LAURA LAMIEL
C H A M B R E S
D E
C A P T U R E
C Y C L E « D E S G E S T E S D E L A P E N S É E »
N o —8
FRANÇAIS / NEDERLANDS
LE JOURNAL DE LA VERRIÈRE
DES GESTES DE L A PENSÉE - L AURA L AMIEL
L E JOU R NAL DE L A VE R R I È R E
RIAL
ÉDITO
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SANS TITRE, 2000 Tirage baryté, recouvrement Barietdruk, overtrek 126 x 156 cm © Photo / foto : Cédrick Eymenier
CATHERINE TSEKENIS D I R E C T R I C E D E L A F O N D AT I O N D’E N T R E P R I S E H E R M È S DIRECTRICE VAN DE FONDATION D’ENTREPRISE HERMÈS
Laura Lamiel est une artiste rare. Rare, car elle déploie son œuvre avec discrétion et soigne sa visibilité à la marge. Rare, par sa démarche artistique qui, depuis plusieurs décennies, explore une relation singulière et intime à l’objet, un chemin qui n’a pas cédé aux sirènes des courants dominants et qui, au final, résonne auprès des jeunes générations qui s’y identifient plus aisément. C’est donc un honneur pour la Fondation d’entreprise Hermès d’ouvrir les portes de La Verrière à Laura Lamiel pour sa première exposition solo à Bruxelles, l’une des capitales européennes de l’art contemporain. Avec Chambres de capture, Laura Lamiel tire parti de l’espace carré de La Verrière pour y installer ses « geôles » matérialisées par des assemblages d’objets. L’artiste n’aborde pas cet espace comme un lieu neutre, mais comme un terrain de jeu propice à la construction d’un paysage de sculptures qui semble tout autant articulé que mystérieux. De fait, s’adonner aux expositions de Laura Lamiel nécessite de s’« abandonner » et d’accueillir l’indicible. Par association d’idées, et bien que différente dans son approche, Chambres de capture fait écho à l’exposition de Benoît Maire Letre à l’automne 2014 qui, de même, montrait des objets devenus readymade pour un usage d’assemblages sophistiqués portés par une pensée philosophique. Poursuivons ce jeu de liaisons en mentionnant l’exposition « Simple Forms : Contemplating Beauty », qui a été inaugurée le 24 avril au Mori Art Museum à Tokyo. Il s’agit de la version asiatique de « Formes simples », présentée au Centre Pompidou-Metz en 2014, que nous avons coproduite et dont nous accompagnons l’itinérance. Ces expositions conçues par Jean de Loisy interrogent la fascination de l’homme pour ces objets qu’ils soient dédiés à des rituels, d’usage ou artistiques et dont les formes « essentielles » portent en elles les valeurs à la fois universelles et différentes de chaque culture. L’objet que l’on appréhende comme inanimé, par nature, est au contraire animé, dans son rapport à l’homme, de statuts et de relations dont l’art interroge et explore d’infinis potentiels. La Fondation d’entreprise Hermès, de par sa mission de valorisation des savoir-faire créatifs, se reconnaît pleinement dans ces questionnements que Jean de Loisy et Guillaume Désanges activent avec passion. Bonne visite.
Laura Lamiel is een zeldzame kunstenares. Zeldzaam omdat ze haar werk met discretie vertoont en haar visibiliteit in de marge verzorgt. Zeldzaam door haar artistieke projecten waarin ze nu al decennialang een bijzondere, intieme band met het voorwerp onderzoekt, een weg waarvan ze niet is afgeweken, ondanks de lokroep van de dominante stromingen en die uiteindelijk weerklank vindt bij de jongere generaties die er zich makkelijker mee kunnen identificeren. Het is voor de Fondation d’entreprise Hermès een eer om de deuren van La Verrière open te stellen voor Laura Lamiel en haar eerste solo-expositie in Brussel, één van de Europese hoofdsteden van de hedendaagse kunst. Met Chambres de capture (Verzamelkamers) maakt Laura Lamiel optimaal gebruik van de vierkante vorm van La Verrière om er haar ‘kerkers’ in te installeren die vorm krijgen door middel van assemblages van voorwerpen. De kunstenares beschouwt deze ruimte niet als een neutrale plek, maar als een speelterrein dat zich prima leent om er een landschap van sculpturen in te bouwen dat even beweeglijk als mysterieus lijkt. In feite moet je jezelf ‘overgeven’ en openstaan voor het onzegbare als je je overgeeft aan de tentoonstellingen van Laura Lamiel. Door de associatie van ideeën, en hoewel de benadering verschillend is, klinkt Chambres de capture als de echo van een expositie van Benoît Maire, Letre, in het najaar van 2014, die net als zij objecten toonde die ready-mades geworden waren voor gebruik in gesofistikeerde assemblages die gedragen worden door een filosofische gedachte. We kunnen dit verbandenspel voortspelen en de expositie ‘Simple Forms: Contemplating Beauty’ vermelden die op 24 april werd ingehuldigd in het Mori Art Museum in Tokyo. Het gaat hier om de Aziatische versie van ‘Formes simples’ die in 2014 in het Centre PompidouMetz werd ingehuldigd, waarvan wij coproducent zijn en de verplaatsingen begeleiden. Deze exposities zijn een ontwerp van Jean de Loisy en ze stellen de vraag waar de fascinatie van de mens voor deze voorwerpen vandaan komt en waarvan de ‘essentiële’ vormen tegelijkertijd de universele waarden en de specifieke waarden van elke cultuur in zich dragen. Een voorwerp dat door zijn aard als levenloos wordt beschouwd is integendeel levend, in zijn verhouding tot de mens qua status en relaties, en waarvan kunst de eindeloze mogelijkheden onderzoekt en verkent. De Fondation herkent zich op basis van haar missie ter valorisatie van het creatieve vakmanschap volkomen in de vraagstelling waarop Jean de Loisy en Guillaume Désanges zich met veel passie baseren. Wij wensen u een aangenaam bezoek.
