administrative. Une vérification administrative puisqu’on divorçait sous cet article-là. Pour les autres, je ne dis pas. Il suffit que tu ne vives plus avec quelqu’un pendant un an. Ça s’appelle une désunion irrémédiable. Voilà. »
52
GNB6 : “Je komt gewoon in de rechtszaal en dat was zo plak: ik was een moeder dat haar kind niet los kon laten – wat dat helemaal niet waar is – en plak: hij was de vader dat zijn kind niet mocht zien. En van daaruit spreken zij recht. - (...) Hoe lang heeft die zitting geduurd? - Ja, op dat gebied hebben wij chance gehad. Het was de laatste van de dag en ze hebben daarom een beetje meer tijd genomen, maar dat is een kwartiertje. Een kwartiertje, langer is dat niet. Dat is een momentopname. En ze zien echt je kop en van daaruit spreken ze recht.” GB2 : « Op een gegeven moment vraagt hij (de rechter) aan mijn ex: “Waar gaan de kinderen naar school?”. (...) En dan vraagt die aan mij: “Ah, meneer”, zegt hij, “waarom stuur jij je kinderen naar het gemeenschapsonderwijs terwijl er op de andere straat een andere school is?”. Ik zeg: “Ja, dat is een keuze van ons.”Dus in feite had die problemen met het feit dat mijn kinderen iets verder naar school gingen, naar het gemeenschapsonderwijs, dan, in feite, iets dichterbij, naar het katholiek onderwijs. Dan voel je zo al nattigheid.(...) Maar blijkbaar heb ik achteraf gehoord… Dus die persoon is ook van de gemeente waar wij afkomstig zijn, is dat een heel conservatieve rechter. En nu ja, ik heb… Hij vraagt: “Waar werkt u?”. Ik probeer dat zo een beetje algemeen te houden. Ik zeg: “Ja, op de algemene centrale.”. Hij zegt: “Wat is dat?”. Ik zeg: “Ja, dat is een deel van de vakbond.”.-“Welke vakbond?” Ik zeg: “Het ABVV.” - “Ik dacht het al.”.Ik vind dat een opmerking dat niet kunnen is. “Ja, wat doet dat ter zake, waar dat ik werk?”. Dus had ik ook zo een beetje het gevoel van: “Ja, ik heb het hier verkorven.”
Cette médiatrice témoigne des traumatismes que peuvent laisser les procédures : B3 : « Die procedure is opgestart. Daar zijn heel lelijke dingen gezegd en ik kan die niet wegtoveren, die zijn daar. Dus ik heb niet het gevoel dat ik die brokken moet opruimen. Ik heb het gevoel dat het gewoon dat het geheel veel moeilijker nog maakt. (...)Het feit dat die mensen zo vroeg in een juridische wereld verwikkeld… Maar dat is eigenlijk geen zicht op hebben als ze die stap zetten. - Dat is niet kunnen inschatten wat de gevolgen zullen zijn? - Neen. Want dat is een losgeslagen paard. (...) Ze betalen zich blauw aan advocaten, het gaat niet vooruit, het lost niets op, het drijft hen uit elkaar en ze slaan meer en meer worden en dan zijn ze na vijf jaar moegestreden.”
Les audiences avec enfants sont aussi souvent critiquées : B2 : « Allez, ook zo dikwijls als ik dat hoor hoe dat die gehoord worden door je jeugdrechter, dat is soms een gesprekje van vijf minuten. “Bij wie wil jij zijn?” Ja, dat vraag je niet aan een kind. Ik bedoel… Besteed dat dan uit aan mensen die daar iets van kunnen, vind ik. Je moet dat als rechter van mij dan nog niet eens zelf doen. - Omdat het traumatiserend is? - Kinderen zijn daar echt meestal zeer ontgoocheld in. Zo’n pubers, die verwachten dan van: “Ik mag mijn verhaal hier is gaan doen aan de rechter. Die zal daar wel rekening mee houden.”. Dan zijn die daar op vijf minuten terug buiten en dan zegt die rechter nog dikwijls: “Ga maar naar de bemiddelaar”, tegen de ouders. Ja allez, dan denkt die jongere toch van: “Wat heb ik hier nu gezegd? Allez, wat telt dat nu?”. (...)Nochtans, ik heb een jeugdrechter in mijn opleiding zitten en die vindt zelfs al dat het hoorrecht voor jongeren moet afgeschaft worden. “Ja”, zegt hij, “want daar worden die, in feite, in een heel moeilijk geschil geplaatst. Dan moeten die partij kiezen.”. Ik zeg: “Ja, dat is nu wel niet de bedoeling van zo’n hoorrecht voor jongeren.”. Dus die bekijken dat ook echt fout, zo’n situatie.” B3: “Ja, die hoorzittingen, dat is echt waar nutteloos want het zijn mensen die daar niet voor opgeleid zijn. Ik blijf van kinderen af. Magistraten zijn daar eigenlijk niet voor opgeleid. Het is in een omgeving die echt wel niet kindvriendelijk is en ze krijgen vijf minuten. Wat wil jij op vijf minuten… (...). Schaf dat maar helemaal af want dat vind ik echt niet kunnen.”
Les avocats et les juges mêmes se plaignent d’un manque de temps considérable aux audiences : AD1: “Maar - je moet eens gaan kijken - in de zitting van de jeugdrechtbank staan 30 zaken van 9 tot 12. Sorry hoor. Daar worden er dan wel 10 of 15 van uitgesteld en dan ben je aan het pleiten en na 10 minuten zegt de jeugdrechter: “ja maar, Meester, u weet het: we hebben veel zaken”. In plaats van te zeggen: “oké, twee zaken per voormiddag.” (....) Maar wat mij vooral stoort in heel de problematiek van de benadering van het familierecht is dat daar veel te weinig aandacht wordt aan besteed en veel te weinig middelen worden voor vrijgegeven. (...) Want uiteindelijk, allez… Ja, hoe kan je dat, als je maar een kwartier tijd hebt, of maar een halfuurtje tijd hebt om naar de mensen te luisteren? Dan kan jij geen perfecte beslissing nemen. Dat gaat gewoon niet.”
Mais ils formulent la même critique aux médiateurs : 53
AD1: “Er was nu iemand die mij zei: “Ja, we gaan dan naar de bemiddelaar.”(...) En dan, ja, dan heb je om 11 uur een afspraak en dan om vijf voor twaalf is dat gedaan. Want om twaalf uur is de volgende afspraak. Ja, en dan ben je er bijna, of dan vlot het redelijk goed en dan: “Ja maar ja, de tijd is om.” En wat doen we dan? Alles dicht en binnen drie weken praten we verder. Dat zijn ook geen oplossingen hoor.(...). Als vergader met cliënten doe ik dat nooit tijdens mijn consultaties. Dan zorg ik altijd dat ik daar vrij veel… dat ik daar één, of twee uur de tijd desnoods, voor heb en ik stop wanneer is zeg van: “oké, hier geraken we nu toch niet verder. Laat ons maar stoppen. Laat ons, ik met mijn cliënt, jij met de jouwe… Praat er nog eens over”, en zo verder, “en dan gaan we dat nog wel eens terug hernemen, zij het binnen een paar weken om…” Of dan maken we direct een afspraak voor de volgende keer. Maar zo van… Dat doen we dus in blokjes van vijftig minuten en dan doen we een nieuwe afspraak binnen drie weken. »
Pour plusieurs interlocuteurs, la nouvelle loi sur le divorce n’a pas simplifié les choses. Par exemple : NUM1 : « Il vaut mieux je dirais prévenir que de se lancer dans de longues procédures juridiques incertaines, coûteuses, tendues et autres. J’ai pas l’impression dans ce que j’ai entendu que la simplification de la loi sur le divorce ait rendu les choses plus simples. - Non ? Pourquoi ? - En fait, ce qu’on cherche à réduire c’est la temporalité du divorce. La possibilité de sortir plus vite du mariage. Mais s’il y a des conflits ou des tensions, le fait de raccourcir la procédure n’a rien pris en compte. - Donc ce que tu veux dire, il y a là une possibilité de gérer des conflits sans qu’ils ne montent forcément dans l’appareil judiciaire ou en amont de ça éventuellement ? Et qu’il y a moyen de toucher à ces dimensions-là ? - On pourrait imaginer de dire, tiens au fond est-ce que la médiation n’occupe pas l’espace-temps qui était occupé avant par la procédure du divorce, les trois comparutions du divorce par consentement mutuel. Simplement, ça peut se passer en tout cas en deux phases, une phase de médiation et une phase de divorce proprement dite. » J2 : « Parce que ça veut dire que, une dame dont le mari fout le camp avec la meilleure amie etc., la dame a deux gosses et une semaine après ses enfants sont en hébergement égalitaire chez la meilleure amie qui lui a piqué son mari. Ce n’est pas humain tout ça ! Autant on doit pouvoir digérer cette histoire pour pouvoir reconstruire autre chose. Je suis d’accord pour dire que le divorce pour cause déterminée n’était pas non plus une manière correcte de gérer cela mais il avait l’avantage de le gérer dans une certaine mesure. Maintenant, j’ai l’impression que le législateur est un petit peu autiste. Il ne veut plus entendre parler de cela, « Ce n’est pas beau de dire des vilaines choses, les enfants n’aiment pas… » Alors que ce n’est pas vrai, les enfants ont besoin aussi que leurs parents puissent s’arranger entre eux, et pour s’arranger, il faut pouvoir tout de même se dire des choses. » R1: “Ik denk dat het probleem is, in België, …. Echtscheiden op zich is geen probleem, men kan scheiden met een fluit van een cent maar de problemen zijn absoluut niet opgelost. De problemen komen bij de notarissen terecht. De problemen komen bij kortgeding en dat gaan we dus meer en meer hebben. De notarissen gaan niet meer weten waarin of waaruit want zij gaan het gelag betalen. Dus er wordt niet meer gesproken. De communicatie is volledig zoek.” NO2: “Nu is het veel gemakkelijk om echt te scheiden. Je gaat naar de rechtbank, je zegt: “Voila, ik zie dat hier niet meer zitten.”, de rechtbank die zegt: “Oké, het is goed. Je bent gescheiden.”, maar er is niets geregeld.(...) En wat doet de rechtbank: “Hier zie, boem, we stellen een notaris aan om over te gaan tot vereffeningverdeling.(...) En dan komen wij tussen maar dan krijgen wij eigenlijk gewoon een gerechtelijke opdracht om te verdelen. Wij krijgen geen opdracht om te bemiddelen. Dus dat is, bij wijze van spreken, op dat moment, wat zeggen de mensen dan: “Oei, wat nu?”. Ze gaan naar een advocaat waardoor dat er polarisatie is van het geheel. (...) Ja, dan is het meestal om zeep. (...) Dat levert op dit ogenblik voor ons als notaris enorme problemen op want dat is veel moeilijker om dan tot een oplossing te komen dan als de problemen vooraf besproken waren. (...) Alleen zijn de moeilijkheden op die manier, volgens mij, veel groter dan wanneer ze op voorhand zouden besproken worden tussen die mensen omdat op dat ogenblik meteen er een totaalaanpak is over ook wat de kinderen betreft. (...) Dat is een gigantisch probleem. Wij worden overspoeld van aanstellingen door de rechtbank waar het jaren gaat duren om, bij wijze van spreke, in sommige dossiers tot een oplossing te komen. (...) Mijn suggestie is effectief van dat toch serieus te gaan herbekijken en de mensen eventueel op voorhand toch tot aan te zetten om de procedure echtscheiding onderlinge toestemming te gebruiken.”
Une médiatrice déclare que la loi sur le divorce sans faute ne reflète pas la réalité du vécu psychologique des ex-partenaires et des enfants, ce qui ne facilite pas la médiation: 54
B3: “Maar wat ik ook wel ervaar is, als ,bijvoorbeeld in een koppel, één van beiden vreemd gaat, dat je er niet omheen kunt, ook al is er nu een schuldloze echtscheiding, dat je er niet omheen kunt dat tijdens de hele procedure van bemiddeling ook die schuld of het schuldige aspect van vreemd te gaan… Dat je de rekening blijft betalen. Dat zowel de kinderen daarin gesleurd… En dan kan je als bemiddelaar nog zo zeggen: “Uw kinderen moeten daar buiten blijven”. Dat is te theoretisch. De praktijk is dat kinderen daar ook een oordeel over hebben en… Ja, je hebt uiteindelijk het contract getekend, en één van beiden verbreekt dit door vreemd te gaan. En dan zeg je: “Jij bent niet de schuldige”, dus… Dat vind ik een aspect dat we in bemiddeling misschien te naïef oppakken en zeggen van: “Die zal wel reden gehad hebben om vreemd te gaan dus…”. Maar daar ben ik zelf nog niet over uit, hoe dat je dat moet oppakken als bemiddelaar zonder daarin te naïef te zijn. - Dat dat voorbij gaat aan de psychologische beleving van de cliënten dan. - Ja, dat als je zegt: “Niemand is schuldig, iedereen heeft…”, dat je dat toch op een correctere manier moet oppakken want dat dat zo niet wordt ervaren. Trouwens, diegene die vreemd is gegaan voelt dat ook en betaalt dikwijls een hoge prijs voor de stap die hij heeft gezet.(...) Ondanks de schuldloze echtscheiding. Dat blijft wel hangen in de realiteit. Maar heb je dan een advocaat die daarop focust en daarop hamert en een hele tijd de ene zwart maakt en… Dat lost het zeker ook niet op want dan zit je weer in dat uit elkaar drijven.”
Une autre médiatrice exprime sa crainte que le divorce soit ainsi banalisé et dédramatisé et que les enfants en soient victimes: B2: “ Ik vind dat in feite – ik zeg dat ook altijd tegen mensen – ik vind dat echt een dikke crisis. En het is niet omdat dat zo veel in onze maatschappij gebeurt dat dat iets heel gewoon is en dat iedereen maar vindt dat je daar zomaar moet over geraken. Ik zie hier echt heel veel mensen die echt wrakken zijn en het wordt ook, vind ik, te weinig bij stil gestaan. (...) In het begin ook, als ik die job deed, dan zag ik hier mensen zo ongelukkig dat ik daar echt bijna niet van sliep. En dan zie ik die twee maand later met zo’n smile terug verliefd tot achter hun oren en dan gaan ze, oh, dan gaan ze… Binnen een maand gaan ze er al bij intrekken want ze hebben een oplossing. Ze moeten geen appartement zoeken. Ze kunnen daarbij in. Dat is voor de kinderen niet oké. Allez, die hebben dat zelf nog niet geen plek kunnen geven. Die kennen die vreemde nog niet. Allez, bij iemand in een vreemd huis intrekken. Daar staan ouders toch allemaal niet bij stil.(...) Zo die nieuwe echtscheidingswet, dat vind ik de slechtste wet die er kunnen komen is. »
La tendance à favoriser l’hébergement partagé est aussi souvent critiquée : PS2: “Ik vind het op zich, samen met nog veel mensen, ongelukkig dat Onkelinckx – zeker? – daar gesteld heeft dat rechters, in principe, verblijfsco-ouderschap moeten opleggen en als ze iets anders doen moeten ze dat motiveren en omstandigheden motiveren waarom niet. Want daardoor gaan alle mensen die geen verblijfsco-ouderschap dan hebben zich… Ja, minder… Een slechtere regeling voelen hebben en minder als diegenen die dan de minste verblijf… Het minste tijdverblijf van de kinderen heeft, is dan de mindere ouder, enzovoort. En het is gewoon in situaties gelijk die waar dat ik daarnet van vertelde, waar dat conflict maar blijft aanslepen en blijft gevoerd worden, eigenlijk nadeliger voor het kind dan een andere regeling. - Het verblijfsco-ouderschap is nadeliger? - Het is opgelegd. Het is geen keuze geweest. Maar door die wet die zegt dat rechters dat moeten doen is het ook qua betekenis heel anders. Moest dat nu een andere regeling zijn, dan zou dat al direct een uitzondering zijn waarbij dat dan automatisch gedacht wordt: “Ja, diegene die het kind minst krijgt, daar is iets mis mee.” GB2 : « Allez, is werkelijk het wetgeving om duidelijk dingen te stellen. Ik weet niet of je de wettekst gelezen van – ik dacht 2007 of zo, of 2008 – die stelt dat, in feite, er voorrang moet gegeven worden aan bilocatie. Maar dat is zo omschreven, zo heel flou: “Bij voorkeur moet onderzocht worden voor een bilocatie.” Moest het wetgeving al duidelijk stellen van: “Het is zo.”, is er al meer kans voor een bemiddeling want dan moet je daarover al geen ruzie niet meer maken.”
L’image des avocats est très souvent négative, surtout chez les usagers, mais quelques professionnels relaient aussi ces critiques. Ils attiseraient le conflit, seraient prêts à tout pour convaincre et leurs services sont perçus comme très coûteux : M2 : « Ils ont peur que l’avocat leur dise, « non, il ne faut pas du tout de médiation, du conflit ». Cette idée que l’avocat va attiser le conflit. » P2 : « Madame a été très soulagée de ne pas repasser par les avocats parce qu’en plus elle ne comprend pas toujours tout ce qu’on lui montre, ce qu’on lui explique, ça la dépasse. Avec les sommes d’argent, l’avocat lui faisait toujours penser qu’on était en train de l’arnaquer, alors que ce n’était pas le but de monsieur. Et donc elle demandait toujours plus via son avocat. Et lorsqu’ils ont pu se rencontrer dans ce lieu de médiation, elle disait non, je ne voulais pas tout ca, c’est l’avocat qui « me disait que ». Alors c’était excessif, le monsieur disait « on va me dépouiller de tout, je ne peux déjà plus vivre chez moi ». Elle
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demandait la garde exclusive, demandait des sommes pas croyables. A la base elle avait été conseillée de manière excessive par son avocat. Ce qui créa plus de tension » A2 : « Et il y a des gens qui pensent qu’ils font l’économie d’un avocat, ça c’est vrai, qui veulent en tout cas éviter les frais de procédure et surtout il y a des gens qui viennent parce qu’ils ne veulent surtout pas entendre parler d’avocat. Ils ne veulent pas parce que l’image qu’ils ont de l’avocat c’est quelqu’un qui veut de la procédure et qui mettra de l’huile sur le feu et ça c’est très important. (…) Et donc chez ces gens-là quand j’insiste qu’ils prennent une consultation d’avocat afin d’être certain que leurs droits soient respectés ils ne veulent pas. Ils ont vraiment peur, peur que s’ils mettent les pieds dans un cabinet d’avocats tout soit foutu. » UM2 : « Et donc, que bon, on n’a pas des revenus mirobolants, et on s’est dits, bon, si on commence avec des avocats, etc. non seulement il y a ce côté un peu agressif et très législatif, très légiféré du côté avocat. On voulait s’arranger à l’amiable. Parce que bon, on se doutait bien qu’il y avait des choses à arranger. Et finalement, c’est la médiation qui nous a paru la plus adaptée à quelque chose de plus humain. (…) On voulait vraiment s’arranger à l’amiable, donc on ne voulait pas passer par quelque chose d’officiel. » UM4 : « Nous n’avons pas pris d’avocat, non, parce que je m’entends fort bien avec mon épouse. » NUM3 : « Mais globalement, c’est matériel, finalement. Les avocats, c’est matériel. Au bout du compte, la fois dernière, je réfléchissais, je dis, ben, moi j’ai toujours voulu dire des choses psys, c’est pas le lieu quoi. C’est pas l’affectif, c’est pas... on ne tatouille pas dans... oui, çi ou ça, non, c’est tac tac tac, la loi, l’article untel, le contrat de mariage, c’est ça la justice. La justice porte mal son nom. C’est des règles juridiques qu’on applique. » UM9 : « Avant qu’elle ne parte, juste avant je suis allé voir un avocat, simplement parce que j’étais complètement désemparé pour savoir ce que je devais et ne devais pas faire, pour ne pas péter un plomb. Pour rester correct vis-à-vis des enfants et éventuellement vis-à-vis d’elle pour ne pas… pour que quelqu’un me remette dans une certaine voie, ne pas perdre raison, pour ne pas péter un plomb. C’était simplement une constatation, je lui ai dit que j’avais été voir un avocat et elle s’est dit attention s’il va voir un avocat c’est qu’il va essayer de me gruger, donc elle pensait déjà à ce moment-là que si elle décidait de partir elle partirait sans rien. » NUM5 : « On s’est dit qu’on n’avait pas envie de passer devant des avocats. On n’avait pas envie que ça traîne, on n’avait pas envie de payer des sommes mirobolantes. En se disant que ça ne sert à rien, car de toute façon on sait ce qu’on veut. Et on ne voulait pas mettre la gamine là entre deux feux, ça non c’était hors de question. » GNB3 : “Allez, ik was blijkbaar maar een klein visje in zijn grote vijver en die heeft mij niet geholpen zoals hij mij moest helpen. - Wat had hij dan moeten doen? - Ja, hij had daar veel meer druk moeten achter zetten. Hij heeft, denk ik, één f geschreven en twee vergaderingen gedaan. Dat was het. Ik bedoel… Neen, ik was daar zeker niet over tevreden.” NO2: “Maar heel veel hangt, in zo’n geval, af van de hand die vastgehouden wordt van de cliënt, door de advocaat. - Heb je het gevoel dat die dat kunnen saboteren? - Die saboteren dat heel vaak. - Om hun verhaal beter te doen klinken? - Omdat de mensen soms geen oplossing zelf willen en dus dan schieten de advocaten voor hen het verhaal naar beneden. En in sommige gevallen vrees ik dat er advocaten zijn die dat prettig vinden om het verhaal zo lang mogelijk te laten duren, om zelf dossiers te hebben. - Dat is uw gevoel? - Dat gevoel heb ik af en toe toch, ja. Dat je nu zou zeggen: “Geef mij nu die mensen die hier bij mij zitten even alleen en ik los dat hier binnen vijf minuten op. Laat die advocaten nu hier even buiten gaan, ik los dat hier op vijf minuten op.”
Les avocats flamands ne sont pas d’accord sur la représentation de leur métier : AD1 : « Want uiteindelijk denk ik dat het ook een beetje allemaal is ingesteld – ik heb daar mijn persoonlijke ideeën over – de politiek, en ook de mensen in de straat, het publiek, heeft toch nog wel dikwijls een verkeerd idee over de advocatuur. Men heeft soms wel het idee dat wij altijd gaan pleiten en altijd moeten vechten en altijd voor een rechtbank willen verschijnen. Nu, dat is omdat de media zich focust op wat de mensen graag zien: strafrechten, al die assisenzaken, en zo verder. En zo komen wij in het nieuws. Maar het feit dat ik dus
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in mijn echtscheidingen 75% op mijn bureau afwerk en maar 25% op de rechtbank… Ja, dat facet kent men niet altijd van de advocaat.”
Cette médiatrice, juriste de formation, déclare : B3 : “Die drijven dat ten spits. Die hebben een andere manier om naar conflicten te kijken. Die zeggen: “Een conflict, dat is iemand die gelijk heeft en iemand die niet gelijk heeft.”. En bij familiale gegevens kan je dat zo niet doen. (...)Dus bij een advocaat of vanuit de juridische wereld, om dat dan open te trekken, wordt er gezocht naar degene die verkeerd is geweest en diegene die juist… En willen ze kost wat kost gelijk halen en die advocaten – of die juridische actoren uit die wereld – bevestigen mensen in hun idee of in hun gevoel dat ze gelijk hadden en dat zij alleen de witte raaf of de witte dinge zijn en de andere helemaal fout heeft gehandeld.”
Cette dame, qui a fait une médiation et qui est docteur en droit décrit le métier d’avocat dans ces termes : GB1 : « Alleen denk ik dat daar bij advocaten weinig – of niet genoeg – motivatie bestaat om dat zo te doen want bij hoogoplopende conflicten, zij hebben daar belang bij. Dat gaat altijd zo blijven. Elke advocaat zal dat met zijn hand op zijn hart zeggen: “Dat is niet waar. Wij doen daar alles aan, om dat conflict…”. Dat is wel waar. - Omdat hoe langer het conflict aansleept, hoe meer ze betaald worden? - Hoe meer dat de partijen van mekaar te eisen en hoe meer deelprocedures en hoe meer keer dat je naar de… Hoe maar aktes dat je moet schrijven. Het is elke keer tik, tik, tik. Dat kan niet anders. Dus daarom dat ik in de piste advocaten niet te veel geloof.”
La médiation est ainsi fréquemment valorisée en regard d’une expérience judiciaire difficile ou décevante, tout comme le médiateur est paré des qualités que l’on dénie à l’avocat. Parmi tous ces commentaires critiques à l’égard de la Justice et des avocats, un propos tranche par son caractère nuancé. Selon ce médiateur, la pratique du droit s’est transformée. La justice et ses professionnels sont aussi, tout comme les médiateurs, de plus en plus sensibles à la recherche de solutions négociées : M1: « Je ne suis pas de ceux justement qui considèrent que le droit a priori, il y aurait d’un côté disons le droit et la procédure judiciaire qui auraient tout faux et d’un autre la médiation qui aurait tout bon. Ça franchement pas du tout. D’une part, je suis convaincu, aussi pour avoir lu là-dessus et aussi pour avoir constaté dans les tribunaux, actuellement les procédures sont traversées par des logiques qui sont, certaines, clairement plus anciennes, encore que de moins en moins parce qu’on vient de rénover le divorce pour faute. Qui était en fait le dernier archaïsme, la dernière conception familiale un peu traditionnelle, la plus criante de notre époque. Et donc maintenant dans les tribunaux, on juge plus du tout comme avant et finalement d’une manière assez proche de ce que l’on fait en médiation. - Donc, la pratique du droit s’est transformée. - Tout à fait. S’est tout à fait transformée. Et donc les lois, pour ceux qui les ont un peu analysées, notamment les sociologues. Et en plus, c’est assez clair. Le droit n’est plus, le juge en est en fait à animer une espèce de débat très ouvert. Et d’ailleurs quand on voit les questions qui se posent le plus concrètement quand les gens se séparent, c’est quoi ? La question de l’hébergement et la question de la pension alimentaire. Maintenant, il y a des essais législatifs de préciser un peu les choses au niveau de la pension alimentaire. Mais au niveau de l’hébergement, la loi ne dit quasiment rien. Elle a un petit peu précisé depuis 2006, mais grosso modo, il n’y a aucune loi fixe. Donc le juge n’a pas d’autre choix que de faire parler les gens, les écouter. - Donc la frontière entre le droit et la médiation n’est pas si tranchée que ça ? - Non, moi je suis convaincu que grosso modo, on pense tous très très fort la même chose. »
2. Le champ professionnel de la médiation 2.1. Définitions Les médiateurs sont intarissables sur la définition de la médiation. La façon dont ils en parlent suggère que c’est souvent plus qu’un métier, une vocation, une forme 57
d’engagement. Nous n’avons pas relevé de contradictions manifestes dans les définitions de la médiation, qu’elles soient formulées par des médiateurs, d’autres professionnels, des usagers ou non de la médiation. Il semble avoir plutôt consensus à ce propos. Tout au plus peut-on relever des accents différents. Par exemple, plusieurs interlocuteurs présentent la médiation comme une triangulation, comme l’intervention d’un tiers nécessaire, d’un traducteur, d’un communicateur : J1 : « En général, ce que je présente aux personnes c’est en premier lieu, je présente ça comme une sorte de triangulation, en leur disant qu’ils ne seront pas seuls et qu’un tiers va les aider à réguler ce qu’ils ont à se dire. Je parle dans mes mots. Et j’insiste souvent sur le fait que le tiers est un professionnel normalement assez rompu à la technique. » M3 : « Le médiateur est vraiment le tiers interlocuteur, neutre, indépendant, qui aura deux missions : Un, être le garant du respect d’un cadre dans le processus, la médiation est un processus de rétablissement du dialogue. Et le deuxième point, c’est de rétablir le dialogue et le cas échéant, obtenir des accords très concrets sur des questions que les parties amènent en médiation. » M1 : « Pour tout le monde, le moment de la séparation est un moment de fragilisation narcissique très important. On a des phases un peu paranos comme ça. On commence à se méfier de l’autre et on commence à se dire mais quel coup foireux il est en train de préparer. Et donc, il y a quand même à un moment, on a besoin de quelqu’un qui incarne un peu plus, avec de la confiance. » P2 : « Peut-être qu’il serait possible d’avoir une situation plus harmonieuse mais qu’il n’est pas du ressort du juge d’approfondir la situation. Il a donc besoin d’une personne plus formée à la médiation. Il y a peut-être une base commune, mais au tribunal les gens sont là pour se défendre, et peut-être que dans un lieu plus neutre ou plus serein, il sentirait qu’on puisse arriver à une solution plus tempérée. Et que donc il fait appel à cette personne extérieure qui peut un peu tempérer la situation. » AD2: “ Het is een proces om in een conflictsituatie te zoeken naar een oplossing waarbij je als bemiddelaar dient als ondersteuner, als vertaler eigenlijk – voor de mensen tussen hun conflicten – waarbij je nastreeft dat de mensen zelf eigenlijk tot een oplossing komen.” B1 : « Dan is bemiddeling, ik zou kunnen zeggen, verzoenend communiceren. (...) Ik merk dat veel mensen niet, en dat is vaak de aanleiding tot - hoe zal ik het zeggen? - tot relatiebreuken, niet kunnen communiceren met elkaar.(...) En dat moet op een serene manier kunnen, op een respectvolle manier, op een manier zonder mekaar intentioneel te willen kwetsen, vernederen. Dat mag niet. (...) Dus ze worden alle twee uitgenodigd maar altijd heb ik twee individuele gesprekken. Dat duurt drie uur. En gesprekken, ik moet eigenlijk bijna zeggen: “Brainstormen.”. (...)Ze worden van mij in een psychologisch bad gestoken. Ze moeten niet veel zeggen.” B2: “Het herstellen van relaties.(...) Die is nooit voorbij tussen ouder en kinderen.(...) En tussen part… tussen ouders ook niet. Ze zouden het misschien wel graag hebben. Ik denk dat dat de grote klik is die je moet… Dat is de grote klik die je moet maken met ouderschapsbemiddeling, denk ik. Trouwen is niet erg, maar kinderen op de wereld zetten. Je blijft wel aan elkaar verbonden. Allez, je moet het wel hebben over kinderen dus in die zin vind ik het heel belangrijk dat een scheiding niet alleen maar het regelen is van een overeenkomst maar dat je vooral met die mensen relationeel werkt zodat alle kwetsuren enzovoort op tafel kunnen komen waardoor dat die mensen nadien ook met elkaar verder kunnen.” NO2 : “Luisteren. Ja, je moet…Of dat je zelf zo goed moet kunnen luisteren, het is misschien minder belangrijk dan de mensen laten luisteren naar wat de andere te zeggen heeft. Maar dat is soms ook als niet zo gemakkelijk. En dat, bovendien, de boodschap die gegeven wordt ook nog kunnen vertalen, want hetgeen dat diegene die zijn probleem of zijn frustraties uit, komen die dan wel juist toe bij diegene die dat moet horen of neemt die dat direct op als een aanval of weet ik veel wat? Ik denk dat dat de grote taak van de bemiddelaar is, om dat gesprek te voeren – enfin, te voeren niet, te laten voeren – en daar de tolk te zijn tussen die mensen.”
Ce tiers est défini comme un arbitre, comme un intermédiaire qui ne prend pas parti : UM2 : « C’était vraiment dans le but d’arranger pratiquement les choses mais avec quelqu’un qui puisse avoir un éclairage extérieur. C’était ça un peu notre but. On s’est dit, c’est vrai qu’il faut s’arranger pour la maison, les enfants, les frais, etc. Mais au fond, on n’a jamais vécu ça de tout près ni dans notre entourage familial. Je dois dire qu’on est dans un milieu « où on ne se sépare pas » et donc on n’avait pas de référence, on n’avait jamais entendu parler de la chose. Et on voulait que quelqu’un nous dise, ben il ne faut pas oublier de penser à ça, à ça. Et c’est vrai qu’on n’a pas pensé à ça au départ, c’est vrai que ça a été aussi le moyen de mettre à plat les choses avec un arbitre, je dirais. Donc quelqu’un qui dise, « oui, si vous faites ça, peut-être que Madame ne va pas être... » et inversement. Donc quelqu’un qui vraiment jouait l’arbitre en plus d’une situation extérieure qu’on voulait clarifier mais le côté pratique d’abord. »
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A1 : « Ce que je trouvais intéressant c’est le fait que tu es un intermédiaire qui ne soit l’avocat ni de l’un ni de l’autre. Comme avocat tu fais souvent des conciliations, enfin tu essaies de faire des conciliations. Mais t’as toujours le point de vue du client. Et là t’as pas une fonction de conseil et tu accompagnes plus les gens à la recherche d’une solution. T’es plus un intermédiaire qu’on peut qualifier, « neutre », ce n’est peut-être pas juste, mais un intermédiaire qui ne prend pas parti et qui ne conseille pas. »
Mais pour cet usager, le médiateur conseille et garantit l’équité des accords : NUM6 : « Le médiateur veille quelque part à ce que le contrat respecte les deux parties et que tout le monde soit conscient des engagements qu’il prend. Donc je crois que la médiation c’est le moyen de trouver un accord respectueux de chacun et surtout que le médiateur peut donner des conseils, éviter qu’un ne se fasse avoir par l’autre, même involontairement. »
Le travail du médiateur est souvent perçu comme une intervention visant à désamorcer le conflit ou à le « recadrer », en permettant de renouer le dialogue. L’enfant est souvent perçu comme un des bénéficiaires de cette démarche. Par exemple : M1 : Mais euh, pour moi, moi ce qui me, je me vois comme quelqu’un qui accompagne des gens en difficulté, en crise sur le plan familial. Pour moi, c’est l’essentiel. Je crois que c’est important aussi, qu’on peut vraiment leur apporter quelque chose quand on leur permet de..., pour les personnes qui sont dans un conflit très virulent, j’ai l’habitude de dire en médiation de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. On a tendance à noircir toute la vie commune et on est dans un phénomène de règlement de compte qui est absolument nécessaire. Il faut régler ses comptes, on remet tous les compteurs à zéro et donc très souvent on commence à se faire des reproches. Des trucs que l’un ou l’autre a fait 10, 20 ans en arrière. Et c’est nécessaire. Mais ce travail doit être fait pour préciser les choses et ne pas justement tout noircir et essayer de se rendre compte, même dans ces moments-là, il y a eu des moments où on s’est rencontrés, il y a eu des raisons pour lesquelles on s’est mis ensemble. Et essayer de comprendre pourquoi à un certain moment les choses ont commencé à changer. Et la crise s’est installée. Ce travail-là quand il peut être fait avec des personnes qui sont en très grand conflit, je crois vraiment qu’on les aide à tourner la page. On aide les enfants à mieux vivre dans cette histoire-là. On les aide aussi à former un nouveau couple de manière plus harmonieuse, enfin, j’en sais rien. » M3 : « On est co-médiateur pour aider les parties à essayer de renouer un dialogue et tenir des accords ponctuels. (…) L’idée étant de faire tourner la parole et de circuler, re-circuler la parole entre les membres du groupe. Donc, là on s’adapte en fonction des circonstances. (…) L’objectif c’est de donner, de re-cadrer, donner un cadrage différent du conflit aux parties. De pouvoir essayer vraiment de se comprendre à nouveau, de se re-comprendre. Pouvoir re-dialoguer. Et une fois que ce dialogue est amorcé, peut-être que l’accord se fera en médiation mais peut-être qu’il se fera en dehors de la médiation. » M5 : « Moi, ce que je vous dis, ce qui est important pour moi, c’est cette reprise de lien entre les personnes. De permettre aux enfants d’être hors conflit de loyauté. Et donc de permettre aux enfants d’aimer leurs parents de manière équivalente, sans devoir être dans une situation de mal-être à l’égard de l’un ou l’autre. De permettre en tout cas aux adultes de retrouver un minimum de dialogue et de relation pour pouvoir continuer à être parents, même s’ils ne sont plus conjoints. Et donc notre travail comme médiateur, comme tiers, c’est d’être à la fois dans ce respect de la parole de l’un et de l’autre mais de permettre que cette parole soit entendue par l’un ou par l’autre. Et de pouvoir contribuer à ce cheminement de la famille pour retrouver ce dialogue approprié, je dirais. » P2 : « La médiation familiale c’est pour moi la possibilité pour des parents qui sont en conflit, en mauvaise entente, de pouvoir se réunir dans l’objectif d’un mieux être pour l’enfant puisque moi c’est toujours l’enfant qui est au centre de mes consultations, donc que cela puise être plus harmonieux en tout cas. » GB1 : “Wel, omdat, als er een conflict is, dan heb je daarvoor een dialoog nodig, om uit dat conflict te geraken. (...) Terwijl, als je gewoon zegt van: “Voila, nu nemen wij… Dit uur gaat rechtstreeks naar die dialoog die hier nodig is om die en die en die punten uit te klaren. Want de rest is duidelijk.”, of: “De rest, dat moeten we nu niet doen.”. (...)Dan gaat dat veel, veel rapper vooruit. En je houdt het overzicht op uw zaak.”
Cette psychologue relève également ce travail sur le conflit qui pourrait permettre un divorce « propre » : P1 : « Je crois que quand on arrive à déminer des problèmes de couple et quand on arrive à faire re-circuler la communication, on permet de ( ?) dépasser le problème de couple, on est en quelque sorte dans de la médiation aussi. Je pense que la médiation en tant que telle, c’est effectivement travailler beaucoup plus avec un plan plus rigoureux je dirais de médiation, avec des points précis concernant les enfants, l’éducation de ceux-ci, la répartition des biens. La manière dont on arrive à désamorcer les bombes pour arriver avec un projet commun qui soit une forme d’intersection entre les deux désirs du couple qui sépare. (…) Parce que je pense que dans certaines situations, la communication n’est pas complètement coupée et qu’il y a moyen s’il y a un tiers extérieur qui arrive à temporiser et à partager le temps de communication, à être à l’écoute de l’un
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et de l’autre, arriver à faire un cheminement vers un divorce qui serait un divorce « propre ». Un divorce, si on se déchire parce que je crois que quand on divorce il y a une forme de déchirement, mais qu’au moins il y a quelque chose qui reste possible dans l’écoute et dans ce qui a été construit avant. On ne doit pas absolument tout faire éclater. »
Pour plusieurs usagers, il s’agit essentiellement de travailler la communication et de reformuler les paroles des partenaires : UM1 : « Leur rôle, c’est reformuler les choses pour qu’elles soient écoutables par celui qui les reçoit. Donc reformuler avec des mots qui sont plus justes, peut-être un peu apaiser. Mais le rôle aussi, ça j’ai pas eu dans le premier, c’est d’aller chercher chez peut-être celui qui est plus effacé, plus honteux. » UM4 : « C’est comme ils le disent dès le départ, ils présentent bien, on n’a pas la solution je vais dire, on en l’a jamais. Mais c’est essayer un petit peu d’y voir clair. Moi l’objectif, comme I. aussi, c’était aider à la communication. »
Plusieurs interlocuteurs insistent sur le projet d’autonomie des individus dans leur capacité à prendre des décisions et sur la responsabilisation que permet la médiation, qui serait une façon adulte de gérer ses conflits : M2 : « Tandis qu’ici finalement, c’est responsabiliser les gens. On offre un lieu, un temps, une méthode. Et on dit sur quoi ils vont devoir se mettre d’accord s’ils vont déposer leur convention devant le juge. Mais on ne leur dit pas ce qu’ils doivent faire. On ouvre les options. Option 1, vous pouvez faire ceci, option 2, option 3. Mais in fine, c’est pas nous qui disons, prenez plutôt l’option 2 ou... et ça je crois que c’est pas facile. » J1 : « Et la deuxième chose que je dis, mais ça c’est très difficile à dire en quelques mots, c’est que le tribunal les invite à redevenir maîtres de leur conflit. Et de ne pas toujours venir l’apporter à un magistrat en espérant qu’il le résolve tout en sachant que la solution en général, mais ça les avocats le disent avant nous, ne plaira ni à l’un ni à l’autre. C’est comme ça que je définirais la médiation. C’est gérer de manière adulte son conflit, de manière, comment dire, être un responsable conscient. Et le faire avec un professionnel qui ne les met pas face à face. Parce que le juge il est quand même face à deux personnes qui elles-mêmes sont face à face. Et on est peu nombreux à être formés à la médiation. Et on a très peu le temps de le faire à l’audience. » P1 : « Je pense que ça permet quand même de ( ?) dédramatiser pas mal de situations et d’arriver à ce qu’on temporise et on devienne un peu des adultes responsables et pas des ennemis. Juste dans la guerre amoureuse quoi. » N1 : « Le médiateur est quelqu’un qui en fonction, je ne sais pas si technique est un bon mot, d’une façon de procéder qui lui est propre, n’est pas quelqu’un qui conseille les gens sur telle ou telle solution pour résoudre le problème, mais qui leur permet de s’exprimer, derrière le non-dit qu’il y a dans le conflit qui s’exprime de telle ou telle manière, mais de voir vraiment la vraie demande des gens, qui les aide à s’exprimer, et on part de l’idée que s’ils sont vraiment parvenus à s’exprimer, de savoir ce qu’ils veulent, la façon dont ils veulent se séparer, ce qu’ils veulent obtenir dans la séparation, ou dans le conflit qui les oppose, que normalement ça va induire les voies d’une solution qui vient d’eux-mêmes, plutôt que d’être conseillés par l’extérieur et donc toujours un peu plus suspect. Aider les gens à trouver et intérioriser les solutions eux-mêmes. » M4 : « Je pense qu’un de ses plus gros atouts c’est qu’elle va permettre aux familles, parce qu’il ne faut pas parler que des couples divorcés, il n’y a pas que ceux-là, mais de reprendre les commandes de leur vie. Moi, la médiation, c’est presque le seul outil qui va si vite le faire, par rapport aux autres. C’est dès le début, mobiliser les ressources des gens. Leur rendre le pouvoir... » M7 : « C’est de créer des conditions optimales pour que les personnes puissent avoir accès à leurs propres ressources pour construire entre elles des solutions de couple. (…) L’atout c’est que les personnes soient acteurs ou actrices de leurs solutions. Ça c’est quand même beaucoup plus satisfaisant pour les gens que de se voir imposer quelque chose. Mais quand c’est pas possible, c’est mieux de se voir imposer quelque chose. Il ne faut pas culpabiliser les gens qui ne font pas ce choix-là. » GB1 : “Maar je moet het uiteindelijk zelf doen en… Dat je zo aangesproken wordt op je verantwoordelijkheid, op… Gedwongen worden tot nuancering en tot redelijkheid. Die redelijkheid bij jezelf moeten gaan zoeken. Dat is nogal… Allez, dat is niet evident. En je moet daar wel wat… Je moet daar ook klaar voor zijn. Ik denk dat veel mensen het ook eigenlijk ergens als een excuus zien om zo nog altijd af te zien van de gevolgen van hun echtscheiding en dergelijk, omdat ze uiteindelijk niet het heft in handen genomen hebben om tot een redelijk akkoord te komen of…”
Les définitions de la médiation font donc plutôt consensus. Mais les attentes des usagers à l’égard de la médiation, quant à elles, sont assez diversifiées. Cela peut aller d’un 60
accord très concret et instrumental à des attentes plus diffuses, plus affectives, et même à un rituel substitutif à : M6 : « Ils viennent pour une demande précise, hébergement des enfants etc. Ils sont plutôt réticents à aborder les choses du passé parce qu’ils veulent résoudre les choses tout de suite. Ils veulent qu’en une séance ce soit fait et qu’on n’aborde pas d’autres sujets. » GB2: “Dus toen die vraag kwam dus van de kinderen hebben we elk ons antwoord gegeven. Antwoordt die mevrouw van de bemiddeling: “Ja, het is nu wel een beetje de regel dat de kinderen worden toegewezen, één week bij de papa, één week bij de mama.” Mijn ex was daar niet over te spreken, was daar niet mee akkoord, en heeft ze de bemiddeling stopgezet en heeft ze de volgende stap dus via de advocaat om de scheiding in te zetten.” AD2 : Dus dat je eigenlijk zorgt dat de mensen zelf gaan onderhandelen zonder dat je zelf mee gaat onderhandelen waarbij je als bemiddelaar bewaakt dat alles wat van belang is op tafel komt. Ja, waarbij je eigenlijk meerzijdig, -partijdig je opstelt maar waarbij je zelf de oplossing niet aanreikt. Dat is belangrijk want veel mensen verwachten wel dat je dat juist wel zou doen en verwachten dat ook samen. Zeggen zo: “Ja, maar we hadden nu wel gedacht dat u gewoon zou zeggen: “regel het zo.”, en zo zal het wel goed zijn.”. Dat verwachten sommige mensen.” NO1 : “Je hebt heel veel die op internet beginnen lezen, bij de federatie van notarissen documenten hebben aangevraagd. Dat mensen wel beter geïnformeerd naar hier komen en, wat het publiek zelf betreft, ja, vroeger had je heel jonge mensen – wat dat ik zei – maar nu heb je zonder probleem mensen die vijfentwintig, dertig jaar getrouwd zijn. En vorig jaar nog een jubileum gevierd en toen was blijkbaar alles nog koek en ei en nu ineens, ja, lukt het niet meer en moeten ze zo snel mogelijk uit mekaar. Dus dat zie je dan ook wel en, ja, dat zijn, ja, mensen die al een redelijke beroepscarrière achter de rug hebben. Die weten ook wel, allez, zich te informeren, uiteindelijk.”
Plusieurs médiateurs ont aussi décrit la médiation comme un rituel de séparation qui conclut une période de couple, qui avait commencé par un autre rituel : le mariage. B2 : « Ja, dat is zoals je zegt: ik ben een begrafenisondernemer. Allez, mijn man zegt dat dikwijls. (...) Ik vind dat heel belangrijk, als mensen tot een overeenkomst komen, om ze daar inderdaad ook mee te feliciteren. Gewoon om te zeggen dat het knap is dat ze dat samen bereikt hebben en dat dat inderdaad een punt is en dat ik hen heel veel geluk wens met het volgende leven, met een toekomstig leven. En dan zie je ook wel dat dat iets doet met mensen. » M1 : « Il y a des gens qui ont besoin de la médiation pour se dire des choses, s’envoyer à la gueule ce dont ils ont besoin pour tourner la page, eh bien la médiation servira à ça. Il y en a qui viennent en médiation pour se dire au revoir. Un cas, comme ça étonnant. Des gens, je ne comprenais pas ce qu’ils venaient faire chez moi. Parce qu’il n’y avait pas d’enfants. Des tas de débats. Et chaque fois ils disaient « non, ça vous savez, on peut s’arranger entre nous ». Et alors des questions financières, vous savez, on discute tout ça et on n’a pas besoin de vous pour ça. Et alors quoi, les changements de domicile, ah oui, on va faire un changement de domicile. Et je ne comprenais pas, et alors quoi, ils viennent pourquoi ? Et tout d’un coup m’est traversé l’esprit de me dire, au fond, peut-être qu’ils ont quelque chose à se dire. - Un rituel quoi. - Un rituel. Et donc j’ai dit, j’ai senti, c’était elle qui demandait, j’ai dit, j’ai pris un ton très solennel, « Madame, est-ce que vous voulez dire quelque chose à monsieur maintenant ? ». Et elle a raconté les raisons pour lesquelles elle le quittait. Et c’était super émouvant. Et voilà. On a pleuré, j’ai presque pleuré avec eux et puis c’était fini. Il n’y avait plus rien d’autre à faire. Et la médiation c’est aussi parce que dans notre société on fait un rite pour le mariage mais on n’a pas inventé un rite pour se séparer. Et que la justice à ce niveau-là, c’est pas toujours le plus top. »
2.2. Médiations volontaires, médiations imposées La médiation suggérée par le Juge n’est pas formellement imposée aux personnes mais, dans les faits, elle est souvent ressentie comme telle. Nous avons reçu de nombreux témoignages de professionnels et d’usagers à ce sujet, généralement pour expliquer les réticences des médiés, leurs difficultés d’engagement dans la médiation. Pour certains de nos interlocuteurs, cette contrainte (en tout cas ce qui est ressenti comme tel par les parties) est une circonstance qui rend le travail de médiation plus difficile. Ce débat, interne 61
à la profession, n’est pas sans intérêt en regard des discussions autour de l’hypothèse d’une extension des médiations judiciaires. Par exemple : M2 : « Ce sont des gens très « simples », plutôt en situation économique précaire. Qui n’ont pas osé dire « non » aux juges. Qui mettent un peu les professionnels sur un piédestal. Qui n’ont pas osé dire « non ». Et au fond, ils n’avaient pas envie. Ils n’avaient pas envie. Là c’était le juge qui à un moment donné a cru bon ou peut-être se disant, j’arrive pas, ou peut-être qui a un peu mystifié la médiation. » J1 : « Donc il m’arrive même de suggérer des médiateurs dans mes jugements. Il y a beaucoup de gens assez démunis. Ou alors ils ont besoin d’une petite impulsion, alors ils y vont. Et ils y font ce qu’ils veulent. Ces personnes-là ne sont pas toujours d’accord. » R1 : “In Kortrijk is dat wel gans anders. (...)Vragen ze een regeling voor de kinderen. (...) Wij suggereren soms bemiddeling als we zien dat er… Dat de kinderen nog zeer jong zijn en als partijen sowieso nog gedurende vijftien jaar of bijna achttien jaar met elkaar zullen moeten blijven communiceren om over de kinderen… Dan vinden wij dat zinvol om bemiddeling te suggereren. Ook als we zien, in het dossier, dat er geen… Dat er eigenlijk geen echte problemen zijn in hoofde van de ouders om voor hun kinderen te zorgen. Als we merken dat er echte opvoedingsproblemen zijn en dat de één of de andere ouder geen capaciteiten heeft om voor het kind te zorgen, dan gaan we geen bemiddeling suggereren omdat dat… Omdat we dan de regeling… Het maken van de regeling in handen leggen van de bemiddelaar. En dat houden wij liever bij ons om in het belang van het kind, samen met het Openbaar Ministerie, een goeie regeling op te leggen. Maar als we zien dat beide ouders de capaciteiten hebben om voor de kinderen te zorgen en de kinderen zijn nog jong en ze zullen sowieso nog een hele tijd met elkaar moeten blijven overleggen, dan suggereren wij soms bemiddeling. Maar we zien dat, vanuit de advocatenwereld, advocaten niet altijd daartoe bereid zijn.” B1 : “De wet verbiedt verplichting. De wet is duidelijk. Er staat duidelijk een artikel dat iedereen vrij is en het mag geen negatieve of kwalijke invloed hebben als iemand zegt: “Ik wil niet bemiddelen.”. (...) De rechter mag daar geen rekening mee houden, allez, vanuit een negatief perspectief. (...) Men is vrij. Dus dat dossier komt dan bij mij terecht . Ik krijg dus het vonnis, of het arrest of de beschikking, afhankelijk… in kortgeding noemt men dat een beschikking, van de jeugdrechter is dat een vonnis, van het Hof van Beroep is dat een arrest dus… En daarin staat dan formeel dat partijen akkoord gaan met bemiddeling en dat ze akkoord gaan met de naam van de bemiddelaar. Ik sta daar nominatief in dan. Dat ze dus bij mij komen en wat doet de rechter dan? Dan legt hij als het ware dat dossier opzij van zijn bureau. Dat is niet geseponeerd, dat is niet weg maar dan wacht hij af tot hij van mij iets hoort. Over het algemeen staat daar dan in: ‘voortzetting over twee maanden’ bijvoorbeeld. (...)Ze krijgen dus die brief en met de vraag om mij te telefoneren, om een afspraak te beleggen voor een individueel en persoonlijk gesprek. Dan komen zij.” B2 : “Ik heb nu echt, bijvoorbeeld de laatste maanden, gezegd tegen de rechter: “Ik wil echt eventjes geen gerechtelijke niet meer.”. Ik kreeg het ook niet gedaan en ik had zo het gevoel dat die gerechtelijke mijn agenda overheerste tegenover mijn vrijwillige, dat ik mijn vrijwillige ik weet niet hoe… De mensen die spontaan kwamen… Ik weet niet wat naar achter moest schuiven. En die gerechtelijke zijn zo zwaar dat ik echt gevraadg heb van: “Echt een paar maand niet en dan wil ik terug beginnen”, want ik zag het echt niet meer zitten.(...)Dat zijn moeilijke. Die zijn ook al jaren aan het procederen en ook, dat is dus echt… Ja die zitten hier echt met hun rug tegen elkaar en dan is het meneer en mevrouw, dat is echt niet meer met namen en zo. Dat is echt hard werken om die terug gewoon op één lijn te krijgen. Dat is echt, soms niet te doen.” PS2 : “Ik ga dat doen want als ik nu niet ga dan ben ik de slechte in de ogen van de rechter.”, dus waarbij dat het in bemiddeling gaan eigenlijk ook een soort wapen in de juridische strijd is. Om te tonen: “Ik ben diegene die wel mijn best doet.”. Maar die komen met die agenda, niet met de agenda van: “Ik ga hier eens echt praten met de tegenpartij.”
Ce juge admet dans un autre cas que l’accord des personnes n’est pas toujours franc et clair et que, parfois, « c’est un petit oui. » M4 : « C’est que la plupart, je dirais 50% des gens qui viennent avec jugement se sentent obligés. Parce qu’ils se disent que s’ils disent « non, on veut pas de médiation », le magistrat va les prendre pour un mauvais parent et donc ils vont perdre. - Donc, ils proposent mais en fait, il y a quand même une pression morale. - Oui. Morale et imaginaire. - Qui fait qu’à 50% ils font quand même la démarche. - Que les gens acceptent. Et tous viennent, mais on sent que 50% de ceux qui viennent, viennent parce qu’on leur a dit, parce qu’il vaudrait peut-être mieux. (…) Et quand ils ne veulent pas faire de médiation, ben on essaie de faire un rapport de non faisabilité. Et on essaie de leur demander, « comment est-ce qu’on explique au juge que vous ne voulez pas ». En sachant très bien qu’on ne mettra jamais, monsieur est contre l’idée de parler à madame parce que ça ne doit pas être préjudiciable. Mais l’intérêt c’est de les faire réfléchir sur le
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pourquoi ils ne veulent pas. (…) C’est vrai que toutes ces familles qui sont envoyées un peu contraintes, il faut le reconnaître, à venir au moins une fois, n’auraient jamais pensé faire ça s’il n’y avait pas eu cette démarche proactive de la justice. » J2 : « J’y vais parfois assez brutalement parce qu’on a très peu de temps, parce que les gens s’engueulent alors je gueule encore plus fort qu’eux que si on continue comme ça « on va au désastre, ça va vous ruiner, ça va faire le malheur de vos enfants, maintenant il faut changer ça tout de suite ». Je commence à parler de la médiation, les gens écoutent, « vous ne pouvez qu’y gagner, vous ne pouvez pas perdre… » Alors ils sont d’accord, on acte l’accord et le médiateur convoque les parties. Et donc là c’est bien, parce qu’on ne renvoie pas les gens à leur discrétion, ils sont tenus par un cadre et c’est ça qui est fondamental pour la médiation. Il faut un cadre autour de la médiation. Parce que la médiation toute seule comme ça, va fonctionner pour des gens qui sont déjà prêts! Pour les situations les moins problématiques. Mais il y a tous les autres qui ont besoin d’un cadre dans ce conflit parce qu’ils sont dévorés, dépassés, ils ont besoins d’une impulsion, et quand la mayonnaise prend, ils peuvent prendre leur temps… Ils ont besoin d’une autorité qui leur dit…. » M7 : « Je pense que vraiment pour entamer un processus de médiation, contrairement à l’expertise judiciaire, il faut qu’il y ait vraiment un désir partagé. Au moins ce potentiel qui soit possible au départ. En expertise, c’est pas indispensable, ça peut se travailler plus facilement. » P2 : « Ce qui est important, c’est que ça soit une démarche personnelle des deux parents et un souhait. Evidement si c’est une contrainte… Si le conflit est tel que… ça peut pas être inutile… C’est un peu comme le thérapeutique, Il faut que les gens fassent la démarche de venir, il faut qu’ils aient envie que ça fonctionne. Si c’est pour mettre en échec la médiation, c’est bien gentil, mais tout le monde va perdre son temps. Une indication en tout cas, c’est que chacun sache où il va et qu’il soit partie prenante. » UM5 : « Mon ex est tout à fait contre ce qui est psychologue. Il prétend que ça sert à rien, que ça ne mène jamais à rien, enfin, voilà. Et ici pour la médiation, il était entre les deux. Et à un certain moment il a dit à la juge, ben écoutez, si je refuse on va dire que je ne suis pas de bonne volonté. Et si j’accepte, c’est vraiment à contrecœur parce que j’y crois pas. » UM6 : « - Quand le juge vous a dit : il faudrait aller en médiation, comment avez-vous réagi ? - Ben de toute façon, il ne vous laisse pas le choix. C’est comme ça, c’est tout. On est en démocratie sans l’être. »
2.3. Indications et contre-indications de la pratique de la médiation 2.3.1. Les indications Nos interlocuteurs ne développent pas de réflexion systématique à ce propos. Ils sont plus diserts sur le type de public à qui la médiation s’adresse de façon préférentielle (voir infra). Parmi les tendances des propos relevés, un souci de contribuer à construire la parentalité : A1 : « Dans les situations où je trouve ça vraiment souhaitable, c’est quand il y a des jeunes enfants. Et que ça soit une médiation, je ne dirais pas sur le long terme mais où tu puisses parler de comment ça se passe. Parce que bien souvent, c’est des ruptures très dures très douloureuses. Et il n’y a aucun espace de parole qui est mis en place. On a quand même régulièrement des gens qui se séparent à l’accouchement ou avant l’accouchement. Et donc dans ces cas-là, le rôle des parents n’est pas du tout construit. Et t’as pas d’histoire commune de ce que c’est la parentalité. Donc dans ces cas-là, je trouve ça vraiment intéressant. Parce que tu vas régler une série de modalités concrètes. »
Un juge vise nettement les situations où des parents sont en conflit : J2 : « On réserve plutôt la médiation à des parents en conflit plutôt qu’à des parents désinvestis. On a de plus en plus de plaintes de mères, parce que le père n’exerce pas le droit d’hébergement. Voilà des gens qu’on pourra envoyer vers les AMO et les « tremplins parentaux ». D’où l’intérêt d’évaluer cette expérience. Pour l’instant la médiation judiciaire est réservée aux parents en conflit mais qui sont trop pris dedans pour s’en sortir comme ça. » NO2 : “Neen, als er kinderen zijn is het, in principe, volgens mij, altijd nuttig, zeker wanneer dat de kinderen de leeftijd hebben om daarover te praten. (...) Als er geen kinderen zijn, zie ik er niet echt altijd de absolute noodzaak in omdat er zijn ook heel wat mensen die over die zaken duidelijk een akkoord hebben, die er zelf uit geraken.”
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Les situations jugées intéressantes par les professionnels sont souvent décrites comme caractérisées par de sérieuses difficultés de communication, mais dont on « sent » qu’elles ne sont peut-être pas irrémédiables : J1 : « D’abord on s’aperçoit (le juge), on s’aperçoit à l’audience que des parents qui ne se parlaient pas ne demandent qu’à se parler. Et ça se passe devant nous. Donc ils ne parlent déjà plus au juge. C’est très compliqué pour nous d’ailleurs. Ils commencent à se parler chacun. Pas en s’invectivant. Il n’y a pas d’injures à ce stade-là. Et on s’aperçoit qu’ils ne se parlent plus depuis des années mais qu’ils ont quand même des tas de choses à se dire. Donc là, je pense que quand même on peut leur proposer. » P1 : « Parce que je pense que dans certaines situations, la communication n’est pas complètement coupée et qu’il y a moyen s’il y a un tiers extérieur qui arrive à temporiser et à partager le temps de communication, à être à l’écoute de l’un et de l’autre, arriver à faire un cheminement vers un divorce qui serait un divorce « propre ». Un divorce, si on se déchire parce que je crois que quand on divorce il y a une forme de déchirement, mais qu’au moins il y a quelque chose qui reste possible dans l’écoute et dans ce qui a été construit avant. On ne doit pas absolument tout faire éclater. » UM4 : « Comme je l’ai vécu, je pourrais dire que systématiquement, si, parce que c’est toujours ça à mon avis, c’est le problème de communication. Si le couple ne parvient pas à communiquer. Si les manques, les attentes de l’un et l’autre ne parviennent pas à s’exprimer, je pense qu’il faut une tierce personne au-delà d’un ami, d’une connaissance, qui puisse faire parler. »
Un professionnel non médiateur indique que dans certaines situations, on est à bout de ressources, il faut passer le relais, en vertu d’une conception des limites de son propre métier : N1 : « Il m’est arrivé assez souvent de dire à des parties à un moment où je sentais que j’étais un peu à bout de ressources et qu’il leur était difficile de se parler l’une, l’autre, je leur ai souvent dit, mais écoutez, la façon de mieux poser le problème c’est essayer d’avoir recours à un service de médiation, donc à un médiateur. (…) Les indications, c’est quand vous avez le sentiment qu’on ne parvient pas vraiment à objectiver le débat parce qu’il y a quelque part sur le plan psychologique, des choses qui ne se disent pas et qui font que les gens ne savent même pas entendre les arguments raisonnables que le notaire pourrait lui donner. On fait une analyse en disant, il me paraît juste, il me paraît raisonnable de faire ça mais il n’y a rien à faire, les gens ne savent pas l’entendre parce que... Alors là, honnêtement, ce sont des choses devant lesquelles on est impuissant. »
2.3.2. Les contre-indications Plusieurs interlocuteurs indiquent que la médiation leur paraît inutile ou impraticable quand les partenaires sont trop engagés dans la logique du conflit. Par exemple : UM3 : « Certains sont persuadés qu’ils ne peuvent pas du tout s’entendre et que l’autre est de mauvaise foi et que de toutes façons, il ne voudra pas. Et qu’il y a vraiment une haine. Qu’ils n’arrivent pas à gérer ni dépasser. Qu’il y ait une haine, je pense que c’est humain, c’est normal. Il y a de l’amour, il y a de la haine. Tout se mélange. Mais qu’ils n’arrivent pas du tout à gérer. Qu’ils n’ont plus du tout confiance en l’autre. Et puis il y a de la vengeance. Chacun veut se venger. Le sentiment de vengeance est trop fort que pour pouvoir un peu, un peu pour écouter, vouloir trouver une solution. Et faire confiance aussi, la confiance c’est... » J3 : « Il ne faut pas non plus que le conflit soit enlisé. » M6 : « Mais visiblement des gens qui sont au tribunal depuis longtemps dans les procédures judiciaires… Ils ne sont pas dans l’esprit de la médiation, il est difficile de faire quelque chose. »
Mais ce sont les situations de violence qui ont suscité le plus de commentaires. Il y a manifestement un clivage sur cette question : pour les uns, la médiation est contreindiquée dans les situations de violence ; pour les autres, ce n’est pas nécessairement le cas. Par exemples, quelques positions établissant la médiation comme non souhaitable dans les situations de violence : J1 : « On les voit peu mais des cas de violence sur des enfants. Je crois que les médiateurs ne peuvent pas, ils s’arrêtent. Sauf si l’un des parents qui est auteur de violence les reconnaît et qu’il y a un travail de remise en question par ailleurs. Mais quand il y a des violences sur enfants ou quand il y a des violences encore
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dans le couple. Imaginons que l’un des parents poursuive l’autre et l’agresse dans la rue. C’est non. Nous, on le sait déjà à l’avance donc on dit « non ». Mais si ça arrivait, le médiateur dirait « non ». » M3 : « Des cas où il y a des violences psychologiques, physiques. Là le médiateur doit pouvoir dire, doit refuser d’être partie dans un tel processus. » P1 : « Mais je pense qu’il y a des situations où les dés sont tellement déjà pipés avant d’arriver à de la médiation que je ne suis pas sûre que la médiation puisse aider à faire vraiment quelque chose. Parce qu’on touche à des enjeux trop liés à la personnalité de chacun qui fait qu’accepter de se remettre en cause par rapport à une problématique de médiation au niveau de la séparation, c’est pas évident. Je pense qu’il y a aussi des couples où ce qui s’est passé avant la séparation était déjà tellement dur, soit dans du non-respect, dans des tromperies, des trucs et des machins qui font que c’est pas toujours gagné d’avance de les faire se mettre autour d’une table et ... -
Donc, c’est pas indiqué dans toutes les situations, c’est ça que tu veux dire, il y a des...
- Je ne suis pas une spécialiste de la médiation. Je pense que quand il y a des gros problèmes de violence avec des passages à l’acte et tout, je ne sais pas si ça a du sens de mettre les gens autour d’une table. » M2 : « Et dès le premier rendez-vous finalement, peut-être que je n’avais pas été assez cadrante, on se remet toujours en question. Il m’a dit « mais moi je n’ai jamais aimé cette femme », qu’il n’avait plus revue depuis. « Cet enfant, c’est le fruit du hasard, je ne le voulais pas, je voulais qu’elle avorte ». Des choses très très dures qui se sont déversées. Deuxième rencontre, on signe quand même le protocole, et puis après finalement, en fait la mère, il avait dit des choses tellement dures que finalement elle a dit « je préfère arrêter ». Maintenant, à un moment donné, il était tellement violent verbalement, je ne suis pas parvenue à l’interrompre. Et c’est une médiation, finalement elle a dit « moi, je sors démolie d’ici, je préfère élever seule mon fils plutôt que de... ». Voilà. Est-ce que la médiation pouvait faire quelque chose ? Mais toujours est-il que délibérément il y avait eu beaucoup de violences verbales. » P3 : « - Le cas de couple où il y aurait eu de la violence conjugale par le passé, la médiation pourrait… - Non, là la justice doit trancher dans le cadre de la loi. On n’est pas dans le cadre de la médiation, un juge doit trancher. »
Par exemple, quelques positions n’établissant pas la médiation comme contre-indiquée dans les situations de violence : A1 : « Des Canadiens disent que dès qu’il y a de la violence on refuse la médiation. Nous on n’est pas d’accord avec ça. Parce que sinon, c’est peut-être justement dans ces couples-là que c’est vraiment important de prévoir un espace-tiers où tu peux parler et interroger pourquoi les gens continuent à se taper dessus. Si c’est vraiment une violence, si la médiation ne permet pas de faire arrêt un minimum sur cette violence, il vaut mieux arrêter. Si malgré la médiation, il y a des moments où ça dérape, tu continues en interrogeant pourquoi ça a dérapé. Mais voilà. » M4 : « Mais c’est vrai que beaucoup de personnes disent que quand il y a des faits de violence, la médiation n’est pas possible. Ce n’est pas vrai. C’est différent. Parce qu’ils sont quand même coresponsables de la relation dans laquelle la violence... (est intervenue). » M5 : « Même dans les situations de violence familiale. Parce que je pense que la justice ne répond pas en termes de réponse adéquate aux situations de violence. Non pas qu’elle ne rappelle pas la loi, mais elle règle les choses en terme pénal par exemple mais pas en termes civils. Donc je me fais bien comprendre ? Elle va dire, c’est interdit de battre et de donner des coups à madame, OK, là, effectivement elle a son rôle. Mais d’autre part comment les choses doivent se régler au niveau de la famille pour que monsieur puisse voir les enfants, pour que, etc. ça, c’est pas le tribunal pénal qui va s’en occuper. Et donc le fait que, il y a dans la médiation, il y a la parole. Et donc on apprend, je dirais que c’est aussi un aspect éducatif, mais les gens apprennent à pouvoir se parler. »
Pour un juge, les dossiers protectionnels sont à écarter de la médiation, même si les médiateurs sont rompus à travailler sur des situations difficiles : J2 : « Il faut d’abord écouter ce qui se passe, et puis voir les dossiers qui peuvent faire l’objet d’une médiation. Parce que si vous avez de la drogue, de l’alcool, des abus sexuels… ce n’est plus pour la médiation. Les dossiers protectionnels ne sont pas pour la médiation, c’est pour le SAJ, le SPJ… Ceci dit les médiateurs avec qui je travaille, eux sont rôdés à traiter des cas durs, aliénation parentales ou pire… Mais ces dossiers n’ont aucun sens, la médiation ne sert à rien. » AD2 : “Ja, elk dossier waar een element strafrecht inzit, dus bijvoorbeeld slagen en verwondingen aan de partner, zedenfeiten naar de kinderen toe, bijvoorbeeld, denk ik dat het altijd zeer, zeer moeilijk ligt…(...) Dat lijkt mij enorm moeilijk, ja, als één van de partners, allez, als er nog echt een onveilige situatie is en dan daarin moet je gaan bemiddelen… Allez, kunnen mensen niet vanuit… Allez, je moet vanuit een veiligheid
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kunnen komen om een regeling uit te werken. En als dat er niet is… Bijvoorbeeld ook, wat zeker ook een mogelijkheid is… Dus ik zeg niet dat dat sowieso uitgesloten is. Ik kan mij inbeelden, eens dat strafluik gaan liggen is, bijvoorbeeld die slagen, dat is echt gestopt of daar is een veroordeling tussen gekomen en beiden kunnen daar terug mee voortgaan, zeg ik niet dat het uitgesloten is om die mensen nog in bemiddeling te krijgen. Maar… het is toch niet evident, denk ik”
2.4. Les usagers de la médiation De très nombreux interlocuteurs, professionnels ou non, relèvent spontanément des caractéristiques des personnes en médiation et leurs affinités ou non avec le processus de médiation. La médiation, semble-t-il, ne s’adresse pas de façon équivalente à tous les publics. Elle est plus ou moins accessible à certains groupes de population ; elle est plus ou moins difficile à pratiquer avec tel type de public, quand elle n’est pas carrément non souhaitable. La figure repoussoir de l’usager est très clairement décrite en termes de personnalité pathologique : c’est le pervers, le manipulateur, le parent « toxique » : J2 : « Et alors, on parle parfois de parents manipulateurs, ou toxiques. Je ne suis pas sûre que ça marcherait. » M1 : « Aussi les questions de manipulations, des choses comme ça. C’est plus rare qu’on ne le dit. Maintenant c’est un peu à la mode, on parle des manipulateurs. Mais il y a quand même des cas où on se dit, la justice doit pouvoir intervenir. Et donc parfois on a des cas où, parce que les manipulateurs se jouent de ça, où chaque fois que le juge intervient ils sont les bons élèves du négocié et ils proposent la négociation et on les renvoie en médiation. Donc il y a des gens qui sont en permanence, ils passent de médiation en médiation pour continuer à manipuler. Donc ça c’est vraiment... il faut pouvoir dire, on arrête quoi. » A1 : « Je crois que la médiation est vraiment difficile avec des gens qui ont une structure perverse. Maintenant il faut être prudent avant de décréter que quelqu’un a une structure perverse. Mais quand il en a une, je crois que c’est quasiment impossible. - C’est ça, oui. Et quoi, ça peut prendre du temps de découvrir que... Et tu crois qu’il y a des médiateurs qui ne le voient jamais ? - Ben quand quelqu’un est doué... En fait, les pervers se débrouillent bien en général. En tout cas en justice, moi, ceux que j’ai repérés, j’en ai pas repérés beaucoup mais ceux que j’ai repérés ils se débrouillent bien avec le juge par exemple. (…) Et je pense qu’un accord est impossible avec quelqu’un comme ça. Parce que, c’est rare qu’on a des pervers, mais quand on en a, c’est vraiment des gens qui essaient systématiquement de mettre à mal la loi. Ils ont vraiment un plaisir à ça. Et donc chaque fois qu’il y a une décision, ils vont trouver un truc pour la mettre en difficulté. » J1 : « C’est vrai que si vous avez un des parents qui est « manipulateur », c’est celui qui va dire le plus vite « oui » au juge. Mais oui, une médiation pourquoi pas. Mais il va la torpiller assez vite. L’autre le sait. Donc l’autre va dire non. (…) Et alors, on parle parfois de parents manipulateurs, ou toxiques. Je ne suis pas sûre que ça marcherait. »
Plusieurs médiateurs indiquent cependant qu’ils n’ont jamais eu le problème des « pervers » ou qu’il est difficile d’établir que quelqu’un est en train de mentir. Par exemple : B2 : “Liegen is voor mij ook zo iets van: wie gaat uitmaken wat de waarheid is? Allez, ik heb dikwijls mensen waarbij dat de ene dit zegt en de andere dat. Het enige wat ik dan zeg is van: “Mensen, dat feit, dat doet er mij ook niet toe.”. Ik zie gewoon de communicatie op dat moment tussen die twee mensen die niet goed loopt. Ik wil het dan zelfs niet hebben over dat feit want daar kan ik geen uitspraak in doen of dat dat nu correct of niet correct is.”
L’usager idéal est motivé par l’intérêt de ses enfants : M6 : « Il a déjà fait du chemin dans la séparation et il vient pour le bien-être de ses enfants, et il pense au bien-être de ses enfants avant le sien. » J3 : « Il faut que les gens partent avec l’idée que il y a moyen d’arriver à quelque chose, ils voient l’intérêt de leurs enfants, ils n’ont pas envie de se bagarrer, je pense que cela doit être le premier critère, il y a des reproches mais ils les ont assimilés et ils voient le bien des enfants. »
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PS2 : « Voor een stuk zal het zijn dan dat ze misschien een beetje gezamenlijk naar de beslissing gegroeid zijn. Niet dat er één van de twee zich enorm bedrogen voelt, of zo. Voor een stuk zal het zijn omdat ze als ouders vinden dat ze een belangrijke rol hebben, dat het heel belangrijk is voor de kinderen is dat ze daar de kinderen geen slachtoffer van maken. Het kan ook zijn dat er zijn die zeggen van: “Ja, eigenlijk hebben wij elkaar nog wel graag maar dat gaat niet meer.”, allez, dat is een beetje hetzelfde als dat eerste.(...)Of er zijn er ook die eigenlijk al jaren apart wonen en dan denken: “We gaan het eens regelen.”. Die hun conflicten zijn al voorbij soms.”(...)Dus het heeft ook te maken met hoe mensen kijken naar huwelijk en echtscheiding. Die dat ervan uitgaan: “Een huwelijk is voor altijd en je moet koste wat kost bijeen blijven voor de kinderen of omdat dat zo is, omdat je dat beloofd hebt.”, tegenover die die meer de mentaliteit hebben van: “Ja, we hebben het geprobeerd en het is niet gelukt. Maar uiteengaan, dat is een optie.”
Il est aussi caractérisé par une attitude, une ouverture, une volonté. Il faut aussi qu’il ne soit pas « trop délabré ». Par exemple : A2 : « ça doit être quelqu’un d’ouvert ça c’est certain, qui peut se mettre à la place de l’autre, qui peut écouter l’autre et qui n’a pas d’avis tranchés, qui est prêt à se remettre en question. Et ça c’est vrai qu’on en a, qu’on a des gens comme ça, quand ils sont tous les deux comme ça, là c’est bingo mais c’est rare. » M7 : « Je pense qu’il faut avoir deux personnes qui ne soient pas trop délabrées. Je pense que si on a une personne qui est trop délabrée, c’est pas possible. - Délabrée, c’est pas vraiment catégorie psychologique. Donc vous pouvez m’en dire un peu plus ? - Délabré, ça veut dire quelqu’un qui est en dépression très très profonde. Et qui est constamment disqualifiée… faut pouvoir encaisser une médiation, c’est très dur. (…) Ils ont déjà une volonté, ils ne sont déjà pas dans un truc, on va à la guerre. Je pense que ça demande une maturité psychologique aussi ça. Que tout le monde n’a pas. » NO2 : “Het profiel van een bemiddelbare mens is eigenlijk mensen die zeggen: “Oké, bon, wij zitten hier in een conflict waarin dat we bereid zijn om – mits wederzijdse toegevingen – tot een oplossing te komen.”. Maar heel veel mensen stappen naar een bemiddelaar met de wapens, bij wijze van spreken, gericht op elkaar, die stap moeten zetten en die stap binnenkort nog meer zullen moeten zetten omdat de rechtbanken hen dat op gaan leggen, maar die niet bereid zijn om tot een oplossing.” PS1 : “Dat de mensen zelf vooruit willen komen, dat is een voorwaarde. Maar een verplichte bemiddeling kan. Ik denk dat mensen die gescheiden zijn soms heel negatief tegenover elkaar kunnen staan, gewoon omdat ze niet willen onderdoen voor de andere. Maar als je dat kan doorbreken dat het soms toch wel mogelijk nog is van bemiddeling te doen.” GB1 : « Als één van de twee niet wil, kan je bij een bemiddelaar niets gaan doen. (...)”
Selon les professionnels, la médiation est plus difficile avec certains publics. C’est le cas notamment avec les personnes caractérisées par une attitude négative, dénigrante ou rigide: M6 : « J’ai eu un cas où ils étaient tellement loin qu’ils n’avaient plus un souvenir positif. Pas moyen de redémarrer sur une base positive, tout est devenu négatif. Même refaire le bilan parental, il n’y a plus rien. Tout est noirci. » M2 : « Oui, il y a des personnes qui sont incapables de s’asseoir, de parler calmement, parce qu’ils ont un tempérament ou bien parce qu’ils ont toujours dénigré l’autre qui n’a pas les mêmes droits et qui n’est qu’une femme. Ou bien parce que c’est incapable pour eux de discuter d’égal à égal avec la personne. » M4 : « Ce monsieur-là. Il était mathématicien et sa femme aussi. Les choses étaient droites et carrées, c’est comme ça on ne bougeait pas. Il y avait beaucoup de valeurs, beaucoup de principes. Et négocier les valeurs, c’est pas possible. Et ce monsieur n’était pas du tout prêt à imaginer parler et négocier quoi que ce soit, la moindre petite chose, c’était hors de question. » NO1 :“Natuurlijk, als je ze zo hoort praten weet je na vijf of toen minuten wel van: “Ja, hij komt altijd terug op datzelfde en hij wil dingen niet begrijpen.”. Of: “hij zegt altijd datzelfde negatieve en niets opbouwend.”, dat je wel weet: “Ja, dat is dat categorie of die categorie ven mensen.”. Maar ja, dan probeer je… Ja, je moet ze dan op een andere manier gaan aanpakken omdat je er dan toch niet mee vooruit geraakt.” PS1 : “Neen, één van de partijen kwam niet tot praten, kwam nooit… Als de andere partij wel moeite deed en bepaalde voorstellen wou doen en zo, dan zweeg de partij tot als eigenlijk bijna heel veel gedaan was. En als je dan zei van: “Oké, kan je daarmee akkoord gaan?”, of: “Wat vind je daarvan?”, dan komen er alleen negatieve dingen uit. Alles terug afbreken. Maar dan had je soms al echt wel al een hele tijd gewerkt waardoor er eindelijk wat opening was. En dan zei de andere partij ook van: “Ja, foert.”. Dus dat is na twee sessies gestopt.”
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PS2 : “Ze begint met te zeggen: “Ik heb ingezien dat het niet lukt. Dat ik dacht: “We gaan dat verleden met alle kwetsuren uitpraten en regelen zodanig dat ik daar vanaf ben.”, maar telkens als ze erover beginnen verzanden ze in een oeverloos… Ja, wordt het conflict gewoon verergerd. Dus ze begint met te zeggen: “Ik heb ingezien dat ik dat verleden moet laten rusten en dat we daar vanaf nu moeten beginnen met te zien: “Hoe gaan we het in de toekomst anders doen?”.”, maar elke keer opnieuw begint ze toch terug.” NO2 : “Als je geen oplossing wil, dan wil je er geen.(...) maar je moet het in feite zo zien: een bemiddelaar, wanneer is er dat nodig? Als er een conflict is. Dus je kan je afvragen: “Hoe vaak stelt dat probleem zich? En als dat probleem zich stelt, wil ik het dan wel oplossen? (...) maar dan denk ik dat heel veel mensen daar nog niet eens over willen praten omdat ze gewoon geen oplossing voor dat probleem willen. Dus ze zijn niet bemiddelbaar, op dat moment.”
Enfin, les difficultés sont jugées importantes en cas de troubles mentaux importants ou en cas de consommation importante d’alcool ou de drogue : M4 : « S’il y a des gros troubles mentaux, c’est pas facile. » M5 : « Je dirais quelqu’un qui est saoul tous les jours ou sous effet de drogues, c’est sûr que c’est pas facile de discuter concrètement et pratiquement avec lui, avec la personne. Quelqu’un qui est malade mental, c’est vrai que ça peut poser de problèmes. » AD2 : « Maar wat bijvoorbeeld, allez, ook zeker een moeilijkheid is, is waar één van beiden echt psychische tot zelfs psychiatrische moeilijkheden heeft. (...)En ik vroeg dan aan die man: “Ja, weet je wat je vrouw bedoelt als ze zegt dat jij ziek bent?”. En dan, ja, dat hij depressief was. Nadien bleek dan ook dat hij een zwaar alcoholprobleem had eigenlijk en wist ik eigenlijk niet… “Wat moet ik nu doen? Kan ik hier nu voort in bemiddelen of moet ik zeggen: “Jij moet je eerst laten verzorgen en pas als jij eigenlijk sterk genoeg bent gaan we voort.”.”. Ja, hij kreeg er een beetje de echtscheiding op gedrongen maar na twee sessies had hij dat dan aanvaard, wou hij volop meewerken aan die regelingen maar ik heb mij tot op het einde afgevraagd: “Is die daartoe wel in staat, om eigenlijk nu echt een regeling uit te werken?”. Ik kan mij inbeelden dat, in bepaalde gevallen, je om die reden echt moet zeggen: “Ja, dat is uitgesloten dat we nu bemiddelen.”
Quelques professionnels relèvent que la médiation suppose des capacités intellectuelles et des facultés d’expression et de réflexion : M7. « Il faut avoir, je pense qu’il faut quand même avoir des capacités intellectuelles suffisantes. » J1 : « Je ne sais pas, peut-être, on va appeler ça des milieux moins, moins quoi ? C’est vrai que ce sont des milieux qui n’ont pas accès à l’information. Moins avertis. Je ne sais pas expliquer. Peut-être qu’il s’agit de personnes qui parlent d’elles-mêmes moins facilement. Vous voyez ? Le ressenti c’est pas donné à tout le monde de l’exprimer. » P1 : « Et il y a un certain nombre de personnes, il y a des gens qui ont une capacité limitée de réflexion et d’anticipation. Et aussi de regard sur eux-mêmes. » R2 : “Daar durf ik mij niet echt over uitspreken. Maar ik denk, een bemiddelaar zal dus wel zich moeten op een niveau plaatsen die maakt – maar daarvoor zijn ze opgeleid – om iedereen aan bod te laten komen want niet iedereen is praatvaardig, niet iedereen is luistervaardig, niet iedereen is…” R1 : “Inderdaad, hoe hoger opgeleid – waarschijnlijk – hoe gemakkelijker dat je je kan uiten of hoe gemakkelijker dat het is om… (...) Je moet mensen hebben die bereid zijn om in het belang van hun kind een bepaalde regeling op te leggen, uit te werken… Allez, een bepaalde regeling uit te werken. En of dat dat nu een arbeider is of een universitair, dat maakt niet uit.” AD2 : “Dan denk ik ook, allez, met alle respect voor die mensen natuurlijk, dat mensen van een bepaald sociaal niveau, laag sociaal niveau… Goh. Uitgesloten is het zeker niet, om te bemiddelen maar… Moeilijker in die zin dat bemiddeling vraagt van mensen dat zij zich communicatief willen opstellen, dat zij willen verder gaan dan gewoon zeggen: “Dat is daar niet goed voor de kinderen.”. De bedoeling is dan: “Waarom is dat daar niet goed?”. Dat mensen tot heel diep in de betekening van wat ze eigenlijk voelen en willen kunnen gaan en dat sommige mensen, denk ik, gewoon op taalvlak, te beperkt zijn om dat eigenlijk voldoende op tafel te krijgen zo, maar het is niet uitgesloten. Ik zie daar… Je ziet ook: mensen die er voor komen zijn meer mensen, zo, jonge universitairen, allez, universitairen, jonge, hoger opgeleide mensen. Ik zal het zo zeggen. (....) Bij een paar van die dossiers waren dat juist echt wel al wat oudere koppels. Maar toch altijd van een zeker niveau zo.”