EDITORIAAL
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À l’invitation de La Verrière, et pour sa première exposition en Belgique, l’artiste française Laura Lamiel a conçu spécifiquement une vaste installation intitulée Chambres de capture. Elle y déplie son vocabulaire plastique sous la forme d’un paysage de « cellules » à arpenter, qui mettent en tension l’ensemble de l’espace de La Verrière. Objets trouvés et matériaux bruts, rebuts et produits manufacturés, meubles et accessoires sont rigoureusement agencés selon un ordre sensible et sensuel qui joue aussi avec le vide. Apparemment simple, fondé sur l’intuition autant que sur l’intention, le travail de Laura Lamiel est hanté de référents invisibles qui vont de l’art minimal jusqu’à la littérature, en passant par le surréalisme, le conceptualisme sentimental d’un Marcel Broodthaers, mais aussi les courants matérialistes les plus radicaux de la jeune sculpture. Autant de murmures divergents qui n’empêchent pas une grande cohérence, dans la forme et dans l’esprit. Discrètement complexe, exemplaire dans sa manière intelligente et poétiquement stratégique de multiplier les couches et les
À gauche / Links : FIGURE, 2013 Acier, fluos, chaise, gants / Staal, fluo’s, stoel, handschoenen, 210 x 125 x 130 cm À droite / Rechts : SANS TITRE [Zonder titel], 2000 Report photographique sur acier, fluo / Fotoreproductie op staal, fluo, 93 x 133 x 17 cm Vue de l’exposition / Zicht op de tentoonstelling Emoi & moi, MAC/VAL, Vitry-sur-Seine, 2013 © Photo / foto : Marc Domage
perspectives, de montrer et de cacher dans le même geste, l’art de Laura Lamiel fait exploser le regard et les affects dans des directions contradictoires. Si les significations demeurent volontairement suspendues, précaires, le titre choisi, Chambres de capture, résonne bien de certains enjeux propres à son travail : la relation à l’espace (intérieur et extérieur), la photographie (la saisie d’un instant) ou encore la sphère psychique (le trauma, l’enfermement). De fait, Laura Lamiel propose des modes originaux de « saisie », de pétrification, voire de précipitation (au sens chimique d’un « précipité ») affective et mentale. Qu’il se manifeste en photographies (sur papier ou acier), dessins ou installations, l’art de Laura Lamiel relève fondamentalement de la sculpture. Tous ses gestes ont l’espace comme horizon : objets et matières disposés dans l’atelier selon des tensions formelles et des rapprochements chromatiques (blancs, souvent, mais parfois noirs ou orange), superposition de textures variées, jeux
PAR GUILL AUME DÉSANGES
de verticalité et d’horizontalité, ombre et lumière, équilibres et pesanteurs, opacités et transparences. Si sa pratique emprunte au minimalisme (peinture, crayons et aplats à tendance monochrome, utilisation de matériaux industriels), c’est d’un minimalisme composite dont il s’agit, qui déborde vers la figuration, le surréalisme, voire une forme clandestine d’expressionnisme. Un souffle poétique qui subvertit la rigueur dogmatique des figures tutélaires du courant historique. Blanc, certes, mais certainement pas tout blanc. L’influence subliminale que Laura Lamiel exerce chez certains jeunes artistes – inconsciente des deux côtés – tient précisément à ce dépassement des coupures dialectiques du minimalisme, via une radicalisation tranquille de ses fondements. De quelle manière ? Simplement via une telle confiance en la matière concrète qu’il n’est même plus besoin de la sublimer par l’échelle grandiloquente ou le cadrage exclusif. À la célébration lyrique, Laura Lamiel oppose une relation « critique » au matériau, exhibant volontiers l’envers du décor et ses
QUI PARLE AINSI SE DISANT MOI ?, 2013 Acier, miroir espion, divers éléments / Staal, spioneerspiegel, diverse elementen 190 x 150 x 150 cm Vue de l’exposition / Zicht op de tentoonstelling Noyau dur et double foyer, La Galerie, Noisy-le-Sec, 2013-2014 © Photo / foto : Cédrick Eymenier
De Franse kunstenares Laura Lamiel heeft op uitnodiging van La Verrière, en voor haar eerste expositie in België, speciaal een grote installatie ontworpen die ze Chambres de capture genoemd heeft. In die installatie ontplooit zij haar plastisch repertoire in de vorm van cellen waar je langsloopt en die van de hele ruimte van La Verrière een spanningsveld maken. Gevonden voorwerpen en ruw materiaal, schroot en afgewerkte producten, meubelen en accessoires zijn er uiterst nauwkeurig in opgesteld volgens een principe dat gevoel en sensualiteit uitdrukt en dat ook met de leegte speelt. Het werk van Laura Lamiel oogt op het eerste gezicht simpel. Het ontstaat net zozeer uit intuïtie als uit een bewust plan en zit boordevol onzichtbare verwijzingen, gaande van minimal art tot literatuur, via surrealisme, het sentimentele conceptualisme van een Marcel Broodthaers bijvoorbeeld, maar ook naar de meest radicale materialistische stromingen van de jonge sculptuurwereld. De meest verscheiden losse elementen die toch niet beletten dat er één groot coherent geheel ontstaat in vorm en geest. De kunst van Laura Lamiel is op een discrete manier complex en voorbeeldig in de wijze waarop zij intelligent, op poëtische en strategische wijze, verschillende lagen en perspectieven opeenstapelt, in één en dezelfde beweging toont en verbergt. Haar kunst doet je blik en de affecten in verschillende, tegengestelde richtingen uiteenspatten. Wat de betekenis ervan is blijft bewust vaag, onzeker, maar de titel die zij gekozen heeft - Chambres de capture (Verzamelkamers) -, geeft duidelijk een aantal krachtlijnen aan die specifiek zijn voor haar werk: de relatie in de ruimte (binnen en buiten, fotografie (een momentopname) en de psychische sfeer (trauma’s, het zich afsluiten)). Wat Laura Lamiel in feite doet is haar originele wijze voorstellen om
iets ‘vast te leggen’, te verstarren of zelfs affectief en mentaal te condenseren (in de chemische betekenis van ‘neerslag’). De kunst van Laura Lamiel, of dat nu in de vorm is van foto’s (op papier of op staal), tekeningen of installaties, is fundamenteel verwant met de beeldhouwkunst. Al haar vormen hebben de ruimte als horizon: voorwerpen en materiaal dat in haar atelier gerangschikt is volgens formele spanningsvelden en kleurovereenkomsten (vaak wit maar soms ook zwart of oranje), de opeenstapeling van verschillende texturen, het spel van verticaliteit en horizontaliteit, licht en schaduw, evenwicht en zwaarte, ondoorzichtigheid en transparantie. Haar werkwijze heeft trekken van het minimalisme (schilderwerk, potloodtekeningen en meestal monochrome, vlakke kleurentekeningen en industrieel materiaal), maar het is een soort composietminimalisme dat verder gaat en neigt naar het figuratieve, het surrealisme en zelfs een verhulde vorm van expressionisme. Een wolkje poëzie dat de dogmatische strengheid van de behoeders van de historische stromingen op zijn kop zet. Wit, zeker, maar dan niet helemaal wit. De subliminale invloed die Laura Lamiel op sommige jonge kunstenaars heeft – onbewust van beide kanten – heeft precies te maken met het overschrijden van de dialectische grenslijnen van het minimalisme, door middel van een rustige radicalisering van zijn fundamenten. Hoe? Gewoonweg door zulk groot vertrouwen in de concrete materie dat het zelfs niet meer nodig is ze te sublimeren door middel van een hoogdravend formaat of een exclusieve cadrage. Tegenover het lyrische plaatst Laura Lamiel een ‘kritische’ relatie ten opzichte van het materiaal: ze laat graag de achterkant van het decor zien en
DOOR GUILL AUME DÉSANGES