Plusieurs professionnels font le constat d’un accès différencié à la médiation selon le capital socioculturel des usagers : M3 : « Je crains fort, j’enlève le terme craindre, mais je crois, il y a quelque chose d’inquiétant, que souvent ceux qui vont en médiation sont ceux qui font partie des couches supérieures de la population. Un constat. Et donc pour des raisons économiques, des raisons qu’elles ne sont pas en contact avec des professionnels,
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des référents qui peuvent les renvoyer à ce processus de médiation. (…) C’est plus difficile pour, je vais prendre un exemple. Parlons d’une famille en conflit. Une famille immigrée qui est en conflit. Ben, il sera peutêtre, c’est pas peut-être, il sera plus difficile pour le mari d’accepter d’aller en médiation avec sa femme pour des raisons, comme vous dites, purement culturelles. » P3 : « Les gens avec qui je trouve un accord sur une médiation, c’est plutôt des gens d’un certain niveau intellectuel. Des gens qui savent réfléchir… où se trouve leur intérêt. - Les gens, quand ils viennent ici n’ont pas vraiment confiance quand ils arrivent ici en médiation ? - On ne peut pas généraliser, parce qu’il s’agit de classe moyenne. Là où j’ai le plus difficile c’est justement avec des gens qui ont très, très peu… qui ne sont pas très nantis sur le plan social avec tout ce que cela peut avoir comme implication…ils ne savent pas trop les démarches à faire… c’est la confusion, l’avocat, le médiateur… » M6 : « Les gens avec un niveau social et économique plus aisé ont plus facile de comprendre les principes de la médiation et de s’y adapter que les gens qui disons ont l’habitude d’être pris en charge et qui ont du mal devenir acteur. A savoir que c’est eux qui vont devoir trouver la solution et qu’on n’est pas là pour le faire à leur place. » J2 : « Ces services (de médiation) sont une offre sur une espèce de marché. On peut s’en servir ou ne pas s’en servir, et on sait bien qu’il faut faire un choix qui est culturellement plus intelligent, pourrait on dire… Il faut… de la culture pour ça… Il y a une espèce d’éducation qu’on n’a pas toujours qui permet de faire appel à ces outils. Je fais un parallèle avec ces adolescents qui ont naturellement tendance à acheter des pizzas industrielles plutôt que des fruits et légumes. Pourtant les fruits et légumes sont là dans tous les magasins. Il faut une éducation pour pouvoir faire un choix intelligent. Dans la plupart des parents en conflit, ceux qui ont le moins de moyens intellectuels ne vont pas faire le choix intelligent, ils vont faire le choix naturel de la colère, de l’impulsivité. Donc cette démarche d’aller ensemble chez un médiateur est quand même « réservée » à la bourgeoisie, qui est quand même plus éduquée, plus cultivée… - Vous voyez une différence dans les… - Ah oui, je pense que la médiation est un outil préférentiellement utilisé sur une base volontaire par des gens qui ont une base culturelle plus que financière, même si il y a un aspect financier, mais ce n’est pas ça qui est le plus fondamental. C’est surtout éducatif, il faut avoir l’éducation nécessaire pour aller voir ensemble le médiateur plutôt que de se taper dessus avec des avocats ou directement en se tapant dessus comme on voit parfois à Charleroi. » AD2 : “Ja, maar, allez, ik denk dat het, gewoon, momenteel, de lagere sociale klassen nog onvoldoende bereikt, wat bemiddeling is. (...)Die zitten ook minder complex ineen. Soms, op het vlak van regelingen voor de kinderen zijn zij ook rapper tevreden. (...) Dat dan eigenlijk de man zegt: “Waar moet ik tekenen om afstand te doen van die kinderen.”. (...) Allez, die zullen zich niet kunnen inbeelden dat mensen discuteren over: “Om zes uur je kinderen afhalen.”, of: “Om zeven uur.”. Wat je in zo andere dossiers dan wel hebt, heb je daar totaal niet. (...) Ik wil daarmee zeker niet groepen fixeren of echt zo zeggen: “Het is altijd zo.”. Maar het is toch een andere manier van werken. Ik kan mij inbeelden dat die mensen minder de weg zouden vinden en dat het misschien ook wat een andere manier van werken ook is. Of bijvoorbeeld ook waar cultuur… Allez, niet alleen cultuurverschil binnen het koppel maar, bijvoorbeeld, ja, twee Marokkaanse mensen zal ook een moeilijkheid zijn. Zeker niet uitgesloten maar wel moeilijker liggen. Ja, om die echt te doen praten over waarom het misloopt, waarom ze uit elkaar gaan.”
Plusieurs usagers appuient ce constat que la médiation n’est pas également accessible selon la position sociale : UM4 : « Tout ça pour dire que, « est-ce que le service de médiation tel qu’il existe, tel qu’il est proposé, n’est pas réservé malgré lui à une élite, n’exagérons rien, mais quand même à une certaine catégorie de personnes, pas nécessairement en termes d’argent ? » Parce qu’il peut y avoir des gens très riches qui n’iront quand même pas. Parce que chef d’entreprise, on a toujours tout géré. Et il n’y a pas de raison que j’aie besoin d’une dame qui n’est même pas docteur en psychologie, que sais-je. (…) ça peut être une question d’argent si le service est payant. Ça peut-être une question de réflexion, d’environnement social. Culturel, socioculturel. On met beaucoup dans le socioculturel mais oui. Maintenant, c’est peut-être complètement inconcevable dans des sociétés musulmanes. Archéico-musulmanes, j’ai pas peur de le dire. » UM10 : « Je tombe dans mon travail dans des milieux assez limités où c’est règlement de compte sur règlement de compte, je ne vois vraiment pas comment on peut arriver à faire une médiation dans ces terrains-là, il faudra beaucoup de patience et du temps quoi. »
Pour un médiateur et un usager, la médiation est particulièrement en affinité avec les publics issus du secteur social et non-marchand : 69
M1 : « - Et chez les publics plus aisés, l’idée de la médiation est plus évidente ? - Oui, enfin il faut s’entendre. Vous avez des publics aisés sur le plan économique mais qui sont traditionnels dans leur tête. Par exemple un public aisé, une famille, je m’en souviens, la famille catho avec 5 enfants, la femme au foyer. En fait, ils ont un vécu proche relativement du couple maghrébin en fait. Mais grosso modo, c’est plus les gens culturellement, ça ne recoupe pas nécessairement des catégories économiques. En général tout le secteur non-marchand, psychosocial et les personnes aisées en général. » UM10 : « Mais en fait on est dans le social, je suis infirmière sociale et il est dans la communication lui-même donc c’est dans notre logique de trouver quelqu’un pour nous aider quand ça ne va pas, c’était dans notre logique à tous les deux. Et comme JF est spécialiste en communication et qu’il fait les formations d’entrée à la commission et que moi je suis infirmière sociale on a assez de bagages communs pour… mais on avait besoin de quelqu’un qui stoppe les trucs dans lesquels on tourne chacun dedans, les outils on les avait. »
Un juge déclare suggérer particulièrement la médiation aux publics plus démunis culturellement : J1 : « Et je le suggère aussi très fort aux parents sans avocat ou aux parents sans argent. Il y a beaucoup de gens démunis. C’est même pas intellectuellement, c’est culturellement. Ils ne savent même pas qu’il existe des services. Donc soit ils viennent sans avocat, soit ils viennent avec un avocat. Mais ils ne savent pas qu’il y a des services de proximité, de planning familial, toutes sortes de lieux où on peut gérer son conflit sans que ça ne coûte trop cher. Mais ces gens-là ne disent pas « oui » tout de suite parce qu’ils n’ont pas tout compris. Alors, je le suggère dans mon jugement et ils y vont vraiment. Ce sont des personnes de bon sens mais mal informées. »
Un professionnel et un usager se rejoignent dans le constat selon lequel la médiation n’est adéquate ni aux positions sociales modestes, ni aux positions privilégiées, comme si la médiation devait difficilement trouver un créneau ténu dans la zone moyenne de la hiérarchie sociale : P1 : « Je pense qu’il y a effectivement dans l’échelle sociale, je pense qu’il y a ceux qui sont en bas de l’échelle sociale et qui effectivement, tout ce qui est de l’ordre de la verbalisation, ils en sont, ben là, c’est fini, je ne t’aime plus, c’est à couteaux tirés. Et quand c’est pas le couteau, le vrai couteau. Et puis il y a le haut du panier. Les références, on va aller chez l’avocat truc, chez le notaire machin. Mais aller chez un médiateur dans une structure sociale, c’est quand même... - C’est pas élégant ? - Ça fait quand même tache je vais dire. - Tu as l’impression que ni en bas ni en haut, que c’est pertinent ? - Je ne pense pas qu’on fera effectivement appel. C’est plus des gens qui sont dans une capacité de verbalisation, qui économiquement peuvent quand même se permettre quelque chose, étant dans une aisance financière particulière. » NUM1 : « Moi, j’ai l’impression, je vais faire une grille très sommaire, que ce qui ne va pas dans l’offre de médiation, mais je dis bien qu’elle doit rester dans la palette, nous, on fait partie du milieu doté en capital culturel et moins en capital économique. Et donc on a tendance soit à vouloir régler nous-mêmes nos conflits, nos différends, soit à faire une démarche personnelle chez un psy ou une psy à titre individuel. Quand tu es dans des milieux bien dotés en capital économique avec des problèmes de patrimoine et autres, les enjeux économiques peuvent bouffer, prendre tout l’espace. Et par ailleurs dans des milieux moins dotés de l’un et l’autre, ce genre de processus empathique et autres n’est pas en adéquation culturelle. » B4/5 : “Toen dat we in het begin over de opzet van de organisatie het economisch model uit mekaar aan het zetten waren hebben we ook die vraag gesteld van: “Ja, wie zou daar nu kunnen in geïnteresseerd zijn?”. En ons gevoel – maar op niets gebaseerd dan anders dan een gevoel – was dat er toch wel mensen zouden moeten zijn met een hogere opleiding die konden analyseren dat een dergelijke aanpak meerwaarde kan bieden. En we zijn daar helemaal naast. Dat is helemaal niet zo. Want wat blijkt? En als je dat dan in termen zegt van de statistieken die rond sociologie soms gemaakt worden. Allez, als we er een sticker moeten opkleven, dan zeg ik van: “Modaal en modaal plus één.”. Dus het is niet zo dat wij cliënten hebben uit de categorie zeer hoge inkomens, zeer veel bezittingen, want die hebben andere kanalen. Die gaan… Ja, die hebben andere kanalen, hebben wellicht ook andere soort begeleiding nodig die veel verder gaat in het kader van de vereffeningverdeling die complexer in mekaar zit. En we hebben evenmin mensen die eigenlijk niet de financiële middelen hebben om onze diensten te kunnen vergoeden. Want het is ook… Allez, het is niet dat het… Wij doen geen pro deowerk en wij doen ook geen CAW-type bemiddeling. Er is een aanbod voor iedereen maar wij specificeren echt wel, wij focussen op – zonder dat te willen, het is gewoon dat het zo komt – op mensen zoals u en ik.(...)Wij hebben nog nooit “neen” gezegd tegen een aanvraag. Dus laat daar geen
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misverstand over zijn. maar in de praktijk, nu na drie jaar bezig te zijn, blijkt dat het het gemiddelde gezin is die beroep doet op ons.”
2.5. Caractéristiques et difficultés du métier La médiation demande du temps. Cette caractéristique est relevée par plusieurs professionnels qui pratiquent la médiation et qui valorisent cet aspect. Elle est notée aussi par d’autres professionnels qui avouent de pas pouvoir prendre le temps nécessaire à la médiation : A1 : « Et donc ce que je trouvais aussi intéressant c’était le fait que les parties disposent d’un certain temps pour élaborer un accord parce que bien souvent on constate même dans les dossiers très conflictuels, c’est le temps qui souvent permet aux choses de s’aplanir et aux solutions de se trouver. Donc cette notion de temps, je trouvais ça important dans la médiation. » M2 : « Moi je crois que c'est faire un bout de chemin avec des gens qui sont disposés à le faire avec vous. C'est toute la difficulté de la médiation. Et offrir, c'est basiquement parlant, mais c'est offrir un lieu, offrir un temps aux gens, pour finalement poser le problème avec des gens. Je trouve que c’est vraiment important de dire, comme on dit aux enfants, un problème bien posé est à moitié résolu. C’est vraiment important d’aider les gens à bien d’abord poser le problème avec eux. Et après les aider avec eux à ouvrir toutes les options possibles en fait. Brainstormer avec eux. Et l’avantage que je vois à la médiation, c’est comme on fixe des rdv, c’est qu’entre les rdv, les gens se sentent obligés de réfléchir et de préparer. Certaines personnes pourraient le faire seuls. Mais le fait, ah oui, c’est vrai, dans 15 jours on la voit, elle nous a demandé de faire telle démarche. Il y a un temps précis pour ça. » M4 : « Et le temps en médiation, c’est important. Si ça doit prendre six mois, ça prend six mois. » N1 : « Alors moi je n’ai pas fait ce choix-là tout simplement pas du tout par manque d’intérêt pour la médiation mais parce que j’avais en quelque sorte tellement de travail et tellement d’engagements que je n’aurais pas su faire ça je pense sérieusement parce que je pense que c’est une méthode d’approche de problèmes qui demande du temps. Et ce temps-là, moi je ne l’avais pas. »
Le temps nécessaire à la médiation est parfois perçu comme une difficulté, comme une contrainte : M6 : « - Vous pouvez identifier les faiblesses du processus de la médiation ? - La lenteur parfois, Le temps que ça prend. Les gens sont tellement mal à ce moment-là qu’ils voudraient que ça aille plus vite. La médiation démarre par un processus de bilan parental ou conjugal. Ils n’ont pas envie de passer par cette étape-là, en tout cas pas à ce moment-là. Ils ont envie d’une réponse rapide. Je pense qu’on devrait être plus souple aussi… »
Plusieurs interlocuteurs témoignent du caractère émotionnellement éprouvant de la médiation : P3 : « Comme je n’en fais pas beaucoup et que c’est dur d’être médiateur ! Psychologiquement parlant, ça demande beaucoup d’énergie… on encaisse beaucoup, je crois que c’est normal, donc je ne courrais pas non plus trop derrière. » M7 : « Chez certaines personnes il y a beaucoup trop de souffrances parce que une médiation c’est extrêmement fatiguant. Ça expose quand même au niveau émotionnel les gens. C’est costaud. C’est vraiment dur une médiation. Et donc on est souvent à la limite du supportable. Voilà, c’est trop, c’est insupportable. » M7 : « Et le stagiaire, en stage pendant cette année de médiation, c’est une médiation qui a duré deux ans, il est venu pendant quasi un an, il était effondré en disant « mais comment est-ce possible, mais comment estce possible, c’est affreux ». Il pleurait presque chaque fois. Émotionnellement, c’était très dur. » UM3 : « Mais il y a eu des soubresauts, des souffrances, des moments où c’était dur. » PS1 : “Allez, zelfs als dat financieel haalbaar is kan ik mij geen week voorstellen waarin ik veertig uur per week bemiddeling geef. Dat is gewoon… Je zit… Dat is een heel intensief proces. Dus als ik hier één avond bemiddeling geven heb, dan heb ik echt niet de behoeft om de dag erna terug een bemiddeling ’s avonds te geven. Want dan ben ik eigenlijk wel moe. Want je bent daar heel intensief mee bezig.(...) Mee te denken en mee te voelen. Ja, het ondersteunen en ondertussen toch ook een beetje te prikkelen soms voor ze toch een
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beetje uit hun tent te lokken. Soms is dat ook nodig. Neen, dat is zeer intensief dus ik denk niet dat er iemand wil daarvan veertig uren werken en van leven. Ik denk dat er iedereen wel iets naast doet.” B2 : “ In feite moet je als bemiddelaar heel veel zelfzorg hebben, vind ik. Zo echt zorgen dat je af en toe echt wel ontspanning hebt want anders ga je eraan kapot. Echt waar. Ik vind zo ook: acht uur aan een stuk bemiddelen dat zou ik dus niet kunnen. Ik werk zo één bemiddeling in de voormiddag, één in de namiddag en één ’s avonds. En soms valt daar iets van tussen als ik bijvoorbeeld documenten voor de rechtbank en zo moet maken. Maar zo bijvoorbeeld acht uur aan een CAW zitten en acht uur aan een stuk bemiddelen: ik kan dat niet. Ik moet ook altijd afkicken na een bemiddeling. Zo even die mensen kwijt geraken en dan, als er volgende komen, even dat dossier kunnen lezen. Zien van: “Oké, daar ging dat over”, dat je ook met die mensen terug kunt… Ik zou dat anders gewoon niet kunnen. Ik zou dat niet kunnen.” B3 : “Het is heel hard soms. Het is heel hard. (...) dus daar is dat in een crisis gebeurd in aanwezigheid van de kinderen. Ja, jonge kinderen ook met huilen en slaande deuren. De kinderen zaten nog in bad. Allez, het moet iets verschrikkelijk geweest zijn. dus een kletterende ruzie. (...) En zo heb ik er een aantal waar de scheidingsmelding echt heel fout is gedaan.”
2.6. Neutralité et multipartialité L’idéal de neutralité du médiateur suscite de nombreux commentaires de la part de nos interlocuteurs, surtout de la part des médiateurs. Ceux-ci redéfinissent souvent la neutralité en termes de « multipartialité ». C’est une dimension importante du métier, souvent perçue comme étant au cœur de l’identité professionnelle. Et pourtant, les usagers formulent des attentes un peu différentes de l’offre telle qu’elle est présentée par les médiateurs : plusieurs d’entre eux veulent des médiateurs impartiaux, certes, mais aussi capables de prendre position en cas d’injustice flagrante. Dans la pratique, les professionnels de la médiation donnent des traductions très différentes de cette multipartialité. Certains déclarent strictement une position noninterventionniste, même pour répondre à des questions techniques, d’autres prennent des libertés avec les principes quand ils jugent que la situation l’exige. Voyons d’abord comment la neutralité, ou plutôt la multipartialité est définie : M3 : « Quand on rentre dans le débat de la neutralité, je change tout de suite de mots parce que neutre est le terme courant que l’on peut comprendre mais on parle plus quand on donne nos cours de multipartialité. Le médiateur doit avoir cette capacité de comprendre et de se mettre dans les chaussures de deux parties. Et donc de pouvoir comprendre ce que ressentent chacune des deux parties. Ce qui est différent de la neutralité froide et glacée laissant les parties un peu comme ça abandonnées. C’est le développement de l’art de l’empathie. L’empathie sans prendre fait et cause pour l’une ou l’autre des parties. Et ça, le médiateur, ça fait partie de l’acquisition du métier. Pouvoir aussi être attentif à ses résonances. Et de quelle manière ses résonances peuvent influencer la médiation mais influer sur lui-même, sur son comportement et dès lors sur la médiation. Et par rapport à ces questions d’inégalité qui peuvent apparaître dans des couples, ici c’est une question qui amène les psychologues et les sociologues à beaucoup réfléchir. » M4 : « Nous on ne leur dit pas qu’on est neutre. On n’est pas neutre. On est contre l’idée de neutralité. Mais on est multipartial. C’est ce qu’on leur explique. Ce qu’on leur explique c’est que ce qu’ils disent, c’est vrai. Systématiquement. A partir du moment où ils vont parler de leur ressenti, pas spécialement de l’histoire des faits. L’histoire des faits, bon. Mais en tout cas leur ressenti qu’ils vont avoir, il est vrai. On n’a donc pas à se positionner par rapport à ça. Et on peut très bien se mettre dans la peau d’un ado et comprendre son point de vue. On peut très bien après se mettre dans la peau de sa maman et comprendre son point de vue. Et alors l’objectif après, c’est pas tant d’être neutre, je crois qu’être neutre c’est pas utile d’ailleurs aux gens. » M7 : « Eh bien, si j’ai plusieurs personnes en face de moi, mais je vais faire en sorte de reconnaître chacune. Et donc je vais certainement pas prendre parti pour une des parties. Ça c’est clair. Enfin voilà. Il y a plein de stratégies et de choses pour remédier à ça. » B3 : “Ja, meerzijdige partijdigheid, dat je zeker de belangen van iedereen blijft bewaken… Is belangrijk. Een stukje leiding geven, maar ook kunnen lossen, dus dat zit zo wat tussenin. Je moet een evenwicht vinden tussen leiding en lossen. Je moet, vind ik ook, zelf goed zicht hebben op wat kan en wat niet kan. (...) Je hebt een informatieplicht maar je hebt geen adviserende functie en dat is een heel belangrijk evenwicht wat zeker een psycholoog gaat anders invullen dan…(...) Dus je bent niet neutraal. Daar ben ik mij heel van bewust, dat
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je niet neutraal bent. Wat niet wegneemt dat als je professioneel bezig bent met mensen dat je toch voor een stuk daar bewust van kunt zijn want, (...) Dus de verhalen doen iets met u. Ik probeer daar open in te zijn als dat bij mij niet goed overkomt, dat ik dat kan bespreekbaar maken. Ik probeer daar zelf een oplossing aan te geven door meer met diegene met wie dat ik geen voeling heb toch te blijven bevragen en met ieder keer terug te zeggen: “Ja, die mens heeft ook recht om zijn verhalen of zijn standpunten in te nemen.”. (...) Maar ik kan niet ontkennen dat, ja, dat je daar soms wel oordelend zit in je hoofd en als je dat dan niet bewust van bent, dan ga je onbewust… Dan loopt dat verkeerd want je geeft signalen. Door de manier waarop je verder in het verhaal komt, ga je signalen aan de één of andere geven van: “Dat is niet oké, wat jij hier zegt.”, en die voelt dat.”
Comment, concrètement, les médiateurs exercent-ils cette empathie plurielle ? Quelles stratégies mettent-ils en œuvre pour y arriver, quelles ressources mobilisent-ils ? Leurs réponses convergent souvent autour de l’intérêt des rencontres, discussions, supervisions avec des collègues et/ou formateurs. La multipartialité est généralement définie comme un travail sur soi avec la ressource du regard des collègues et/ou superviseurs : M1 : « Moi, j’ai une approche je crois assez proche de celle des psys. C’est-à-dire à force de travailler sur soi, d’être en supervision, en intervision, des choses comme ça, de parler de ce qui m’arrive au contact de ces gens avec d’autres. Peut-être à force d’être confronté à des cas difficiles. Il y a des cas pour lesquels on est complètement bloqués. Mais on ne va pas être bloqué 10 fois sur les mêmes cas. C’est-à-dire qu’on apprend quand on a été fort bloqués, qu’on a pu en parler. On apprend... » M6 : « J’ai moi-même fait une psychothérapie et énormément travaillé sur moi-même afin de ne pas projeter, de ne pas influencer la parole des gens. Sinon je fais une supervision une fois par mois avec une médiatrice familiale et je vois aussi un psychanalyste avec lequel je travaille la neutralité. C’est justement un sujet qui m’intéresse beaucoup, « la neutralité ». Je veux d’ailleurs faire mon mémoire là dessus. Moi j’y crois à moitié, à la fois j’y travaille beaucoup et à la fois on est jamais totalement neutre ; bien que c’était fort axé comme ça lors de ma formation. On dit qu’il faut venir « vierge » mais c’est très difficile. » M5 : « Alors, je vous dirais qu’on n’est pas neutre, on n’est jamais neutre parce que si on pose telle question plutôt que telle autre déjà, on va poser une question qui est peut-être plus en résonance avec son vécu personnel. Mais on tend vers la neutralité. La question, c’est de rester objectifs et de ne pas prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Et notre démarche est dynamique dans la médiation, c’est justement de respecter ça. De savoir qu’on n’est pas neutre en tant que tel mais on peut tendre vers cela, ça veut dire aussi qu’on doit travailler sur nous-mêmes et faire un travail de supervision pour permettre justement à ce que notre vécu n’ait pas d’impact, d’implication par rapport aux vécus des personnes. Ou inversement. Que le vécu des personnes n’ait pas un impact spécialement sur notre vécu. Mais donc, on est dans, je dirais plus une multipartialité et sans prendre parti ni pour l’un ni pour l’autre. On n’est pas comme les magistrats, ils agissent en arbitrant un conflit. Ou comme l’arbitre lui-même peut l’envisager, on est dans une démarche où il faut que chacun puisse y trouver réponse à ses besoins et ses intérêts tout en ayant la possibilité à chacun de permettre de s’exprimer. » PS2 : “Dat zijn dan situaties die ik op intervisie moet brengen. En naargelang wat er dan in een uitgebreide bespreking van al die dingen… Ja, wordt dat soms helderder en wordt het ook helderder wat ik er moet mee doen.”
Pour cette avocate, pratiquant la médiation avec un pédopsychiatre, la formule de la comédiation permet le recul, le travail critique sur la neutralité : A1 : « C’est ça l’intérêt d’être deux. C’est souvent ce qu’on appelle des alliances croisées c’est-à-dire qu’effectivement peut-être P. aura plus tendance à soutenir la personne qui est désignée malade au sein du couple. Même si l’autre est parfois tout aussi malade que lui. C’est pas que j’ai tendance à prendre parti pour l’autre personne mais le fait d’être à deux ça permet… - De contrebalancer. - Je ne dis pas qu’on y arrive à chaque fois parce que c’est pas toujours facile de, comment, que les gens en tout cas ont l’impression qu’on prend parti pour l’un ou pour l’autre, ça c’est très clair. Mais le fait d’être deux, avoir des positions différentes dans nos interventions, de soulever aussi le fait qu’éventuellement les gens ont l’impression qu’on prend parti. Formuler bêtement ce qui se passe, ça fait que ça permet en tout cas de rassurer les gens qu’on est là pour les deux et pas uniquement pour l’un ou pour l’autre. »
Si, sur les principes, le discours des médiateurs est plutôt consensuel pour valoriser la multipartialité et sa centralité dans le travail de médiation, dans les pratiques, les médiateurs manifestent une grande diversité d’interprétations. Par exemple, comme 73
l’observe ce juge, certains médiateurs donnent des conseils, et cela est presque perçu comme une exception, voire une transgression à un modèle professionnel moins interventionniste: J1 : « Il y a des médiateurs qui vont plus loin dans leur travail que d’autres. Il y en a souvent qui vont donner certains conseils. Alors que j’ai compris en général, ils devaient amener les parties elles-mêmes à trouver eux-mêmes leurs solutions. Il y en a qui vont quand même amener des conseils. »
Pour cette médiatrice, lorsqu’on est confronté à une injustice ou à un déséquilibre en médiation, il n’est pas question d’intervenir directement ; la seule solution consiste à externaliser le conseil individualisé aux deux parties, en suggérant une séquence de consultation des avocats : M5 : « Là (dans la situation du couple en médiation évoquée) il y a quelque chose qui n’est pas clair, qui n’est pas juste. Pas en tout cas à prendre en considération dans la situation. Donc moi, comme médiateur, dans cette situation-là, la seule chose que je peux faire, c’est de pouvoir dire, « je pense que maintenant c’est important de faire un peu le point. Chacun individuellement auprès de votre avocat. De prendre conseil, de voir quels sont vos droits, et devoirs. Et à ce moment-là qu’on se revoie en médiation pour voir ce qu’on peut faire ». Donc, il y avait quelque chose qui était de l’ordre de justice ou injustice. - Un peu inévitable peut-être. - En tout cas ça devait se débloquer par rapport à cette situation. Et la question était de se dire à ce momentlà, « comment moi qui constate ça, je peux rester dans ma situation de médiateur tiers tout en permettant aux gens d’approfondir leur réflexion sans être mêlée à devoir prendre position pour l’un ou pour l’autre ? Sans devoir dire, mais monsieur secouez-vous, c’est pas parce que vous êtes parti que vous devez continuer de payer tout, etc. ». Donc je ne pouvais pas dire ça. Et donc, la seule alternative qui était possible, c’était de permettre, d’ouvrir cette opportunité. Chacun va rechercher de l’information auprès de son avocat. Des possibilités qu’il y a auprès d’un notaire éventuellement. La maison, si elle est mise au nom de quelqu’un, etc. ou même si elle est vendue, quelles sont les possibilités, les droits et les devoirs de chacun et à ce momentlà seulement, les parents qui reviennent en médiation peuvent dire, « ben voilà, mon avocat m’a dit que c’est pas parce que j’étais parti que je devais tout payer, qu’il fallait faire en sorte qu’on mette des limites. La question de la maison, c’est sûr qu’elle est là mais il faut mettre les choses à plat ». Et donc on a pu continuer la médiation mais en étant plus au clair. » NO2 : “Wel dat is eigenlijk mijn kritiek ook een beetje op het bemiddelen. Zoals dat we het hebben aangeleerd, dat je effectief… Mensen hebben soms toch wel nood aan het aanreiken van een oplossing. Het is altijd niet zo eenvoudig, je hebt niet de competentie om over bepaalde zaken te praten of je kent ook alle mogelijke oplossingen niet. Dus van daaruit is het zeker goed dat iemand vanuit zijn vak kan aan de mensen zeggen: “Dit zijn mogelijke oplossingen, laat het ons daar eens over hebben.”. En ik denk niet dat dat een keldering is van die bemiddelingsopdracht, als je dat doet. Je kan de mensen nooit dwingen maar als het goed omkaderd en goed besproken is, dan lukt dat wel.” B4 : “Dat vergt van een bemiddelaar ook wel, ja, continu reflectie en continu ook bijscholingen volgen, dat iemand u daar kan op wijzen, dat uw identiteit zo in mekaar zit. (...)Ik wou juist zeggen: dan ga ik direct ook naar de andere partij gaan en ga ik ook vooral aandacht gaan geven aan die persoon en ook vooral vragen wat… “Mevrouw, hoe denkt u daarover?”, of: “Wat zijn uw bekommernissen?”, of: “Wat is voor u belangrijk in deze situatie?”, want dat kan voor de ene persoon zijn, iets wat dat met het huis te maken heeft. Terwijl, bij iemand anders kan dat iets zijn dat met de kinderen te maken heeft. Maar ik ben eigenlijk de toezichter op dat moment, om te zien dat die dialoog in evenwicht is en dat er… Uiteindelijk, dat we verder kunnen met het gesprek. Als er al eens iets vast zit moet ik dan iets naar boven halen waardoor dat we kunnen verder praten of juist gaan zoeken waar dat het probleem juist ligt.”
Pour un des médiateurs rencontrés, l’attente des usagers d’un positionnement des médiateurs doit être travaillée en médiation. Mais, conformément au modèle professé, il ne s’agira pas pour le médiateur d’intervenir mais de renvoyer les questions « vers les personnes spécialisées » : M3 : « Lorsque le débat s’anime, quelle que soit la manière dont on a posé le cadre, les gens réagissent un moment de manière un peu plus spontanée. Ils peuvent, en effet, interroger le médiateur. Qu’est-ce que vous en pensez, Monsieur, Madame, vous trouvez pas ça scandaleux ? A partir du moment où le médiateur se transforme d’une manière ou d’une autre en juge ou en arbitre, la médiation risque selon moi d’être sérieusement affectée. Parce que, si je prends fait et cause pour une partie ou une autre en disant, voilà ce que moi je pense au-delà parfois de questions personnelles, on risque de casser le processus. Parce que si je prends partie pour une des parties, forcément le risque est grand que l’autre le vive mal aussi. Mais oui, vous nous aviez indiqué que vous étiez neutre et impartial et là vous devenez partial. C’est plus la neutralité
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qui est menacée, c’est la partialité. Et donc… Mais il faut traiter ces questions. Il ne faut pas les éliminer en disant, il ne suffit pas de dire, non, je ne suis pas juge, arbitre, non, il faut faire un autre travail. Il faut s’interroger sur la question. Qu’est-ce qui se passe ? Quelles sont les représentations de chacun ? Pourquoi on en arrive à ces conclusions-là ? Et lorsqu’on arrive sur des questions juridiques, une des parties peut très bien dire au médiateur, « mais, dites-nous le droit ! ». « Que dit le droit dans cette question-là ? En matière de garde des enfants, de contribution alimentaire, de succession, je veux l’application du droit ». Et là, le médiateur n’est pas là pour conseiller les parties et de nouveau il n’est pas juge. - Et la loi ne dit pas tout. - Et la loi ne dit pas tout. Il faut alors renvoyer les parties vers des personnes spécialisées. (…) Donc il faut renvoyer les gens en partie mais pas comme ça, ça se travaille. Le but, c’est que les gens adhèrent au processus. Même dans les phases difficiles de la médiation, ils continuent à adhérer. S’ils adhèrent plus, ils ne sont plus là. Et s’ils ne sont plus là, ils décrochent et la médiation risque d’échouer. Donc par rapport à des gens qui sont un peu heurtés parce qu’on ne leur dit pas qu’ils ont raison, qu’ils ont tort, eh bien, il faut travailler ça ensemble. Pourquoi c’est important que ces personnes aient une telle réponse de la part du médiateur ? (…) Justement, le médiateur, son travail c’est d’aller au-delà de ces questions de position. Du vrai, du faux, du juste, de l’injustice. »
D’autres médiateurs déclarent, dans certaines conditions, intervenir plus directement et prendre parti ou plutôt prendre position, dans l’intérêt des enfants ou par souci d’équité, mais comme le précise cette avocate-médiatrice, si on prend position, ce n’est pas sur le fond des accords, c’est par rapport au cadre de la médiation : M4 : « On va essayer de mobiliser chez la personne la plus faible, de l’aider à trouver des ressources pour revenir à une position d’équilibre. Alors ça peut être, on a déjà eu une fois quelqu’un qui avait besoin de la présence de l’assistant social de la police. L’autre personne était d’accord. Nous, on ne va pas prendre la défense en disant... Maintenant, ce qu’on fait, et ça on le fait souvent, c’est qu’on responsabilise par rapport au rôle de parent. Donc on va prendre une position de protection par rapport aux enfants. Donc on dira régulièrement aux parents « mais est-ce que ce que vous êtes en train de faire pour vos enfants, c’est bien ? ». Donc là on peut dire qu’on prend parti. On prend parti pour le bien-être de l’enfant, ça c’est vrai. Mais c’est toujours stratégique. » A1 : « C’était une dame gravement dépressive, suicidaire, et qui avait dit, moi je signe... - Un peu n’importe quoi. - Et nous, on a dit non, on n’accepte pas. On n’est pas sûrs que cet accord est équitable, on ne peut pas accepter un accord pareil. Il faut vérifier qu’il soit juste. On n’a pas fait ce travail-là donc on refuse de l’entériner. Si vous n’êtes vraiment pas, si vous voulez, vous le faites à deux mais pas avec nous. Par contre on a dit, on veut bien rester pour en discuter mais on ne peut pas faire acter un accord pareil. (…) - Est-ce qu’il n’y a pas parfois chez eux des attentes que le médiateur tranche lui-même ? - Si bien sûr. Et même après. Ils attendent vraiment que tu prennes position et que tu dises qu’ils sont bien et que les autres ne sont pas bien. - Et comment ... - On leur dit qu’on n’est pas là pour ça. Et même si on disait quelque chose, ça ne les aiderait pas parce que on n’a pas la fonction de juger. Donc notre avis n’a pas beaucoup d’intérêt. - Et pourtant tout à l’heure tu disais, il y a des situations où il faut prendre parti. Pas prendre parti mais prendre position et ... - Prendre position par rapport au cadre uniquement. Jamais par rapport au contenu. Donc quand on prend position pour refuser un accord, c’est parce qu’on estime que le cadre des négociations n’a pas été respecté. »
Quelques professionnels confient qu’il y a des situations où il faut dire « stop ». Par exemple : P3 : « Je pense à une situation, mais ce n’était pas dans le cadre professionnel, où là j’avais vraiment l’impression qu’il y avait un grand manipulateur. Il partait dans des éclats, il faisait des grandes sorties… et là, c’est une personne qui me le racontait. Ce n’était pas dans le cadre de mon boulot. Mais je trouve que ce n’était pas acceptable dans le cadre d’une médiation. On doit dire aux gens qu’il n’est pas question de s’envoler, d’utiliser ce champ-là pour faire un show. » M6 : « Oui, nous sommes toutes des médiatrices différentes, mais oui sur ces principes là (on est d’accord)… excepté certaines qui étaient éducatrices avant et qui ont tendance à garder ce côté… mais qui peut parfois être utile : « c’est un peu n’importe quoi ce que vous faites là… » C’est un peu contre les principes de la
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médiation mais des fois ça ne fait pas de tort non plus (rire). On vous dit qu’il faut être neutre, mais on est quand même garant de l’intérêt de l’enfant, on a des notions de droit… Il y a des moments où il faut quand même dire aux gens « stop, vous ne pouvez pas faire ça, ce n’est pas la loi ou vous ne respectez pas l’intérêt de l’enfant. »
Quelques professionnels évoquent des situations limites où ils ne peuvent pas s’empêcher de réagir. Mais comme le dit une médiatrice, cela ne signifie pas que le processus de médiation est en échec. Par exemple : A2 : « J’ai toujours peur quand il y a de la violence physique, quand un des deux m’en parle je commence toujours la dessus et là mon impartialité peut voler en éclats je m’en fiche mais je veux que ce soit clair làdessus. » M7 : « Il y a parfois des limites où je sens qu’il y a une personne qui encaisse, encaisse et que c’est de trop. Et qu’elle va être détruite et qu’elle va dire, « moi, je ne viens plus ». Euh, là, je reconnais la souffrance. Ce qui permet parfois à l’autre de se réaliser. Aussi et si c’est pas le cas, ben voilà, moi, je ne sais pas travailler comme ça. C’est déjà arrivé que je me lève et que je sorte. Et je dis « écoutez, non, moi je ne peux pas travailler comme ça ». C’est pas pour ça que c’est fichu du tout. » NO2 : “Meerzijdig partijdig? Ja, in feite, van ons wordt verwacht dat we onpartijdig zijn. nu, dat bestaat niet. Dat is dan mooi uitgevonden, denk ik, door de bemiddelaars, dat het dan meerzijdig partijdig is. Neen, ik denk effectief dat je meerzijdig partijdig moet en kan zijn maar je moet ook kunnen zeggen aan mensen dat ze verkeerd zijn, dat het niet juist is wat dat ze zeggen, als je dat kan. En de advocaten gaan daar dan op dat ogenblik… Vliegen daar binnen en zeggen dat je partijdig bent. Want wij zijn eigenlijk op dat moment rechtbank. En je ziet wat dat er gebeurt met rechters die de minste zweem van partijdigheid betonen, die gaan een bord spaghetti eten en die hebben de grootste vodden. Ja, dat geldt eigenlijk op dat ogenblik ook wat voor ons. Dus je kan dat zomaar niet zeggen, van: “Zeg, waar ben jij nu eigenlijk mee bezig?”. Dat kan je niet. Dus op dat ogenblik wordt er van jou die onpartijdigheid verwacht, wat ook normaal is, maar dat wil niet zeggen dat je intern daar geen probleem mee hebt.”
Un peu plus tard, la même assume s’écarter de la norme explicite de neutralité en donnant des conseils ou même en prenant la parole pour tenir des propos « costauds ». Un autre médiateur assume même, dans certaines situations, une position d’autorité. Par exemple : M7 : « Je ne suis pas une puriste. C’est-à-dire que même comme thérapeute rogérienne, normalement on ne peut pas donner de conseils aux gens. Mais moi, je trouve que les gens ne sont quand même pas complètement débiles. Et donc si on leur explique pourquoi normalement on ne leur donne pas de conseils, parce qu’il y a un risque de créer une dépendance, parce que c’est les renforcer dans l’idée qu’ils ne sont pas capables de trouver eux-mêmes une solution. Etc. etc. Et que c’est peut-être pas la meilleure voie. Et que si c’est super important pour eux, un moment donné, voilà, je ne vais pas refuser non plus de le faire, tout en disant, peut-être que je vais me tromper. Voilà. Eh bien, c’est un peu la même logique que je suis en médiation. C’est-à-dire que je les encourage à consulter mais en leur disant « voilà, si vous voulez, moi je peux donner un avis de psy, mais voilà, moi je vous engage à consulter par ailleurs. L’avis ne va peut-être pas vous agréer. Voilà. Mais d’habitude on ne le fait pas. (…)Moi j’ai déjà dit des choses costaudes par exemple. Voilà. Une médiation qui a bien tourné, était très difficile. Avec un monsieur borné mais grave. Exemple : Madame vient chercher son enfant. Mais comme la fois où il est venu chercher son enfant chez madame, madame, même si elle l’avait prévenu parce qu’il y avait des embouteillages, est arrivée avec un quart d’heure de retard. Quand madame vient chercher l’enfant à l’heure. L’enfant voit sa maman par la fenêtre et est tout content. L’enfant ne peut pas sortir avant un quart d’heure puisqu’il y avait eu un retard d’un quart d’heure. D’accord ? Et ça ce n’est qu’un petit machin à côté d’autres trucs. Un monsieur rigide comme on n’imagine pas comment il pouvait être cruel avec son enfant. Je dis, c’est un petit exemple. Et c’est vrai qu’un jour, j’ai dit à ce monsieur, « écoutez, je suis vraiment touchée personnellement par le, qu’estce que vous devez vivre pour être tellement rigide ? Vous me faites penser vraiment à un grand bateau qui fonce sur un iceberg et qui même quand on lui dit de faire machine arrière, n’arrive pas à pousser sur le bon bouton pour faire machine arrière. Vous êtes vraiment... ». Voilà. Et alors il me regardait avec un sourire, l’air de dire ben oui, ben oui. Et je lui ai dit, « vous savez l’iceberg, eh bien, c’est votre enfant ». Alors là, le gars, il s’est décomposé. Et c’est quand même une intervention violente, je trouve. C’est quand même une image très forte. Eh bien, et je me suis dit, ce gars il va me... et je lui ai dit, « maintenant que je vous ai dit ça, vous allez me détester ». Eh bien, pas du tout, pas du tout. Pourquoi ? Parce que, un, d’abord reconnaître ce qu’il vit. De l’empathie. Et en même temps amener quelque chose comme ça. Et avoir, j’allais dire de la compassion sans aucune connotation religieuse pour le drame qui est en train de se jouer. » M1 : « Il y a vraiment des personnes, ils ont besoin d’une personne qui fait autorité. Et le médiateur peut faire ça. Peut jouer à ça. Je pourrais jouer à l’autorité quand je suis ici avocat. Et quelque part je peux en jouer. Même si c’est totalement contraire à ce qu’on m’a appris. Mais je crois que c’est un outil important qui doit
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être intéressant. En médiation dire, écoutez, la loi c’est pas comme ça. À ce moment-là, j’injecte dans un cadre tout à fait négocié quelque chose de l’ordre de l’autorité et ça peut, avec certains publics, aider. Mais la médiation c’est néanmoins, c’est un cadre pas tout à fait comme ça. »
Du côté des usagers, nous l’avons vu plus haut (1.3.3.), plusieurs d’entre eux attendent des médiateurs qu’ils prennent position face à des situations inéquitables ou problématiques d’un point de vue éducatif. C’est le cas notamment de cette dame (UM1) qui valorise l’intervention réprobatrice d’une médiatrice à l’égard de son mari, qui avait confié à ses filles sa relation extra-conjugale avec une collègue. La même stigmatise la discrétion d’un autre médiateur pour rappeler la norme, à propos d’une question de patrimoine. C’est encore le cas de cette dame (NUM3) refusant la médiation quand elle est présentée comme un entérinement des accords entre partenaires, sans garantie de veiller à l’équilibre du rapport de forces. Et c’est aussi le regret formulé par ces deux hommes (NUM2 et UM11) à l’égard d’un médiateur trop neutre pour réagir à la mauvaise foi (selon leur perception) d’un des protagonistes. 2.7. Accessibilité économique de la médiation L’accessibilité économique de la médiation mérite réflexion. Les pratiques sont extrêmement variables. De la gratuité totale (par exemple M4) à des services payants qui peuvent atteindre la centaine d’euros la séance. Pour plusieurs de nos interlocuteurs, professionnels et usagers, le coût de la médiation est (ou serait) un obstacle sérieux pour beaucoup de familles. Par exemple : M4 : « (expliquant la longueur de la liste d’attente de son service de médiation) Et puis il ne faut pas se leurrer, c’est la gratuité, ça, c’est clair. - Vous avez l’impression que si c’était payant, même 20 euros... - Oh non, même 10. Et alors le problème c’est que quel que soit le type de dossier, à part les divorces et les séparations, on a toutes les problématiques de familles recomposées où ça ne tourne pas très très bien. On a les violences, soit conjugales, soit intrafamiliales. Et puis on a aussi énormément de dossiers de jeunes adultes. Donc 17-25 ans. Où le SAJ n’a plus de possibilités de placement. On ne place plus à 18 ans. Et à 18 ans, on n’aide plus. Donc ces familles sont vraiment démunies face à des ados qui commencent... parfois c’est de la toxicomanie, parfois c’est de la délinquance. Et à part mettre son jeune dehors, à la rue en le faisant expulser, il n’y a rien. Ça c’est vraiment, il y a énormément de dossiers comme ça ici. Donc on a tout ce panel-là. Alors c’est clair qu’au niveau population on a de tout. Ça va vraiment des personnes du CPAS tous les deux et qui sont en médiation de dettes, c’est clair qu’elles n’auraient pas les moyens. » J3 : « Très peu suivent mon conseil, moi je suis fort étonnée. (…) Il y a le coût je crois qui rebute beaucoup de personnes, j’ai des avocats qui me disent « oui mais ça coûte autant de l’heure », 70€ je crois. C’est vrai qu’ils peuvent avoir l’assistance judiciaire mais il faut qu’ils remplissent les conditions pour pouvoir en bénéficier. » UM3 : « (évoquant une première médiation « ratée ») Et en plus ça coûtait très très cher parce que c’était un grand avocat. Et ça coûtait très cher. » UM4 : « Et le côté médiation ne fait pas peur ; ça a un côté positif. Le côté avocat, c’est tout de suite moins rigolo. Et avocat veut dire aussi sans doute un service payant. Médiation, c’était gratuit. Ça fait beaucoup. On aurait eu les moyens de se payer, on aurait mis l’argent pour, parce que l’argent n’a pas de valeur à ce moment-là je vais dire. Mais bon, il y a des couples qui n’ont pas certains moyens et qui ont besoin de ces services-là qui sont gratuits. »
Pour d’autres personnes, comparé au coût d’autres professionnels, en particulier des avocats, le prix de la médiation est raisonnable. Par exemple : P3 : « Dès qu’on paie un médiateur un prix honnête, il y gagne de toute façon par rapport à ce que peut demander un avocat. (…) Ce qui est important pour moi, c’est que le service public puisse offrir des médiations avec un coût en rapport avec le service public, quand je vois les gens ici, ils paient la même chose qu’une thérapie de groupe. » M6 : « C’est comme avec la juge Z., elle me dit : « Ce qui est bien dans le service ici, c’est que le premier entretien est gratuit » Donc c’est vraiment fort axé « service gratuit »… C’est quand même un métier qui
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demande beaucoup d’énergie, et puis il y a les accords à écrire et des recherches à faire… On ne peut pas tout faire gratuitement… ça arrive souvent que les gens soient très intéressés par la médiation et puis quand j’envoie le prospectus et qu’ils voient que c’est payant, ils ne viennent pas. - C’est 40€… que vous répartissez entre les deux ? - Oui. - Donc comparé à des frais d’avocats… - C’est rien du tout… » AD1 : « Dat wou ik ook nog zeggen. Dat is ook één van de redenen waarom de mensen nogal eens gemakkelijk naar de bemiddelaar willen stappen omdat het meestal goedkoper is ook natuurlijk. Die mensen die zijn betaald. Die werken voor één of andere instelling die… Er zijn subsidies en zo verder dus… “ AD2 : “(...) ik denk dat je dat bijna aan mensen kan garanderen: dat het goedkoper gaat zijn dan twee advocaten nemen. Nu, natuurlijk, het is altijd duurder dan het zelf oplossen. (...) Soms, mensen die bijna helemaal rond zijn. Zo heb ik één keer mensen gehad, van: “Ja, kan jij dat nu op papier zetten?”. Maar daar was een huis dus ik zei: “Ja, maar ja, als je over alles het eens bent - je gaat hoe dan ook bij de notaris moeten passeren – lijkt mij een overbodige stap dat je langs de bemiddelaar passeert.”. En dan was dat: “Ah ja, zo hebben we nog niet gedacht.”. Dus ja. Maar eens mensen zeggen: “We hebben sowieso iemand nodig en dat kan niet bij de notaris, of dat moet niet bij de notaris omdat er geen huis is.”, denk ik dat het altijd goedkoper gaat zijn dat ze komen bemiddelen.” B2 : “Daar kan ik dus echt niet tegen: gerechtelijke doorverwijzingen. Dat men dan soms klaagt over het geld terwijl dat nog goddomme alle twee een advocaat heeft die pakken meer kost. En daar wordt dan geen opmerking over gemaakt en dan die bemiddeling die hier moet bijkomen. Allez, dat is dan veertig euro per uur te veel en dat raakt mij soms. En dat zijn dan mensen die geen pro deo advocaat ook niet hebben. Ik bedoel, dat kost toch wel een pak meer.” NO2 : « Er scheiden veel mensen, effectief, maar de mensen hebben bij ons meestal wel, denk ik, nog altijd wel een serieuze drempelvrees.(...) Omdat ze denken dat dat te duur is. (...) Ik weet niet dat dat duur is. Als er bij ons iemand een echtscheidingsregeling vraagt – en laat ons nu zeggen dat daar niet veel bijzonders te verdelen valt, dat dat een relatief eenvoudige regeling – moet je reken houden dat dat een negenhonderd à duizend euro kost. Ja, is dat veel of is dat niet veel? Ik kan dat niet vergelijken. Als je het zelf doet kost het je, bij wijze van spreken, tweeënvijftig euro om uw dossier op de rechtbank neer te leggen. Dat is natuurlijk minder, maar ja. Dus dat zal wel drempelvrees zijn. Bij een advocaat zal dat, denk ik, ongeveer eenzelfde tarifering zijn als bij ons. Denk ik. Maar als jij misschien naar bepaald… Een regeling kan je zelf maken ook. Ik weet niet wie dat er in het veld nog werkzaam is, om zo’n regelingen te maken aan een goedkope tarief. Ik stel alleen maar vast dat het aantal echtscheiding door onderlinge toestemming gewoon dalende is. “ GB1 : “Wel, achteraf denk ik van, bon, uiteindelijk, wat dat zijn aandeel maar geweest is in onze overeenkomst was dat effectief een dure zaak. Maar ik weet wel dat wij daar op dat moment niet toe in staat waren, om zelf die zakelijkheid te bekomen. Hij heeft ons echt wel geholpen. Natuurlijk, moesten wij bijvoorbeeld alle twee een gezamenlijke vriend gehad hebben die ook Rechten had gestudeerd of een beetje weet had van hoe dat zo iets in mekaar moest zitten en waar dat we alle twee vertrouwen in hadden, had dat ook gekund. Je moet daarvoor geen professionele hulpverlener hebben. Maar bemiddeling was toen bijlange nog niet zo gekend en dat was voor ons een goeie zaak.”
Pour une médiatrice, son statut de salariée d’un planning familial et donc sa position de désintéressement vis à vis des usagers est un atout professionnel important qui contribue à la neutralité et à la liberté du médiateur : M2 : « Mais vous n’êtes pas rémunérée directement, spécifiquement par le client ? C’est dans le cadre de votre... - Ce que paie le client va dans la caisse planning. C’est ça qui me donne une certaine liberté. Ça m’est arrivé de dire aux gens, vous faites ce que vous voulez. Moi, de toutes façons, je dis, je n’ai pas envie de surconsommer parce que de toutes façons, c’est basé sur quelqu’un d’autre. - Donc, vous n’êtes pas du tout dépendante de... ? - Je trouve ça positif. Je trouve ça très positif. En ça je me dis que j’ai vraiment de la chance. Parce qu’en fait, ça apporte vraiment beaucoup à ma neutralité. C’est vrai qu’on préfère que les gens continuent, mais ça c’est par rapport à son amour-propre et tout. Mais ça me donne une liberté aussi. »
Plusieurs médiateurs signalent que les médiations pro deo et suggérées par le juge posent des problèmes : 78
B1 : “Ik heb dus drie pro deo’s al aanvaard: twee van het Hof van Beroep van Gent, één van Kortrijk. En ik heb daar geen goede ervaringen mee. Financieel is dat geregeld geworden, ik ben betaald geworden. Maar wat heb ik vastgesteld? Dat de pro deo ouder, zal ik zeggen, eigenlijk niet tot een verzoenende oplossing wou komen en die letterlijk zei: “Het moet dat zijn en ik moet dat hebben anders procedeer ik verder.”, en die letterlijk zei: “Want het kost mij toch niets, het is toch pro deo.”. Wel, dat heeft mij ontzettend gefrustreerd.”
3. Médiateurs et autres intervenants auprès des familles La médiation prend place dans une configuration complexe où d’autres professionnels déploient aussi leurs activités, notamment les avocats, les juges, les psychothérapeutes, les notaires. Quelles sont les complémentarités entre les interventions de tous ces professionnels ? Et quelles sont les zones de concurrence entre eux ? Avant d’examiner les relations entretenues entre les médiateurs et chaque catégorie d’autres professionnels de l’intervention auprès des familles, nous allons relever quelques informations sur l’attitude des différentes professions à l’égard de la médiation. 3.1. Perceptions de la médiation Comment se positionnent les différents professionnels non médiateurs sur cette pratique ? Les différents métiers réagissent-ils de façon particulière à l’offre de médiation ? Quelques médiateurs relèvent la réticence de certains avocats. Pour des raisons de concurrence économique, en partie mais pas uniquement. De plus, on relève assez souvent que les avocats recommandent à leurs clients le recours à un médiateur avocat. Par exemple : M1 : « Il y a une série d’avocats, qui n’aiment pas ça, on dit pour des raisons économiques… C’est-à-dire que quand on est avocat on a un client et qu’on l’envoie en médiation, on ne perd pas le client. C’est clair qu’on va moins gagner puisque qu’il n’y a pas de procès. Personnellement, ça joue mais je crois qu’il n’y a pas que ça. Il peut y avoir encore plutôt quelque chose de culturel. Au fond, on n’y croit pas. Il y a encore des avocats qui disent, la médiation, j’y crois pas. » J3 : « Oh oui hein pour moi les avocats sont réticents et le problème vient de là en partie. Je ne suis même pas certaine qu’ils informent leurs clients de ce qu’est la médiation, parce que quand je pose la question après que les avocats aient plaidé « ne feriez-vous pas appel à un médiateur ? » souvent ils ne savent pas trop ce que c’est, pourtant ils ont eu l’information par le greffe ou bien ils n’ont pas lu ou bien l’avocat n’a pas bien expliqué ; si vous avez un avocat qui n’est pas sensibilisé à la médiation, je ne suis pas sûre que tous les avocats parlent de la médiation ça j’en suis certaine. » A2 : « Il y a également des avocats qui prétendent que la médiation ne sert à rien et qu’ils sont capables de faire ça eux-mêmes. Il y a des cabinets sur l’arrondissement namurois qui eux font vraiment, qui vont contre les recommandations reçues par notre ordre qui est de promouvoir la médiation et de la proposer. » M2 : « - Quand vous dites, les avocats n’envoient pas ? - Je crois qu’ils préfèrent envoyer aux confrères qui sont... - Ils n’envoient pas vers des plannings mais plutôt vers des médiateurs confrères ? - Je crois. » AD2 : “Ja, als mensen… Als ik openingen zie bij mensen, zo van: “Die kunnen gaan bemiddelen.”, zal ik ze altijd eerst sturen en zal ik eigenlijk eerder vrijblijvend zeggen van: “Van zodra je voelt dat je feedback nodig hebt, kan je mij contacteren.” Maar ik heb dat wel nog nooit gehad, zo’n situatie.” B1 : “Je hebt twee soorten advocaten: je hebt de dezen die dat echt als concurrentie beschouwen en het vertikken om mee te stappen in bemiddeling en mensen, hun cliënten, de bemiddeling voor te stellen. En je hebt er die zeer bemiddelingsminded zijn. (...) Advocaten beginnen meer en meer… Jawel. Als ze zo voelen dat er… Dat hun cliënten zo niet meer redelijk zijn en dat het niet goed voor de kinderen durven ze al wel eens doorverwijzen.”
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Pour plusieurs de nos interlocuteurs, l’attitude à l’égard de la médiation est différente selon les générations, les plus jeunes étant plus ouvertes à la médiation. Un médiateur le constate à propos des juges, une avocate à propos de ses collègues : M1 : « - Est-ce qu’il y a des catégories professionnelles qui sont plus réticentes, plus rétives à des médiations ? De moins en moins. Je dirais que les juges, je vous dis, je ne sais pas comment ça se passe en province, à Bruxelles, la génération des juges de la jeunesse, ce sont des gens très jeunes et ceux-là ne sont certainement plus réticents. » A2 : « Alors il y a de tout, je dirais que les plus jeunes de manière générale, mais tout dépend du cabinet dans lequel ils sont formés, sont beaucoup plus ouverts à la médiation que les anciens. Quoique ça bouge aussi chez les anciens mais les médiations qui me sont envoyées le sont beaucoup plus par des jeunes confrères que par des confrères plus anciens, ou ceux de ma génération ceux ( ?) sont qui ont suivi la formation à la médiation. »
Pour un médiateur, les attitudes à l’égard de la médiation ne sont pas différenciées selon les métiers : M3 : « Non. De nouveau, c’est transversal. La Commission fédérale de médiation est composée de notaires, d’avocats et de ce qu’on appelle le monde des tiers, c’est-à-dire tous les autres. Au sein de chacune des professions, on trouve des gens qui ont l’écoute, les compétences, les capacités, le regard, la compréhension de ce qu’est la médiation. Ils sont tous d’accord. Même parmi les magistrats. Il y a des gens qui sont de fervents défenseurs de la médiation. Donc c’est vraiment transversal. »
Un autre médiateur indique que certains psychothérapeutes et certains notaires développent une image assez négative de la médiation ou prennent à l’égard des médiateurs une position de condescendance : M1 : « Euh, moi ce que je ressens, d’autant plus que pour des raisons personnelles ma compagne baigne dans des milieux psychanalystes. Et ce que je ressens souvent, c’est une forme de mépris. Sur le plan de la qualification, etc. Donc on est des sous-psys, grosso modo. Et quand on fait du travail qui s’en rapproche, on pourrait être taxés d’assez bien irresponsables. Mais encore ça dépend, je crois que ça évolue aussi. Je crois que ça change beaucoup du type de psys. C’est vrai que les systémiciens sont grosso modo ceux qui sont les plus sympathiques avec nous. Parce que nous les médiateurs, en tout cas en francophonie, on est des minis systémiciens en général. Mais par exemple, le monde des psychanalystes, ils disent c’est parfois du n’importe quoi, mais pas tout le monde. - Et les notaires, vous n’êtes pas souvent en contact avec eux ? - Non. Les notaires, on est en contact avec eux, comme avocat, oui. On doit passer par eux. Les notaires sont en train de se former à la médiation. Certains. Participer à une formation notamment. Ça change aussi. C’est plus qu’une mode, c’est un truc qui atteint tout le monde. C’est clair que les notaires ne sont pas à la pointe. D’abord parce que ce sont des hommes. C’est culturel. La médiation, c’est culturellement plus féminin je crois. Mais c’est des hommes, des hommes plus traditionnels, qui gagnent beaucoup de fric. Et donc voilà. On pourrait dire parmi les juges, équivalents de notaires, ce sont les juges de paix. Ils ont en même temps que les notaires, ce sont plus souvent des hommes, c’est bizarre. Ils ont en plus, ils font de la conciliation eux-mêmes comme les notaires. Donc, ils se disent, la médiation, c’est nous. On ne voit pas avec quoi vous venez on sait faire ça. Et de nouveau, c’est vrai qu’ils le font, sur un mode à leur manière. Un peu de la médiation paternaliste comme ça. Qui peut marcher aussi. »
Plusieurs médiateurs évoquent un déficit de reconnaissance du métier de médiateur et de la place de la médiation de façon générale, et sans attribuer cette attitude à un type de professionnel. Ainsi cette médiatrice chevronnée : M5 : « Je dirais que 20 ans avant, c’était le début, il y avait des difficultés de faire accepter ce nouveau chaînon dans le chaînon des professionnels qui existent au niveau de la séparation et du divorce. Mais la médiation, c’est pas uniquement dans le champ de la séparation et du divorce, c’est pas uniquement familial. Mais enfin, si on se base uniquement ici sur la famille, bon, il y a plein de professionnels qui s’occupent de la famille. Et là tout d’un coup, un médiateur, un nouveau professionnel qui débarque. C’est vrai qu’il faut faire sa place. Et donc le début a été surtout, disons des collaborations que j’ai surtout recherchées auprès à la fois des juristes et des professionnels du champ psychosocial. Pour permettre de qualifier les rôles de chacun, parce que je pense que ça c’est un des aspects les plus fondamentaux. En médiation, on travaille ponctuellement, sur une courte durée, et de manière précise. Ce que le psychologue travaille parfois plus à long terme. Le juriste va plus intervenir dans le conseil et dans je dirais le porte-parole de son client auprès du tribunal. Le travailleur social va être plus je dirais dans, aider la personne au niveau social à retrouver ses
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repères et à envisager les choses dans ce sens-là. Je dirais, il y a 20 ans, le problème se situait, comment ce nouveau chaînon, un membre des 7 familles, puisqu’il y a le juriste, l’avocat, le notaire, le psychologue, l’assistant social, le magistrat, le conseiller conjugal. Et effectivement, faire partie de cette famille, c’est de trouver sa place. - Donc c’était le problème du début ? - C’était petit à petit. Donc je dirais que c’était le problème du début mais c’est aussi le problème actuel. Encore un peu le problème actuel. Dans certains cas, il y a une difficulté pour le médiateur d’être, je dirais, reconnu comme ayant une autre place, un autre statut professionnel. Puisque c’est maintenant un métier. Ce n’est pas simplement un intervenant ponctuel ou une spécialisation dans un champ ou dans un autre. Il y a également un type de travail, un type de profession qui est en route. »
Une autre médiatrice relève encore les craintes et la concurrence ressentie par certains services sociaux : M4 : « On a passé plus de neuf mois sur l’arrondissement à rencontrer tout le monde. À expliquer ce qu’on faisait. Comme première réaction on a eu beaucoup de peur. Beaucoup de services qui disaient, « mais nous, on peut faire ça aussi ». - Quel genre de service ? - Genre service d’aide aux familles, les SAIE, SAE et tous ces machins-là. Et là c’est le SAJ qui a recadré en disant, « non, votre mandat, c’est pas ça. Vous avez déjà assez de boulot à l’intérieur des familles, ne commencez pas à faire autre chose ». Mais évidemment dans le secteur, si moi j’ai des subsides, c’est eux qui en auront peut-être moins. Donc non seulement, on a des compétences, on ne veut pas se les faire voler mais les gens ont bien compris le cadre de travail, et c’est de se dire, s’ils sont subsidiés, les enveloppes sont malheureusement... - C’est la concurrence des subsides. - Voilà. C’est un peu la concurrence dans le social. »
3.2. Avocats et médiateurs Les relations entre ces deux métiers sont intenses. Notamment parce qu’un nombre non négligeable de médiateurs sont également avocats de métier et qu’un nombre non négligeable d’avocats aussi sont formés à la médiation et la pratiquent. Comment caractériser le double rôle de médiateur et d’avocat ? Il y a entre ces deux métiers d’abord une articulation économique. Sans les honoraires d’avocats, le médiateur ne pourrait vivre de sa seule pratique de médiation. Par exemple : M1 : « Donc comme avocat, c’est plutôt des publics qui savent me payer, on va dire ça comme ça. Comme avocat, je ne fais pas du social, parce que là je dois gagner ma vie. Comme médiateur, finalement, ici c’est en privé et au planning, c’est les deux en fait. Mais au planning, j’essaie d’avoir un public plus populaire et je vous dis, c’est presque une lutte parce qu’il n’y a personne. Mais ça m’intéresse. »
Mais au-delà de la question économique, la fécondité des deux métiers est très largement affirmée et valorisée par les avocats médiateurs : la pratique du métier d’avocat aide le médiateur mais c’est aussi le cas inverse, la pratique de la médiation aide l’avocat dans l’exercice de son métier. Par exemple : M1 : « Mais oui, enfin changer de casquette, pas vraiment. Mais on ne peut pas nier l’autre casquette. C’est ça que je veux dire. Disons, parce que les gens le savent. Et alors les gens en tiennent compte. Ça peut être une difficulté, ça peut être une force. Comme médiateur, ils savent que je suis avocat et à certains moments, ils vont me demander un conseil juridique. Et qu’est-ce que je fais avec ça ? C’est pas quelque chose de facile à gérer. A la limite, si le psy est médiateur, il n’aura pas ce problème-là. Mais ça peut être une force aussi. Parce que c’est un moment où on comprend plus vite les enjeux juridiques pour ne pas se faire piéger parfois. Pour d’autres choses. Mais comme avocat, c’est clair que le fait d’être médiateur, ça peut aider vers des négociations. Et ça aide à plaider aussi. Plaider. En matière familiale, plaider en dénigrant l’autre, en étant extrêmement cassant, etc., ça passe plus, tout simplement. Donc les plaidoiries deviennent un art très spécial. Dans une logique très négociée. On plaide tout en laissant une place au vécu de l’autre. »
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A1 : « Je dois dire que comme avocat, c’est ça l’influence de l’un sur l’autre, j’ai l’impression, c’est peut-être pas partagé par mes confrères, que voilà, je prends plus la mesure du temps, et j’essaie plus de trouver des solutions à l’amiable. - J’allais y venir. En quoi est-ce que ça transforme ton... ? - Moi je crois que ça transforme en tout cas ton rapport à l’écoute de ce que les gens demandent. Et peut-être ça relativise aussi le côté urgent dans lequel on est quand on est dans le judiciaire. Et d’ailleurs certains clients à mon avis partent à cause de ça. Finalement, l’urgence, c’est relatif. Ça tu te rends compte en médiation. Cette notion d’urgence qui est tellement utilisée par les juridictions et par les avocats, c’est tout à fait relatif. Parce qu’il y a des gens qui sont en urgence pendant 10 ans. Et ils vont d’urgence en urgence sans rien régler. » A2 : « Maintenant je reviens là-dessus et je considère que mon travail d’avocat nourrit mon travail de médiation et vice versa. Alors le problème, parce que l’on entend dire qu’il faut être schizophrène pour être médiateur et avocat, c’est tout à fait faux, c’est vrai qu’au début de mes médiations je me sentais pas très bien mais alors j’ai trop voulu prendre ce que j’avais fait dans mon métier de médiation dans mon métier d’avocat et donc j’ai eu quelques problèmes, j’ai eu des clients qui m’ont quittée parce qu’il ne me trouvait pas assez agressive. Et donc ça, ça m’a vraiment interpellée et je me suis rendue compte que je devais absolument faire la scission entre les deux et bon cela a aussi créé un malaise pour moi, période pendant laquelle je n’ai pas été bien, qui n’a pas duré longtemps, à peine 6 mois. Je me suis rendue compte pourquoi je n’étais pas bien lorsque ces clients m’ont quittée et donc maintenant je fais la scission entre les deux sans aucun problème et mes deux métiers se nourrissent l’un l’autre parce que je ne peux être une bonne médiatrice que si je sais comment ça dérape et comment ça tourne devant la justice et comment ça peut mal tourner dans une réunion entre avocats. Et je peux être une bonne avocate si je me nourris de mes expériences de médiation. Donc la schizophrénie ça me fait hurler de rire. » AD2 : « Of dat ik vroeger, als je mensen binnen kreeg die zeiden van: “Ja, en dat is absoluut uitgesloten dat die kinderen veel bij papa zijn en ik zie het zus en zo.”, dat je daar rapper zou in meegaan, direct aannemen van: “Oké, ja, die wil dat niet, oké, zonder meer”., en dat je als bemiddelaar, en dus ook in gewone dossiers als advocaat, dat element uit de bemiddeling meeneemt om eigenlijk door te vragen: “Ja, waarom niet? En wat maakt dat voor u zo moeilijk? En wat maakt dat dat toch voor u zou mogelijk worden?”, en dat mensen eigenlijk dan ineens met een heel ander verhaal komen (...) Dat is een houding die, eens je ze kent, kun je ze ook niet meer wegcijferen in andere dossiers. Wat niet wegneemt natuurlijk dat op een bepaald moment, als mensen echt willen blijven gaan voor bepaalde dingen waarvan je het gevoel hebt dat ze niet helemaal gedragen zijn vanuit hun diepe behoefte maar eigenlijk vanuit ergens, iets, een ouder die dat aan het influisteren is of zo. »
Cette avocate médiatrice relève comme son collègue M1(supra) que, dans certaines situations, il est difficile de gérer la demande de conseils juridiques des usagers : A2 : « Beaucoup de couples s’imaginent que parce que je suis avocate je vais leur dire quels sont leurs droits et leurs obligations. Bon envers les enfants cela ne pose pas trop de problèmes de leur rappeler quels sont leurs droits et obligations mais quand on parle de meubles ou de pensions alimentaires… ce n’est pas la place du médiateur donc parfois je dois mettre ça au point avec eux parce qu’ils s’imaginent qu’ils feront l’économie d’un avocat. Donc moi je leur dit qu’il ne font pas l’économie d’un avocat, vous pouvez venir en médiation sans avoir été voir un avocat mais c’est à vos risques et périls parce que comment voulez vous négocier si vous ne connaissez pas bien vos droits et vos devoirs. »
Cette avocate-médiatrice formule aussi la même remarque : AD2 : “Natuurlijk, als ze u nog altijd willen als raadgever eigenlijk, als advocaat, moet je natuurlijk bewaken van: “Hebben de mensen… Wat ze aan het bemiddelen zijn… Begrijpen ze helemaal wat ze aan het bemiddelen zijn? Begrijpen ze de gevolgen, de consequenties daarvan?”. Maar, natuurlijk, je mag niet terug gaan stoken (...) Allez, dat is een afweging dan van ... of ze met voldoende kennis van zaken eigenlijk bezig zijn.”
Nous avons vu plus haut l’importance des critiques adressées aux avocats, perçus comme « jetant de l’huile sur le feu ». Ici, nous ne relevons pas tant le contraste entre la figure positive du médiateur et l’image négative de l’avocat que les différences de rôle et de méthodes de travail telles qu’elles sont perçues par nos interlocuteurs. Ces différences tiennent essentiellement au rapport au temps, à l’argumentation et au conflit. Par exemple : A1 : « C’est-à-dire que peut-être, moi en tout cas, au début comme avocate, tu as vraiment un désir d’y arriver. Tu veux ton jugement. Et comme médiateur tu es plus dans une position attentiste. C’est pas toi qui doit désirer que ça finisse, c’est les gens.
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- Tu n’as pas d’obligation de résultat ? - Comme avocat non plus. Jusqu’à présent. On est plus dans l’agir je dirais. Tandis que comme médiateur on accompagne les gens et voilà. S’il leur faut dix ans. Mais on a jamais des situations où il y avait dix ans de médiation. Mais je veux dire, s’il leur faut un certain temps, il leur faut un certain temps. » M5 : « Donc certains avocats viennent avec leur dossier super épais, en espérant pouvoir raconter toute l’histoire de la famille ou en tout cas de l’un ou de l’autre client. Et puis en fin de compte, à la fin de l’entretien, ils n’ont pas ouvert leur dossier parce qu’on n’est pas dans une démarche de défendre son point de vue, sa position, on est là dans « qu’est-ce qu’on crée ensemble pour permettre de dépasser le problème qui se pose ? ». Donc on est dans une autre dynamique, une autre démarche. On n’est pas dans la justification bien sûr. Ils ne sont pas dans la justification, on n’est pas là-dedans. On est dans essayer de construire, de coconstruire quelque chose de telle manière à ce que les parents puissent continuer à assumer ensemble leur coresponsabilité. Alors, c’est vrai, au début, ils ne connaissent pas. C’est pour ça qu’on les invite d’ailleurs à cette information. D’autres ne viennent pas parce qu’ils connaissent. On leur envoie en général un dépliant aussi. Donc, on fait l’information. C’est comme ça que nous on travaille ici. » NUM3 : « Je pense que de toute façon, un tiers qui n’est pas un avocat. Un avocat n’est pas un tiers. - Non ? - Un avocat c’est l’avocat d’une partie. C’est pas celui qui joue le rôle de tiers d’un couple. C’est un attaquant, un défenseur. Ils ont des termes. Au divorce, l’autre jour, ils m’ont dit, « oui, la défenderesse doit se mettre à droite ». Je suis défenderesse, moi ? D’accord ? Donc le terme est déjà très guerrier en fait. Chez les avocats, les termes sont guerriers. Donc je pense qu’à côté... j’ai découvert moi le monde des avocats. Parce que la première séparation, c’était pas ça. Donc par rapport à, finalement c’est en engageant cette démarche auprès d’un avocat, moi je l’ai vue comme une recherche de justice, de rendre les choses un peu équitables. Non, tu rentres quand même dans un processus... je ne sais pas ce qu’il y a comme autre mot de guerre, mais c’est quand même ça. » NUM3 : « Mais globalement, c’est matériel, finalement, les avocats, c’est matériel. Au bout du compte, la fois dernière, je réfléchissais, je dis, ben, moi j’ai toujours voulu dire des choses psys, c’est pas le lieu quoi. C’est pas l’affectif, c’est pas... on ne tatouille pas dans... oui, çi ou ça, non, c’est tac tac tac, la loi, l’article untel, le contrat de mariage, c’est ça la justice. La justice porte mal son nom. C’est des règles juridiques qu’on applique. » B2 : “Ik denk dat het niet goed is. Ook niet voor cliënten (...) Ik zou dat niet kunnen dus ik zou het ook niet aanraden zo van… Zo professioneel dan die pet en dan die pet. Allez, dan moet je voor één iemand alleen gaan vechten en dan moet je relationeel aan twee mensen gaan denken.” AD1 : “Dat is het ook: ik heb die ervaring ook, dat wij daarvoor moeten openstaan en wij willen daaraan meewerken. Maar ik vind: wij zijn niet ideaal geplaatst. Mensen komen ook niet naar ons daarvoor. Een beetje ten onrechte misschien ook, maar ergens hebben ze gelijk. Ik vind dat je echt om goed te bemiddelen de goede psychologie moet hebben om die mensen te overtuigen”. NO2 : “Ze gaan naar een advocaat waardoor dat er polarisatie is van het geheel. Want advocaten, wat is die mensen hun job? Ja, de belangen van hun cliënt verdedigen. Niet tegenstaande dat er toch nogal wat advocatenbemiddelaars… Maar die hebben een heel andere denkwereld als wij. Dus die gaan uit van de polarisatie en wij gaan dan uit… Wij gaan dan eerst proberen te verzoenen. Dat is onze opdracht. Binnen een vereffeningverdeling moeten wij eigenlijk eerst verzoenen. Maar als daar twee advocaten met getrokken messen tegenover één zitten, ja…” R2 : “Ik denk dat de advocaat misschien nog niet de mentaliteit daarvoor heeft. Hij wil het onderste uit de kan halen voor zijn cliënt. Hij wil de beste realiseren. (...) In een bemiddeling, denk ik, behouden de beide partijen een onderlinge verhouding van tijdens het huwelijk.(...) Allez, het akkoord wordt vanuit de partijen aangebracht. En men zou daar diezelfde verhouding hebben binnen de bemiddeling, waar dat die advocaat die voor die gedomineerde partij zal opkomen, zal zeggen: “Ja maar neen, het recht…”(...) “Allez, je hebt recht op dat.”. Of: “Je hebt recht op minstens een onderhoudsgeld van zoveel.”. Of: “Je hebt recht op minstens een week-weekregeling.”. Allez… Waar dat een bemiddelaar meer vanuit de bestaande relatie tussen partijen, tussen bestaande verhoudingen en machtverhoudingen tussen partijen, naar een akkoord komt die dan… Ja, die niet altijd de partijen de volle rechten geeft waarop ze recht hebben volgens… Ik denk dat dat een beetje… Dat de advocaat bang is dat zijn cliënt niet…Ja, zal moeten inboeten. En waar dat ik als rechter er van overtuigd ben dat een bemiddelde oplossing of een onderhandeld akkoord nog altijd veel beter is dan een opgelegde regeling.” PS1 : “Ik denk dat een advocaat nog veel meer juridisch is. (...) Maar je hebt ook advocaten die zeggen van: “Oké, we nemen dat erbij.”, maar die eigenlijk advocaat blijven. En die niet voldoende op het proces van mensen kunnen ingaan. (...) Ja, dan denk ik niet dat dat echt goeie bemiddelaars kunnen worden. Want er zijn dan ook mensen die in specialisatiecursussen of zo zaten, die dan zeggen: “Ja, ik kom hier gewoon voor
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de punten.”. Je krijgt dan punten, zo als advocaat. En dat is dan een heel gemakkelijke opleiding voor hun punten. En die daar dan heel negatief zaten te doen, die hele les lang, dat ik dacht van: “Mens, ga naar huis, je hebt je punten.”. Maar je hebt er dan ook hele goeie. Ik denk, dat is gewoon de mens die erachter zit ook, voor een stuk.”
La complémentarité entre l’avocat et le médiateur est souvent affirmée et valorisée. Les deux types d’interventions ne se substituent pas l’un à l’autre ; ils peuvent intervenir de façon complémentaire dans des séquences temporelles différentes ; avocats et médiateurs peuvent même devenir des alliés. Par exemple : A1 : « Souvent ça (la médiation) déblaie pas mal le terrain. Et donc quand les gens reviennent dans un cadre judiciaire, et bien il y a déjà une série de questions qui ont été réglées. En tout cas une série de conflits affectifs qui ont été aussi un peu déblayés. (…) Maintenant j’ai une situation, les gens ont été en médiation pendant un certain temps. Et puis finalement ils ne se mettent pas d’accord maintenant. Mais tu as quand même l’impression qu’il y a pas mal de choses qui ont été déblayées. Et que bon s’il y a quand même encore certaines frustrations qui existent, les gens sont quand même plus détachés du conflit initial. Donc c’est plus facile de travailler dans ce cas-là. » M4 : « Il faudrait faire un choix entre le médiateur ou l’avocat. Parce que payer les deux, c’est compliqué. Et je crois qu’ils ne doivent pas faire un choix. Et que c’est pas du tout le même travail. Et qu’on a nous besoin des avocats par moments. On peut rédiger les accords, on a les agréments, on a les compétences. Mais quand les parties ont des avocats, on rend ce travail-là aux avocats. Et on a déjà eu des réunions avec les deux avocats des parties pour discuter de l’accord en médiation. Donc ça permet de ne pas entrer en concurrence aussi. » P3 : « C’est moi qui fais les démarches vis-à-vis d’avocats mais pas nécessairement vis-à-vis d’avocats médiateurs. Parce que dans des histoires assez compliquées, moi j’aime bien que les gens aillent vérifier si ce qu’on écrit est correct… - Donc pour vous, il y a une complémentarité entre les rôles ? - Oui mais pas nécessairement avec un avocat médiateur, mais avec un avocat qui est d’accord de pouvoir regarder les accords, et de dire aux gens : « voilà, ça, ça ne passera pas… (…) Donc à la fin, quand l’accord est écrit, je dis aux gens que « je souhaite vraiment que vous alliez présenter cet accord à votre avocat respectif si vous en avez un. Si vous en avez pas je peux vous proposer des collègues avocats qui sont d’accord de faire une intervention ». A1 : « Est-ce que tu es consultée parfois pour conseiller une médiation ? - Oui. Mais ça c’est vraiment gai. Parce ce que comme avocat tu peux... si les gens accrochent bien à la médiation, tu as vraiment une fonction de conseil uniquement, et les gens vont exprimer tout ce qu’ils ont besoin de dire par rapport à la rupture en médiation. Et ça devient assez technique. C’est assez agréable. » M6 : « J’ai déjà parlé avec des avocats et des notaires, qui me disent qu’ils n’ont pas le temps d’aborder les histoires du passé ou de l’émotionnel, et que ça les soulagerait d’envoyer ça ailleurs pour autant qu’ils soient sûrs que ça revienne chez eux après. Ils ont peur d’être dépossédés de ça. Un notaire me disait que dans le cadre des successions, il y a plein de conflits. Il me dit que c’est lourd, qu’il n’est pas formé à cela, et que ça l’arrangerait bien qu’il y ait quelqu’un d’autre pour le faire. Mais je ne vois rien venir. » J2 : « Au début, c’était « Mais c’est quoi ce juge-là qui m’enlève mon client ! ». Je peux comprendre et me mettre à la place de l’avocat aussi. Il plaide, et puis on dit au client « vous allez vous débrouiller sans votre avocat »… Je crois qu’à la fin tout le monde comprend que personne ne gagne rien, même d’un point de vue économique, un avocat a intérêt à faire des dossiers nouveaux réguliers, et pas à faire courir un dossier pendant 10 ans. Les avocats ont tout à fait leur place dans le processus de la médiation. C’est un processus qui n’est pas autonome. Le conflit doit être accompagné et la médiation est un des moments du règlement du conflit. » M7 : « Et moi en général, à leur surprise et à leur soulagement, je m’allie les deux avocats. C’est-à-dire que, je dis « voilà, finalement on est là tous ensemble pour essayer de trouver une solution. Ou pour aider, ou pour soutenir les parties à trouver une solution ». Et donc, je dis aux avocats, « votre présence est super importante. Parce que tout en étant les défenseurs de vos clients, tout en veillant à leur intérêt, eh bien, vous pouvez en même temps être soucieux qu’un accord puisse se dégager. Et de veiller à ce que cet accord, finalement, grosso modo, on sait bien qu’il n’y a pas d’accord parfait, grosso modo, voilà, soit respectueux de votre client ». Et en général, moi j’ai pas d’avocat qui sont, si les choses sont définies comme ça au départ, c’est très difficile pour eux de se défaire de ça. Parce que dans le fond, ils ont aussi une déontologie. Alors aller jouer à un combat de cap et d’épée, c’est peut-être bien beau, mais ils comprennent qu’il ne s’agit pas de ça. Pas maintenant, voilà. Et pour moi c’est assez fondamental de s’allier les avocats. »
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UM4 : « L’avocat je dirais, c’est lorsqu’on est lancé dans un processus pour mettre noir sur blanc des choses. Tant qu’on s’entend et si on ne s’entend pas, voilà, on va vers un engagement. Le médiateur, pour moi, peutêtre un psy dans la phase individuelle, et médiateur dans la phase couple. (…) Et le côté médiation ne fait pas peur ; ça a un côté positif. Le côté avocat, c’est tout de suite moins rigolo. Et avocat veut dire aussi sans doute un service payant. Médiation, c’était gratuit. Ça fait beaucoup. On aurait eu les moyens de se payer, on aurait mis l’argent pour, parce que l’argent n’a pas de valeur à ce moment-là je vais dire. Mais bon, il y a des couples qui n’ont pas certains moyens et qui ont besoin de ces services-là qui sont gratuits. Donc voilà. Avocat, il y a tout autre chose là derrière. Et je pense que là on est déjà lancés dans un processus. Mais l’avocat peut être très utile aussi s’il a ce côté médiation, de se dire « ok » on va parler argent, on va régler des choses, on va prononcer le mot divorce. Vous allez passer devant un juge. Les règles de la société, c’est comme ça. Et peut-être que ça, le côté médiation, de remise en question, ouh là, juge, divorce, pff, on ne revient plus sur terre. Et là ce sont des mots qui me font réfléchir. Et donc ce sont des services pour moi qui sont complémentaires et qui se situent pour moi sur une échelle du temps à des moments différents. » AD1 : “Je zou kunnen zeggen dat we perfect zouden complementair kunnen zijn maar ik heb daar minder ervaring mee. Ik kan me inbeelden dat, als je toevallig een heel goede relatie hebt met een psycholoogbemiddelaar, dat je wel kan zeggen: “oké, we werken daar een beetje in samen.” Als je daar een vertrouwen hebt, te zeggen van: “oké, zal ik dat gedeelte afwerken en dan stuur ik ze naar u en zorg dat je dat dan juridisch mooi allemaal bekijkt met hen en zo. Maar ik heb niet de ervaring dat bemiddelaars mensen doorsturen naar advocaten.” AD 2 : “Maar daarom is de samenwerking eigenlijk: mensen die komen, waar bijvoorbeeld de vrouw na twee keer nog altijd heel de tijd weent, of de man, of heel de tijd schreeuwt, of… En je voelt: “Ik kan daar niet mee werken.”, dat je zo doorstuurt naar iemand die meer daar geschoold is om de mensen bemiddelbaar te maken.”