de onzekerheid ervan, het gereedschap en de structuren die het ondersteunen, de broosheid ervan net zo goed als de stevigheid. Ze gelooft diep in de intrinsieke kwaliteiten van de voorwerpen, die echt wel sterk genoeg zijn om zichzelf te overstijgen, zonder dat daarvoor een externe macht nodig is. Met, door die nederige houding ten opzichte van het materiaal, winst op het vlak van passie: aangezien niets verbergen van de praktische kant de beste manier is om de essentie te verbergen, waarbij de deur naar het mysterie wagenwijd blijft openstaan. De installaties van Laura Lamiel zijn veeleer assemblages dan constructies. De elementen ervan zijn zorgvuldig gerangschikt, zonder dat je precies weet welk principe de onderlinge verhoudingen bepaalt. Die manier van werken zou kunnen wijzen op een obsessioneel klasseersyndroom, ware het niet dat de voorwerpen veeleer voor zichzelf dan voor onze ogen gerangschikt lijken te zijn. Sterker nog: gerangschikt door zichzelf. Door een soort object-zelfdiscipline. In het werk van Laura Lamiel zit inderdaad geen enkele theatraliteit, niet het minste exhibitionisme, maar veeleer een vorm van goedaardig autisme, een onverschilligheid die wijst op afstandelijkheid. In feite is alles hier een kwestie van (verlangende) distantiëring. Door de foto’s, de sokkel, de etalage, het kader, transparantie of reflectie krijgt wat je ziet continu een droste-effect. Een voorbeeld hiervan zijn de voorwerpen die in het atelier in scène gezet zijn (eerste afstand), vervolgens gefotografeerd (tweede afstand) en ten slotte geplaatst op montage-oppervlakken die met potloden of ander materiaal verhoogd werden. Ook het nauwkeurige gebruik van de ruimte als compositievlak waarin de structuren in elkaar schuiven of de ene boven
DE CAPTURE
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de andere schuift als architectonische of sculpturale palimpsesten. Nog een voorbeeld is de kleurenvervlakking, die de voorwerpen doet verdwijnen in een genereuze onverschilligheid en uit de werkelijkheid weghaalt, alsof ze getransformeerd waren door het werk van een droom. Dit creëren van afstand en dit sedimentatiewerk is niet alleen visueel maar ook conceptueel, alsof het de bedoeling was om de verschillende mogelijke betekenissen te verveelvoudigen. Daaruit ontstaat een dicht netwerk van verborgen, potentiële betekenissen dat groeit in functie van de opeenvolgende lagen van afwezigheid. Bij Laura Lamiel vind je overal dode hoeken, laden, sleuven en verborgen ruimtes. Is het de voorstelling van de achterkant van de wereld? Misschien zijn het evenveel opbergvakken van herinneringen, zoals in de oude traditie van de Ars memoriae (de kunst van het geheugen), die erin bestond een mentale architectuur te bouwen die zo ingewikkeld mogelijk was, om er de feiten in te verbergen die men zich wenste te herinneren en waarbij het volstond er in zijn geest langs te lopen om ze terug te vinden. In het œuvre van Laura Lamiel weerklinkt een fantastische echo, maar het is een echo die niet van buiten maar binnenuit de realiteit komt, uit het hart van het gewone. Het is de bijzondere aandacht die rechtstreeks naar het voorwerp gaat, een ‘vreemd lichaam’ waarmee we onbewust een
FIGURE II, 2001 Acier, bois, divers éléments Staal, hout, diverse elementen 175 x 125 x 5 cm © Photo / foto : Aurélien Mole
FIGURE II [détail], 2001 Acier, bois, divers éléments / Staal, hout, diverse elementen 175 x 125 x 5 cm © Photo / foto : Aurélien Mole
incertitudes, les outils et les structures qui le soutiennent, ses fragilités autant que sa robustesse. Une foi profonde en la qualité intrinsèque d’objets bien assez puissants pour se transcender eux-mêmes, sans nécessité d’une autorité extérieure. Avec, dans cette humilité face à la matière, un gain en termes passionnels : car ne rien cacher d’utilitaire est le meilleur moyen de cacher l’essentiel, laissant la porte grande ouverte au mystère. Les installations de Laura Lamiel sont des assemblages plus que des constructions. Les éléments y apparaissent soigneusement rangés, sans que l’on sache exactement quel ordre détermine ces associations. La pratique pourrait être signe d’un syndrome de classification obsessionnelle si ces objets n’avaient l’air d’être arrangés pour eux-mêmes plus que pour notre regard. Voire, arrangés par eux-mêmes. Par une sorte d’autodiscipline objectale. De fait, il n’y a nulle théâtralité dans le travail de Laura Lamiel, aucun exhibitionnisme, mais plutôt une forme d’autisme bienveillant, une indifférence qui marque la distance. De fait, tout est affaire de distanciation (désirante), ici. Par la photographie, le socle, la vitrine, le cadre,
IL N’Y A NULLE THÉÂTRALITÉ DANS LE TRAVAIL DE LAURA LAMIEL, AUCUN EXHIBITIONNISME, MAIS PLUTÔT UNE FORME D’AUTISME BIENVEILLANT, UNE INDIFFÉRENCE QUI MARQUE LA DISTANCE.
la transparence ou le reflet, le visible est constamment mis en abyme. En attestent ces objets mis en scène dans l’atelier (première distance), puis photographiés (deuxième distance), et enfin placés sur des plans de montage rehaussés au crayon ou autres. En atteste cet usage précis de l’espace comme plan de composition où les structures se glissent les unes derrières les autres, ou les unes par-dessus les autres, comme des palimpsestes architectoniques et sculpturaux. En atteste l’aplatissement chromatique, qui fait disparaître les objets sous une indifférenciation généreuse et dans le même temps les déréalise, comme transformés par le travail du rêve. Cette mise à distance et ce travail de sédimentation ne sont pas que visuels mais aussi bien conceptuels, comme s’il s’agissait de multiplier en couches les significations possibles. Dès lors un réseau dense de sens dérobés, potentiels, s’accumule selon des strates successives d’absence. Chez Laura Lamiel, il y a partout des angles morts, des tiroirs, des coulisses, des espaces dissimulés. Représentation d’un revers du monde ? Peut-être sont-ils autant de compartiments de rangement de souvenirs, comme dans la tradition antique de l’Ars memoriae (l’art de la mémoire), qui consistait à construire une architecture mentale la plus complexe possible pour pouvoir y dissimuler les faits dont on souhaitait se souvenir, et qu’il suffisait d’arpenter mentalement pour les retrouver. Si l’œuvre de Laura Lamiel résonne d’un écho fantastique, c’est d’un fantastique qui surgit non pas de l’extérieur mais de l’intérieur du réel, du cœur de l’ordinaire. C’est une attention particulière portée à l’objet
immédiat, « corps étranger » avec lequel nous entretenons des flux affectifs inconscients, qui soudain crée la distance, faisant vriller et déraper notre sensibilité. Une relation particulière du regard à l’objet et à l’espace qui tisse des liens invisibles entre le travail et la sphère psychanalytique, via « l’inquiétante étrangeté » freudienne comme relation trouble et irrésolue à la chose inerte. Par ailleurs, certains motifs récurrents comme les miroirs, la transparence, l’absence du corps, l’architecture labyrinthique, l’espace de confinement intérieur ou la duplication comme multiplication de l’identité abordent des rivages psychiques complexes quoique jamais énoncés autrement que par la sculpture. On le voit, l’art de Laura Lamiel est à la fois modeste et précieux. Précieux au sens premier de vénérable, et modeste au sens où il s’agit de considérer avec égards les choses quelle que soit leur origine. Une sorte de positionnement politique à l’échelle des objets, par un refus catégorique de la hiérarchisation et une organisation de leur mixité « sociale ». Évoluant au cœur de ces flux affectifs sans jamais être déterminé par eux, comme en lévitation par rapport à l’interprétation, le travail de Laura Lamiel est irréductible à une lecture donnée. Il en va ainsi de ces grandes œuvres qui ouvrent les imaginaires par la rigueur et la simplicité, et dont la richesse ne contredit pas la précision. Ces œuvres qui opèrent par soustraction plutôt que par démonstration, par la puissance et non par la force. C’est bien en ce sens que sa présence est pleinement justifiée au sein du cycle des « Gestes de la pensée », consacré à une filiation trouble, non évidente, en un mot « alternative » de Marcel Duchamp.