L’affirmation de la complémentarité des rôles de médiateur et d’avocat n’exclut pas de nombreuses réflexions sur la concurrence économique entre les deux métiers. Cette perception de la concurrence est exclusivement attribuée aux avocats. Par exemple : M2 : « Ce que je veux dire c’est qu’un avocat qui a un client et qui propose la médiation va proposer un autre avocat, ça c’est la première chose. La deuxième chose, c’est que, de fait, les avocats ont eu peur de la médiation et des plannings. (…) Oui, je crois que les avocats ont eu peur que la médiation ne leur prenne, c’est pour ça qu’il y en a eu autant. Et il y en a beaucoup qui le reconnaissent. Il y en a qui se sont formés aussi en disant, ça peut être un créneau, ils avaient peur… - De perdre des clients ? - Je crois, en tout cas pour certains c’était une réalité. Ils avaient peur mais moi je ne crois pas que c’est ça qui leur a fait perdre des clients, mais s’il y en a autant qui se sont formés c’est parce qu’ils voulaient mettre une corde de plus à leur arc. » P3 : « Je me demande, je me demande s’il n’y a pas une résistance des avocats. L’avocat a le tour hein, il a le tour, alors qu’il doit conseiller, il peut être assez subtil. - Le gagne pain est parfois… - L’aspect financier des choses… c’est sur le terrain où ils se trouvent. » M6 : « - Est-ce que vous sentez de la concurrence ou de la compétition entre les différents professionnels ? - (rire) Oui à fond ! Je suis allée trouver le juge ici. J’ai d’abord dû lui expliquer la médiation, il ne trouvait pas ça trop clair. Puis il m’a dit « je suis un ancien avocat, je suis en très bonne relation avec les avocats, et je me sentirais mal à l’aise sur une telle proposition, parce que ça vient prendre le travail des avocats… ». J2 : « Je pense que les avocats, les juges se méfient de la médiation. C’est un peu leur bisness qui… Il y a des avocats qui font de la médiation qui essaient de récupérer ce marché, ils voient la possibilité de détourner une clientèle chez eux. » R1 : “Als je naar een specialist gaat met een probleem en de specialist zegt: “Je zou toch beter eerst een keer naar een gewone dokter gaan. Je denkt al dat…”. Er is geen één specialist die dat zal zeggen. Dat is ook logisch. Dat is een beetje hetzelfde. Een advocaat heeft zich gaan specialiseren in het juridische en die zou eerst moeten zeggen: “Ja, je moet dat nu nog niet direct zo bekijken. Je zou daar beter eerst nog een keer anders bekijken.” PS1: “Als een advocaat zegt: “Zou je niet beter een bemiddeling…”, dan is hij wel een klant kwijt.”. Dus het is eigenlijk zeggen van: “Ga een keer bij een andere bakker kijken of die zijn brood niet beter is.”. Dat kan je niet verwachten van mensen er moeten van leven, denk ik. (...) Ook andersom maar ik denk dat een rechter… Die is toch wel neutraler in die dingen. Dat zou toch wel een betere doorverwijzer kunnen zijn”
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B1 : Ik hoor nu dat heel wat – ja, behoudens enkele grote advocatenbureaus – maar veel jonge advocaten aan de bak niet komen.(...) Vroeger. Men had echtscheidingen, men vroeg wat men wilde en dat was lucratief, ga ik zeggen; maar nu zijn er een paar grote advocatenbureaus, goed ja, die met naam en faam, die geen probleem hebben maar het gros van de advocaten gaat het slecht, wat werk betreft. (...) Als ik een dossier krijg worden de advocaten niet buitenspel gezet. Ik doe alleen het deel rond de kinderen in dat dossier. Enfin, mijn overeenkomst die vaak tien bladzijden is gaat naar de rechtbank maar ook naar de advocaten. Ik hou de advocaten van de partijen op de hoogte hoe ver dat staat en zij krijgen mijn overeenkomst met de brief: “Voila, kijk, het is nu aan u om dat te integreren en de belangen van uw cliënt te behartigen en te integreren in de totale scheidingsovereenkomst. Dus ze worden niet aan de kant gezet. Als ze een bemiddelaar op de rechtbank zouden voorstellen, een confrater-advocaat vrezen zij, en niet ten onrechte, dat zij een cliënt kwijt zijn. Bij mij zijn ze geen cliënt kwijt.” PS1 : “Ik weet, toen ik een paar jaar geleden voor een burenbemiddeling naar het informatiehuis zo voor de rechtbank omdat je ook… Als bemiddelaar kan je ook beroep doen op gratis rechtsbijstand. En ik belde daarvoor en wat ik op mijn neus kreeg was van: “Je denkt toch niet dat we u gaan helpen? Jij pakt ons werk af.”
3.3. Juges et médiateurs Les liens entre le monde de la médiation et la Justice sont très étroits. Nous avons déjà relevé la perception de la médiation judiciaire, surtout par les usagers, comme contrainte, même si elle n’est pas formellement imposée. Quelques médiateurs nous font part de leur sentiment que les dossiers qui leur sont envoyés par le juge sont les plus problématiques, qu’on leur envoie ainsi « la patate chaude ». Par exemple : M1 : « Les cas de médiation judiciaire que j’ai eu, parfois c’était des cas de conflit vraiment terribles. Tout le monde était épuisé, ils étaient en procédure depuis des années, les avocats eux-mêmes ne voulaient plus entendre parler de ce dossier. Il n’y avait plus trop de pression extérieure. On me laissait avec la patate chaude en disant, de toute façon, on n’y arrivera pas. Essayez toujours. » M3 : « Et on voit relativement souvent lorsque les magistrats renvoient à des médiateurs des dossiers, c’est souvent un dossier des plus difficiles. Et alors on met une pression sur la médiation d’arranger, de trouver, de solutionner, même si la notion n’est pas tout à fait exacte, de s’occuper de dossiers très très complexes. »
Quelques médiateurs aussi ont parfois le sentiment que la médiation est instrumentalisée par le juge, qu’elle doit « faire passer la pilule de la justice ». Deux exemples : M1 : « Et donc, le juge était en fait exaspéré par cette femme. Ça se sentait dans le jugement d’envoi en médiation. On me demandait, grosso modo de la convaincre d’accepter avec un grand sourire un modèle d’hébergement d’un WE sur deux chez le père qu’elle avait elle-même refusé. C’était bizarre. Comme si la médiation devait servir à faire passer la pilule de la justice. » M7 : « Je me souviens d’une médiation où on était parti dans une voie de soutien de la relation du père avec l’enfant et un avocat m’a contacté en me disant, « mais, Madame L., je ne sais pas très bien ce que vous faites comme travail, mais vous n’avez pas l’air d’être au courant que l’esprit du juge est de faire admettre à Madame que l’enfant aille en hébergement alterné, et donc aille chez son papa une semaine sur deux ». Et donc je dis, « effectivement. Vous avez raison, moi, je n’étais pas au courant du tout. Comment voulez-vous que je devine que le juge a préconisé, voire ordonné une médiation familiale dans le but de faire accepter à une des parties une solution qui est indigeste ? ».
Plusieurs interventions convergent pour affirmer la complémentarité de la médiation et de la Justice. La médiation ne doit pas être définie comme une alternative à la Justice mais comme un mode d’intervention complémentaire. Par exemple : A1 : « Maintenant, contrairement à ce que je pensais au départ, on dit souvent que la médiation est une alternative à la justice, on est de plus en plus convaincu que la médiation est un complément de la justice. - Tu peux expliquer ça ? - Parce qu’on a besoin des juges. Lorsque les gens sont en incapacité de se mettre d’accord, pour vingt mille raisons. Que ça soit d’ordre psychologique ou parce que c’est trop dur. Et donc là c’est important qu’un juge prenne position et qu’ensuite on les accompagne dans la mise en oeuvre de la décision quitte à ce momentlà à ce qu’ils puissent se réapproprier cet accord. Donc éventuellement modifier ce que le juge a convenu.
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Mais parfois la présence du juge est vraiment indispensable pour que les choses puissent se calmer et que les gens puissent imaginer autre chose que la bagarre. (…) Ah, je trouve que ce qui est dommage c’est que les juges ne pensent pas assez à renvoyer en médiation, une fois que la décision est prise, en pensant que c’est l’un ou l’autre, l’alternative. Alors que la médiation peut garder un sens même si le juge a rendu sa décision. Parce qu’il fallait qu’un tiers tranche. Et que sans que ce tiers tranche, c’est impossible de discuter. » M5 : « Mais je pense que c’est une erreur de considérer que c’est une alternative à la justice. D’abord parce si vous demandez à un juge d’orienter vers la médiation, ça ne peut pas être une alternative à son rôle à lui. Mais par contre, que ce soit une alternative aux procédures contentieuses, oui. Donc il faut être plus clair dans le vocabulaire et le message que l’on met. Donc pour moi ça me semble important de faire des messages clairs. Et pas je dirais, de taper fort pour retomber comme une, je ne sais pas comment expliquer... » M1 : « Et donc je trouvais que c’était finalement une très bonne répartition des rôles. Entre le médiateur qui aide ce couple, en particulier cette dame, de faire la part des choses mais que à un certain moment, la justice dans sa capacité à palier au fait qu’elle ne pouvait pas prendre cette décision parce que ça lui tordait les boyaux. C’est moi qui ai instrumentalisé la justice mais dans le bon sens du terme. » R1 : “ Er komen er veel, iedere dinsdag. Er zijn er twintig, dertig per zitting, nieuwe zaken. (...) En dan is het het moment, dan moet ik ook doen, dan zeg ik zo van: “Mensen, heb je al gehoord van bemiddeling? Je zit met een moeilijke situatie. Echtscheiding is een heel moeilijke situatie. Op het moment dat je niet meer gaat communiceren met elkaar… Je moet blijven communiceren met elkaar. Als het echt niet lukt kunnen er advocaten zijn die…”. Je moet dat allemaal uitleggen. En dan zeg ik: “Kijk, er zijn mensen die gespecialiseerd zijn op het op gang brengen van de communicatie.”. Ik zeg: “Het voordeel dat je hebt als je naar zo’n mensen gaat en je komt op een overeenkomst, dan ben ik bereid om dat in een vonnis te gieten. Maar je moet naar een erkende bemiddelaar gaan.”. (...) En in het begin, dan gaf ik een sneer naar raadsleden, maar dat durf ik nu niet meer. Omdat ik ook zo iets heb van: “Die mensen moeten dan ook niet ergens in hun blootje gezet worden omdat zij dat nog nooit met hun cliënten hebben over gepraat.”. Vroeger vroeg ik nog: “Ja, mevrouw of meester, u hebt daar toch uw cliënt al van op de hoogte gebracht? Ik veronderstel dat uw cliënt daarvan op de hoogte is.”. En dan zie ik die cliënt kijken naar die raadsman dat hij van niets weet.” B3 : “ - Een rechter doet een beetje gelijkaardig wat ik zoek maar die legt het op. Die zegt: “Voila, dat is… Ik luister naar de ene, ik luister naar de andere en in eer en geweten, zo neutraal mogelijk, denk ik dat dat de beste oplossing voor jullie is. (...) In sommige gevallen kan dat wel nuttig zijn. - Dat er een autoriteit is die zegt van…? - Ja (...) Omdat ze er niet uitkomen, één. Omdat ze er nood aan hebben, twee. Sommige mensen hebben echt daar nood aan. (...) Die zich daar beter bij voelen dat iemand anders hun dat oplegt. (...) Ik denk dat we vooral moeten, in eerste instantie, mensen terug aanspreken dat ze dat zelf moeten kunnen en dat als het echt, echt, echt niet gaat, dat er dan wel iemand anders het… Maar dat dat duidelijk subsidiair moet zijn. In hoofdorde zou het moeten zelf zijn en subsidiair dan, dat dat pas op de achtergrond… Allez, dat een vangnet moet zijn. Wat nu omgekeerd is. Nu is het eerst de rechter en misschien, eventueel, enkelen die het via bemiddeling doen.”
La Justice et la meditation peuvent aussi être complementaire dans une séquence temporele: R1 : “Maar dan moet er natuurlijk wel een uitzondering voorzien worden in hoogdringende gevallen, als belang van het kind het vereist of zo. (...) In het belang van het kind moet men… Moet een voorlopige regeling opgelegd worden waar dat… - En over welke gevallen heeft u het dan? Gevallen waarin één van de ouders zich misdraagt of…? - Ja, zo iets. Of één van de ouders houdt het kind achter en weigert om het nog mee te geven aan de andere ouder. Nu, dat gebeurt vaak. Dan is dat niet simpel om te zeggen: “We gaan hier de procedure drie maand schorsen en je mag het gaan uitpraten of je mag naar een bemiddelaar gaan.”.(...) misschien in vijftien procent van de gevallen, moet er onmiddellijk een voorlopige regeling opgelegd worden. Maar dat belet in feite dan nog niet dat er… Een keer dat die voorlopige regeling opgelegd wordt, dat er dan nadien nog een bemiddeling opgestart wordt. Je kan de situatie voorlopige regeling, dan de partijen naar een bemiddelaar sturen met de bedoeling dat er dan een volledige uitgewerkte regeling of akkoord kan worden bereikt.”
Si elles ne sont pas substitutives, la médiation et la justice, le médiateur et le juge doivent être différenciés et distingués. La Justice doit tenir son rôle : M1 : « Oui, il y a plein de cas où la justice doit absolument tenir son rôle. Parfois les juges l’oublient je crois. On est tellement à vouloir tout le temps négocier. Aussi les questions de manipulations, des choses comme ça. C’est plus rare qu’on ne le dit. Maintenant c’est un peu à la mode, on parle des manipulateurs. Mais il y a
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quand même des cas où on se dit, la justice doit pouvoir intervenir. Et donc parfois on a des cas où, parce que les manipulateurs se jouent de ça, où chaque fois que le juge intervient ils sont les bons élèves du négocié et ils proposent la négociation et on les renvoie en médiation. Donc il y a des gens qui sont en permanence, ils passent de médiation en médiation pour continuer à manipuler. Donc ça c’est vraiment... il faut pouvoir dire, on arrête quoi. » A1 : « Par contre les juges médiateurs, je trouve personnellement que... ça a été imaginé à un moment donné notamment au tribunal du travail, moi je trouve ça vraiment difficile. Je trouve que pour les gens, c’est pas clair. On va me répondre qu’un avocat médiateur c’est pas clair non plus. Mais ils ont quand même, ils prennent diamétralement des directions opposées. Et quand ils jugent, ils représentent quand même l’Etat. Je ne sais pas, je trouve que c’est un truc qui ne me convainc pas. » J1 : « Je voulais dire qu’on demande au juge de plus en plus de choses qui se rapprochent de la médiation. Mais ça c’est bien. On nous demande, c’est encore écrit dans la loi sur l’hébergement égalitaire, à tout prix de concilier les parties. C’était déjà écrit dans les articles qui concernaient le divorce. Maintenant, le juge de la jeunesse doit d’abord commencer par tenter de concilier les parties. Et je vous avoue qu’on n’y arrive pas à chaque fois. Parce que les affaires se suivent très fort à l’audience. On peut rester assis de 14 à 19 h, donc c’est très dur. Mais donc on nous demande de concilier les parties. Ça ne veut pas dire qu’on nous demande de faire une médiation. Et je sais qu’il y a des magistrats qui font de la médiation. Je sais qu’il y en a peu. Je sais qu’il y en a une à Nivelles. Et moi je crains la même tête sous deux casquettes. Parce que imaginons que la médiation échoue, normalement, dans le cadre d’une médiation, les parents peuvent être amenés à dire de choses qui sont tenues dans la confidentialité totale. Et comment faire pour un juge quand la médiation échoue et qu’il est toujours le juge de ces mêmes parties ? Donc je trouve ça assez dangereux. Et on sent d’ailleurs à l’audience que les parties sont dans une sphère judiciaire. C’est un peu ennuyeux d’ailleurs parce qu’elles avancent des arguments mais c’est pas toujours leur sensation profonde. » J1 : « Alors, comment on pourrait l’étendre (la médiation) ? En tout cas pas en demandant que le juge devienne médiateur. Ça c’est vraiment dénaturer la fonction du juge. Il est prêt à tout le juge, mais il ne faut quand même pas le faire basculer dans la balance qui n’est celle de celui qui doit prendre des décisions. Je crois qu’il ne pourrait pas faire les deux. Et moi je ne me sentirais pas la force. Personnellement. J’ai déjà beaucoup réfléchi à ça. Donc, le risque serait que le juge le fasse mal. »
Le même juge se souvient pourtant avec admiration d’une expérience de son passé d’avocat où un juge est intervenu à la limite de la médiation : J1: « Il y a des juges qui font ça magnifiquement. J’en ai vue une il y a des années, des années. Elle a presque fait une médiation. C’était une conciliation quand même. La maman voulait l’hébergement de l’enfant. A l’époque, c’était encore le droit de garde. Et le papa qui avait un droit de visite et qui avait une enquête d’études sociales tout à fait favorable, voulait aussi la garde de l’enfant. La maman était plutôt instable. Et je me souviens que le juge, c’était vraiment une grande juge de la famille qui est partie il y a quelques années. Elle avait d’abord demandé aux parents s’ils avaient une photo de leur enfant. Ça c’est une manière de sortir du judiciaire, c’était bien. Alors le papa en avait une et la maman était un peu décontenancée et elle ne trouvait plus la photo. Moi j’étais l’avocat du papa. Et c’est le papa qui a dit à la maman « mais si, tu as une photo sur ton porte-clefs ». Le juge déclare que l’enfant a l’air bien, qu’il ressemble un peu aux deux. Disons qu’elle s’humanisait. Et puis après les plaidoiries, elle a demandé à la maman « mais pourquoi vous voulez que cet enfant vive chez vous ? ». Parce que la maman avait toutes sortes de mauvaises valises à tirer. Et alors cette maman, elle s’est vraiment arrêtée. Et elle a dit « au fond, je me rends compte que je fais cette demande pour moi-même ». Et elle a renoncé à sa demande à l’audience. Pour moi c’était... pour l’avocat c’est parfois une sorte de plaidoirie rentrée, c’est pas moi qui plaidait mais... c’était quand même assez magnifique. Et je trouvais que le rôle du juge était juste. C’était juste mais limite. Parce qu’il a un peu utilisé la fragilité de la maman. Comment dire… on peut arriver à faire craquer les gens. »
3.4. Psychologues et médiateurs Plusieurs intervenants, professionnels ou usagers, relèvent les proximités entre le travail des psychologues et celui des médiateurs. La médiation étant parfois définie comme cet entre-deux juridique et psychologique. Par exemple : A1 : « Parce que même si c’est pas la thérapie, on est quand même entre deux mondes, le monde psy et le monde judiciaire. » M1 : « Et quand je vous dis ça, c’est un travail à moi qui s’apparente très fort finalement à ce qu’on fait en thérapie de couple, mais voilà. »
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UM4 : « Je pense que la médiation est entre le travail psychologique personnel et la réglementation, le juridique de l’avocat. Même si les trois peuvent fonctionner de manière douce, je vais dire ». PS1 : “Je zit altijd met een psychologische achtergrond. Dus wat er aan de tafel gebeurt ga je interpreteren naar de achtergronden die je hebt. (...)Ik heb dan, als het dan gaat over fiscaliteit, dan ga ik meer mijn economisch diploma eruit halen. Dus je interpreteert altijd met de concepten die je in je hebt. (...)Maar ik lees daar natuurlijk ook wel van, van die relatietherapie. Elke bemiddelaar zal dat ook wel doen. En die dingen blijven ook wel meespelen maar het is gewoon… Ik denk dat het heel gemakkelijk is, van het te combineren maar je moet wel heel goed weten… En je moet heel goed met de mensen afspreken van: “Jongens, vandaag ben ik…“
Mais les propos tenus sur ces deux professions visent surtout à les distinguer. Dans l’expérience de médiation, la frontière est parfois étroite entre les deux types d’intervention. Mais les professionnels s’accordent généralement pour convenir qu’il faut se donner des limites pour éviter la confusion des genres. Il faut alors passer la main à un autre professionnel. Plusieurs intervenants notent aussi que la médiation fait moins peur, qu’elle « passe mieux » chez les usagers que la psychothérapie. Par exemple : N1 : « Et je leur explique avec mes mots à moi qu’il ne s’agit pas de faire une thérapie individuelle ni une thérapie de couple. Qu’il ne s’agit pas de les réconcilier. Qu’on prend acte du fait qu’ils veulent se séparer. Mais puisqu’ils ne parviennent pas à trouver les moyens de se séparer ou les mots pour le dire, il vaut mieux qu’effectivement, ils se fassent aider par quelqu’un dont le but n’est pas de les soutenir psychologiquement mais de les aider à se parler. » M1 : « - Et est-ce que vous ça vous est déjà arrivé de stopper une médiation ? - Oui, ça m’est déjà arrivé plusieurs fois. Je dirais, ça m’est arrivé l’une ou l’autre fois dans des cas où j’estimais que en fait ce qu’on était en train de faire en médiation, c’était de la thérapie familiale, thérapie conjugale, indépendamment même de question de qualité, je ne suis pas thérapeute, en toute hypothèse, ils ne venaient pas pour ça. Pour moi, la médiation peut être un lieu où on peut faire comme si on était en thérapie dans la mesure où la question reste tout le temps posée de « est-ce qu’on va en thérapie pour ça ou pas ? ». Donc la question de la médiation serait, on va continuer à se revoir pour finalement arriver au bout de cette question de, est-ce qu’on va en thérapie ou pas. Mais pas, on fait la thérapie ici. Il y a un moment où les choses deviennent de plus en plus thérapeutiques et on touche des choses de plus en plus... Et je trouve que ça ne va pas parce que les gens, d’abord, je ne suis pas habilité pour ça. Et en plus, je trouve que les gens, ça atteint un tel degré d’intensité, ils doivent eux-mêmes faire la démarche, en disant, ok, c’est ça qu’on voulait, on ira chez l’autre personne. » M3 : « Cela étant dit, quand on est dans des cas de médiation extrêmes où il y a des pathologies qui se révèlent, le médiateur doit pouvoir dire qu’il n’a pas la compétence et renvoyer les parties, proposer de renvoyer les parties vers des gens plus compétents. Des psychologues, des psychiatres. Le médiateur n’est là somme toute que pour régler des questions très pratiques. En ayant un grand regard et en attachant une grande importance à la psychologie. Mais c’est des questions pratiques, ce ne sont pas des entretiens thérapeutiques. Ce ne sont pas des thérapies. C’est pas un travail psychiatrique. Et le médiateur doit pouvoir faire le départ entre les deux. Et à un certain moment passer la main. » P1 : « Je dirais, moi je travaille essentiellement là-dessus et éventuellement les répercussions par rapport aux enfants et à la dynamique familiale. C’est vrai que j’ai pas dans ma tête spécialement le souci par exemple du niveau financier, du niveau économique de la famille. Je pense qu’un médiateur a tout ce soucilà. Je pense qu’il a moins le souci de travailler directement les enjeux personnels qui sont mis en jeu dans le couple que plus ben voilà, vous avez formé un moment donné un couple, on fait un état des lieux, comment on va avancer dans cette histoire-là pour que chacun ait l’impression de ne pas y perdre toutes ses plumes. Alors que je pense qu’en thérapie, on ne vise pas ça. On vise beaucoup plus le travail, en thérapie familiale, la dynamique familiale, la dynamique de couple, les enjeux de ce couple, qu’est-ce qu’ils ont cherché dans ce couple, qu’est-ce qu’ils en retirent, qu’est-ce qu’ils n’en retirent pas. Avec ça, comment ils peuvent continuer. Ça a une autre visée. Là il y a une visée thérapeutique, c’est aussi de se dire, même si le couple se défait, comment s’en sortir en se sentant quand même encore sur ses pieds. En étant pas complètement écrasés par la fin du couple. Je pense que le médiateur a plus une visée je dirais plus pratique. Il a quelque chose de plus pratique. Des visées plus fonctionnelles je dirais. Alors que nous, on n’est pas dans le fonctionnel, on est plus dans le relationnel. » M4 : « Et c’est vrai que la médiation fait moins peur que la thérapie familiale. Ça donne l’impression d’une implication moins grande. Ce qui n’est pas vrai. C’est pas la même implication. » P3 : « En fait il y a quelque chose qui n’est pas clair, parce qu’ils envoyaient en médiation, parce que ça allait passer plus favorablement aux gens, que de dire d’aller chez la « psychologue » parce que vous avez des conflits ! Et donc les gens qui arrivaient ici, ben non ils ne voulaient pas la médiation, ce n’était pas ça ! Ils se
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tapaient bien dessus, ils n’étaient pas d’accord. On était dans un travail de psy. Et bien non je ne fais pas un travail de psy, là ce n’est pas de la médiation pour moi. Et là les gens étaient bien d’accord. En parlant avec l’avocat, ben lui il disait ‘ben moi je fais ça justement parce que les gens, si je les envoie chez un psychologue ça va pas aller, alors qu’une médiation ça passe mieux etc. » Mais moi je ne suis pas trop à l’aise avec cet argument-là. Pour moi, c’est peut-être un cas d’école, ma question que j’ai pas mal travaillée : C’est quoi un médiateur, c’est quoi un psychologue ? Ce n’est pas du tout la même approche pour moi. On est beaucoup plus dans une gestion à court terme… pour des questions pratiques, avec évidement un regard psy de ce qui se passe au niveau de la dynamique relationnelle, mais on ne la travaille pas ! On la pointe éventuellement, on indique à telle personne qu’elle devrait avoir un regard sur l’extérieur et on en reste là. » M5 : « Par exemple, le thérapeute va travailler sur le vécu de la personne par rapport à sa propre histoire. Et donc ça peut être un travail de thérapie individuelle. Je prends la situation individuelle. Ça pourrait être même un travail de thérapie de couple. Ça veut dire qu’à ce moment-là, le couple a le souhait de clarifier la situation où ils en sont et l’impact que ça a sur son propre vécu et sur son passé. Donc, la question du passé a de l’importance. Dans la démarche de médiation, ce qui peut être privilégié, c’est le travail sur ce qui se passe ici et maintenant et sur le futur. Même si on va s’appuyer sur le passé pour ne pas faire les mêmes erreurs, on peut s’appuyer sur un vécu passé de l’un et de l’autre, il peut en faire part, mais l’objectif est de concrétiser les choses. De mettre à plat les modalités de, par exemple d’organisation d’un hébergement. Ce n’est pas dans le vague et ce n’est pas dans la réflexion. C’est le concret. Donc la médiation a quelque chose de pratique et de concret de ce qui peut se passer aujourd’hui et demain. Mais ça n’empêche, il y a des personnes qui viennent en médiation et qui sont très perturbées par la rupture familiale, conjugale. Eh bien, ces personnes, on peut les orienter vers un thérapeute, individuel si c’est nécessaire, de couple si c’est nécessaire. C’est pas uniquement dans le sens thérapie vers la médiation, ça peut être de la médiation vers la thérapie. Parce que les personnes ont besoin de faire le point par rapport à elles-mêmes. Où elles en sont dans le couple par exemple où elles en sont dans leur relation à l’autre. » P2 : « Le processus de médiation, c’est sur des points précis je pense. Si on y aboutit, il y a une fin, un stop. Que le suivi thérapeutique est moins palpable, moins concret. Même si on a un objectif en tête, on dévie parce que la personne amène des choses nouvelles. C’est moins cadré. Pour moi la médiation repose sur des choses précises et concrètes. Le thérapeutique repose sur de l’abstrait, le bien-être. Une personne qui ne se sent pas bien dans sa peau, ce n’est pas palpable. » M6 : « J’essaye de ne pas trop utiliser ma casquette de psychologue. Mais alors c’est dommage de perdre l’avantage de cette formation-là. Mais j’ai tellement peur de la faire trop intervenir que je prends beaucoup de distance par rapport à cela. J’y travaille tous les jours. - Est-il déjà arrivé que des gens qui viennent vers vous pour la psychologue et puis que vous tombiez plus dans de la médiation ? - C’est plutôt l’inverse. En général les gens qui viennent pour la médiation, ils sont plutôt dans la demande de médiation et à la fois de demande de thérapie individuelle et de couple. Et c’est plutôt là que je me dis que ce n’est plus de mon ressort. Qu’ici j’ai une casquette de médiateur, pas de psychologue, et j’envoie ailleurs. Je suis en début de pratique, et si je commence à mélanger tout, je ne m’en sortirai plus, il faut que je sois stricte, ça arrive fréquemment oui. » UM1 : « Le psy et d’ailleurs c’est ça qu’il y a moyen de faire, il nous aide à travailler nous. Il ne nous fait pas changer les autres. Le médiateur c’est comme si, peut-être je me trompe, c’est comme si il permettait par cette relation-là, c’est pour changer la relation, c’est permettre à l’un d’agir sur le comportement de l’autre. Et donc de changer l’autre un petit peu. Ça doit être volontaire de chaque côté. Normalement. J’imagine que son rôle devrait être de pouvoir permettre à chacun d’exprimer au mieux et à se faire entendre par l’autre. (…) Avec un psy, on ne présente que son ressenti des choses et on ne dit que ce qu’on veut bien dire. Et donc la honte qu’on peut avoir, moi mon gros problème c’était celui-là, la honte d’être humiliée. Ce qui est quand même terrible. C’est très très féminin. Cette honte-là, on peut un peu la cacher. On n’est pas obligée de raconter l’humiliation dans les détails, en tout cas au début quand la confiance n’est pas établie. Et on va jusqu’où on veut aller. On peut arrêter et on est protégé de soi, en principe le psy ne nous connaît pas dans la vie. Quand on va chez un médiateur, ce qu’on ressent et ce qu’on exprime, il y a toujours le regard de l’autre et la vision de l’autre qui peut venir soit contredire, soit anéantir, soit disqualifier. Et donc soit on ne dit pas grand chose, c’était mon cas, et là je prends toute ma responsabilité. Soit, c’est se dévoiler par rapport à quelqu’un qui nous connaît chez le médiateur. Chez le psy on se dévoile chez quelqu’un qui ne nous connaît pas. »
Cette distinction des rôles, des objectifs et des méthodes de travail entre psychologue et médiateur appelle aussi des collaborations entre eux. C’est par exemple le propos de cette psychologue : P1 : « Souvent lorsqu’un couple fait une thérapie, ils ne sont pas dans l’idée de se séparer. Ils ont l’espoir qu’ils vont pouvoir reconstruire quelque chose. Dans beaucoup de situations, on se rend compte qu’en fait ils
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sont déjà à la séparation. Même s’ils ne se l’avouent pas encore mais ils sont déjà dans un processus de séparation. Je pense que là il pourrait y avoir des ponts pour aller vers la médiation. Des gens qui ont besoin peut-être d’être soutenus un peu. Parce que dialoguer reste peut-être compliqué pour eux. Mais qu’en même temps, il y a une possibilité de dialoguer mais qu’il faut qu’ils soient accompagnés par un tiers. Et à ce moment-là, on pourrait avoir un pont entre les thérapeutes de couple et les médiateurs. Parce que je pense qu’ils ont un travail spécifique que nous on n’a pas. Et inversement, ils n’ont pas de travail thérapeutique que nous on peut avoir. Même s’ils ont un abord d’écoute quand même et d’empathie. Sinon, on ne fait pas ce métier-là. Mais c’est quand même différent. Il y a des spécificités. - Donc, toi tu verrais des collaborations possibles ? - Je pense. Je pense que ça peut aussi être dans l’autre sens. Qu’à un moment donné dans la médiation, il y ait quand même... je crois qu’il y a des couples qui ont envie de comprendre pourquoi ça a foiré, pourquoi à un moment donné alors qu’on avait l’impression qu’ils vivaient le grand débat d’amour, même si ça paraît très romantique de dire ça, mais il y a des couples qui sont dans des choses comme ça très passionnelles. De comprendre pourquoi ça a éclaté, ils pourraient en avoir envie. Pas toujours. Parfois quand c’est fini, c’est fini. On n’a pas toujours envie de s’interroger. A ce moment-là, c’est plus une démarche individuelle qu’ils font, de comprendre pour eux-mêmes ce qui s’est passé dans leur couple et peut-être pas au niveau du couple. »
Ces médiatrices renvoient parfois des clients chez un thérapeute : B2 : “Een relatietherapeut, regelmatig. Als, in het begin, mensen naar hier komen die het echt nog wel heel diepgaand over hun relatie willen hebben, ook in het verleden, en echt een therapeut zoeken, dan doe ik dat soms wel. Maar andere bemiddelaars… Ik heb soms al samengewerkt met een bemiddelaar waarbij dat ik een stuk van de kinderen doe en zij het stuk met de ouders. En dat ik dan mee aan tafel ga zitten voor de kinderen. “ -
“Omdat u dat strikt gescheiden wil houden of…?”
B2 : “Wel ja, neen, omdat het soms ook gewoon aangewezen is. Omdat ik soms echt wel vanuit de kinderen wil spreken. En dat ik niet wil kijken naar de meerzijdige partijdigheid tussen de ouders. Dat ik voluit voor de kinderen kan gaan.” PS1 : “Naar een psycholoog, dat zou ik doen als ik zou zien, dus van: “Oké, hier is toch wat meer aan de hand dan gewoon een koppel dat wil scheiden.”, tenzij je moest zien van: “Die mensen willen hier helemaal niet scheiden.”, ja, dan moeten ze naar een relatietherapeut. Dat is iets anders. Naar kinderen toe zou dat kunnen.”
Une autre confusion problématique est signalée entre le médiateur et l’expert judiciaire. Par exemple : J1 : « Il y a des médiateurs qui n’ont pas tout compris. L’ennui c’est que vous parliez tout à l’heure de tous les intervenants, les contacts avec le juge, il y a des gens qu’on désigne comme experts. La loi sur l’expertise, elle vient d’être modifiée. Elle est assez précise et difficile. Mais ces experts ont une formation de psychologue, parfois même de médiateurs. Et ils aimeraient mieux que les gens arrivent à s’entendre plutôt que de rendre un rapport écrit au juge. D’abord, c’est très difficile de faire un rapport écrit. C’est vraiment peser chaque mot. Et alors, ils estiment eux-mêmes que l’expertise sollicitée par le juge peut déboucher sur une sorte de médiation prolongée. Là, à mon avis, ils se trompent même si les experts doivent d’abord tenter de concilier les parties. Ils ont un délai et puis ils ont un cadre bien... Et donc, ce qui est arrivé, c’est que des experts tentent de faire des médiations. C’est pas une bonne idée non plus parce qu’ils sont mandatés comme experts et qu’à la fin ils doivent rendre un rapport quand même. Il y en a eu un ou deux qui n’avaient pas tout compris. Et les parties n’étaient pas du tout contentes non plus. » M7 : « En expertise civile, c’est un juge qui ordonne en quelque sorte une mesure d’expertise. Il y a plusieurs étapes dans l’expertise mais il y a toute une étape pendant laquelle les parties peuvent encore décider ellesmêmes d’un accord. Au-delà d’une certaine étape, c’est terminé, c’est le juge qui décide et il y a un rapport qui est déposé chez le juge et le juge en principe s’appuie et s’inspire, s’éclaire de ce rapport pour prendre sa décision. Autrement dit, en général, il ne s’écarte pas très fort de ce qu’il y a suggéré par l’expert. Et donc, tout ça fait un tout. Donc, d’un côté on peut se dire qu’en expertise il y a plus de contraintes pour que les parties arrivent à un accord. Et quand ils ont un premier rapport de l’expert, allez, je prends un exemple. S’ils ont dans l’idée qu’un des parents doit être éliminé de la vie des enfants, eh bien, en expertise, ça en tout cas, ils savent que ça ne va pas être possible. De l’avis de l’expert. Ils le savent assez vite. Donc ils savent très vite que ça ne sert à rien qu’ils se fatiguent dans cette voie-là. Ou quand en tout cas, s’ils veulent se fatiguer dans cette voie-là, ça a très peu de chances d’aboutir. Tandis qu’en médiation, il y a un secret professionnel sur le processus de médiation. En expertise, il n’y a pas. Oui, il y a un secret professionnel, il y en a qui porte sur les éléments qui n’ont rien à voir avec la mission. Autrement dit, il n’y a pas de secret professionnel par rapport à l’objet. Ça veut dire qu’il y a un regard tiers. Mais un tiers au-dessus du tiers, un tiers au-dessus de l’expert qui est là, dont on ne va peut-être pas avoir besoin, mais voilà. Il y a beaucoup plus de garde-fous en
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expertise. Il y a une pression. Le tout c’est de l’utiliser de manière constructive et de ne pas l’utiliser pour coincer les gens parce que sinon on a un accord qui ne dure pas. Mais essayer de se dire ce temps et de se donner le temps. Moi je faisais souvent une proposition et les gens se mettaient d’accord. Je disais, écoutez, on va essayer comme ça et on peut réévaluer dans six mois, dans un an. On réfléchit à ça ensemble. En médiation, les gens sont en « roue libre ». C’est-à-dire qu’il n’y a pas ce tiers supérieur, ce n’est pas un tiers supérieur, on se comprend, en termes d’autorité, il n’y a pas. (…) Je pense que vraiment pour entamer un processus de médiation, contrairement à l’expertise judiciaire, il faut qu’il y ait vraiment un désir partagé. Au moins ce potentiel qui soit possible au départ. En expertise, c’est pas indispensable, ça peut se travailler plus facilement. »
3.5. Notaires et médiateurs Les rôles du notaire et du médiateur suscitent quelques commentaires, notamment sur la confusion de leur fonction de conciliation avec la médiation. Par exemple : A1 : « Chez les notaires, j’ai l’impression qu’ils ne sont pas encore au clair de savoir si ce qu’ils font c’est de la médiation ou pas. Eux comme ils ont dans leur mission de base la conciliation, ils se mélangent un peu les pinceaux entre les différents concepts. Et alors leur gros problème, notamment les notaires dans les petits villages et tout, c’est l’angoisse de perdre le client. J’ai l’impression. Je ne sais pas si c’est de perdre le client mais ils sont un peu ceux qui répondent à tout. » N2 : « La médiation familiale j’en fais tous les jours. - Vous la définissez comment cette médiation familiale ? - Donner une définition est difficile mais je dirai que le notariat c’est l’édification d’une forteresse et c’est faire en sorte que la famille soit toujours unie et éviter l’éclatement des familles et justement éviter le retour d’une incompréhension au tribunal ou qu’est-ce qu’on peut encore imaginer. Notre rôle, en tout cas de tous les jours, c’est de faire du social ou du psychologique dans toutes les matières, que ce soit dans les matières de ventes, d’emprunts, de divorce surtout, de succession énormément, les deux matières les plus approchées au niveau de la médiation familiale c’est sûrement les divorces et les successions. Il ya toujours toujours des petits problèmes de tension que l’on parvient dans 90% des cas à arranger de manière amiable. »
Cette médiatrice voudrait limiter l’implication du notaire aux aspects matériels du divorce: B3 : “Notaris is meer voor het formeel aspect. Weet je? Dat zijn openbare ambtenaren. Bij mij is dat meer iemand die het formeel aspect moet in orde brengen en dan echt enkel wat betreft de onroerende goederen, dus de goederen. Nu, je hebt notarisbemiddelaars maar dan gaan ze als bemiddelaar te werk. Ik vind eigenlijk dat een echtscheiding… Wat vroeger werd gedaan, werd die ganse echtscheiding, als er een woning was, dan werd dat allemaal in een akte gegoten en ik vind dat dat eigenlijk niet kan. Allez, ik vind dat niet gezond omdat je dan voor dat onroerend goed, dat is een akte die uiteindelijk zo gaat… Een eigen leven. En als die mensen hun huis verkopen gaat een andere notaris dat zien en krijgen die nieuwe kopers van dat huis die ganse regeling te zien en die hebben daar eigenlijk niets mee te maken, vind ik.”
Ce notaire souligne les differente d’approche entre notaire et médiateur: NO2 : “Ja, dus een notaris heeft een beetje een – hoe moet ik dat nu zeggen? – een speciaal statuut. Een notaris op zich is een ambtenaar. En eigenlijk hebben de meeste notarissen op zich al het gevoel dat ze veel aan bemiddeling doen en dat is ook zo door de Federatie van Notarissen aangevoeld geweest en ze hebben gezegd: “Ja, als wij eigenlijk al veel aan familiale besprekingen doen, dan zou het niet slecht zijn dat die notarissen die dat doen daar een opleiding voor krijgen. (...) Je kan het gevoel hebben dat je aan bemiddeling doet maar daarom niet aan bemiddeling doen omdat je de technieken niet beheerst.”
Un des notaires interrogés distingue clairement conciliation et médiation, rôle du notaire et rôle du médiateur, et affirme leur complémentarité : N1 : « Alors, c’est vrai, et je l’enseigne d’ailleurs à mes étudiants en notariat comme faisant partie de la déontologie notariale, qu’il y a indépendamment des obligations traditionnelles qui décrivent la fonction notariale, j’ai toujours pensé qu’il y avait vraiment une fonction de conciliation. Je pense que dans la culture du notaire, il y a le fait que, et en cela elle se différencie de celle des avocats, alors que même les avocats ont quelque part dans leur déontologie de dire, il faut essayer de concilier les gens, encore que ça ne va pas nécessairement aussi loin que chez nous. Mais nous, nous sommes jamais, si on prend au sérieux notre fonction, comment dirais-je, on n’est jamais le notaire d’une partie contre une autre. Nous sommes les gens d’un dossier et donc nous essayons, nous devons essayer spontanément, même dans les partages judiciaires, de concilier les gens. Et donc, voilà. Je pense que les notaires doivent avoir une culture de
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conciliation. Et dans la résolution des conflits dont nous sommes témoins tous les jours, qui sont souvent des petits conflits, des conflits dont il faut éviter qu’ils ne dégénèrent, des conflits auxquels il faut donner la bonne portée, des conflits qu’on peut désamorcer, etc. Incontestablement, je crois que le notaire doit faire un travail pour y arriver. Simplement, il y a une certaine limite, quand le blocage existe, je crois que le notaire ne doit pas insister et alors, effectivement, le travail de médiation trouve tout à fait sa place. Donc il y a une espèce de premier pas que nous faisons quand même, mais avec nos techniques bien entendu. J’explique aux gens, écoutez, moi, ce que le médiateur vous donne de plus c’est qu’il a une façon de faire, de vous écouter, une façon de prendre son temps, de mettre les problèmes à plat qui va peut-être vous aider à résoudre votre problème, ce que moi, notaire, j’ai pas le temps de faire. (…) C’est pas la même technique et c’est pas le même temps qu’on y consacre. »
C’est également le cas de cette médiatrice : B2 : “ - Notarissen verwijzen niet door. Dat is echt erg. Wij… Ik verwijs dus heel dikwijls door naar notarissen, allez, naar een aantal notarissen in de buurt. Ik heb nog nooit één cliënt terug gekregen. Zo van: “Ga dat met rond de kinderen nu eens met een bemiddelaar…”. Dat doen die niet. - Omdat ze ervan uit gaan: “We kunnen het zelf.”? - Ik denk dat. Dat is echt waar, ik denk dat dus echt. En dat vind ik heel erg. Dat vind ik heel spijtig. Wat dat denk ik echt wel: dat we daar veel beter werk kunnen leveren. (...) Ik denk dat ze dan gewoon de klik van samenwerken nog niet in hun hoofd hebben. Ik denk dat die eerder… Die hebben die standaardovereenkomsten en die maken die. Die staan daar echt niet bij stil, denk ik. Ik weet het niet. Je zou het aan hen moeten vragen. Ik vind het spijtig maar die geven dat precies niet af. Ik weet niet waarom.(...) Er zijn heel weinig notarissen die bemiddelen. En je voelt ook zo, als er een overeenkomst komt van een bemiddelaar, ja, dan moeten ze wel wat extra moeite doen om dat in hun stramien te laten passen. Misschien kost dat wat extra tijd. Ik weet het niet.”
L’exercice des deux rôles peut être pratiqué par une même personne mais dans avec des objectifs bien distincts et dans des temporalités différentes : N1 : « Euh, encore une fois je pense franchement que ce sont deux fonctions entièrement différentes. Ça on se comprend bien. Et que je ne confonds pas du tout, même si je trouve ça important, la fonction de conciliation qui fait partie de la mission du notaire et ce qu’il pourrait faire dans une fonction de médiateur. Pour moi, c’est deux choses différentes. Est-ce qu’il y a un inconvénient si c’est ça votre question, qu’ils fassent l’un et l’autre ? Personnellement, je n’en vois pas. Je pense, je ne sais pas si ça fait partie de votre travail, de vos études, je pense qu’il y a un code de déontologie particulier pour les notaires qui sont en même temps médiateurs. Vous en avez connaissance ? - Ok, comme pour les avocats. - J’ai étudié ça à l’époque et maintenant, je ne sais plus ce qu’il y a dedans. Et en soi, du moment que les rôles sont bien répartis... est-ce que ça suppose que ça soit dans des locaux différents, j’avoue que j’ai pas beaucoup réfléchi à la question du moment où on sait bien que c’est deux choses différentes, je ne vois a priori pas d’inconvénient à ce qu’un notaire qui a fonctionné, parce qu’en principe c’est en amont, qui a fonctionné comme médiateur. Après ça, s’il a la confiance des deux parties, que ce soit lui qui traduise. Puisque par définition le notaire est quelqu’un d’impartial et ne sait pas favoriser l’un ou l’autre donc... - Mais dans des temporalités différentes ? - Ah ça ça me paraît parce qu’on ne peut pas s’empêcher comme notaire d’être assez interventionniste, de poser des questions, « moi je trouve que ceci serait mieux ». Alors ce que je crois comprendre, la médiation c’est que le médiateur, ce n’est pas un psy qui reste silencieux pendant que l’autre est sur son divan, mais qui normalement laisse parler les gens. C’est comme ça que je le comprends. Il me semble que c’est une technique tout à fait différente. Et un des inconvénients, me semble-t-il, c’est que ça prend beaucoup de temps. »
Le temps, précisément, contribue à différencier les interventions des notaires et des médiateurs. Les notaires déclarent ne pas pouvoir consacrer le temps nécessaire à la médiation, comme le note cette médiatrice : M6 : « J’ai déjà parlé avec des avocats et des notaires, qui me disent qu’ils n’ont pas le temps d’aborder les histoires du passé ou de l’émotionnel, et que ça les soulageraient d’envoyer ça ailleurs pour autant qu’ils soient sûrs que ça revienne chez eux après. Ils ont peur d’être dépossédés de ça. Un notaire me disait que dans le cadre des successions, il y a plein de conflits. Il me dit que c’est lourd, qu’il n’est pas formé à cela, et que ça l’arrangerait bien qu’il y ait quelqu’un d’autre pour le faire. » B4 : “Vergeet ook niet dat, als het gaat over familiale conflicten – ik heb het nu even enkel over echtscheiding, niet over relationele conflicten, jawel, maar waar dat het duidelijk is dat het een echtscheiding
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is – dan is er nog altijd vijfenzeventig procent die via notaris lopen. En dat is niet verkeerd, behalve dan daar dat de notarissen – toch diegenen met wie dat wij spreken en dat zijn er toch wel wat – die allemaal zeggen van: “Eigenlijk hebben we daar allemaal geen tijd voor.(...) Want ons kantoor, dat moet draaien, niet op drie gesprekken voor een EOT, dat is niet haalbaar. Dat is… De mensen” – om het oneerbiedig te zeggen – “zouden moeten binnenkomen met hun kladblaadje waar ze alles al opgeschreven hebben, dan kunnen ze een beetje begeleiding krijgen…” AD2 : “Dat notarissen zeggen: “Ja, we gaan niet… We hebben, bijvoorbeeld, niet de capaciteiten om mensen tien keer te zien, om over kinderen te negotiëren.”. Er zijn notarisbemiddelaars die dat waarschijnlijk wel doen. Maar ik kan mij ook inbeelden, zeker notarissen die geen bemiddelaar zijn, dat ze de mensen wel uitleggen: “Kijk, al dat ga je moeten regelen maar er is toch nog te veel onenigheid. Het lijkt mij aangewezen dat je gaat bemiddelen.”. Ik weet niet in hoeverre notarissen dat eigenlijk dan doen. Of dat ze suggereren: “Je zal toch een advocaat moeten nemen.”. dat weet ik niet.”
Ce notaire souligne un manque de temps et une confusion sur le plan de la rémunération : NO2 : “En dat is waarschijnlijk het probleem bij de meesten van mijn collega’s, die hebben eigenlijk hun job als notaris, om daar dan naast bemiddelingsopdrachten te vervullen in de strikte zin van het woord, daar hebben wij feitelijk, denk ik, geen tijd voor. Dat is één. Twee: er is ook een grote onduidelijkheid over “Hoe moet ik dat dan nu laten betalen? Wat moet dat dan eigenlijk kosten?”. En ik denk dat wij dat zeggen: “Ja, voor ons is dat een nicheproduct dat we eigenlijk toepassen, rechtstreeks in onze praktijk.”
Les notaires rencontrés réagissent différemment à ce constat du manque de temps pour pratiquer la médiation. Par exemple ce notaire (N1) en prend acte et envoie assez souvent des clients en médiation pour une intervention qu’il juge complémentaire à la sienne. Un de ses collègues en revanche déclare qu’il pourrait pratiquer davantage la médiation si elle pouvait être rémunérée : N1 : « Alors moi je n’ai pas fait ce choix-là tout simplement pas du tout par manque d’intérêt pour la médiation mais parce que j’avais en quelque sorte tellement de travail et tellement d’engagements que je n’aurais pas su faire ça je pense sérieusement parce que je pense que c’est une méthode d’approche de problèmes qui demande du temps. Et ce temps-là, moi je ne l’avais pas. » N2 : « Mais nous n’avons pas le temps. Demandez à un employé ou à un collaborateur d’aller après journée ou en week-end suivre une formation ! Il faut oublier ça. Donc à charge de qui sera pris le financement de cette approche ? Hein bon moi si c’est pendant les heures de travail cela fait 150 heure puis 80 heures pendant lesquelles on ne reçoit pas de clients. (…) - Donc pour vous il n’y a pas d’avantage financier à faire de la médiation, ce n’est pas ça qui fait vos affaires ? - Non je donne des conseils d’avocat tout ça gratuitement. Maintenant si en tant que médiateur familial je suis rémunéré je signe tout de suite hein, mais alors je gagne beaucoup mieux ma vie parce que je fais ça tous les jours. Ça prend plus de la moitié de mon temps la médiation familiale, quand je dis c’est dans tout, c’est dans tout hein. (…) Si je pouvais, si les politiques font comprendre sur la scène politique que maintenant le notaire n’est plus forcément un notaire au conseil gratuit mais que ça peut être aussi une approche familiale hein, chez qui on peut trouver des conseils psychologiques, sociologiques et familiaux rémunérés on est prêt à le faire hein. (…) Il faut à mon avis qu’il y ait une approche du politique qui dise que le notaire n’est plus gratuit pour les conseils. Ce qui est la base du notariat, la base du notariat c’est de passer des contrats et tant qu’il n’y a pas de contrat hein, c’est l’aboutissement du contrat. Maintenant le notaire pourrait demander une rémunération d’intervention mais je me vois mal demander à la sortie de mon Etude une rémunération pour une tractation qui n’aboutit pas. Dans ma salle d’attente vous n’avez pas de tarif hein. On a un barème national belge et on est rémunéré au contrat. »
Les collaborations entre les médiateurs et les notaires semblent assez fréquentes : PS1 : “ Ik vraag dan ook wel minder maar ik stuur ze wel altijd nog naar de notaris als een dubbelcheck. Ik vind dat altijd belangrijk dat er een keer nog een jurist alles nagekeken heeft en gecheckt heeft of alles er in staat.(...) Nu, die dingen zijn er en dus eigenlijk moet die jurist niet veel meer doen: het gewoon eens nakijken en checken.” PS2 : “Ik heb eigenlijk maar één notaris waar ik – ik zal niet zeggen: “mee samenwerk” maar – waar ik oorspronkelijk een beetje energie in gestoken heb om hem juist duidelijk te maken wat dat ik wou dat hij deed, en niets anders. En, ja, als mensen niet zelf een duidelijke keuze hebben, dan raad ik… Allez, geef ik zijn naam en ik zeg: “Van hem weet ik dat hij dat doet en dat hij niet gaat proberen u te overtuigen van uw hele EOT op te maken en u daarvoor veel te veel te doen betalen, veel meer dan nodig is.”
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B4 : “Wel, een notaris komt er wel regelmatig bij te pas omdat, zoals we gezegd hebben, meer dan tachtig procent van de mensen heeft een huis in eigendom en, afhankelijk van de rechtbank, is het al dan niet nodig om al bij het indienen van de EOT een notariële akte, hetzij een onverdeelde (sic.), hetzij een inkopen, hetzij schenking. En dan is een notaris wel nodig.”
Les notaires sont souvent critiqués par les usagers et les médiateurs, surtout en ce qui concerne les accord sur les enfants : B2 : “Maar ik vind dat notarissen ook veel te weinig… Allez, dat is niet om slecht te praten over notarissen… En ik denk dat onroerend goed en zo, dat is ook echt wel hun ding. En over verdeling van de potten en pannen, dat is ook het liefst… Dat doe ik het minst graag, als ik eerlijk moet zijn. Maar ik vind dat ze veel te weinig weten over kinderen. (...) Allez, als je bijvoorbeeld een overeenkomst over een baby moet maken, dat is niet hetzelfde als een kind van zeven of acht jaar. (...) Ja, maar zo doen die dat wel. Die staan daar echt niet bij stil wat effecten dat dat heeft op een klein kind van een week, bijvoorbeeld, zijn moeder of zijn vader niet te zien. Allez, dat dat dus wel immens lang is, laat staan dat hij twee weken zijn vader niet ziet. Allez, voor de hechting en zo is dat helemaal niet oké. Maar daar houden notarissen geen rekening mee.” AD2 : “Zo de kritiek op de notarissen als die overeenkomsten opstellen i.v.m. de kinderen, maar ik kan niet zeggen dat het dan over notarisbemiddelaars gaat maar wel over notarissen in het algemeen. Dat ze regelingen voor de kinderen heel onzorgvuldig uitwerken. Dus, bijvoorbeeld, de buitengewone kosten, maar dan niet nader gespecificeerd dat daar rap discussie terug over bestaat. Het halen, brengen niet duidelijk omschreven is.”
Ce notaire confirme: NO2 : “Wel, ik denk dat wij als notaris niet goed geplaatst zijn om een regeling te maken voor de kinderen.(...) Omdat ik denk dat wij daar niet voor opgeleid zijn. Ik denk dat je daar beter met bemiddelaars zit die in die sfeer opgeleid zijn. Sociaal… - En wat vraagt dat dan? (...) - Een psychologische omkadering. Daar hebben wij onvoldoende kaas van gegeten, denk ik. Ik denk niet dat wij dat kunnen. Ook omdat er heel veel vraag toch begint te komen. Kinderen worden vroeger groot. Bij ons is het absoluut nooit de gewoonte, in een echtscheiding onderlinge toestemming, om een kind te vragen wat het wil. Jamais! Dus eigenlijk wordt dat altijd van bovenaf opgelegd en een kind voelt zich daardoor waarschijnlijk soms nogal verscheurd. (...) En dat is hetgeen dat we ook heel dikwijls aan de mensen zeggen van: “Bespreek die regeling met uw kinderen. Leg hen dat uit, waarom dat dat er zo staat.”, want de rechtbanken eisen van ons ook heel strikte regels. Wij moeten à la minute kunnen zeggen waar een kind moet zijn. een kind gaat dat dikwijls, denk ik, aanvoelen als: “Ze hebben mij in twee gekapt, terwijl ik eigenlijk misschien liever meer bij papa of bij mama blijf.”. Maar wij hebben daar niet de omkadering voor en wij gaan dus ook nooit een kind daarover vragen. Van: “Kom, breng uw kinderen een keer mee, we gaan het daar een met hen over hebben.”. Dat kunnen wij niet. - Dat vraagt een andere aanpak? - Dat vraagt een volledig andere aanpak dan die dat wij gewoon zijn. dus in die zin zou het veel beter zijn mocht dat daar eigenlijk los van staan en dat dat goed omkaderd wordt door mensen die meer vaardigheden hebben op dak vlak.”
3.6. Spécificités de la médiation Nous avons recueilli ici très peu de propos nouveaux. Les spécificités de la médiation ont déjà été largement abordées à travers l’évaluation des pratiques (2.1). Nous retenons cette insistance sur la particularité du travail de médiation qui consiste à mettre les deux parties en présence : M2 : « Le médiateur, à part le notaire, c’est quand même celui qui met en présence les deux parties. Je veux dire, c’est quand même pas banal. Ce qui me touche toujours c’est les gens qui me disent, « vous savez, rien que le fait de venir en médiation on n’en a pas dormi la nuit ». Je vais dire, c’est vrai, les gens se quittent parce qu’ils ne s’entendent plus et la médiation, c’est leur demander de s’entendre. Je veux dire, c’est quand même pas banal comme profession. Les avocats ont souvent un client. Donc ici nous, on a les deux parties. Donc je trouve que c’est spécifique. »
En ce qui concerne la formation et le type d’approche, la multidisciplinarité est valorisée, ainsi que l’alliance, déjà notée plus haut, entre le juridique et le psychologique : 95
M2 : « On a l’aspect juridique, mais il y a aussi l’aspect, la médiation, c’est du psycho-socio-juridique. On est à cheval sur beaucoup de choses. On n’a pas une formation de psy mais quand même, on a une formation de systémicien, d’orientation, etc. que notaires et avocats n’ont pas. On connaît, en planning, on a une très bonne vue du social que les notaires et avocats n’ont pas. Donc c’est je dirais à cheval sur beaucoup de disciplines. »
Le temps de la médiation revient également dans le discours sur les spécificités du métier : M6 : « Par rapport aux notaires, juges et avocats… Prendre du temps dans la communication, de se poser et de laisser parler les choses. Les gens sont déçus par rapport au tribunal, de ne pas avoir pu déposer ce qu’ils avaient sur le cœur. Il n’y a pas de temps de communication. Je suis médiateur pour faire circuler la parole… remettre en mots ce qui se dit, et faire comprendre à l’autre, est-ce que l’autre a bien compris. »
Pour ce médiateur, il faut accepter que les rôles ne soient pas complètement différenciés : M1 : « Mais moi je crois qu’il y a beaucoup de, j’ai l’impression que d’abord il faut accepter qu’on fait beaucoup de la même chose. Et une fois qu’on acceptera ça, on sera un peu moins à se scandaliser quand l’autre fait des choses comme soi. Parce qu’on reste dans des choses un peu corporatistes pour chacun. Il y a un peu de ça. Où chacun critique l’autre et garde telle vue. Je crois qu’une fois qu’on accepte, on est un petit peu dans le même bain mais c’est plus des nuances. A ce moment-là, c’est à ce moment-là qu’on peut trouver du respect et donc arriver à travailler en réseau. »
3.7. Chacun à sa place Nos interlocuteurs professionnels sont unanimes sur la nécessité d’éviter la confusion des rôles. La multiplicité des formations et des métiers est une richesse si chacun se tient à sa place. Deux médiateurs sont particulièrement intéressés par cette question : M1 : « Tout le monde est à ce point à penser la même chose. Parfois ça devient un peu la confusion. Des gens qui ne comprennent plus rien. Je ne sais pas, je recevais l’autre jour la lettre, je reçois une dame dont le mari a pris un avocat qui lui a écrit et qui dit pour la convaincre d’aller à la négociation avec lui, chez lui, il lui dit, je suis consulté par Monsieur, donc comme avocat, venez chez moi, je suis par ailleurs formé à la médiation. C’est typique, je connais le gars en plus, je l’aime beaucoup. Mais ça crée une confusion totale. Elle dit « ok », mon mari va prendre un avocat qui me dit qu’il est formé à la médiation. Et alors quoi, c’est quoi sa position ? Et c’est le même problème quand les juges, parce que ça se voit, finissent par tellement être dans la négociation qu’ils ne savent plus trancher. Et les gens ne savent plus dans quel jeu ils sont parce que tout le monde fait un peu la même chose. » M5 : « Et quand un médiateur connaît son rôle, il définit sa place au regard des autres professionnels. Comme je vous disais tout à l’heure, j’ai travaillé comme expert à un moment donné, donc je sais la limite du travail de l’expert. Je connais le travail du magistrat et je connais sa limite. Je connais donc ma place au regard et en relation des autres professionnels. Donc je n’empiète pas sur leur rôle, parce que je pense que leur rôle est important et indispensable. Par exemple, un avocat, c’est indispensable qu’il puisse donner l’information juridique à ses clients. Et que pour pouvoir travailler en médiation, il faut que les clients aient une bonne information juridique. Donc si chacun connaît sa place, ça ne pose pas de problèmes. (…) Et donc, par exemple les magistrats nous envoient des médiations, des personnes en médiation. Les avocats nous envoient des personnes en médiation. Les psychologues envoient des personnes en médiation dès le moment où ça déborde de leurs activités professionnelles. Donc si chacun connaît sa place, effectivement, le travail de collaboration peut se faire. (…) Et donc, tout cet ensemble de professionnels peuvent collaborer par rapport à la même famille. Sachant que dans le cadre de la médiation, ce qui est important, et c’est ça qui est le principal, c’est que c’est de la responsabilité des personnes. Et que nous, on travaille sur cette responsabilité. Donc, si vous voulez, le psychologue travaille dans le soutien vis-à-vis de l’estime de soi de la personne. Le juriste va conseiller, va apporter des argumentations juridiques, judiciaires et autres. Et nous on va être à permettre à la personne de s’exprimer, permettre à l’autre de s’exprimer et de prendre des décisions en tant que responsables. C’est vrai que ça peut-être une bonne collaboration, si chacun garde sa place. » B1: “ Het eerste: schoenmaker, blijf bij je leest. Ik vind dat een bemiddeling op de eerste plaats door, laten we zeggen, mensen uit, wat men spijtig genoeg de derde groep noemt. Niet notarissen, niet de advocaten, maar op de eerste plaats de bemiddeling, de overeenkomsten, allez, de afspraken door een niet-advocaat, niet-notaris zou moeten zijn. Maar dat dat dan naar de advocaat gaat die dan de juridische franjes en verbanden gaat leggen. Eigenlijk zou bemiddeling multidisciplinair moeten zijn. (...) En niet in een vakje van een psycholoog, een pedagoog, een advocaat, een notaris… dat is fout. In Nederland is dat anders. Hier is dat anders omdat men schrik heeft dat de één de andere zijn cliënt zou afsnoepen.”
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Nous avons déjà signalé plus haut l’insistance processus : ce qui se passe en médiation ne notamment par le Juge. C’est un des regrets contraire, attendent que l’attitude des partenaires juge :
des professionnels sur l’étanchéité des peut être utilisé dans un autre cadre, formulé par quelques usagers qui, au en médiation soit prise en compte par le
NUM2 : « Et puis, ce que j’ai regretté c’est que ce qui est retourné vers la justice, c’est bon, voilà, ça a échoué. Mais sans motivation, je dirais maintenant sans motivation, sans dire pourquoi ça a échoué. Alors que moi j’étais entré dans le processus, j’avais joué le jeu. Tout difficile qu’il soit. Et j’ai parfois eu le ressentiment quelque part d’avoir été floué par cette non motivation. Par ce système tout à fait extérieur. Je comprends bien qu’il fallait qu’elle reste impartiale. Que cette médiatrice reste impartiale. Mais j’estime qu’à partir du moment où on échoue, on doit pouvoir mettre les responsabilités. »
Mais les professionnels ne sont pas seulement attentifs à ce souci de préserver la confidentialité de la médiation. Ce n’est pas seulement la circulation des informations qui peut poser problème mais la contamination de logiques professionnelles et institutionnelles différentes, le parasitage d’une dynamique par l’autre. La solution préconisée est de réserver des temps différents aux différentes interventions et d’éviter qu’elles ne se chevauchent. Par exemple : A1 : « L’expertise judiciaire, c’est quand le juge demande l’avis d’un psy pour savoir quel type de modalité on va mettre en place pour les enfants. Et quand les gens vont s’exprimer chez le psy, ce qu’ils vont dire va être relayé au juge. Et donc si tu mets ça en œuvre en même temps qu’une médiation, je trouve que tu les fragilises par rapport à l’expertise où ils ont besoin de se défendre. Et alors il y a le problème de la confidentialité entre les deux parce que ça risque d’être un peu perméable malgré tout. Et notamment ça nous est arrivé, mais l’avocat a réagi à juste titre, mais bon, c’était même pas ensemble. On avait dit, le temps de l’expertise, on suspend. On se reverra après si vous le souhaitez. Mais le monsieur avait dit aux experts ce qui avait été dit en médiation. »
Et encore : A1 : « C’est vraiment une situation où c’est pas du tout praticable, c’est pas le cas où les gens sont en procès en justice, ça c’est encore jouable, sauf s’ils sont en train de faire des conclusions pour plaider et qu’ils doivent d’un côté essayer de négocier et de l’autre fourbir leurs armes. C’est quand même un grand écart pas toujours facile. Mais parfois les avocats permettent de faire ce grand écart. (…) Mais à ce moment-là, il y a des gens qui viennent en médiation et on leur propose éventuellement, si un accord aboutit, d’attendre que le juge prenne sa décision et éventuellement après de repenser l’accord. Donc on ne fait jamais signer un accord juste avant une audience de plaidoirie. » M5 : « Une autre chose aussi, c’est des gens qui sont divorcés. Et qui viennent en médiation, qui sont orientés par le biais du tribunal de la jeunesse pour des questions liées à la responsabilité parentale par exemple et à l’hébergement. Et il y a en parallèle une procédure civile de clôture de leur indivision. Et donc là, effectivement ça pose un peu un problème. Je pense à une situation où la relation des adultes par rapport même aux enfants est empreinte ou entachée je dirais par le fait que la maison doit être vendue. Et que dès lors, la mère qui occupe l’immeuble se retrouve à dire aux enfants, « votre père nous met à la porte ». Et là, c’est vrai que ça pose un problème par rapport à la situation. Ça nous est déjà arrivé de rediscuter de cette question de maison dans le cadre de la médiation. Mais à la fois c’était en procédure avec notaire et avec procédure judiciaire de liquidation de communauté. Donc c’est pas simplement, le divorce est terminé et la liquidation doit être faite. C’est parce qu’il y a procédure judiciaire pour la liquidation. Et là c’est vrai que ça pose des problèmes de cette procédure sur le processus de médiation. »
4. Le développement de la demande de médiation Parfois spontanément, souvent sollicités, nos interlocuteurs évoquent des pistes politiques pour le soutien de la médiation et de développement de la demande. Nous livrons ici une synthèse de leurs réflexions à ce sujet classées par thèmes. Il ne s’agit pas d’une position des chercheurs. A ce stade, nous n’avons pas arbitré entre les propositions formulées. 4.1. Les obstacles au développement de la demande de médiation 97
Les personnes rencontrées évoquent peu les freins ou les difficultés pour le développement de la demande de médiation. Parmi ceux-ci, quelques personnes mentionnent la confusion entre différents médiateurs et la pléthore de médiateurs dans différents domaines ou cadres institutionnels. Par exemple : M3 : « Il y a des médiateurs partout. On vient de créer le médiateur d’entreprise, le médiateur fiscal, le médiateur institutionnel, le médiateur de la Communauté française, le médiateur des banques, le médiateur d’Electrabel, le médiateur Telecom. (…) Ça peut donner une mauvaise idée de la médiation. Et tous ces métiers, ces activités sont extrêmement importantes. Pourtant, je crois qu’il y a un manque de clarté, un manque de clarification par rapport aux différents types de médiation. Et ça c’est un point... Médiateur scolaire aussi. Toutes les organisations sociales ont leur médiateur. Et là dedans, les médiateurs qui sont là pour gérer des conflits entre les individus parfois ont du mal à s’y retrouver. » M4 : « Je trouve qu’il y a beaucoup trop de gens qui se mettent à faire de la médiation un peu tous azimuts. (…) Mais là où le bât commence à blesser, c’est quand j’entends des zones de police qui font de la médiation. La médiation, on peut utiliser dans sa pratique professionnelle, des outils de médiation. Comme moi j’utilise dans ma pratique professionnelle des outils thérapeutiques. Je ne suis pas thérapeute. Le policier, le service d’aide aux victimes n’est pas un service de médiation. Et un moment donné, si on laisse aller tout service à faire de la médiation, on va retirer toute la substance. Parce que de nouveau, on va se retrouver dans quelle problématique ? Le professionnel va peut-être, c’est pas encore sûr, réussir à changer sa casquette. Finalement, c’est quand même pas simple. Entre assistante sociale au CPAS et médiatrice, c’est pas le même boulot. Alors si elle est engagée à temps plein pour faire de la médiation, admettons qu’elle arrive à se dire, « je ne suis plus que médiatrice », mais si c’est un jour de médiation, et 4 jours de travail de CPAS, ça ne va pas. Bon. Mais surtout le regard de la personne qui va aller dans ces services-là, c’est très difficile de lui dire, vous êtes au service d’aide aux victimes. Vous avez été reçu par la personne d’aide aux victimes. Et maintenant, vous faites une médiation dans le service, mais on ne prend plus parti. Mais lors des informations que là étaient communiquées là, mais là elles ne le sont plus... C’est déjà difficile de faire une médiation. C’est vraiment un travail de projection, de construction, de prise de conscience de comment on est au sein d’un système. Si on fait une médiation dans un système qui n’est pas clair, on ne saurait pas avoir un système clair. » P3 : « Mais personnellement, j’ai toujours été très choquée par le fait que le terme médiateur était galvaudé et mis à toutes les sauces et que cela crée une confusion. Il y a la médiation pénale, il y a le médiateur à la poste machin truc. Ça n’aide pas à identifier ce type d’intervention particulière qu’est la médiation familiale. » M6 : « Les gens, c’est qu’ils sachent exactement ce que c’est. Il y a tellement de mots « médiation » mis sur différentes choses qui n’ont rien à voir. La première chose serait de l’information. » M7 : « En plus, c’est un terme utilisé pour tout et n’importe quoi. (…) Non, médiateur, c’est un terme à la mode. Médiateur, médiatrice. Voilà, il y a un conflit. Voilà, ils vont aller là. Moi j’ai dans ma désignation parfois expertise, guidance parentale, médiation familiale, ça c’est trois trucs parfois mélangés, il faut vraiment parfois clarifier. Ou guidance parentale et médiation... » R1 : “Het zou misschien wel beter zijn dat dat niet zomaar versnipperd zit. Nu zit dat bij het CAW, een keer een advocaat en… Ik denk ook, visueel zou dat moeten gecentraliseerd zijn.”
En Flandre, le terme « bemiddeling » mène souvent à des confusions terminologiques, comme déclarent ces médiatrices : PS2 : “Ja. Het woord bemiddeling wordt zo soms gebruikt voor dingen waar ik het niet voor gebruik, in elk geval, en niet de mensen die van hetzelfde strekking van dezelfde opleiding komen, dat het heel verwarrend wordt. Ook verwijzingen van de rechtbank, bijvoorbeeld. Dan verwijzen ze voor bemiddeling maar ze bedoelen eigenlijk iets anders. Ze bedoelen eigenlijk… Ja, die mensen hebben afspraken maar die maken voortdurend ruzie, die moeten een beetje leren op een andere manier communiceren. Maar ze noemen het allemaal bemiddeling.” B1 : « Overlaatst heeft zo een buurman gebeld, die had zijn scheiding geregeld en die vroeg aan mij dat of ik ook relatiebemiddeling deed. En ik vroeg: “Wat bedoel je daar dan mee?”. En hij dacht: zo’n relatiebureau. Zo mensen koppelen. »
Déjà évoqué supra (2.) le coût (économique) de la médiation est perçu comme un obstacle : P3 : « Du côté des juges ils disaient « que c’est difficile d’envoyer les gens, et les gens ne sont pas très preneurs et nous on n’a pas pouvoir de les envoyer… cela ne dépend pas tellement de nous… » Les juges
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en question on les sentait motivés mais ils étaient coincés. Coincés par le fait que la population qu’ils avaient était des gens qui n’avaient pas beaucoup de sous et donc il y avait un obstacle au niveau paiement. »
4.2. Que faire pour développer la demande de médiation ? Les personnes interrogées sont plus inspirées par la suggestion de solutions pour développer l’offre de médiation. Le souci d’informer plus largement les publics est très récurrent mais ce n’est pas la seule piste évoquée par nos interlocuteurs. 4.2.1. Informer et sensibiliser tous les publics Certains préconisent une séance de rencontre gratuite avec les familles : M4 : « Donc si on veut faire une promotion de la médiation, je crois qu’il faut offrir aux familles qui n’y vont pas spontanément, la possibilité de rencontrer des médiateurs, ils savent très bien, de nouveau, il faut que le service soit gratuit. On ne va pas payer pour avoir une information dont on n’a pas envie d’obtenir. On n’est pas dans le même état d’esprit. (…) Pour informer, je crois que c’est plus intéressant qu’un service qui n’a pas besoin d’être rentable informe, parce qu’il ne cherchera pas à garder les personnes. Et qu’au niveau de l’objectivité, vu qu’on est pas sensés être rentables, c’est pas grave s’ils vont chez d’autres médiateurs. Seul un service comme ça peut informer de manière claire et efficace. Et puis c’est pour toutes ces familles pour qui la médiation n’est pas le premier choix et qui ont donc besoin d’investir financièrement et en temps dans d’autres choix. Et donc ils peuvent venir ici en se disant, c’est vrai, ça nous coûte rien, c’est quelques heures, donc c’est pas concurrent. On peut garder un psy si on a besoin d’un psy, on peut garder un avocat si on a besoin d’un avocat. Et je suis désolée, le coût de la vie ne permet pas, même aux familles qui travaillent à deux, ils n’ont pas le luxe de se payer psychologues, avocats, médiateurs, alors qu’ils en auraient peut-être besoin. »
Certains médiateurs annoncent une première séance d’information gratuite : PS1 : “Ik denk dat het inderdaad veel meer zou moeten gestimuleerd worden vanuit de overheid. Dus, zoals in bepaalde landen, mensen met kinderen minstens één of twee keer, denk ik, naar een bemiddelaar moeten gaan. Ik denk dat dat niet slecht is. En dan liefst niet nadat ze al tien jaar geprocedeerd hebben tegen elkaar. (...) Bij mensen die kinderen hebben, ja. En dan als ze natuurlijk zeggen van: “Oké, die bemiddeling, wij moeten dat niet hebben.”. Maar zodat ten minste iedereen die gaat scheiden… Al is het gratis want heel veel bemiddelaars doen dat ook. De eerste bemiddeling is bij mij gratis. Dat is gewoon een kennismaking, van: “Wat is bemiddeling?”. En dan moeten ze er zelf voor kiezen: “Gaan we ervoor of gaan we er niet voor?”. Of: “Gaan we er bij mij voor of bij een ander voor?”, want, ja, dat moet niet altijd… Dat je elkaar ligt. Ik laat ook altijd heel goed weten van: “Hoe is mijn manier van werken? Dat doen we eerst, dan doen we dat, dan doen we dat. Er zijn ook bemiddelaars die anders werken.”, dus ze kunne ook naar een ander gaan als ze liever iets anders… Allez, als ze iets anders zoeken. Het is niet gelijk een dokter die altijd op dezelfde manier opereert. Dus in die zin denk ik ook dat je de mensen de vrijheid moet geven van: “Wat zoek ik eigenlijk in een bemiddelaar?”. Maar ik vind dus wel dat die uitleg van: “Wat is bemiddeling?”, en die drempel van al bij die bemiddelaar binnen geweest te zijn, dat ze dat zouden moeten stimuleren en zouden moeten zeggen van: “Oké, iedereen, toch liefst met kinderen, gaan daar eens naartoe.”
Mais la plupart des personnes interrogées suggèrent d’informer le grand public, notamment via les médias ou différents supports (DVD, plaquettes…) : M5 : « Mais je pense que c’est encore nécessaire de faire de l’information. D’ailleurs, on a le projet dans le cadre du Centre européen de médiation, en collaboration avec le Centre vidéo de Bruxelles, on a le projet de faire un DVD sur la médiation. Donc filmer une situation de médiation. Qui part du tribunal, qui vient dans un service de médiation. Et donc de filmer également la médiation familiale comme base. Et puis, il y a la médiation de voisinage, médiation scolaire, médiation dans le cadre des harcèlements au travail. Et médiation victime-auteur. Et donc aborder effectivement comme moyen didactique, formatif et diffusé parmi tous les publics, ce DVD. - Donc c’est pas cibler un public particulier. C’est vraiment grand public. - Tout à fait. Et ça peut être utilisé dans les cadres de formation. Ou dans le cadre simplement d’information au public. Mais bon, en fonction de l’animation qui sera faite par le personnel qui l’utilisera. Et donc ça peut être utilisé de différentes manières.
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- Et c’est une initiative du Centre ? - Centre européen de médiation où je travaille dans la structure autre ( ?). - Et les pouvoirs publics, qu’est-ce qu’ils pourraient faire pour davantage... - D’abord il nous manque quelques billets. On a déjà la moitié du budget. Un peu plus que la moitié du budget. On espère encore quelques financements. Pour vraiment pouvoir le sortir. Mais je pense aussi... par exemple le ministère de la Justice a sorti une plaquette sur la médiation. Mais moi je n’aime pas trop cette plaquette parce je trouve qu’elle met en évidence le fait que la médiation est une alternative à la justice. Ce qui n’est pas le cas. Puisque... - Elle date déjà d’il y a quelques années. - Pas longtemps. Elle est sortie après la loi de 2005, donc, c’est pas tellement vieux. Mais je pense que c’est une erreur de considérer que c’est une alternative à la justice. D’abord parce si vous demandez à un juge d’orienter vers la médiation, ça ne peut pas être une alternative à son rôle à lui. Mais par contre, que ce soit une alternative aux procédures contentieuses, oui. Donc il faut être plus clair dans le vocabulaire et le message que l’on met. Donc pour moi ça me semble important de faire des messages clairs. Et pas je dirais, de taper fort pour retomber comme une, je ne sais pas comment expliquer... » P3 : « Et peut-être que là il faudrait réfléchir à une aide pratique et concrète pour les personnes qui vont en médiation à laquelle ils pourraient avoir accès. Ce serait pas mal. Le tout sur un papier, les différentes démarches. - Expliquer clairement la loi, en termes simples… - Voilà ce serait pas mal je pense. - Un petit folder. - Avec les démarches du tribunal et tout ce qui suit… si il n’y a pas ça les gens vont se dire ouhh comment doit on faire ? » A2: « Ah une information beaucoup plus grande dans les médias, un peu comme la publicité qui avait été faite pour le premier conseil des avocats cette fameuse publicité où on dit mieux vaut aller voir un avocat avant qu’après. Le nombre de gens qui ont entendu cette publicité et qui viennent la rappeler dans le bureau de l’avocat c’est extraordinaire. Et dans notre projet mais on n’y arrivera pas parce que le budget serait trop important, mais si on veut promouvoir à fond la médiation il faut faire des clips comme ça qui seraient à la radio. » UM4 : « Il faudrait qu’ils se montrent plus. - Ils ne sont pas assez connus ? - Oui, et comment dire. Et oui. Faire passer une image positive. - Une image positive du travail qu’ils font ? - Du travail qu’ils font et du résultat. Non, enfin oui, du travail qu’ils font et ce que ça peut apporter. Et enlever ces idées de bien ou mal. C’est lui qui a trompé sa femme, c’est le méchant. » NUM4 : « Je pense qu’il y a une vraie méconnaissance du fait que c’est un vrai métier, avec une vraie compétence et avec des exemples de réussite. Donc si les gens étaient convaincus qu’il y avait des exemples de réussite, c’est peut-être comme ça qu’il faut en faire la promotion, ils se diraient avant d’être dans le conflit irréversible, essayons autre chose. Parce qu’on ne parvient pas à se débrouiller. - Mais si c’est pour toi plutôt en amont du conflit, donc c’est pas dans les tribunaux qu’il faut faire la promotion de la médiation puisque tu as l’air de dire... - C’est trop tard. - C’est où alors ? - Les tribunaux, c’est des tranchées. Le médiateur à ce moment-là est sous le feu de l’un et de l’autre. Et puis tu peux pas l’imposer. C’est où, ben c’est tout à fait en amont quoi, je pense que c’est dans les premiers conflits. Je pense que c’est intéressant de valoriser cette profession-là en amont, oui en amont. Comme le psy qu’on va voir même quand on n’est pas complètement malade. On se dit, je suis en méforme. - Auprès de qui alors, des intervenants sociaux, des médias ? - Des médias. Je crois pas qu’il faut passer par des intermédiaires. Il faut s’adresser directement aux gens qui sont concernés. »
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AD2 : “Of, bijvoorbeeld, ja, wat ook zou kunnen bij het verzoekschrift dat een echtscheiding op gang zet of bij een dagvaarding, dat er altijd soort vouwblad of foldertje bijzit. Maar ja, natuurlijk, diegene die de dagvaarding krijgt voelt zich aangevallen en zal dan zeggen: “De andere heeft de stap tot bemiddeling al overgeslagen.” PS2 : “Momenteel is het gewoon zo dat de rechtbanken meer informatie gaan doorgeven. Tot nu toe gaven ze altijd een folder van het CAW dus we zijn hier met het Forum Bemiddeling aan het proberen een folder te maken dat ze dan die kunnen meegeven.”
Pour quelques personnes, ce n’est pas seulement une question d’information ; il faudrait plutôt sensibiliser beaucoup plus largement à une culture de la médiation. Il s’agit donc davantage d’éduquer que d’informer. Par exemple : J2 : « Il y a là une démarche essentiellement éducative qui consiste à sensibiliser les gens au conflit, à l’intérêt de changer un peu son regard sur la situation et d’entamer une démarche plus de négociation et d’effort pour faire des compromis qui sont la clef de la réussite. » UM8 : « Il faut réapprendre aux gens à vouloir communiquer, à s’ouvrir à la communication. Je pense que c’est un travail de longue haleine. » UM10 : « Ma conclusion à moi c’est que je trouve que l’on devrait presque faire une médiation avant de se mettre en couple, parce que je trouve que l’on n’est jamais clair. Comment gérer les sous, les symboliques sur nos sous, sur l’éducation. (…) Au lieu de faire des classes vertes, c’est de faire de la gestion de conflits et de la médiation à l’école. Si ça existait déjà et faire comprendre qu’une médiatrice ça aide au moins à faire face aux conflits avec d’autres lunettes ben ça rentrerait dans le langage des gens. Mais les gens ne connaissent pas ça, dans les écoles il y a combien de conflits et combien ne savent pas faire face aux conflits et ils ne comprennent pas que c’est un processus d’évolution. Il faudrait commencer dès l’école. » AD2 : “Of ook: van jongs af meer in scholen… Dat het… Want uiteindelijk, het is een levensstijl, een bemiddeling.(...) Ja, dus dat ook, in scholen, dat dat meer iets is dan mensen van jongs af ingelepeld krijgen als een alternatief voor klassieke ruziemaken.(...) Het is niet enkel familiebemiddeling maar dat mensen dat meer als de eerst manier van iets op te lossen zouden zien op alle mogelijke niveaus, dat het niet escaleert.” B3 : “Neen, ik denk, de poging dat je maatschappelijk inziet dat een conflict… Dat, eerste, dat je moet proberen terug de mensen daar rond de tafel krijgen. Dat lijkt mij… Dat zal met vallen en opstaan zijn maar het moet omgedraaid worden. Eerst bemiddeling en dan, als het echt niet lukt, rechtbank. En dan moet je niet zo veel promotie want je gaat je blauw betalen aan promotie. Dat moet gewoon één keer duidelijk zijn: Je moet drie verplichte… Dan heb je geen promotie, publiciteit te voeren . Drie verplichte… Ze zullen het wel vlug genoeg weten. “ B4 : “Economisch gezien ben ik daar voorstander van. Als je het brede plaatje bekijkt, dan zou je moeten zeggen: “Jammer dat mensen daar niet zelf voor kiezen.”. En dat vergt een mentaliteitswijziging. Maar, natuurlijk, …(...) maar je zou er nog een tussenweg kunnen vinden, een oplossing op z’n Belgisch, dat je op z’n minst, verplicht, dat de mensen goed geïnformeerd worden over bemiddeling. En dat gebeurt vandaag niet. “ PS2 : “Ja. Maar dus, het ging over het kennismaken met bemiddeling. Omdat er nog altijd veel mensen rondlopen, denk ik, die denken: “Scheiding? Ah, dan moet ik naar een advocaat.”. Veel mensen zijn helemaal niet geïnformeerd over hoe dat dat verloopt, een scheiding, omdat ze daar voordien nooit aan gedacht hebben, dat dat hen zou kunnen overkomen en daar dus ook helemaal niets van weten. En dus gaan ze dan geloven wat de advocaten hen vertellen en heel dikwijls is dat… Ja, dat is dan de gerechtelijke weg.(...) Het hangt samen ook met mentaliteitswijziging van: “Wij willen onze eigen beslissingen nemen en niet aan Vader de Rechter gaan vragen om het voor ons te beslissen. (...) Meer overlegmodellen. Daarom ook waarschijnlijk dat ik meer hoger opgeleide mensen heb, omdat die meer vertrouwd zijn met een visie van: “We moeten in overleg dingen doen.”, dan lager geschoolden.”
Cette avocate cherche le moyen de toucher les personnes qui ne viennent pas d’ellesmêmes vers le médiateur : AD2 : “Het is wel al: mensen die echt sowieso de weg gaan vinden die inderdaad bemiddeling gaan ingeven als ze zoeken. En natuurlijk, er is een heel grote groep van mensen die nog niet via internet zoekt.(...) Natuurlijk, dat zijn mensen die rap aangemeld worden, bijvoorbeeld bij het CAW of daarnaar doorverwezen worden omdat die dan soms bij het OCMW aankloppen voor schulden en zo. En dan zo de weg naar daar vinden. En dan zeker ook misschien wel bij bemiddeling terechtkomen. Maar mensen die die stappen niet zetten, ja, die vallen waarschijnlijk, allez, uit de boot. En dan denk ik: de affiches die er nu zijn… Maar ik weet ook niet hoe je dan mensen nog meer… Tv-spotjes… Ik weet het niet.”