IN HET WERK VAN LAURA LAMIEL ZIT INDERDAAD GEEN ENKELE THEATRALITEIT, NIET HET MINSTE EXHIBITIONISME, MAAR VEELEER EEN VORM VAN GOEDAARDIG AUTISME, EEN ONVERSCHILLIGHEID DIE WIJST OP AFSTANDELIJKHEID.
affectieve band onderhouden, die plots afstand creëert en onze gevoeligheid als in een spiraalvlucht brengt en doet ontsporen. Een bijzondere relatie ook van onze blik op het voorwerp en op de ruimte die onzichtbare banden weeft tussen het werk en de psychoanalytische sfeer, via de Freudiaanse ‘verontrustende vreemdheid’ als onduidelijke, onopgeloste relatie met het inerte voorwerp. Sommige terugkerende motieven zoals spiegels, transparantie, de afwezigheid van lichamen, de doolhofarchitectuur, de ruimte voor inwendige insluiting of het dupliceren als verveelvoudiging van de identiteit, betreden complexe psychische domeinen, hoewel deze nooit anders dan door de beeldhouwkunst werden uitgedrukt. U merkt het: de kunst van Laura Lamiel is tegelijkertijd bescheiden en precieus. Precieus in de eerste betekenis: achtbaar, en bescheiden
in de zin dat het erom gaat de dingen met respect te behandelen, waar ze ook vandaan komen. Een soort politieke positionering op het niveau van de voorwerpen, door de categorische weigering van een hiërarchisering en een organisatie van hun ‘sociale’ mix. Het werk van Laura Lamiel situeert zich in het hart van deze affectieve stromen maar wordt er nooit door bepaald, zoals in ‘levitatie’ ten opzichte van ‘interpretatie’ en is niet te herleiden tot één bepaalde interpretatie. Zo gaat dat met grote werken die de verbeelding op gang brengen door striktheid en eenvoud, en waarvan de rijkdom de precisie niet in de weg staat. Werken die hun uitstraling eerder danken aan onttrekking dan aan demonstratie, aan kracht dan aan geweld. In die zin is haar aanwezigheid in de cyclus ‘Des gestes de la pensée’, die gewijd is aan een onduidelijke, niet-evidente, in één woord ‘alternatieve’ verwantschap met Marcel Duchamp ten volle gerechtvaardigd.
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mette face à un dilemme, qui nous fasse osciller entre deux manières de se confronter à l’espace et qui, en même temps, ne nous en laisse pas vraiment la possibilité. » « [...] je ne voulais pas d’une situation ennuyeuse. Je voulais qu’il y ait toujours un début et une fin. Mais il me semblait que si une situation durait assez longtemps, si quelqu’un pouvait entrer dans la pièce et la regarder, on pouvait lui offrir une heure, une demiheure ou même deux heures, mais il fallait toujours faire en sorte que la structure comporte des tensions suffisantes – soit des tensions produites par des erreurs dues au hasard, soit par une certaine lassitude ou par certaines maladresses, peu importe… L’important était qu’une certaine structure soit programmée. Ces tensions m’intéressaient beaucoup. » « La chaise devient le symbole d’une forme humaine – la doublure de cette forme. Une chaise a une utilité, elle est fonctionnelle ; mais elle a aussi une valeur symbolique. Il y a la chaise électrique, ou cette chaise sur laquelle la police vous fait asseoir avant de diriger les projecteurs sur vous. Parce que votre imagination est obligée de prendre en compte cet isolement, l’image se charge de force. [...] Je suis aussi intéressé par l’idée d’accrocher une chaise sur un mur. Vous savez c’était une idée des Shakers. Ils avaient des planches avec des chevilles qui couraient le long des murs, afin de pouvoir accrocher tous les meubles et de laisser le plancher libre. Les chaises n’avaient pas besoin d’être sur le plancher pour remplir leur fonction. » Bruce Nauman. Cité dans cat. expo. 50 espèces d’espace : œuvres du Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne < Centre de la Vieille Charité / MAC, galeries contemporaines des Musées de Marseille, 28 novembre 1998-30 mai 1999 >. Paris, RMN / Centre Pompidou-MNAM, 1998.
“Vroeger was ik heel nerveus. Maar nu doe ik het anders: Ik leg een appel op mijn tafel. En dan begin ik aan die appel. Wat een rust!” Henri Michaux. ‘Magie’ in ‘Lointain intérieur (1938)’ in L’Espace du dedans. Pages choisies (1927-1959). Parijs, Gallimard, rééd. 1966, p. 199.
« [...] ik wilde er geen vervelende toestand van maken. Ik wilde dat er altijd een begin en een einde aan was, maar het leek me dat als een situatie vrij lang zou duren, als iemand in de kamer zou kunnen binnenlopen en ze zou kunnen bekijken, we hem een uur zouden kunnen geven, een halfuur of zelfs twee uur, maar het moest alleszins zo zijn dat de structuur voldoende spanning zou hebben – ofwel spanning die wordt veroorzaakt door toevallige fouten, ofwel door een zekere nonchalance of onhandigheid, maakt niet uit… Het belangrijkste was dat er een bepaalde structuur geprogrammeerd zou zijn. Dat soort spanning boeit mij sterk.” “De stoel wordt een symbool van de menselijke vorm – een tweede huid van deze vorm. Een stoel is nuttig en heeft een functie; maar hij heeft ook een symbolische waarde. Er is de elektrische stoel, maar ook de stoel waarop de politie je doet plaatsnemen voordat ze de spots op je richten. Omdat je verbeelding verplicht is rekening te houden met dit isolement dringt dit beeld zich sterk op. [...] Ik ben ook geïnteresseerd in het idee om een stoel aan de muur te bevestigen, een idee van de Shakers zoals u weet. Ze hadden planken met haken die langsheen de muur liepen, om alle meubelen te kunnen ophangen en de vloer vrij te laten. De stoelen hadden geen vloer nodig om hun functie te vervullen.” Bruce Nauman. Geciteerd in de cat. expo. 50 espèces d’espace : œuvres du Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne < Centre de la Vieille Charité / MAC, galeries contemporaines des Musées de Marseille, 28 november 1998-30 mei 1999>. Parijs, RMN / Centre Pompidou-MNAM, 1998.
« J’étais autrefois bien nerveux. Me voici sur une nouvelle voie : Je mets une pomme sur ma table. Puis je me mets dans cette pomme. Quelle tranquillité ! » Henri Michaux. « Magie » dans « Lointain intérieur (1938) » dans L’Espace du dedans. Pages choisies (1927-1959). Paris, Gallimard, rééd. 1966, p. 199.