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Pour un médiateur, l’information, la sensibilisation, ce n’est pas vraiment la question. Plutôt qu’informer, il faut reconnaître la diversité des publics et s’y adapter (voir infra 4.2.4) : M1 : « Et du coup moi j’en ai marre d’assister à ces réunions où on dit, il faut faire la promotion de la médiation comme si en informant les gens on allait résoudre le problème. - C’est autre chose selon vous. - C’est autre chose. Parce que justement je me suis posé ces questions-là, à partir de publics plus traditionnels, soit des immigrés, des gens plus populaires ou quoi qui arrivent dans un planning familial, pas souvent de leur plein gré. Et quand on est face à des gens comme ça, on a beau les informer de ce que c’est la médiation, parfois ils songent d’une autre manière. - Quand vous dites plus traditionnels, ça veut dire quoi ? - Pour moi, ça veut dire qu’ils sont dans un univers familial traditionnel. Hiérarchique. On ne se parle pas beaucoup, c’est l’autorité du père. - Donc, ils attendent une décision et pas forcément ... - Tout à fait. Et donc c’est assez, moi j’ai essayé de travailler, c’est un peu ma démarche aussi, de réfléchir, de voir en quoi la médiation alors qu’elle s’inscrit dans un modèle familial ultra négocié, il faudrait faire une place à ces gens-là. Donc il faudrait se former beaucoup plus, réfléchir, parce que c’est beaucoup plus compliqué. Grosso modo, il faut développer d’autres outils, il faut accepter que les gens se gueulent dessus. Être dans une intensité, voilà, c’est pas évident. Et parfois ça ne marche pas du tout. »
4.2.2. Sensibiliser les professionnels Pour plusieurs personnes, surtout des médiateurs, il faut sensibiliser davantage les intervenants sociaux et judiciaires et médicaux : M2 : « On travaille beaucoup en réseau avec d’autres centres. Et donc en fait, on a, il y a le bouche à oreilles qui fonctionne. Mais c’est surtout aussi via les assistants sociaux. Et en fait l’année dernière, on a distribué à une quarantaine d’associations avec lesquelles on travaille. Un texte, c’est sans prétention. On partait d’un cas précis et on expliquait un peu ce qu’était la médiation. Et on parlait notamment de l’importance du fait de connaître la médiation par des intervenants sociaux. Et ce document-ci, on l’a envoyé à plus de 60 exemplaires. Et on a un tout petit peu de retour par rapport à ça. Finalement, les gens ne le lisent pas nécessairement mais ils gardent ça sur leur bureau et ils voient ... - Donc, ce sont les intervenants sociaux qui sont les pourvoyeurs en quelque sorte. - Ce ne sont pas les avocats qui envoient en planning. Ce sont les intervenants sociaux. Et j’ai eu 4 cas de médiation judiciaire. C’est le juge qui envoie. Parce qu’en fait on avait envoyé ce petit fascicule au juge de paix. (…) Je crois que les intervenants sociaux ont vraiment un grand rôle à jouer. Et je m’étais dit, dans les écoles d’assistants sociaux, je crois que ça existe déjà, mais vraiment des initiations, des informations, des médecins généralistes devraient avoir aussi… quelque chose de tout à fait court, mais pour expliquer. - Donc les travailleurs sociaux, les généralistes. - Oui, les psychologues. Tous ceux qui travaillent finalement de concert avec des familles. Beaucoup ne savent pas encore exactement ce que c’est. Je suis allée au service d’aide à la jeunesse il y a quelques années. Ils savaient vaguement ce qu’était la médiation. Mais ils confondaient avec thérapie. Je crois qu’il y a encore du boulot à faire pour toucher plus une classe moyenne. » M3 : « Il faut sensibiliser tous les référents. - Tous ? - Les magistrats parce que quand il n’y a pas d’accord c’est devant eux qu’aboutissent les dossiers. Les plannings, les assistants sociaux, les CPAS. Bref tous les gens... - Tous les intervenants possibles. - Tous les intervenants possibles. Et les gens sont de plus en plus consommateurs de ces différents services. Et ces différents services sont des carrefours très très importants qui peuvent permettre de renvoyer des gens vers, ou d’organiser en leur sein des médiations. Ça je crois que... Il y a déjà un gros travail qui est fait. Il faut être conscient de ça. Mais je crois qu’il y a encore certains intervenants qui ne sont pas bien informés ou qui ne renvoient pas plus systématiquement des dossiers à des médiateurs. »
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M5 : « Il faudrait mieux informer les services de première ligne. » P2 : « Ce qui fonctionne bien au centre PMS, c’est les gens qui viennent présenter. Le folder, si on le reçoit et qu’on n’a pas de situation à ce moment là sur ce sujet là, on va bien le ranger et le classer. Par contre on a régulièrement des services qui viennent se présenter et nous montrer comment ils fonctionnent. Ou des indépendants qui viennent… alors il y a un échange, on se photographie la personne, on crée un lien et on l’ajoute à notre réseau. Les présentations comme ça, c’est l’idéal. » NUM1 : « Les médecins. Je me dis, dans les moments de difficulté, une personne ou un métier que les gens voient à coup sûr, c’est le toubib. Soit parce qu’ils ont besoin de somnifères ou d’un certificat. » UM2 : « Mais dans tous les endroits où ce genre de couple peut se trouver. J’allais dire les hôpitaux aussi, parfois quand il y a bagarre physique, les gens se retrouvent aux urgences, que sais-je. »
B5 : “…dokters, die ook dikwijls problemen oppikken bij mensen die daar op consultatie komen. sociale diensten, die daar in aanmerking mee komen. scholen, die horen van: “Er is thuis… Er zijn problemen. Dat gaat de richting uit van een echtscheiding.”. Jeugdbewegingen. Allemaal mensen die kunnen in contact komen of die weet kunnen zijn van die mogelijk problemen, kunnen doorverwijzen naar de bemiddelaar.”
Pour plusieurs interlocuteurs, cette sensibilisation doit également viser la formation initiale des intervenants psycho-sociaux et judiciaires : M2 : « Oui, en amont, quand on forme les psys, quand on forme les assistants sociaux, qu’on en parle de la médiation. Dans leur culture générale. Je crois qu’on peut encore faire du boulot là-dessus. (…) Non, moi je crois vraiment que s’il y a quelque chose qui peut être fait, c’est vraiment essayer, je me dis souvent, ce serait formidable si toutes les écoles d’assistants sociaux prévoyaient quelque chose. Je ne suis pas professeur. Mais pour un peu, une initiation, dire, plus tard quand vous serez en contact avec des gens ditesvous que la médiation ça peut être une piste. » N1 : « Mais je ne suis pas certain que ce soit le même que dans tous les enseignements qu’on reçoit partout et donc que tous les juristes aient été sensibilisés de la bonne façon. - Donc, dans la formation initiale ? - Déjà dans la formation initiale et régulièrement. Parce que les formations s’oublient, hélas pour les professeurs. Revenir régulièrement du point de vue de la culture et presque de la déontologie notariale, de dire, « rappelez-vous quand même quand vous êtes devant tel type de blocage, il serait quand même intéressant d’expliquer à vos clients de façon adéquate, ce qu’est, ce que n’est pas la possibilité de recours à la médiation ». Ça pourrait encourager, comment dirais-je, le recours à la médiation. Je pense qu’il m’est arrivé un peu plus souvent que la moyenne de mes confrères, même si ce n’est pas quand même tellement fréquent, d’encourager les gens d’aller en médiation, parce que moi j’y ais été un peu plus sensibilisé pour une raison ou une autre. Donc sensibiliser les gens qui reçoivent les gens en conflit, notamment les notaires, à mon avis, serait une chose utile. »
Quelques interlocuteurs insistent sur la nécessité de sensibiliser en particulier les magistrats : M3 : « Alors il y a eu une campagne de promotion qui a été effectuée par la précédente ministre de la Justice. Il y a des sensibilisations à la médiation auprès des magistrats qui ont été financées et organisées par le ministre de la Justice. J’ai fait ces sensibilisations, j’ai donné des formations de sensibilisation des magistrats. Force est de constater qu’en fonction des lieux où nous nous sommes rencontrés, on aurait voulu avoir plus de magistrats présents. Et ceux qui étaient présents étaient déjà des convaincus. - C’est ça. Ah oui. Donc il n’y avait pas grand monde à ces... - Forcément c’était limité. Parce qu’on était limité sur des sensibilisations, on fait des jeux de rôle. Enfin vraiment on montre ce que c’est une médiation. On ne peut pas faire ça à 50. Mais... - On n’a pas l’impression de toucher la grande majorité des ... - Voilà. Alors il y a eu des problèmes... Il faut aussi se rendre compte que les horaires sont compliqués, ces gens sont, les magistrats sont débordés. Et donc aller encore faire une formation, aussi passionnante soitelle, c’est parfois très difficile, on ne sait pas se libérer. Mais en tout cas, l’idée étant, l’idée était très intéressante. Et je crois qu’il faut poursuivre ce travail-là. »
Plusieurs interlocuteurs mettent l’accent sur les avocats et les notaires :
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NO2 : “Ik denk, als je wil bemiddeling… Meer opgang wil krijgen, dat je vooral advocaten moet sensibiliseren. (...) Dat zij zelf van bij het begin, als ze geconsulteerd worden en de procedure wordt opgestart, dat ze zelf de reflex hebben van naar een bemiddelaar te gaan of dat voorstel te doen.”
R2 : “- Ik denk dat het vooral een mentaliteitswijziging is bij de advocaten, die moeten het nut inzien van bemiddeling. (...) Dus als rechter stel ik het niet maar wel zij zeggen wie dat er moet aangesteld worden. Stel ik toch vast dat er eigenlijk in vijfenzeventig procent van de gevallen een niet-advocaat aangeduid wordt. R1 : - (...) Ze zitten al met twee advocaten en denken ze misschien ook dat die derde advocaat het ook weer… En men heeft daar geen vertrouwen in eigenlijk.” B3 : “Want ik herken dat ook in de opleiding. Je krijgt dan die advocaten en die moeten een hele weg gaan eer dat ze dat paternalistische… Als je dan zo oudere mannen hebt – ik denk nu concreet aan een aantal mensen in de opleiding die ik echt zie, die moeten dat afleren want die zeggen: “Oh, maar kom eens hier, zal ik eens…”. Zo beginnen die wel de opleiding. Maar zij die de opleiding doen leren die weg toch wel. Ze geraken zeker niet zo ver als een psycholoog.”
Un juge attire notre attention sur l’intérêt de mieux informer et de sensibiliser les écoles, notamment parce qu’elles sont devenues des lieux de transaction et d’échange autour de l’hébergement de l’enfant : J1 : « Alors autre chose serait peut-être de sensibiliser les écoles. - Pourquoi les écoles ? - Parce que les écoles, elles reviennent de plus en plus à l’avant-plan et je trouve qu’on les a délaissées ces écoles. (…) Est-ce que dans les écoles on ne pourrait pas sensibiliser, mais brièvement, les directions, les professeurs, au fait qu’il existe des médiations autour de l’école. Ils ne doivent pas en dire plus. Qu’ils aient des prospectus. Qu’ils disent aux parents, « écoutez, nous on est au bord de devoir écrire au procureur parce que votre enfant devient l’enjeu d’un conflit, il est en danger ». Ils pourraient dire ça. « Vous risquez de devoir faire des tas de démarches qui vont vous gêner. Faites-les de vous-mêmes et allez voir tel ou tel service ». Mais je pense que les écoles ont des tas de choses à faire. B2 : “Voor de samenleving zou het beter zijn, denk ik, ja. Nu, ik denk ook, bijvoorbeeld wat ze nu doen, is – en dat vind ik misschien ook goed – is het in scholen meer kenbaar maken. Zo bij het vak godsdienst of ik weet niet wat. Je hebt zelfs scholen waar dat kinderen bemiddelen bij conflicten. (...)Ja, er zijn een aantal experimenten aan het lopen. In Nederland zijn de daarmee begonnen. En nu, onlangs, heb ik terug van een collega gehoord dat het in haar school ook was, waar dat een aantal kinderen van het laatste jaar opgeleid worden tot bemiddelaars en dat, als er conflicten zijn tussen leerlingen, dat die dan een lokaaltje hebben en waar dat ze dan met een bemiddelaar een afspraak moeten maken om uit een conflict te geraken. Dat is toch super? Allez, ik bedoel, in feite begint het daar ook een stuk. Dus ik denk, ook in scholen zou er ook moeten over kunnen gepraat worden. Daar wordt ook, vind ik, met – in scholen – met echtscheiding veel te weinig gedaan. Daar zou toch ook, bijvoorbeeld, kunnen gez… Allez, een schoolbeleid kunnen uitgewerkt worden van: “Welk standpunt nemen wij als directie, als leerkrachten in… ten opzichte van mensen die hier moeilijk komen doen?”, of… Allez… En daar zou ook bemiddeling een plek kunnen krijgen. “ B3: “Oh, voila, aanbeveling: op lagere scholen leren wat samen – heel vroeg, kleuter- en begin lager onderwijs leren: Wat is samenleven? Wat houdt dat in? Daar inzicht geven. Conflict. Vormingen van kinderen. Dat is zo’n project dat in mijn hoofd al lang leeft omdat ik zie: je moet daar vroeg mee starten want vanaf het derde leerjaar, vierde leerjaar, zie je hoe kinderen al heel hard naar elkaar beginnen zijn. Dus je moet daar vroeg mee starten. Leren aanvaarden van verschillen. Leren samenleven. Leren: wat is dat? Concessies doen. Samen uit ruzies geraken. Bemiddeling op scholen toepassen dat dat niet alleen… “
4.2.3. Former les médiateurs Pour les médiateurs, le développement de la formation et de sa qualité est un enjeu essentiel pour l’avenir de la médiation. Ils réclament davantage de formation initiale mais surtout des formations continuées et des possibilites d’intervision. Par exemple : M1 : « Moi ce que je me dis c’est que soit pour cette partie du public qui ne nous suit pas, soit on va pas les embêter avec ça, on peut leur proposer. Et s’ils ne veulent pas, on ne va pas les harceler. Mais si on leur propose, et ça j’y crois très fort, alors il faut les recevoir autrement. En ce compris en médiation. La réponse, c’est dans une meilleure formation. Moi, je suis tout à fait actif là-dedans. Je m’investis plus… c’est de
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développer des outils adaptés à des publics qui ne sont pas des publics habituels. Parce qu’il y a des outils. Moi je cherche plutôt du côté des psys systémiques, ou des psychodrames, des gens comme ça. » M3 : « Donc il y a des formations de très très bonne qualité qui commencent à atterrir mais le plus important, c’est pas le plus important, aussi important que la formation de base et la formation continue, et ça ça fait partie de la professionnalisation, des gens qui font une formation et qui n’en font plus jamais d’autres, je dis non, je suis désolé, mais la médiation, c’est aussi une curiosité. - Et qu’est-ce qui est prévu, il n’y a rien de prévu ? - Si si, la loi prévoit que les gens doivent suivre une formation continue, la Commission fédérale de médiation a rendu récemment une décision organisant le cadre des formations continues. Les gens doivent avoir un certain nombre de points sur deux ans. Points traduisant des formations continues, des intervisions, des supervisions, bref, qu’on reste dans le bain de la médiation. » M4 : « C’est dans le cadre des formations continues des médiateurs. Ils viennent gérer un dossier de médiation familiale en co-intervention. Et je vous assure qu’on les ramasse en miettes, les avocats et les notaires qui ont fait les 90 heures. Quand ils sont confrontés avec des vrais parents en pleurs, qui ont peur, qui se disputent. Ça dure deux heures. Une heure de médiation, une demi-heure de préparation, une heure de médiation, une demi-heure de débriefing. Et c’est toujours trop peu. Ils sont pas bien. C’est toujours trop peu. Ça éveille plein de choses dans nos représentations à nous, dans les vécus de la situation familiale. Et on est vraiment au coeur de la souffrance et de la difficulté. C’est pas en 90 heures qu’on sait assurer ça. » M5 : « Il faudrait consacrer plus de temps à la formation initiale ? - Oui. Et la formation continue. - Et plus de temps à faire quoi ? Qu’est-ce qu’il faudrait encore développer ? - C’est-à-dire que si vous voyez le contenu de la formation, bon, connaître le cadre juridique, c’est une chose. Le cadre social et psychologique, c’est une autre. Et puis la médiation, c’est quoi ? C’est travailler avec les gens, avec des outils, avec des techniques spécifiques permettant l’expression aussi des sentiments, des émotions, ça doit pouvoir se gérer. C’est un travail sur la personne qui est le professionnel mais aussi sur les outils qu’il peut employer. Ce n’est pas parce qu’il a une caisse à outils qu’il a un marteau, qu’il va utiliser un marteau pour tourner une vis. Donc il doit utiliser les bons outils et de manière adéquate. Et donc, je pense, que un, la formation initiale c’est pas simplement de dire, ben voilà, c’est un processus, non, il faut pouvoir travailler au départ de ce processus et de voir effectivement comment on travaille ce processus. Et d’autre part, quels sont les outils que l’on peut employer dans ce processus. Donc pour moi, et d’ailleurs au niveau européen, le Forum européen de médiation suggère une formation de 220 heures. Avec un mémoire, un travail de réflexion théorique et pratique, ce qui n’existe pas actuellement dans le cadre de la Commission fédérale. Par rapport à la Commission fédérale, je crois que c’est 120 heures et il y a 60 heures complémentaires pour la médiation familiale, 40 pour civile et commerciale et 40 pour le droit social. Bon, je dirais que ça me semble être insuffisant. (…) Elargir le nombre d’heures par rapport à la formation exigée par la Commission fédérale effectivement. Parce que c’est un métier qui est un métier qui allie les sciences humaines et juridiques. »
Cette médiatrice souligne l’importance d’amplifier la partie pratique de la formation : AD2 : “ - Neen, het is een herkauwen van de stof die we al gezien hebben. Allez, je hebt je diploma en je moet over hetzelfde nog een keer iets anders doen. Dat is echt absurd. Het is nu zo maar dat zou zeker heel interessant kunnen zijn. -
Bent u tevreden van de opleiding tot bemiddelaar?
- Ja, maar ik denk dat het praktisch luik toch nog altijd veel groter mag zijn. (...) De training. Stage niet maar zo de rollenspellen en zo de uren van echte training mogen, wat mij betreft, nog meer doorwegen op de theorie, eigenlijk. (...) Ja, want bij mij was het nog, en dus ik weet niet hoe het nu is, dus iedereen, ongeacht van waar je eigenlijk kwam, kreeg, bijvoorbeeld, hetzelfde vak familierecht. Maar ja, voor juristen was dat dan een afkooksel van wat ze kenden. Voor niet-juristen was dat, denk ik, al overdonderend.(...) Maar anderzijds is het ook verrijkend als er in je groep van alles bijeen zit. Dus voor de rollenspellen is dat zeker absoluut nodig en nuttig. (...) Ja, want eigenlijk, allez, het is nu het aanleren van een methode die zogezegd natuurlijk zou moeten zijn, hetgeen natuurlijk heel kunstmatig dan is. En ook in het begin, als je die rollenspellen moet doen, dat is zo kunstmatig en zo’n bepaalde manier die je niet meer gewoon bent omdat je zo rap in gewelddadig taalgebruik zit zonder dat te beseffen. Ook in uw eigen relatie. Zo van… Zo woorden als weeral, nooit, altijd.”
Un usager développe un point de vue plutôt atypique. Selon lui, il ne faut peut-être pas tant investir dans une formation et un métier spécialisé mais former davantage à la médiation d’autres intervenants psycho-médico-sociaux : 105
NUM1 : « J’aurais tendance à dire que la médiation doit exister à côté d’autres procédés, processus et autres. Je pense qu’on vit plutôt dans une société où finalement pour beaucoup de choses il faut offrir une palette de choix. Je ne dis pas qu’il ne faut pas soutenir la médiation, ne pas la promouvoir, mais je ne la vois pas comme un passage obligé, j’y crois comme une des ressources, une des possibilités. Et pas forcément... Evidemment, il y a des erreurs professionnelles à ne pas commettre comme l’histoire de mon notaire. Est-ce que la question n’est pas plutôt de dire, est-ce que les métiers qui sont susceptibles d’être confrontés à des conflits ne doivent pas être, recevoir une formation, c’est une autre manière. C’est un peu comme l’histoire de l’aide aux enfants victimes de maltraitance. En disant, ben voilà, oui, il y a des équipes SOS enfants qui sont vraiment spécialisées, dans l’écoute, dans l’aide. Pour moi, la question, est-ce que ce n’est pas plutôt les personnes en contact avec les enfants qui doivent apprendre à gérer leur stress, leurs doutes, leurs questions ? »
4.2.4. S’adapter aux publics Un des enjeux de la formation est de donner les outils pour aller à la rencontre des publics tels qu’ils sont. Plutôt que de faire entrer des publics un peu rétifs dans le moule de la médiation, il faut s’adapter à eux et se doter d’outils adéquats : M1 : « Au début, je ne crois pas que ça suffit de convaincre les gens, parce que ce n’est pas leur manière de voir les choses, d’aller en médiation. - Qu’est-ce qu’il faudrait faire alors ? - Par rapport à ça, je sais pas. Je crois que le modèle négocié de la famille avance déjà de manière incroyablement rapide, quand on prend un peu de recul. On va pas essayer de l’accélérer, il avance tout seul. Parce qu’il y en a qui disent qu’il faut l’accélérer. Qu’il faut faire de l’éducation à la famille, etc. je ne sais pas, peut-être. J’ai tellement peur en fait que ce que j’appelle ces publics traditionnels... ce sont déjà tellement des gens perdus. J’ai plutôt tendance à dire, est-ce qu’on peut pas essayer plutôt de les respecter dans leur logique à eux plutôt qu’après... parce que les former, ça veut dire quoi ? ça veut dire leur imposer ce changement culturel. Qu’ils vivent de toutes façons de manière encore plus accélérée. J’ai l’impression que c’est leur faire encore plus violence. J’ai tendance à dire que de toute façon on est dans une espèce de rouleau compresseur culturel. Et faudrait simplement prendre acte qu’il y en a d’autres qui ne vont pas aussi vite que nous et essayer de s’y adapter. Tout en sachant qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que nous on soit tellement enthousiastes mais qu’il y a une partie du public qui ne nous suit pas. Moi ce que je me dis c’est que soit pour cette partie du public qui ne nous suit pas, soit on va pas les embêter avec ça, on peut leur proposer. Et s’ils ne veulent pas, on ne va pas les harceler. Mais si on leur propose, et ça j’y crois très fort, alors il faut les recevoir autrement. En ce compris en médiation. »
Le modèle de la médiation est parfois perçu par les médiateurs eux-mêmes comme trop rigide. Il faut l’assouplir. Par exemple : M1 : « Le modèle est idéologiquement extrêmement rigide et strict. C’est ça le problème. Donc en fait l’idéologie derrière qui n’est pas reconnue en plus par la plupart des médiateurs est elle extrêmement rigide. Et donc il est bien question de souplesse. De dire aux gens, il faut négocier, des choses comme ça. C’est extrêmement rigide mais on est tellement dans ce bain qu’on ne se rend pas compte de la violence que ça peut représenter pour certains types d’hommes qui n’ont jamais vu faire ça. Et tout d’un coup on doit leur dire, vous devez apprendre à parler avec vos enfants, ceci, cela. Et donc c’est ça le problème à mon avis. Ouvrir la capacité du médiateur à se mettre au diapason d’autres manières de voir le monde. Ça c’est de la formation quand même. A mon avis, c’est de l’interculturel au sens le plus large. C’est de l’interculturel globalisé. Avec des gens qui ont leur villa dans le BW mais qu’ils sont dans une configuration assez traditionnelle et pour eux ça ne marche pas si on ne s’adapte pas un peu. » M6: « Je pense qu’on devrait être plus souple aussi… C’est plus une expérience d’espace rencontre. Essayer de mettre les gens toujours ensemble, ce n’est pas toujours l’idéal. Il y a moyen de trouver des solutions sans que les gens se rencontrent, lorsque le conflit est plus important. Parfois remettre les gens dans un même lieu, ils se retrouvent dans une grande souffrance qui ne leur permet pas d’avancer. Ils ont dit des choses en individuel qu’une fois ensemble ils reculent… Donc voilà, ouvrir à plus de souplesse. »
Il faut laisser le temps au temps et renforcer la médiation interculturelle. Par exemple : M1 : « Mais la demande, elle va évoluer inexorablement avec le changement culturel. Mais on ne peut pas demander un changement culturel dans l’ensemble de la société d’aller aussi vite. En fait, ce sont les élites qui s’intéressent aux familles qui eux ont tout de suite pris le truc, ils sont enthousiastes. Mais eux ils ont fait ça, enfin, nous on a fait ça en un temps record. Mais la société, il faut laisser le temps. »
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M3 : « Et pourtant c’est un gros travail aussi qui est fait par le secteur. Ces gens ont autant besoin, qui sont dans de grandes difficultés, ont autant besoin que quiconque de pouvoir résoudre leurs conflits. Et il y a des médiateurs spécialisés dans les médiations interculturelles par exemple. Des médiations auprès des populations émigrées (immigrées ?). Un gros gros travail qui est fait de ce côté-là. Qui pourrait être renforcé d’ailleurs. Je crois qu’il y a un grand grand boulot à faire. »
4.2.5. Diversifier les lieux de la médiation Plusieurs interlocuteurs professionnels formulent des réflexions à propos des lieux où la médiation peut s’exercer. Sur la présence de médiateurs dans des locaux des tribunaux, plusieurs personnes réagissent avec intérêt mais il n’y a pas de consensus à cet égard. La tonalité des positions est plutôt de valoriser et de renforcer la diversité des lieux de la médiation. M1 : « - Dans une annexe d’un tribunal de première instance? - En fait, on y réfléchit. Donc on est justement en train de, au barreau, réfléchir à un projet pilote. Mais il y en a eu d’autres qui seraient d’ouvrir une permanence de médiation dans le tribunal de la jeunesse. Et je crois que c’est intéressant pour justement essayer d’ouvrir à d’autres publics. Qui ne se déplaceraient pas autrement. Donc vraiment d’aller vers certains publics. Mais de nouveau, il faut avoir cette capacité d’accroche avec des gens qui ne sont vraiment pas venus pour ça. Mais je crois que c’est intéressant. » A1 : « Il y a des initiatives qui ont été imaginées. Des séances d’information à Liège. Je ne sais pas si tu as entendu parler de ça. Le Barreau de Liège avait organisé des séances d’information systématiquement au moment des audiences des juges de divorce ou des juges de la jeunesse. Au Canada ils font aussi des séances d’information... - Au tribunal lui-même. - Je ne sais pas si c’est la bonne voie. Parce qu’au moment où les gens sont dans leur affaire et en justice, je ne sais pas si c’est à ce moment-là qu’ils y pensent. Je ne sais pas s’il y a moyen d’encourager les gens. Dans les campagnes il faudrait peut-être plus de publicité pour la médiation. Ce qui est bien c’est qu’il y ait différents endroits. Et que les gens vont choisir selon leurs affinités. Je ne crois pas qu’il faille réglementer ça. Il faut effectivement que les gens qui se déclarent médiateurs aient remplis des conditions, soient agréés. Mais le fait qu’il y ait des plannings, des services de santé mentale, des avocats, des notaires, je trouve ça plutôt bien. (…) T’as pas le même public qui s’adresse à une médiation chez un avocat qu’en planning ou en SSE. Donc c’est bien d’avoir des lieux différents je trouve. » R1 : “ - Dus wij komen in contact met bemiddeling door het feit dat ofwel de partijen het vragen om een bemiddelaar aan te stellen, ofwel omdat wij als rechter denken: “Dat is hier een dossier die eigenlijk in aanmerking komt voor bemiddeling”, en dat wij het suggereren aan de partijen. R2 : - Het is onze taak om nog eens te toetsen naar die verzoeningsmogelijkheden. Ik zou zeggen, ik maak daar ook geen uren verzoeningspogingen van. Dat is ook de taak niet. En dan die mensen wel ook naar een bemiddelaar te sturen wordt weinig gedaan. Ik vraag het en ik leg het uit. Ik moet het uitleggen. Het wordt ook zo in het echtscheidingsvonnis naar voor gebracht. De rechtbank probeert partijen te verzoenen en heeft hen ook de procedure van de bemiddeling uiteengezet. (...) Ik doe dat standaard. En mijn verhaaltje is altijd hetzelfde: “U bent aan het scheiden. De communicatie is zeer moeilijk voor mensen die aan het scheiden zijn. En toch moet je blijven communiceren(...) Of dan kunt u beroep doen op gespecialiseerden en gespecialiseerde mensen in het op gang brengen van de communicatie.”. Ik weet anders niet goed hoe ik het moet formuleren. En er is nog niemand die heeft gezegd: “Ach, de procedure mag geschorst worden en hetzelfde… We zullen nog eens praten met een bemiddelaar.” Tot hier is dat nog niet gebeurd. Ofwel durft men dat niet ten bijzijn van de advocaten omdat zij uiteindelijk ook, ja, mekaar aansporen om toch te scheiden en dan zouden ze hier een staart… Dat komt zo’n beetje over als: “We twijfelen nog en…” M2 : « Justement, au planning, ce que je trouve bien c’est que justement c’est un espace qui n’est ni le tribunal, c’est un espace vraiment tiers le planning. Il y a la dénomination planning familial qui est tellement large, qu’en fait il y a le mot famille, le mot planning, je trouve ça assez riche. Mais je connais des avocats qui font de la médiation dans leur cabinet, pourquoi pas. - Donc, selon vous, il n’y a pas un lieu ? - Je trouve qu’au sein des tribunaux, il ne faut pas tellement... Mais je crois que ça fonctionne au Canada. Je ne vois pas tellement l’intérêt de faire ça. »
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J1 : « Récemment, j’ai eu un contact avec des médiateurs avocats qui ont envie de mettre sur pied un projet qui consisterait à organiser des médiations pendant l’audience. Dans un local approprié. - J’ai entendu parler de ça. - Il faut faire un test. Il ne faut pas le faire sur toutes les chambres du tribunal à mon avis. Il ne faut le faire qu’avec les magistrats qui pourraient avoir les « bonnes paroles ». Et puis, il faut voir ce que ça va donner. Parce que je reviens à mes accords contraints, j’imaginerais pas envoyer des personnes en médiation dans le petit local à côté, qu’on n’a pas d’ailleurs. Et puis leur dire, « revenez dans une demi-heure et présentezmoi quelque chose ». M6 : « - Dans quel contexte idéal devrait se dérouler la médiation ? Un cabinet privé, dans des centres ouverts, reliés à la justice ? - En tout cas pas reliés à la justice ! Pas des centres de rencontres ou autres services… Un lieu réservé rien qu’à ça. C’est plus la pièce elle-même, chaleureuse… plus que le lieu géographique. Créer l’ambiance, mettre les gens à l’aise… C’est très dur pour eux, certains me disent qu’après la première fois ils ont mis une semaine à s’en remettre. Et puis les fois suivantes ça va mieux. » J2 : « On cherche un local. C’est assez frappant, car tous les lieux qu’on choisit sont critiquables. Ils ont tous un rattachement avec quelque chose qui connote. - Pour vous l’idéal, c’est quand même important que les gens gardent à l’esprit que la médiation fait quand même partie de la procédure. - Je préfère oui. Une maison de justice par exemple serait quelque chose d’adéquat. Un lien avec le droit. » A2 : « Le lieu de la médiation devrait selon vous êtes rattaché à la justice ou être complètement indépendant ? - Non je pense qu’il doit être rattaché à la justice car c’est un mode alternatif des règlements des conflits donc c’est à rattacher à la justice. » R2 : “Je kan misschien zeggen: “Je kan het buiten de rechtbank houden om het buiten het conflictsfeer te houden.”. Je kan ook zeggen: “Je moet een rechterbemiddelaar, bijvoorbeeld… (...) Ze zullen dan wel rechters bijwerken.” R1 : “Ik zou het alleen nog wel, dus hetzelfde als je hebt bij een justitiehuis, dat men een eersterangsadvies geeft, verleent. Stel dat je promoot, denk ik dat dat ook een promotie moet worden op één gecentraliseerd punt. Want ik verwijs ook altijd de mensen naar het justitiehuis maar ik zeg dat je daar de namen en adressen kan vinden. Hoewel dat het justitiehuis niet te maken heeft… Maar ik hoop nog altijd dat men het justitiehuis, waarvoor ik veel respect heb, voor alle soorten diensten, dat men daar eigenlijk de burger nog te woord staat met twee woorden en ook zegt waar dat het op staat, los van de advocatuur, los van andere belangengroepen.” PS1 : “Ik denk niet dat je dat moet aan een rechtbank verbinden. Ik denk dat je mensen moet de keuze geven of dat ze naar een centrum gaan. Ik denk, het heeft weinig zin van mensen die daarna toch geen privébemiddelaar zich kunnen permitteren, van die naar een privébemiddelaar gaan te sturen want die hun drempel, die moeten ze toch niet meer nemen. Ze moeten dan weer naar Centrum Algemeen Welzijn. CAW. Voor daar verder bemiddeling aan te vragen die dan, allez ja, niet zo duur is. Of je kan ook dan met die mensen sa… CAW kan je ook samenwerken en ook goedkoper doen. Dus ik denk dat je mensen moet die vrijheid geven en dat je moet eventueel een papier geven waarop je zegt van: “Oké, dit zijn bemiddelaars.”, of: “Dit zijn soorten bemiddelaars.”. Je hebt bemiddelaars… Aan de rechtbank zou ik het niet doen.” B3 : “Er is nu sprake toch –heb ik vaag gelezen – van – deze morgen in de krant – van een grootse hervorming van Justitie. (...) Ik dacht: “Yes!”. Nu door met u te praten, denk ik, misschien kunnen ze dan ineens ook eens kijken hoe die rechtbanken minder werk te geven? Want als het dan toch is om uiteindelijk na tien jaar gevecht een resultaat te hebben waar mensen niet achter staan – of minstens één van beiden niet achter staat – waardoor ze weer in dat straatje belanden: “Hij voert het niet uit.”, of: “Zij voert het niet uit.”, dan heeft dat geen zin. Allez, dus probeer minstens eerst al of mensen daar toch niet zelf uitgeraken.”
4.2.6. Ordonner une médiation Peu d’intervenants se positionnent sur l’hypothèse de prévoir des médiations ordonnées et donc imposées par le juge. Pour cette avocate, cette situation aurait le mérite de la clarté : A1 : « Imaginer des médiations à la demande du juge. Et plus sur base volontaire. Ce qui est un peu antinomique par rapport à la définition initiale. Mais peut-être que les choses seraient plus claires. Parce
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qu’actuellement quand les gens vont chez le juge et que le juge envoie en médiation, je ne dis pas qu’il force la main mais il y a quand même une pression du juge en disant ce serait bien d’aller en médiation, c’est quand même le juge qui demande. Et d’ailleurs quand ils arrivent c’est la première chose qu’on fait, c’est de savoir si, bien que le juge a demandé d’aller en médiation, s’ils sont d’accord d’y être. Peut-être que les choses soient (seraient ?) plus claires. Si le juge estime que les gens doivent aller en médiation, eh bien qu’il le dise. Et puis si ça va pas, ça va pas. - Qu’il le dise, c’est-à-dire ? - Qu’il le dise pendant le jugement. - Que ça fasse partie du jugement. - Ordonnons une médiation. Comme ils ordonnent une expertise. Mais là il faudra être bien clair, si ça ne marche pas... - Il ne faut pas de sanction non plus. - Voilà. »
C’est aussi la position défendue par cette médiatrice et ce notaire, qui, lui, imagine une médiation contrainte pour ce qui concerne les questions relatives aux enfants, bien séparée des aspects matériels de la séparation : AD2 : “Ja, het is zo, binnen het forum zijn er een aantal mensen die zeggen: “De wet zou in die zin moeten aangepast worden.”. Dat mensen hoe dan ook - zeker als er kinderen zijn - verplicht worden om minstens één sessie bij de bemiddelaar te volgen maar, natuurlijk, bemiddeling is vrijwillig dus (...) Ik kan mij inbeelden dat mensen nu de kans missen doordat het te vrijblijvend is. Want de wet moet erop wijzen… Of de rechter moet ernaar verwijzen maar… En de mogelijkheid… Allez, duidelijk een keer zeggen: “Dat bestaat.”. Maar dat gebeurt eigenlijk amper. Dus in die zin moet ik zeggen… In mijn één dossier waar de rechter tegen de wil in van de ene toch zei dat de rechtbank toch aandrong - of de mensen toch sterk adviseerde - om het te doen is het uiteindelijk toch wel gelukt. Dus in die zin: het misschien toch verplichten.” NO2 : “Mijn suggestie is effectief van dat toch serieus te gaan herbekijken en de mensen eventueel op voorhand toch tot aan te zetten om de procedure echtscheiding onderlinge toestemming te gebruiken. (...)Je moet daar een akkoord sluiten over alles: over je goederen en over de kinderen. Nu, het probleem is dat men dat door elkaar begint te halen, de mensen. Ze beginnen eigenlijk hun vragen over het vermogen door elkaar te halen met de vraag naar de kinderen toe en de vermogensrechtelijk aspect die daarmee gepaard gaan, het alimentatiegeld of wat dan ook, waarbij men zegt: “Ja, maar jij krijgt dat huis” – ik zeg nu maar wat – “dus ik moet minder betalen.”, terwijl dat het eigenlijk volstrekt los van elkaar zou moeten staan. En wat ook dan aanleiding geeft, achteraf, als die vermogensrechtelijk regeling toch niet honderd procent goed blijkt te zijn, dat de ene ouder die zich benadeeld voelt nog maar één manier heeft om dat uit te werken, dat is door de regeling van de kinderen aan te pakken waardoor de kinderen slachtoffer worden van de slechte vermogensrechtelijke regeling. Dus als je zou kunnen een systeem ontwikkelen waarbij dat dat volledig van elkaar zou staan en er effectief naar de kinderen toe… “
4.2.7. Une première séance obligatoire d’information à la médiation Si la plupart des intervenants ne soutiennent pas le principe d’une médiation ordonnée par le juge, nombreux sont ceux qui plaident pour une rencontre obligatoire avec un service de médiation. Par exemple : J1 : « ça rejoint des idées de magistrats étrangers, dans certains pays on prévoit une première séance obligatoire de médiation. Et moi je pense que ce serait bien. - Donc y compris dans le tribunal. Ou bien alors ... - Le juge a normalement un calendrier. Ici c’est très difficile parce qu’on est très vite reportés à 3 mois. Mais le juge devrait pouvoir dire, « voilà, je vous engage à aller là, à avoir un rendez-vous d’information, et revenez me voir dans trois semaines ». - C’est ça. - Les gens vont au rendez-vous de la médiation. En général, ils ne connaissent pas. Ils ne savent pas ce que c’est. Ils sont bien informés, dix fois mieux que par le juge. Et puis ils décident d’entamer la médiation. Tandis que si on ne les contraint pas à aller à une première séance, ils ne vont pas.
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- Et donc ça, ça vous semblerait intéressant ? - Moi je trouverais ça plutôt bien. Plutôt bien. Et je pense que ça se pratique en Espagne et peut-être dans certaines juridictions françaises. (…) Donc je reviens à mon idée d’une première séance obligatoire. C’est peut-être un peu couper l’herbe sous le pied des avocats. Mais les avocats sont de plus en plus des soutiens à leurs clients. - Donc les avocats pourraient adhérer à cette... - Je pense. Accepter de se mettre légèrement en arrière, voir ce que ça donne. Et soutenir aussi éventuellement leur client pour certaines choses. » M3 : « Est-ce que c’est, comme certains pays le font, d’imposer, de vivement conseiller de par la loi donc systématiquement ? - Systématiquement. - La médiation aux gens. Et puis les gens reviennent 15 jours après. Dans un certain délai. Il faut réfléchir à ça. - Ce serait éventuellement envisageable ? - Il y a ces pistes-là. Des pistes où il est organisé pour des parents en instance de divorce des séances d’information groupées sur la médiation. » M4 : « Moi j’imagine le système comme au Canada ou en Espagne où dès qu’on a une procédure introduite dans une affaire familiale, on passe chez un médiateur au moins prendre une information. - Donc, une obligation à prendre un contact. - Oui. Mais en se disant bien que l’objectif de la médiation ne doit pas être spécialement de trouver l’accord, mais de rendre la structure familiale prête à accepter l’accord et à le mettre en pratique et le moduler. C’est vraiment là que la médiation sert à quelque chose. C’est pas tant de trouver un accord. » M6 : « (Il faudrait) rendre obligatoire une information faite par le juge ? - Oui… ça marche bien en France, où l’information est obligatoire avant d’aller voir le juge. Ils n’ont pas droit à l’audience de conciliation s’ils n’ont pas la preuve qu’ils sont allés à une information à la médiation. En cas de divorce… pas en cas de simple séparation. Mais au moins ça marche très très bien. » J3 : « C’est pas dans les mœurs, non ce n’est pas dans les mœurs la médiation. Il faudrait changer la mentalité des gens c’est vrai que je pense que s’il y avait une obligation de passer par une séance d’information, obligatoire, à la médiation avant de commencer la procédure il pourrait y avoir une amélioration. Parce qu’ici au début de la nouvelle loi, nous avons organisé des permanences faites par des avocats, ils venaient une fois par mois ici pendant l’audience et une fois par mois au référé mais il n’y avait personne. » R2 : “Maar volgens mij – ik ben ook vrij voorstander van de bemiddeling – maar volgens mij moet de procedure wel een beetje aangepast worden. Je zou moeten een eerste fase hebben waar dat de mensen zich tot een bemiddelaar kunnen wenden. En als dat mislukt, dat ze dan een gerechtelijke procedure beginnen. Maar die gerechtelijke procedure opschorten om naar een bemiddelaar te gaan…” R1: “Ik ben honderd procent voorstander voor bemiddeling, zeker ouderschapsbemiddeling, maar op procedureel vlak moet er iets aangepast worden om het meer ingang te doen vinden. Zoals dat de procedure er nu – of vandaag – uitziet, is het moeilijk voor de rechters om bemiddeling voor te stellen…want het moet bij het begin… Voorgesteld worden bij het begin van het geschil. Maar bij het begin van het geschil zijn wij als rechter er eigenlijk nog niet bij betrokken”.