« Au lieu d’une vision à l’exclusion des autres, j’eusse voulu dessiner les moments qui bout à bout font la vie, donner à voir la phrase intérieure, la phrase sans mots, corde qui indéfiniment se déroule sinueuse, et, dans l’intime, accompagne tout ce qui se présente du dehors comme du dedans. » Henri Michaux. « Dessiner l’écoulement du temps » dans « Passages (1950) » dans L’Espace du dedans. Pages choisies (1927-1959). Paris, Gallimard, rééd. 1966, p. 308.
« La duplication du réel, qui constitue la structure oraculaire de tout événement, constitue également, considérée d’un autre point de vue, la structure fondamentale du discours métaphysique, de Platon à nos jours. Selon cette structure métaphysique, le réel immédiat n’est admis et compris que pour autant qu’il peut être considéré comme l’expression d’un autre réel, qui seul lui confère son sens et sa réalité. Ce monde-ci, qui n’a par lui-même aucun sens, reçoit sa signification et son être d’un autre monde qui le double, ou plutôt dont ce monde-ci n’est qu’une trompeuse doublure. [...] Cette structure de la réitération, où l’autre occupe la place du réel, ce monde-ci la place du double, n’est autre, encore une fois, que la structure même de l’oracle : le réel qui s’offre immédiatement est une doublure, comme l’événement qui a véritablement lieu est une imposture. Il double le Réel, comme la réalisation de l’oracle est venue “doubler” l’événement attendu. Peut-être cette impression d’avoir été “doublé” constitue-t-elle non seulement la structure de la métaphysique, mais encore l’illusion philosophique par excellence. »
“Het dupliceren van de reële wereld, die de oraculaire structuur vormt van elke gebeurtenis vormt ook, vanuit een andere invalshoek bekeken, de fundamentele structuur van het metafysische discours, van Plato tot op vandaag. Volgens deze metafysische structuur wordt de directe reële wereld maar aanvaard en begrepen in zoverre ze kan worden beschouwd als de expressie van een andere werkelijkheid, de enige waaraan de directe reële wereld haar zin en werkelijkheid ontleent. Deze wereld, die op zichzelf geen enkele zin heeft, ontleent haar betekenis en haar bestaan aan een andere wereld die er een kopie van is, of eerder: waarvan deze wereld slechts een misleidende kopie is. [...] Deze herhalingsstructuur, waarin een andere wereld de plaats van de reële wereld inneemt is, nogmaals, niets anders dan de structuur zelf van het orakel: de reële wereld die zich onmiddellijk aandient is een kopie, zoals de gebeurtenis die echt plaatsheeft bedrog is. Ze is een kopie van de Reële Wereld, zoals de realisatie van het orakel de verwachte gebeurtenis heeft ‘gekopieerd’. Misschien is die indruk van ‘gekopieerd’ te zijn niet alleen de structuur van de metafysica, maar ook de ultieme filosofische illusie.” Clément Rosset. Le Réel et son double (1976). Parijs, Gallimard, coll. Folio essai, rééd. 1984, p. 55-56.
Clément Rosset. Le Réel et son double (1976). Paris, Gallimard, coll. Folio essai, rééd. 1984, p. 55-56.
SÉLECTION PAR LAURA LAMIEL DE CITATIONS TROUVANT ÉCHO DANS SON TRAVAIL SELECTIE VAN DOOR LAURA LAMIEL GEKOZEN CITATEN DIE IN HAAR WERK WEERSPIEGELD ZIJN
“In plaats van een visie met uitsluiting van de andere, heb ik de momenten willen tekenen die aaneengeregen het leven vormen, de inwendige zin laten zien, de zin zonder woorden, de koord die zich eindeloos kronkelend afrolt, en, in het intieme, alles begeleidt dat zich zowel buitenaf als binnenin voordoet.” Henri Michaux. ‘Dessiner l’écoulement du temps’ in ‘Passages (1950)’ in L’Espace du dedans. Pages choisies (1927-1959). Parijs, Gallimard, rééd. 1966, p. 308.
Nicolas Bouvier. ‘L’Inde’ in Œuvres. Parijs, Gallimard, coll. Quarto, 2004, p. 454.
confronte à une situation. Je voulais créer une situation qui nous
“Het belangrijkste element is de spanning, de manier waarop je met een situatie omgaat. Wat ik wilde is een situatie creëren die ons voor een dilemma plaatst, dat ons doet twijfelen tussen twee manieren om met de ruimte om te gaan en dat ons daar tegelijkertijd niet echt de mogelijkheid toe geeft.”
Nicolas Bouvier. « L’Inde » dans Œuvres. Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2004, p. 454.
« La chose la plus importante est la tension, la manière dont on se
“En daar, onder een grote bodhiboom, was een klein theewinkeltje. Een tafeltje in zwart hout, een vliegenstrip, een kleurenplaat [...] en wat keukengerei in messing om de klanten te bedienen. Dat winkeltje was echt perfect: het licht, de rake indeling, de schikking van de voorwerpen. De vermoeidheid maakte me trouwens gevoelig voor dit soort perfectie.”
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« Et là, sous un grand arbre pipal, il y avait une petite boutique à thé. Table en bois noir, colle-mouche, une chromographie [...] et quelques ustensiles de laiton pour servir les clients. Cette boutique était une véritable perfection : lumière, justesse, disposition des objets, et d’ailleurs la fatigue me rendait sensible à ce type de perfection-là. »
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ON EST PRIÉ DE FERMER LES YEUX
GELIEVE DE OGEN TE SLUITEN
PAR MARIE CANTOS
DOOR MARIE CANTOS
« L’homme – opaque et subtil – s’il construit sa maison, se trouve par elle éclairci, expliqué, déployé dans l’espace et la lumière. Sa maison est son élucidation, et aussi son affirmation, car en même temps que transparence et structure, elle est mainmise sur un morceau de terre – creusé par la cave et les fondations – et sur un volume d’espace défendus par les murs et le toit. » 1
“Wanneer de mens – ondoorzichtig en subtiel – zijn huis bouwt, wordt hij erdoor verlicht, verklaard, opengesteld in ruimte en licht. Zijn huis is zijn elucidatie, en ook zijn zelfbevestiging, want naast transparantie en structuur, is het ook een inbezitneming op een perceel aarde – gegraven door de kelder en de fundering – en op een volume ruimte verdedigd door de muren en het dak.” 1
Il y a quelques mois, en visitant Noyau dur et double foyer, l’exposition personnelle de Laura Lamiel qui s’est tenue à La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec2, j’ai repensé aux Météores de Michel Tournier (1975). Peut-être parce que ce roman requiert d’accepter la tension quasi transcendante à laquelle les œuvres de l’artiste nous soumettent. Peut-être aussi parce qu’il peut, à la faveur d’une anecdote, évoquer à la fois « le trouble du double »3, la défocalisation du regard et quelque chose de l’ordre du déphasage. Dans l’un des premiers chapitres, Paul, le narrateur, et son jumeau, Jean, « si semblables et si unis qu’on l’appelait Jean-Paul », sont repérés afin de jouer dans une réclame pour des jumelles de la marque Jumo. Jean-Paul en héritera d’une paire, en souvenir. Une seule : invraisemblable encontre à l’intangible coutume d’offrir à ces « frères-pareils » les mêmes objets, en double. Paul se prend de passion pour cet objet unique – quoique à double lentille – tandis que Jean regrette de ne pouvoir apprécier le déphasage qui s’instaure entre les objets identiques, accrochés côte à côte dans la chambre commune : un coucou sonnant avec une minute de décalage, un baromètre aux personnages ne se croisant jamais4...
Car il n’est pas tant question de « différence et répétition »5 que de phasing6 plastique et conceptuel, opérant par glissements progressifs d’une exposition à l’autre, d’une installation à l’autre, d’un objet à l’autre. Des glissements qui ont, peu à peu, au cours des trente dernières années, déplacé la recherche de Laura Lamiel d’une « mathématique des espaces »6 vers une physique des espaces, délestée de tout théorème (et doublée de sa métaphysique). Certes, il y a eu le blanc, « écrin et écran »8, la couleur du candidat (vêtu de blanc – candidus, en latin), qui a un temps été celle du deuil de la peinture, en un sens. En un sens, seulement : la démarche de l’artiste s’est longtemps inscrite dans une redéfinition des limites du champ pictural – la peinture étant présente, en filigrane, depuis le processus de recouvrement des modules, leurs formats tabulaires, jusqu’au travail de composition dans l’espace, situé, dans un dialogue étroit avec les lieux investis. En un sens, toujours : les œuvres continuent, quelque part, de « payer leur dette à l’opticalité de la peinture »9. Cela saute aux yeux, si je puis dire, dans ses installations pour Light Situations ou Émoi & moi10 – des cadres, des clairs-
obscurs, des natures mortes, presque – autant que dans les agencements jaunes, orange, rouges, bruns, sur la console en bois de Qui parle ainsi se disant moi ?11 : carnets, cahiers, papiers, racines, bracelets, boîtes, bâtons d’encens se pressent dans ce paysage abstrait d’où reflue la rumeur de la foule de Bénarès, en Inde, où l’artiste collecta certains de ces petits objets, lors d’un long séjour en 2010. Cette intrusion de la couleur constitue, je crois, un des points de bascule dans la recherche de Laura Lamiel. Elle advient tardivement, en 2004, lors de l’exposition madrilène Augusta per Angusta12. Trois « cellules » – ces espaces architecturés à deux, trois panneaux d’acier, parfois en briques ou en savons, aujourd’hui en Altuglas, en miroirs-espion, en cuivre – y occupent la première salle. Imbriquées, elles obstruent la vue sur la seconde salle et ménagent des étranglements de l’espace qui deviennent des passages. Des corridors, en quelque sorte, à l’instar de ceux que les « cellules » organisent ici à La Verrière à Bruxelles, et comme un lointain hommage à Bruce Nauman (1941), célèbre (entre autres) pour ses installations en forme de couloirs exigus et anxiogènes. Trois couleurs (dira-t-on pour simplifier) parent les « cellules » madrilènes :
Een aantal maanden geleden bracht ik een bezoek aan Noyau dur et double foyer, een individuele tentoonstelling van Laura Lamiel die plaatsvond in La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec2, en ik moest terugdenken aan Météores van Michel Tournier (1975). Misschien omdat die roman vereist dat je de quasi transcendente spanning accepteert waaraan het werk van de kunstenares ons onderwerpt. Misschien ook omdat hij met een anekdote tegelijkertijd ‘le trouble du double’ (‘de verwarrende verdubbeling’)3, het ontfocussen van je blik en iets in de aard van vervreemding kan oproepen. In één van de eerste hoofdstukken worden Paul, de verteller, en zijn tweelingbroer Jean, die “zo op elkaar lijken en zo één zijn dat men hen Jean-Paul noemde”, opgemerkt om mee te spelen in een reclamestukje voor verrekijkers van het merk Jumo. Als souvenir krijgt Jean-Paul er één. Slechts één: een onwaarschijnlijke inbreuk op de onaantastbare gewoonte om de ‘identieke broertjes’ hetzelfde te geven, maar telkens in dubbel. Paul krijgt de passie te pakken voor dit unieke voorwerp – hoewel de kijker een dubbele lens heeft – terwijl Jean spijt heeft dat hij de defasering die plaatsvindt tussen twee identieke objecten die naast elkaar hangen in het salon niet kan waarnemen: een koekoeksklok die met een minuut verschil
weerklinkt, een barometer met figuren die elkaar nooit kruisen4... Want het gaat niet zozeer om ‘verschil en herhaling’5 dan wel om een plastische en conceptuele phasing6 die werkt door geleidelijke verschuiving van de ene expositie naar de andere, van de ene installatie naar een andere, van het ene voorwerp naar het andere. Die verschuivingen hebben het onderzoek van Laura Lamiel naar een vorm van ‘ruimtelijke wiskunde’ in de loop van de jongste dertig jaar beetje bij beetje verplaatst naar een vorm van fysica van de ruimte, ontlast van alle stellingen (en gedoubleerd door haar metafysica). Er is inderdaad het wit geweest, ‘schrijn en scherm’8, de kleur van de kandidaat (in het wit gekleed – candidus in het Latijn), die in een bepaalde periode de rouwkleur van de schilderkunst was, in zekere zin. In slechts één zin echter: het werk van de kunstenaar bestond lange tijd uit het herdefiniëren van de grenzen van het beeldveld – waarbij de schilderkunst aanwezig was, tussen de regels door, vanaf het bekleden van de modules, hun tabelvormig formaat, tot aan het compositiewerk in de ruimte, gesitueerd in nauwe dialoog met de ingepalmde ruimte. In zekere zin, nog altijd: de werken blijven ergens ‘hun
schuld afbetalen aan de opticaliteit van de schilderkunst’9. Dat springt in het oog, als ik me zo mag uitdrukken, in haar installaties voor Light Situations of Émoi & moi10 – kaders, clairs-obscurs, dode natuurelementen, bijna – net zozeer als in de samenstelling van geel, oranje, rood en bruin op de houten console in Qui parle ainsi se disant moi ?11: boekjes, schriften, papieren, wortels, armbanden, dozen en wierookstokjes dringen tegen elkaar aan in dit abstracte landschap vanwaar het rumoer van de massa in Benares, India, terugkaatst, waar de kunstenares tijdens een lang verblijf in 2010 een aantal van haar kleinste objecten verzamelde. Dit binnendringen van kleur betekent voor mij één van de kantelpunten in het onderzoek van Laura Lamiel. Het komt laat, in 2004, tijdens de Madrileense expositie Augusta per Angusta12. Drie ‘cellen’ – die architecturale ruimtes met twee, drie stalen panelen, soms in steen of zeep, tegenwoordig in Altuglas, in spiegelspionnetjes, in koper – nemen er de eerste zaal in. Ze zijn met elkaar verbonden en hinderen het zicht op de tweede zaal. Ze richten vernauwingen van de ruimte in, die passages worden. Gangen, in zeker zin, naar het voorbeeld van de gangen die de ‘cellen’ hier in La Verrière in Brussel maken, en als een verre hulde aan Bruce Nauman (1941), die (onder