4.2.8. Encourager des conventions (procédurales) de médiation Un notaire imagine une autre voie : N1 : « Ce qu’on voit apparaître de temps en temps, c’est dans des conventions, je repense à la convention de divorce par consentement mutuel qui demande quand même dans la durée des problèmes d’adaptation, etc., une espèce d’engagement écrit dans la convention des parties, en disant, bien entendu si on ne se met pas d’accord sur l’évolution d’une pension alimentaire ou un droit de garde qui n’est plus adéquat, etc, on a le droit de demander au juge de retrancher, puisqu’il s’agit de l’intérêt de l’enfant, de ce point de vue-là, les conventions ne sont pas intangibles, mais nous nous engageons, alors est-ce que c’est un engagement juridique, à mon avis, c’est un des problèmes de la médiation imposée par une convention imposée par la loi,
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quand les gens ne sont pas vraiment volontaires pour la médiation, je ne sais pas si on peut faire une bonne médiation. C’est sûrement un problème qui est posé et auquel je n’ai jamais entendu les réponses que l’on faisait à ça. Est-ce qu’on peut, est-ce qu’il est raisonnable, intéressant de s’engager, dans mon cas, conventionnellement, avant d’aller au tribunal pour ce problème-là, je m’engage à participer loyalement à une médiation. Ce serait peut-être de nature à encourager peut-être le recours à cette technique-là, voilà. On voit ça d’ailleurs dans d’autres types de résolution des conflits. Vous avez d’autres formes. On s’engage à des instances de conciliation, on ne parle pas d’arbitrage, des choses comme ça, donc il y a tout un panel de modes alternatifs de résolution des conflits comme on dit maintenant. Et que les parties qui s’engagent dans un contrat évolutif disent avant d’aller au judiciaire... - Mais selon vous, est-ce que ce serait souhaitable de systématiser ce dispositif-là dans les conventions. Ou bien vous disiez que vous étiez en réflexion ? - Oui, une réflexion que j’ai jamais poursuivie à son terme. Actuellement c’est plutôt rare. Mais il me semble que c’est une idée nouvelle à laquelle, je dirais, en principe, je suis favorable. Quand les gens sont de bonne foi, on peut leur dire, « écoute, quand on a fait nos conventions, on avait quand même convenu et il faut le respecter, de faire en tout cas une tentative de résoudre notre problème via cette technique-là ». Je dirais pas a priori ils ne vont pas le respecter. - C’est par exemple dans la situation où un couple en séparation établit une convention pour la séparation mais aussi prévoit dans la convention des dispositifs pour la suite ? - Oui. »
4.2.9. Rendre des conventions obligatoires et suggérer le recours à un service de médiation Pour un usager, l’incitation à recourir à la médiation devrait passer par une obligation de convention : UM3: « D’un point de vue légal, encourager plus le divorce par consentement mutuel. Et que dans la procédure de divorce par consentement mutuel, on impose d’apporter une convention et que pour l’établissement de cette convention, il y a tous les services de médiation qui sont disponibles pour élaborer cette convention, où il y aurait des choses minimums qui devraient apparaître dans cette convention. Je réfléchis aussi avec l’esprit enfant. Où il y aurait des éléments minimum et qu’on peut se faire aider pour remplir cette convention, pour qu’elle puisse... et donc les gens verraient peut-être ça aussi d’une manière formelle en se disant, on ne sait pas comment remplir ce truc, il y a un service. Et qu’il soit dans les plannings familiaux où c’est pas trop cher, où c’est accessible, où ça devrait être symbolique. »
4.2.10. Un cadre légal et des budgets Pour quelques professionnels, la médiation doit être soutenue par un cadre légal et des investissements budgétaires. Par exemple : M5 : « C’est un manque de temps et d’argent. Parce que suivre les familles et faire des réunions de coordination, pendant qu’on fait des réunions de coordination, on ne fait pas d’autres dossiers. Et il faut envoyer la personne qui fait la réunion de coordination, celle qui est au courant, donc c’est des heures de... Et malheureusement les budgets ne permettent pas de libérer des temps de coordination. Et ça ça manque. Et ça c’est très chouette. » P1 : « Moi, je pense qu’il faudrait une plus grande visibilité, une meilleure reconnaissance aussi. Je vais dire, je pense que si aussi bien dans les plannings que dans les centres de santé mentale, ben les médiateurs ne font pas partie du cadre légal. Je pense qu’à partir du moment où on ne fait pas partie du cadre légal, je crois que le problème, je parle de ce que je connais bien, des plannings et du centre de santé mentale, ben si une profession ne fait pas partie du cadre légal, il n’y a pas de subsides pour la profession. » B3 : “ - Ja, voor mij heel duidelijk: maak het gewoon verplicht. Drie keer minstens een poging. Gratis is voor mij even goed. - Wie gaat dat betalen?
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- Ja, maar wie betaalt die rechtbanken die alles moeten doen? Allez, dat zijn wat communicerende vaten en welke besparingen doe je niet door… En zeker als er nu een hervorming zou zijn, denk ik, als daar dan… Want ik weet dat Wathelet achter zo’n familierechtbank staat. Als dat er komt, allez, dan is dat toch, vind ik, niet zo moeilijk om daar een structuur in te vinden. Kijk, conflicten? Eerst bemiddeling en zorg dat je er zelf uitgeraakt. Je zou heel veel werk uit handen nemen van magistraten, denk ik. “
4.2.11. Clarifier le rôle et renforcer le statut du médiateur Enfin, quelques interlocuteurs insistent sur le travail nécessaire de clarification de la dénomination de médiateur. Par exemple : M3 : « Par un travail sémantique. Et un travail d’information. Que chacun précise bien sa fonction. » M4 : « Il serait souhaitable de clarifier un peu les rôles et de séparer la médiation des autres interventions et des autres... Ah oui. Et c’est vrai qu’ici, là je vais prêcher pour ma paroisse en disant, si on a des services qui ne font que ça, qui sont étiquetés médiation mais qui travaillent en collaboration avec les autres, là les choses sont claires. Le rôle de chacun est clair. Et dans l’esprit des gens pour faire la cartographie de leur histoire et de leur système de relation, et de leur système de vie, c’est clair. » M6 : « Les gens, c’est qu’ils sachent exactement ce que c’est. Il y a tellement de mots « médiation » mis sur différentes choses qui n’ont rien à voir. La première chose serait de l’information. Après serait un travail plus au niveau de la Justice. Ce serait à la Justice de promouvoir une action en médiation avant une action en justice. » B3 : “De mooiste weg zou zijn dat, door middel van promotie van het concept van bemiddeling door de gepaste overheidsdiensten… Het is dan maar de vraag wie want de bemiddelaar zit onder FOD Justitie met zijn erkenning… (...) Want het zit onder FOD Justitie en daar zie je dan, er is een commissie die vertegenwoordigd wordt door vertegenwoordigers uit de derde groep, advocatuur, notariaat. Maar natuurlijk zijn er ook belangenvermengingen, zoveel is duidelijk. Dat hebben we gemerkt.(...) Dat hebben we gemerkt in gans het traject naar die erkenning toe. We hebben ze allemaal gehad. Ik denk dat we allemaal ons bewijs kunnen leveren dat we toch wel weten met wat dat we bezig zijn na drie jaar. Maar toch wordt de derde groep niet gezien als volwaardig in zijn kunde. Dat is jammer. Dus, natuurlijk, als dat blijft leven bij diegenen die dan verantwoordelijk zouden zijn om de promotie te voeren, dan is het een beetje de kip en het ei: wat moet er eerst gebeuren?”
Pour quelques médiateurs une législation plus stricte est nécessaire pour limiter l’accès au titre de médiateur ou à la formation : M4 : « Il faudrait avoir une législation bien plus stricte. Il est médiateur familial, on ne sait pas trop comment parce qu’il est expert automobile. Et quand il a des médiations familiales, il ne sait pas les faire. Il n’a pas les compétences. Mais c’est déjà bien, il reconnaît qu’il ne les a pas. Donc il nous téléphone et il nous demande de venir les faire à son compte. C’est bizarre. Il demande 100 euros de l’heure. Eh bien il n’y a jamais qu’une seule séance. - Et comment il est arrivé... - Parce qu’on demande l’agrément, il justifie d’une formation. Ben c’est assez bon. Ici, nous on a fait un postgraduat. Cela aurait été plus cher, on aurait fait 90 heures et on aurait dit, « on voudrait bien l’agrément ». C’est pas assez, c’est pas assez 90 heures. - Et il n’y a pas une évolution dans les commissions d’agrément ? - C’est un peu protectionniste. On protège beaucoup les avocats et les notaires pour qu’ils puissent conserver au moindre coût, si, il faut le dire. Mon mari est avocat, je connais le système. » M6 : « J’étais allée à une information à Liège où on m’avait dit qu’elle était bien mais moins bien qu’il y a dix ans. Et ce qui me déplaisait notamment, c’est que c’était ouvert à n’importe qui, formé, pas formé, étudiant ou pas. Et qu’il y avait là des gens qui étaient là comme ça pour s’occuper, avec le chômage c’était gratuit avec des avantages machins ! »
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CHAPITRE 3 ANALYSE DE L’OFFRE ET DES POTENTIALITES DE DEVELOPPEMENT DE LA DEMANDE DE MEDIATION
Le point de départ de notre étude était le constat d’un écart entre une offre légitime de médiation et une demande hésitante. Avant d’examiner comment éventuellement soutenir cette demande et la développer, nous tenterons de comprendre cet écart entre l’offre et la demande de médiation en nous appuyant sur les entretiens réalisés, en les confrontant à nos hypothèses de départ. 1. L’offre de médiation et les attentes des usagers A travers ces entretiens, nous avons cherché à comprendre les attitudes des professionnels de l’intervention et des familles en conflit face à la médiation : leur adhésion, leurs résistances, leurs difficultés, les ressources et les contraintes qu’ils lui reconnaissent. 1.1. La médiation et les médiateurs Les définitions de la médiation et du métier de médiateur ne suscitent pas de divergences très profondes. En plus des définitions classiques de la médiation (comme triangulation, tiers permettant aux usagers de co-construire une solution…) nous retenons l’insistance sur trois caractéristiques du métier et de la pratique de la médiation qui permettent aussi de les distinguer des autres professions. La médiation prend du temps. Les médiateurs insistent sur cette particularité de leur travail et les autres professionnels en reconnaissent généralement la nécessité. La médiation pourrait peut-être, comme le suggère un usager, donner le temps nécessaire à la séparation qui n’est plus pris en compte dans la nouvelle norme du divorce par consentement mutuel. Quoi qu’il en soit la médiation est valorisée comme la mise à disposition pour les usagers d’un espace-temps qui peut leur être nécessaire pour vivre leur séparation dans toutes ses dimensions et pas seulement sous l’aspect légal ou patrimonial. La médiation est émotionnellement éprouvante. Elle l’est pour les usagers, nous en avons plusieurs témoignages. Elle est aussi éprouvante pour les médiateurs. Les autres professionnels admettent parfois quant à eux passer la main à des médiateurs quand la situation (ou le conflit) devient difficile. Enfin, la pratique de la médiation suppose une pratique et une dynamique de formation continue. Alors que les autres professions sont d’abord définies par des compétences substantielles, la médiation est d’abord définie comme une pratique (le « bon » médiateur n’est pas défini par un savoir mais bien comme celui qui a beaucoup de pratique) et comme une formation à poursuivre en dialogue et en confrontation avec des collègues.
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1.2. La médiation dans le champ des interventions auprès des familles Dans le passé et encore partiellement aujourd’hui, la médiation a souffert d’un déficit de reconnaissance ; elle a eu du mal à « faire sa place » dans l’ensemble des dispositifs. Par exemple, elle peut susciter les réticences des avocats, qui y voient parfois une concurrence, la condescendance de certains psychothérapeutes ou de certains notaires, persuadés de « faire de la médiation tous les jours ». Mais il semble, à entendre nos interlocuteurs, que la médiation a gagné et gagne encore en légitimité auprès des professionnels, qu’elle fait lentement sa place. Plusieurs de nos interlocuteurs indiquent que nous assistons à un changement culturel assez net. Les différences d’attitude à l’égard de la médiation seraient moins clivées par métiers que par générations. La culture de la médiation gagne, lentement mais sûrement, l’ensemble des professionnels de la famille. Les relations entre les médiateurs et les autres professionnels sont toutes décrites sous l’angle de proximités très partielles, de différences affirmées et de complémentarités assumées. Les relations entre médiateurs et avocats méritent d’être éclairées de façon plus spécifique. D’abord parce qu’un nombre non négligeable de médiateurs sont aussi avocats. Aussi parce que médiateurs et avocats sont décrits de façon diamétralement opposée : de façon caricaturale, le médiateur pacificateur et l’avocat attisant les conflits. Egalement encore parce que ces proximités et ces différences sont souvent perçues, en cas de double pratique, comme fécondes. Enfin, le médiateur avocat ne laisse pas indifférent : préféré pour sa connaissance du droit par certains juristes, il est repoussé par quelques psychologues et autres médiateurs. La concurrence, réelle ou supposée, entre les deux métiers est également un élément central pour comprendre ces relations. Nous pouvons prendre au sérieux les propos qui indiquent que la concurrence ou les difficultés de reconnaissance entre les deux métiers s’estompe avec la diffusion de la culture de la médiation. Il est cependant intéressant de rester attentif à l’évolution conjointe de ces deux métiers pour comprendre comment ils vont, à terme, se reconfigurer l’un par rapport à l’autre, notamment dans le cadre d’une transformation de la justice (et de ses métiers) vers une culture de la négociation plutôt que vers une culture du conflit, conformément à la figure d’Hermès. Les différences entre la médiation et les autres types d’intervention auprès des familles sont largement commentées. On leur reconnaît également des similitudes, des proximités, des continuités. Mais le consensus chez les professionnels est très fort pour éviter la confusion des rôles. La collaboration n’est possible que si chacun est à sa place. Et les situations où les professionnels sortent de leur rôle sont décrites comme catastrophiques pour les usagers : on ne mélange pas médiation et psychothérapie, médiation et expertise, médiation et jugement, médiation et procès. Dans la pratique cependant, la frontière est souvent plus ténue. Les professionnels sont quasi unanimes pour affirmer que la médiation n’est pas une alternative à la Justice. Elle peut se substituer, dans certaines situations concrètes, à un jugement ou à un autre type d’intervention. Mais elle n’a pas pour vocation de rendre inutile ou non pertinent tout recours à la justice. Même si on favorise la médiation, il y a des moments où il faut trancher et des situations où l’arbitrage d’un tiers est nécessaire. La médiation suppose la mise à distance d’autres logiques jugées temporellement incompatibles et susceptibles de « contaminer » le processus de médiation. Dans l’ensemble des dispositifs autour des familles, il y a un temps de la médiation qui ne peutêtre vécu en parallèle avec une phase conflictuelle d’un procès ou avec une expertise. Pour nos interlocuteurs, il n’y a pas de phasage idéal des différentes formes d’intervention. 114
La médiation est souvent valorisée comme une pratique le plus en amont possible, mais elle peut aussi intervenir à profit après un jugement par exemple. 1.3. Le public de la médiation Les personnes interrogées indiquent souvent les difficultés de pratiquer la médiation avec certains types de personnalités pathologiques. En revanche, pour les professionnels, l’usager idéal est celui qui donne priorité à l’intérêt de l’enfant et accepte de se prendre en charge. Mais des réflexions récurrentes à l’égard des publics de la médiation concernent leurs caractéristiques économiques et socioculturelles. Le niveau économique des usagers est souvent cité mais pour signaler qu’il n’agit pas seul ou que l’on veut surtout viser par là une position sociale et un capital culturel. La médiation serait plus accessible aux publics décrits comme « nantis, classes moyennes, éduqués, cultivés… » alors qu’elle serait plus difficilement accessible aux « moins nantis, aux défavorisés qui ont peu d’information, de capacité de réflexion et d’expression et ont l’habitude d’être pris en charge ». Ce constat, effectué par de nombreux professionnels et par quelques usagers, n’est absolument pas formulé (ou très peu) comme une norme. On relève les affinités des « classes moyennes » ou de la « bourgeoisie éduquée » avec la médiation et la difficulté de toucher d’autres publics mais on le déplore généralement. 1.4. La perception et l’évaluation de l’offre La médiation suscite une adhésion assez large à ses objectifs et à son principe. Aussi bien chez les professionnels non médiateurs que chez les familles, ayant pratiqué ou non la médiation, l’idée, le principe de la médiation est perçu positivement. Cette adhésion de principe peut perdurer au-delà d’une ou de plusieurs expériences négatives de médiation. Cette adhésion de principe n’exclut pas des critiques, parfois très vives, à l’égard d’une médiation. Sur quels éléments d’appréciation se fonde cette adhésion au projet de la médiation (à son idéologie ?) ? Au début de cette étude, nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle la médiation familiale soutiendrait : le modèle de la famille négociatrice ; le principe de la continuité du couple parental ; l’idéal communicationnel (l’obligation de s’exprimer et d’écouter) ; une intention pacificatrice (parvenir au dialogue et à l’entente au-delà du conflit) ; et une norme de responsabilisation (l’usager est un acteur supposé compétent et non plus seulement un justiciable). Les entretiens réalisés nous permettent de confirmer assez largement cette hypothèse et de la nuancer. Les professionnels, tout comme les usagers, adhèrent fortement à l’intention pacificatrice de la médiation. Les vertus pacificatrices de la médiation sont très souvent relevées en contraste avec le registre conflictuel de la Justice et des Tribunaux. Le projet pacificateur de la médiation est de loin sa caractéristique la plus valorisée. Mais nous pouvons également affirmer que les personnes rencontrées adhèrent aussi assez largement à une norme de responsabilisation qui tend à définir l’usager comme un acteur. De nombreux professionnels insistent sur la possibilité offerte à l’usager de s’impliquer, de construire lui-même une solution, un accord. Les usagers affirment pour leur part assez souvent vouloir prendre la parole, ne pas subir une décision. Parfois, l’affirmation de cette norme de responsabilisation et l’appel à l’autonomie des individus 115
prend l’allure d’une norme morale : il faut être adulte ! Et cette attitude, si elle manquait de nuance, pourrait consister à adresser aux usagers une injonction paradoxale : mais soyez donc autonomes ! L’idéal communicationnel est également valorisé par les personnes rencontrées. Il suscite cependant généralement assez peu de commentaires, étant perçu comme une évidence. La capacité à développer (maintenir, restaurer…) le dialogue et la communication est perçue comme centrale dans le travail du médiateur et dans le processus de médiation. Le principe de la continuité du couple parental est peu évoqué comme tel dans nos entretiens. Lorsqu’il est affirmé, c’est essentiellement par des professionnels et plus rarement par les usagers. Mais il est souvent évoqué indirectement dans les très nombreux propos qui affirment la priorité à l’intérêt de l’enfant. Aussi bien les usagers que les professionnels sont nombreux à situer l’intérêt de l’enfant au centre des arguments et justifications, notamment en lien avec le thème du refus du conflit et de la valorisation de l’intention pacificatrice de la médiation. Les références à un modèle de famille négociatrice comme tel sont très rares, même chez les professionnels. Les réflexions qui pourraient évoquer indirectement ce thème tiennent à la valorisation des vertus pacificatrices de la médiation ainsi qu’aux possibilités de responsabilisation qu’elle ouvre. Les refus ou les réticences à la médiation sont assez souvent décrits comme refus d’adhérer aux normes développées ci-dessus : si certains usagers refusent la médiation, c’est parce qu’ils VEULENT le conflit, ils VEULENT qu’on tranche pour eux. Mais les réticences à la médiation s’expriment aussi en termes de refus des démarches de type psychologique et surtout par la fatigue de devoir « redéballer » ses histoires personnelles. Les expériences concrètes de médiations sont évaluées globalement dans ces termes normatifs : les bonnes médiations pacifient les conflits, elles permettent aux usagers d’être acteurs, d’avoir leur mot à dire, elles retissent un lien, des modalités de communications, elles sont bénéfiques aux enfants. Les expériences négatives de médiation ne mettent en général pas ces normes en doute. Elles sont assez souvent fondées sur une appréciation de la neutralité ou de l’impartialité des médiateurs. Les professionnels sont très attentifs à garantir une multipartialité. Les usagers quant à eux sont également très soucieux que le médiateur ne prenne pas parti pour un des partenaires. Si c’est le cas, la médiation tourne court ou elle se poursuit dans l’amertume et la frustration. Mais si les usagers ne veulent pas que le médiateur prenne parti, ils attendent aussi de lui qu’il puisse prendre position face à une injustice flagrante. Plusieurs récits d’expériences négatives de médiation stigmatisent un silence ou une passivité d’un médiateur dans une situation jugée, par l’usager, flagrante d’injustice. Autrement dit, les usagers attendent du médiateur qu’il soit le garant de l’équité et de l’équilibre entre les partenaires. 1.5. La Justice, miroir inversé de la médiation La médiation est souvent valorisée en contraste avec la Justice et le médiateur en contraste avec l’avocat. Il s’agit d’une vision de la Justice qui pourrait paraître caricaturale aux yeux de quelques professionnels mais elle se fonde sur l’expérience vécue des usagers et même de certains professionnels. Cette justice est froide, c’est le théâtre du conflit, ce sont des tranchées. La Justice nie aussi les personnes, elle ne leur donne pas la parole, elle les infantilise. Ces reproches sont exactement les inverses des qualités reconnues à la médiation. 116
Nous avons vu que pour les professionnels, la médiation n’est pas une alternative à la Justice. Pour les usagers, ce n’est peut-être pas une alternative complète, de fait, mais médiation et Justice répondent pour eux à des objectifs contradictoires et en cela la logique et l’esprit de la médiation sont pour eux substitutifs à ceux de la Justice. Cette contradiction apparente peut être résolue comme suit : sur le terrain symbolique, médiation et Justice s’opposent et sont parfois perçues comme substitutives en ce qu’elles incarnent des vertus contradictoires, la pacification et la responsabilisation des acteurs pour la médiation, la consécration du conflit et la décision d’un tiers impartial pour la Justice ; mais fonctionnellement elles sont affirmées comme complémentaires et non substitutives : tout usager peut, à un moment, bénéficier avec profit de l’offre de médiation sans être privé à un autre moment ou pour un autre aspect du conflit d’un recours à une instance qui tranche. Et inversement, toute personne qui a recours à la Justice peut, en amont ou en aval, bénéficier de l’offre de médiation. L’avocat est un anti-médiateur : il est caractérisé par son aptitude à attiser les conflits, par sa nature guerrière et son intéressement financier. Cette Justice et ses métiers, ainsi décrite, est la Justice de Jupiter et d’Hercule, ce n’est pas la Justice d’Hermès. Les sciences humaines décrivent depuis plusieurs années une transformation de la Justice dans le sens d’une plus grande attention à la négociation et à la responsabilisation des personnes, cette Justice étant représentée par la figure d’Hermès, en contraste avec Jupiter et Hercule. Si nous prenons au sérieux l’hypothèse de cette transformation, de cette procéduralisation de la Justice, comment imaginer la reconfiguration de la médiation et de la Justice à terme ? La médiation semble aujourd’hui jouer en dehors de la Justice, le jeu de la négociation. Comment les rôles vont-ils à nouveau se définir si la Justice internalise de plus en plus la culture et les pratiques de la négociation ? Quelles continuités et quelles frontières établir désormais entre la Justice et la médiation ? 1.6. La médiation comme modèle culturel Notre analyse nous a conduits à appréhender la médiation comme un élément d’un modèle culturel global plutôt que comme un simple dispositif technique. Les traits principaux de ce modèle culturel qui promeut la médiation comme mode de résolution des conflits sont : l’individualisme, au sens où l’individu est l’entité de référence pour penser la vie en société ; l’idéal démocratique, dans l’espace public et dans l’espace privé ; l’égalité entre les hommes et les femmes ; l’idéal communicationnel ; le règlement négocié des conflits ; le pluralisme idéologique et culturel. Cette culture est en phase avec la promotion d’une Justice communicationnelle et négociatrice, proposant une résolution procédurale des conflits impliquant directement les acteurs dans la recherche de solutions. Dans le domaine familial, le dispositif de médiation s’impose alors que se diffuse le modèle de la famille privatisée, démocratique et négociatrice, où les conjoints sont pensés comme des égaux, se choisissant, s’engageant et se désengageant librement, sans qu’aucune force extérieure ne puisse les contraindre à agir contre leur volonté. Au sein de cette famille aussi, l’entité de référence est devenue l’individu, homme, femme ou enfant. Et si le principe de la défense de l’intérêt de l’enfant est là pour protéger l’élément supposé le plus faible de l’entité familiale, dans le dispositif de médiation, les parents, eux, sont réputés être des égaux capables de faire preuve d’écoute, de dialogue et de surmonter leurs différends, témoignant ainsi de leur sens de la responsabilité. Sous cet éclairage, la question de recherche prend une autre ampleur. Un modèle culturel ne se transforme pas de façon mécanique dès lors qu’il constitue un mode structuré d’appréhension de la réalité, étant tout à la fois une vision du monde, un mode d’évaluation de la réalité sociale et un répertoire de réponses concrètes aux problèmes de la vie en 117
société. Au-delà de la complexité d’opérer un changement culturel, ou d’importer un élément d’un modèle culturel dans un autre, se pose aussi la question de la légitimité à imposer un modèle culturel à des populations qui pourraient ne voir là que violence symbolique et disqualification de leur propre modèle.
2. Comment promouvoir le recours à la médiation familiale ? « Comment favoriser le recours à la médiation dans les conflits familiaux ? » Telle est la question formulée par cette recherche commanditée par Monsieur Melchior Wathelet, Secrétaire d’Etat à la Politique des Familles. Avant de formuler toute proposition, il nous semble important d’identifier quelques éléments problématiques de l’évaluation de la médiation. 2.1. Les contradictions entre les attentes des usagers et l’offre de médiation Nous avons relevé quelques éléments qui pourraient susciter la discussion, voire la contradiction entre nos différents interlocuteurs. Ils méritent des débats entre professionnels mais peut-être aussi des clarifications à l’égard des usagers. Nous formulons ces réflexions sous forme de questions ; il ne nous appartient pas de trancher mais d’indiquer que ces questions concernent ce qui nous semble être des nœuds à dénouer pour soutenir et développer la pratique de la médiation. La médiation judiciaire suscite le doute, la perplexité, parfois même le malaise. Elle est largement évoquée par les professionnels et les usagers. Elle suscite les réflexions suivantes : la situation n’est pas claire parce que cette suggestion est souvent perçue comme une contrainte ; comment apprécier cette contrainte ? Pour certains, c’est un obstacle à la réussite de la médiation ; pour d’autres non ; comment travailler en médiation avec des publics qui n’y ont pas spontanément recours, quels sont les outils à développer dans ce cadre ? Le clivage socioculturel souvent relevé dans l’accès à la médiation pose la question des publics-cibles du développement éventuel de la médiation. Si on s’accorde sur le constat d’un accès à la médiation plus facile des « classes moyennes éduquées » et plus difficile des « publics populaires », comment concevoir le développement de la médiation dans cette configuration ? Il y a probablement à poser des choix politiques sur les publics prioritaires à sensibiliser. Faut-il élargir la demande des classes moyennes par des campagnes d’information ou aller davantage sur le terrain des publics populaires ? Si c’est cette voie qui est choisie, quels sont les intermédiaires, les lieux et les outils adéquats pour ce type de pratique ? La « neutralité » pose également question. Définie comme « multipartialité » par les médiateurs, elle est vécue dans la pratique de façons très diverses : pour certains, il faut refuser de donner le moindre conseil, même technique, alors que d’autres acceptent d’entrer dans cette voie ; pour certains, le médiateur accepte (presque) tout accord qui émanerait des parties alors que d’autres refusent parfois de signer ce qu’ils jugent inéquitable. Les attentes des usagers nous semblent très claires. De façon très synthétique, nous dirons que les usagers veulent un médiateur impartial mais aussi 118
garant de l’équité entre les parties. Dans ce cadre, ils sont nombreux à demander au médiateur non de prendre parti mais de prendre position. Comment comprendre et répondre à cette demande d’équité ? Les médiateurs peuvent-ils se contenter de « la travailler en médiation » ou d’externaliser les réponses par la consultation de professionnels hors médiation ? Et ce souci de multipartialité doit-il aller jusqu’à présenter la médiation comme un entérinement des accords pris par les parties, au risque d’avaliser un rapport de forces inéquitable ? Et si les médiateurs ne refusent pas totalement cette attente, comment concilier multipartialité et équité ? Et comment présenter cette équation de façon compréhensible aux usagers ? Enfin, le coût de la médiation suscite également le débat. Les pratiques à cet égard sont très variables. Dans une association, la médiation est gratuite. En l’absence de subventions, les médiateurs sont totalement bénévoles. Dans les plannings familiaux, les médiations sont payantes mais peu coûteuses tandis qu’elles sont réputées être chères dans certains cabinets d’avocats. L’accessibilité économique de la médiation est souvent relevée comme un problème. Pour des familles modestes, ou même à revenus moyens, si elle s’ajoute à d’autres frais (avocats, psy…), elle est jugée inaccessible. Le choix du public-cible ou des publics-cibles auprès desquels promouvoir la médiation aura probablement un impact sur cette question de son accessibilité financière. Au-delà même de la question de l’accès à la médiation, le coût mérite d’être mis en débat sous un autre angle : quelles sont les significations sociales accordées à ces différents statuts économiques ? Une médiation gratuite ou peu coûteuse suppose qu’il s’agit d’un bien collectif à mettre à disposition du plus grand nombre ; une médiation très chère suppose une évaluation en termes de compétence, de notoriété, de résultat ? En termes de marché ? Par ces pratiques très variables, la médiation n’offre-t-elle pas l’image sociale de faire le grand écart, d’hésiter entre le monde non-marchand et les logiques de marché ? 2.2. Scénarios pour développer la médiation Le développement de la médiation doit selon nous être conçu et réfléchi à partir des constats suivants : la médiation n’est pas seulement une offre de services, c’est un modèle culturel et normatif, une vision du monde ; la médiation n’est pas suffisamment connue du grand public et même des professionnels ; la culture de la médiation est en train de se diffuser notamment auprès des jeunes générations; mais cette diffusion n’est pas forcément rapide ; la culture de la médiation touche davantage les « classes moyennes éduquées » que les publics populaires. Plusieurs scénarios de développement de la médiation peuvent être envisagés, du plus minimaliste, qui consisterait à accélérer quelque peu les progrès de la culture de la médiation (par de l’information par exemple) au plus maximaliste, qui consisterait à imposer à tous le recours à la médiation pour toutes les grandes décisions concernant la famille. Entre ces deux extrêmes, toute une gamme de politiques méritent d’être envisagée.
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2.2.1. De la nécessité d’informer et de sensibiliser Partant d’un des constats parmi les plus manifestes de la présente recherche, à savoir le faible degré de connaissance de la médiation familiale dans le grand public mais aussi chez nombre de professionnels, un premier registre d’actions de promotion du recours à la médiation familiale renvoie à la nécessité d’informer et de sensibiliser à son sujet. Des actions d’information peuvent être menées à l’aide de différents supports (folders, DVD…), produits par le Secrétariat d’Etat ou coproduit avec une association ou encore en diffusant et soutenant (par exemple en achat de brochures) une initiative associative… Sur le fond, des éléments de notre étude montrent : 1°/ que le rôle du médiateur familial devrait y être clarifié, relativement à celui des autres médiateurs notamment ; 2°/ que les supports conçus ad hoc gagneraient à être construits après consultation des associations représentatives de médiateurs afin d’éviter de se trouver en porte-à-faux par rapport aux messages diffusés par ceux-ci et aussi de pouvoir bénéficier du meilleur relais de diffusion possible ; 3°/ qu’il conviendrait de présenter la m édiation dans son articulation au processus judiciaire plutôt que de la présenter comme une alternative à la Justice. Si des actions d’information sont indispensables, elles se doivent aussi d’être ciblées. Après d’autres, la présente recherche montre en effet que la culture de la médiation touche davantage les « classes moyennes éduquées » que les publics populaires, et que si elle est en train de se diffuser, quasiment toute seule, et notamment auprès des jeunes générations, cette diffusion n’est pas forcément rapide. Il en découle donc une grande hétérogénéité du public potentiel ; trois publics au moins nous semblent devoir être distingués : les professionnels, les milieux acquis à la culture de la médiation, les milieux en décalage par rapport à cette culture. Pour les professionnels, au-delà de l’information à l’aide de supports adaptés, des actions de sensibilisation pourraient être menées au travers de colloques, séminaires, publications et formations. De telles actions auprès des professionnels sont d’autant plus nécessaires que subsistent des zones de flou autour de la médiation qui nuisent à sa lisibilité et à sa légitimité : on pense, par exemple, à la tension entre la vision du médiateur comme tiers impartial et celle qui le voit plutôt comme un garant de l’équité ; ou à la tension entre une conception marchande de la médiation et celle qui la verrait plutôt comme nonmarchande… Sur ces questions, l’action politique peut être graduée en soutenant, suscitant ou organisant de telles actions. Pour le public, vu qu’il est très hétérogène et à distance variable de la culture de la médiation, les choses sont plus complexes. La conception d’actions de promotion du recours à la médiation familiale doit aussi tenir compte de la dispersion du public, qui contrairement aux professionnels n’est pas constitué en associations ou groupements professionnels. Concrètement, il convient de prévoir des solutions différenciées pour chaque public-cible. Et pour l’identification de ces publics, on veillera à ne pas confondre milieux économiques et milieux socioculturels ; ces catégories ne se recouvrent pas parfaitement. Il est des populations cultivées qui occupent des fonctions à faible revenu et, inversement, il est des populations peu cultivées, au niveau d’instruction limité et qui connaissent une réelle réussite professionnelle avec les conséquences salariales associées. Pour les populations en phase avec une conception valorisant la négociation plutôt que l’affrontement judiciaire comme issue à un différend, l’opportunité d’entreprendre des actions d’information et de sensibilisation à propos de la médiation familiale reste fondée. Ces milieux sont a priori réceptifs, il s’agit de leur donner le coup de pouce pour qu’ils puissent, si besoin en était, passer aux actes. 120
Pour les populations qui ne partagent pas cette culture, une autre approche doit être imaginée. Un modèle culturel ne se transforme pas de façon mécanique par la simple diffusion de séances d’information ; il constitue un mode d’appréhension de la réalité et a tendance à résister aussi longtemps qu’un autre modèle n’apparaît pas supérieur sur le plan pragmatique. A titre d’exemple, comment imaginer qu’une médiatrice belge, d’âge moyen, revendiquant une position de neutralité, y compris sur le plan idéologique, soit perçue comme interlocutrice légitime pour intervenir dans le cadre d’un conflit familial aux yeux de populations où les différends familiaux se règlent en famille, sous la houlette des anciens, selon des coutumes qui donnent la primauté aux hommes et qui mobilisent la religion comme registre de lecture de la situation ? Pour ces populations, la solution ne réside vraisemblablement pas dans la seule information / sensibilisation directe. Néanmoins, même dans ce registre, une attention particulière pourrait être accordée aux professionnels de l’action sociale qui agissent auprès de ces populations. Une fois sensibilisés eux-mêmes aux ressources du processus de médiation, via des formations et la diffusion d’outils d’animation adéquats, ils pourraient, en diversifiant les lieux, les points de contacts avec ces populations, servir de relais pour la promotion de ce mode de résolution des conflits. 2.2.2. Soutenir la médiation Le pouvoir politique peut décider de soutenir le recours à la médiation familiale, par la prise en charge ou le soutien des actions d’information / sensibilisation qui viennent d’être évoquées. De façon spécifique, pour les populations les plus éloignées de la culture de la médiation, il pourrait décider de soutenir les médiateurs dans leur approche de ces nouveaux publics. Il conviendrait alors de soutenir de nouvelles formations, d’augmenter les quotas de formation pour l’agrément, et sans doute de créer une formation ou une filière spécifique en médiation interculturelle. Il pourrait aussi décider de soutenir et/ou encadrer des expériences pilotes dans le domaine. Le soutien des pouvoirs publics pose aussi la question du coût du processus de médiation pour l’Etat d’une part, pour le citoyen d’autre part. Pour les populations les plus faibles sur le plan socioéconomique, le coût de la médiation est souvent évoqué comme frein à son recours. Il paraît évident qu’une diffusion du processus de médiation dans ces milieux doit résoudre le problème que constitue l’obstacle financier. Enfin, le soutien à la médiation devrait idéalement être conçu comme une politique cohérente en faveur des familles qui allie l’Etat fédéral et les entités fédérées. Par exemple, du côté francophone, l’ancrage de la médiation dans certains plannings familiaux nous semble particulièrement pertinente pour des raisons à la fois d’accessibilité et de prise en charge globale des personnes. Le développement de la médiation dans ce cadre devrait relever de politiques concertées Fédéral/Communautés. 2.2.3. Imposer la médiation ? Au-delà du soutien au développement du processus de médiation, d’aucuns n’hésitent pas à évoquer la possibilité d’imposer le recours à la médiation ; l’imposition peut être ciblée, graduelle ou généralisée. Du côté des pistes d’imposition ciblée, on retrouve par exemple l’idée d’une séance obligatoire d’information sur la médiation. En début de procédure, avant toute juridicisation, une telle séance pourrait favoriser la médiation comme premier mode de règlement des conflits. Une telle proposition soulève plusieurs questions. Celles du coût : peut-on 121
imaginer une séance d’information obligatoire qui ne serait pas gratuite pour le citoyen ? L’Etat prendrait-il l’entièreté de cette initiative à sa charge ? Peut-on imaginer une contribution des médiateurs ou d’autres professionnels ? Celle du lieu d’information : dans quel type de services organiser ces séances pour donner la plus grande chance à ce mode de résolution des conflits de s’imposer ? Celle de la temporalité : comment articuler le souhait de proposer la médiation avant toute juridicisation du conflit et la nécessité de respecter la temporalité de chaque histoire conjugale avec ses souffrances propres et ses nœuds à dénouer ? Celles des acteurs impliqués : qui seraient les professionnels chargés de ces séances ? Comment éviter la confusion des rôles parfois soulignée par les divers interlocuteurs rencontrés dans le cadre de notre recherche ? Celles de la forme de la contrainte : envisage-t-on une obligation d’informer pour le juge ou d’autres professionnels ou une obligation pour les usagers potentiels à suivre une séance d’information ? Quelles seraient les sanctions éventuelles et pour qui ? Certains pensent que le législateur pourrait aller au-delà de l’imposition de la participation à une séance d’information, contraignant, par exemple, à la recherche d’accords négociés sur des questions pragmatiques telles que le domicile des enfants ou les modalités d’hébergement de ceux-ci. La question sous-jacente est alors celle de la place de la médiation dans la palette des diverses formes de résolution des conflits, et corrélativement, celle de savoir s’il convient de légiférer relativement à cet éventail de solutions. Mais en bout de chaîne, c’est aussi la question de la violence symbolique exercée sur des populations qui sont en marge de la modernité et qui attendent de la loi, non pas qu’elle intervienne en faveur de la co-parentalité d’après-divorce, mais plutôt qu’elle soutienne la poursuite de la conjugalité, au besoin en rendant le divorce plus difficile, ou à tout le moins qu’elle désigne d’abord le coupable et reconnaisse la souffrance et les droits de la victime. Mais au sein même des populations qui partagent la culture de la gestion négociée des conflits, il arrive que le vécu de la rupture prime sur le modèle culturel. Il n’est alors par rare que la coopération d’après divorce se heurte à la difficile dissociation entre parentalité et conjugalité. Cette difficulté peut prendre des formes très variées allant de la difficulté d’épurer la parentalité (la co-parentalité) de ses aspects conjugaux, à l’impossibilité d’instaurer une relation co-parentale sereine tant que les conflits conjugaux ne sont pas apaisés. Dans ces cas, les discours juridiques, privilégiant la médiation et instaurant la survie du couple parental au rang d’évidence, se trouvent en porte-à-faux par rapport au vécu réel de la rupture Si, pour toutes ces raisons, nous sommes sceptiques à l’égard de la médiation imposée, nous considérons à tout le moins que le rôle d’information du Juge mérite d’être renforcé et systématisé : la loi prévoit qu’il peut informer les justiciables de la médiation ; nous suggérons que la loi précise que le Juge informe de la médiation. Ceci implique évidemment, en parallèle à ce changement législatif, une politique de sensibilisation systématique des magistrats et la mise à leur disposition de supports adéquats. 2.2.4. Du développement d’un nouveau modèle culturel Si l’on accepte la thèse selon laquelle la médiation est un élément d’un modèle culturel plus large, on doit alors s’interroger sur les conditions de diffusion de ce modèle culturel. Il s’agit d’une question qui dépasse le cadre de cette recherche, mais néanmoins abordée par quelques-uns de nos interlocuteurs. On pointera ici deux propositions qui, à notre sens, méritent d’être débattues : - le développement d’expériences-pilotes ; - la formation des enseignants. 1°/ Les expériences-pilotes pourraient servir de « laboratoires » où seraient observées et étudiées les conditions de diffusion de la culture de la gestion négociée des conflits dans un public a priori peu réceptif. 2°/ Dans un pays où l’instruction obligatoire est 122
conséquente, l’école apparaît comme un lieu privilégié de diffusion de pratiques culturelles. Les enseignants pourraient être sensibilisés, formés aux méthodes de gestion négociées des conflits. Un pas de plus pourrait être franchi en introduisant progressivement des cours / formations à destination des élèves et étudiants. Cette piste d’action repose évidemment sur une implication des Communautés dans cette entreprise.
* * * En résumé, nous suggérons aux responsables de la politique de la famille de soutenir la médiation par une gamme de mesures raisonnées et ciblées qui pourraient prendre la forme d’une campagne d’action coordonnée pour le développement de la médiation. Nous écartons pour notre part la médiation imposée à tous comme l’expression d’une violence symbolique indésirable. Les actions à mener concerneraient : l’organisation d’un ensemble de séminaires avec le secteur de la médiation pour clarifier le projet en matière d’accessibilité, de neutralité, d’équité et d’ancrage marchand/non marchand (les nœuds); l’information et la sensibilisation des professionnels de l’action sociale et de l’intervention auprès des familles (outils visuels, colloques, publications…); l’information à destination d’un médiation (brochures et outils visuels);
public
ouvert
à
la
culture
de
la
le développement des formations à la médiation, en particulier des formations qui permettent aux médiateurs d’aller à la rencontre des publics populaires et/ou culturellement éloignés du modèle de la médiation ainsi que le soutien d’expériences pilotes dans ce cadre ; la valorisation de l’ancrage de la médiation dans des organisations pluridisciplinaires telles que les plannings familiaux, en concertation avec les entités fédérées ; la clarification législative de la mission d’information du Juge, ainsi qu’une politique de sensibilisation systématique des magistrats dans cette optique ; en collaboration avec les Communautés, le soutien d’expériences pilotes de diffusion et de pratique de la médiation à l’école, ainsi que de modules de formation à destination des enseignants.
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