Page précédente / Vorige pagina : CHAMBRES DE CAPTURE, 2013 Bois, Plexiglass, divers éléments, Hout, plexiglas, diverse elementen 180 x 150 x 150 cm Vue de l’exposition / Zicht op de tentoonstelling Noyau dur et double foyer, La Galerie, Noisy-le-Sec, 2013-2014 © Photo / foto : Cédrick Eymenier Ci-contre / Hiernaast : SANS TITRE, 2000 Tirage baryté, recouvrement Barietdruk, overtrek 126 x 156 cm © Photo / foto : Aurélien Mole
SANS TITRE, 2000 Tirage baryté, recouvrement Barietdruk, overtrek 126 x 156 cm © Photo / foto : Aurélien Mole
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OPPOSER LES CONTRAIRES EN TOUTE CL ARTÉ, 2004 Acier, néons, savons, linoléum, valise, dimensions variables / Staal, neonlampen, zeep, linoleum, koffer, variabele afmetingen © Photo / foto : Wilson Montenegro
le blanc de la peinture époxy pour la première (dont le revers est noir), le gris de l’acier brut pour la seconde, l’orangé de l’antirouille pour la troisième – trois états du même matériau, en réalité. C’est encore l’orangé qui ressortira des séjours au Brésil en 2006, puis en Inde. À Rio de Janeiro, par hasard, elle découvre de petits savons orange en forme de brique, transposition odoriférante et incandescente de la brique blanche qui est alors un des éléments essentiels de son vocabulaire plastique13. Un équivalent, à la Carl Andre (1935). À travers eux, finalement, se résout l’opposition « en toute clarté » que l’artiste maintenait entre les modules de construction de ses espaces et ce qu’elle appelle des « contraires »14, objets trouvés ou achetés, « marques du monde extérieur »15 (chariots métalliques, peaux moutonnées, tapis de caniveaux, gants de chaudronnier, tachés, abîmés, visuellement bruyants) qui tendent de plus en plus vers celles d’un monde intérieur (cactus pelucheux, valises de migrants, livres couverts, manteaux en coton, plaques issues de la « bibliothèque »16 de l’artiste). À l’instar des tubes fluorescents, les savons cariocas possèdent ce double statut de « contraires » et de modules de construction : ils architecturent, terrassent, tout en continuant à jouer un rôle de contagion, voire même d’agression : la lumière, par exemple, structure et dissout en un même flux. Ils sont constants, ces glissements subtils d’un état à un autre, d’un statut à un autre. Il faudrait avoir regardé trop vite pour ne pas percevoir que les « cellules », quoique autonomes, parfaitement agencées, avec une science des écarts, des vides, des pleins, du poids des choses, ne sont qu’une stase dans cet œuvre en perpétuel mouvement17. Un espace-temps suspendu où fourmillent néanmoins (oui, cela peut se voir à l’œil nu !) les souvenirs des mises en place passées, les possibles de celle(s) présente(s), les développements de celles à venir. L’un des signes les plus patents de ce fourmillement étant la présence récurrente au sein des installations – qu’elles soient au sol, au mur, dans l’espace, organisées en « cellules » ou non – de photographies et / ou de reports
LE GESTE DEMEURE JUSTE ET ACTUEL : IL N’Y A DE RÈGLES QUI NE SOIENT ÉTABLIES POUR ÊTRE TRANSGRESSÉES DANS CE MONDE POURTANT TRÈS RIGOUREUX.
photographiques cuits sur acier de mises en place – antérieures ou simplement autres. Des mises en place qui, le plus souvent, « ont eu lieu », pour reprendre le titre du très bel ouvrage d’Élisabeth Milon, Avoir lieu18, dans les ateliers successifs de l’artiste, dont on ne sait plus guère si ceux-ci sont venus se couler in situ dans les espaces d’exposition ou s’ils se sont modelés pour les accueillir en leur sein. Dans l’exposition Augusta per Angusta, Laura Lamiel présentait plusieurs travaux photographiques dont un posé au sol, un fluo accroché au-dessus. Le geste demeure juste et actuel : il n’y a de règles qui ne soient établies pour être transgressées dans ce monde pourtant très rigoureux. Si les compositions à l’horizontale semblent résulter d’un basculement de la cimaise (Figure ii, 2001), elles peuvent tout autant réorganiser des espaces où prévaut la verticalité. Les murs glissent au sol, les sols montent en architectonies. Des chutes, des élévations. La plaque de cuivre qui recouvrait la console en bois de Qui parle ainsi se disant moi ? (évoquée plus haut), la protégeant tel un sous-main, se trouve, dans l’exposition de La Verrière, à son tour paroi. Il n’y aurait de « cellules » que dans la nécessité de nommer un ordonnancement de l’espace qui advient, régulièrement. Les « cellules » ne sont pas une série qui s’opposerait aux « sols », qu’ils soient creusés ou posés. Elles sont un moment spatial. À ces glissements de la verticale à l’horizontale (et vice versa) s’ajoutent les décalages orchestrés au sein d’une
OPPOSER LES CONTRAIRES EN TOUTE CL ARTÉ [Détail], 2004 Acier, néons, savons, linoléum, valise, dimensions variables / Staal, neonlampen, zeep, linoleum, koffer, variabele afmetingen © Photo / foto : Wilson Montenegro
même exposition. Noyau dur et double foyer est, à ce titre, exemplaire – la structure duale mise en scène dans les confrontations se trouvant enchâssée dans une structure plus globale où les œuvres semblent lentement tourner dans l’espace. Les trois « cellules » présentées là, bien que toutes à trois pans, offrent chacune une orientation différente ainsi qu’un rapport hauteur-largeur différent, savamment indexé sur le poids visuels des matériaux utilisés : l’acier pour Par ordre d’apparition, le miroir-espion (ou glace sans tain) pour Qui parle ainsi se disant moi ? et l’Altuglas pour Chambres de capture – le décalage s’opérant aussi dans le devenir plus ou moins opaque ou transparent desdites « cellules ». Une construction en acier occupe une surface au sol (elle est également plus haute) plus réduite qu’une autre, transparente, dont le déploiement n’entrave a priori pas le regard19. A priori, car c’est dans Chambres de capture, dont le visiteur découvre ici les prolongements, que se fait jour l’ambiguïté entre doublure, duplication et dédoublement. Ce « trouble du double » qu’évoque Laura Lamiel… Les trois « cellules » présentées à La Galerie de Noisy-le-Sec en 2014 s’affirment d’ores et déjà comme ces « espaces du dedans » que celle-ci développe actuellement. Elles creusent autant l’espace que les « sols » à venir – ceux-ci créant eux-mêmes une sensation de suspension. Le visiteur n’étant jamais ni à l’intérieur, ni à l’extérieur des installations (depuis les premières constructions à la fin des années 1990), il s’en trouve rappelé à son être-au-monde : à côté, ni tout-à-fait ancré, ni complètement flottant. Assis à la table dans Qui parle ainsi se disant moi ?, il fait l’expérience simultanée de la forclusion et de l’exposition, assiste au naufrage de son image dans la mise en abyme spéculaire. Il ne peut distinguer ce qui est autour de la « cellule », aveuglé par la lumière des tubes fluorescents, alors qu’il pouvait, avant d’y pénétrer, en observer l’intérieur. Mais n’est-ce pas le propre de la cellule que d’être tout à la fois retrait volontaire (lieu de travail, de réflexion, d’introspection) et claustration imposée, partageant bon gré, mal gré,
andere) beroemd is omwille van zijn installaties in de vorm van smalle, angstwekkende gangen. Drie kleuren (zal men zeggen om de zaak te vergemakkelijken) tooien de Madrileense ‘cellen’: wit van de epoxyverf voor de eerste (waarvan de achterkant zwart is), grijs van het ruwe staal voor de tweede en antiroest-oranje voor de derde – driemaal een andere staat waarin hetzelfde materiaal zich in de realiteit bevindt. Ook na een verblijf in Brazilië in 2006 en daarna in India kwam het oranje weer tevoorschijn. In Rio de Janeiro ontdekt zij toevallig kleine oranje zeepblokjes in de vorm van een baksteen, een welriekende, gloeiende transpositie van de witte baksteen die op dat moment één van de essentiële elementen is van haar plastisch repertoire13. Een équivalent, à la Carl Andre (1935). Daardoor is uiteindelijk de tegenstelling opgelost tussen ‘in alle helderheid’ waar de kunstenares aan vasthield tussen de constructiemodules van haar ruimtes en wat zij ‘contraires’14 noemt: gevonden of gekochte objecten, ‘tekens uit de externe wereld’15 (metalen karretjes, schapenvellen, gootbekledingen, handschoenen van koperslagers, bevlekt, beschadigd, visueel luidruchtig) die steeds meer neigen naar objecten van een interne wereld (pluizige cactussen, koffers van migranten, gekafte boeken, katoenen mantels, platen die afkomstig zijn uit de ‘bibliotheek’16 van de kunstenares). Net als fluorescerende buizen hebben de stukken cariocas-zeep de dubbele status van ‘contraires’ en van constructiemodules: ze bouwen zorgvuldig iets op, verrichten grondwerk, maar blijven tegelijkertijd de rol van besmetter en zelfs agressor spelen: licht bijvoorbeeld structureert en lost op in éénzelfde stroom. Ze zijn constant, die subtiele verschuivingen van de ene toestand in de andere, van de ene in de andere status. Je zou wel te snel gekeken moeten hebben om niet op te merken dat de ‘cellen’, hoewel ze autonoom en perfect gerangschikt zijn, met wetenschappelijke kennis van afstanden, leegtes, gevulde zones en gewicht der dingen, slechts een stase zijn in dit werk dat eeuwig in beweging is17. Een onderbroken ruimte-tijdcontinuüm waarin niettemin de beweging te zien is (inderdaad, met het blote oog!) van herinneringen aan vergane elementen, de mogelijke evoluties van de gepresenteerde objecten
HET GEBAAR BLIJFT JUIST EN ACTUEEL: ER ZIJN GEEN REGELS DIE NIET GEMAAKT ZIJN OM OVERTREDEN TE WORDEN IN DEZE NOCHTANS ZEER STRIKTE WERELD.
en de ontwikkelingen van diegene die nog moeten komen. Eén van de meest opvallende tekens van dit gewriemel is de terugkerende aanwezigheid binnen de installaties – ongeacht of ze zich op de grond bevinden, aan de muur, in de ruimte, georganiseerd in ‘cellen’ of niet – van foto’s en/of fotografische afdrukken op het staal van opstellingen – van vroeger of gewoon anders. Opstellingen die vaak ‘plaatsgevonden hebben’ (‘ont eu lieu’) om de titel van het zeer mooie werk van Élisabeth Milon, Avoir lieu18, te hernemen, in de opeenvolgende werkplaatsen van de kunstenares en waarvan men niet eens meer weet of ze in situ in de expositieruimte binnengeglipt zijn of gemodelleerd om erin te passen. In de expositie Augusta per Angusta presenteerde Laura Lamiel verscheidene fotografische werken waarvan er eentje op de grond geplaatst was met een fluolamp erboven aan vastgemaakt. Het gebaar blijft juist en actueel: er zijn geen regels die niet gemaakt zijn om overtreden te worden in deze nochtans zeer strikte wereld. De composities die horizontaal zijn lijken voort te komen uit het kantelen van de kroonlijst (Afbeelding ii, 2001) maar kunnen net zo goed de ruimtes reorganiseren waarin de verticaliteit overheerst. De muren schuiven naar de grond, de grond stijgt volgens de bouwkundige ordening. Omlaag, omhoog. De koperen plaat die de houten console bedekte uit Qui parle ainsi se disant moi ? (zie hoger) en ze beschermt als een onderlegger bevindt zich in de expositie in La Verrière, en wordt op zijn beurt wand. Er zouden enkel ‘cellen’ zijn uit noodzaak om een choreografie van de ruimte te benoemen die geregeld voorkomt. De ‘cellen’ vormen geen reeks die zich tegenover
de ‘vloeren’ zou stellen, of ze nu gegraven of geplaatst zijn. Ze vormen een ruimtelijk moment. Naast die verschuivingen van een verticale naar een horizontale toestand (en vice versa) hebben we ook de georkestreerde verschuivingen binnen eenzelfde expositie. Noyau dur et double foyer is in dit opzicht een mooi voorbeeld – waarbij de duale structuur die confronterend opgesteld is ingebed wordt in een ruimere structuur waarin de werken langzaam in de ruimte lijken rond te draaien. De drie ‘cellen’ die hier gepresenteerd zijn bieden alle drie, hoewel ze allemaal uit drie vlakken bestaan, een verschillende oriëntatie en een verschillende hoogtelaagteverhouding die ingenieus vermeld is op de gebruikte materialen: staal voor Par ordre d’apparition, het spiegelspionnetje (of spiegelglas) voor Qui parle ainsi se disant moi ? en Altuglas voor Chambres de capture – waarbij de verschuiving ook in zijn werk gaat in het meer of minder ondoorzichtig of transparant worden van de zogenaamde ‘cellen’. Een stalen constructie neemt minder plaats in op de grond (en is ook hoger) dan een andere, die transparant is en die a priori het gezichtsveld niet belemmert als ze wordt opgesteld19. A priori, aangezien het in Chambre de capture is, waarvan de bezoeker hier de verlengstukken ziet, dat de ambiguïteit duidelijk wordt tussen doublure, duplicatie en ontdubbeling. Deze ‘trouble du double’ (verwarrende verdubbeling) die Laura Lamiel oproept… De drie ‘cellen’ die in 2014 werden gepresenteerd in La Galerie de Noisy-le-Sec blijken voortaan ‘espaces du dedans’ (‘ruimtes van het innerlijke’) die deze momenteel ontwikkelt. Ze verkennen de ruimte net zozeer als de komende ‘gronden’ – die op hun beurt zelf een hangend gevoel creëren. Aangezien de bezoeker nooit binnen maar ook nooit buiten de installaties komt (sinds de eerste constructies, eind jaren 90) wordt hij herinnerd aan zijn op-de-wereld-zijn: ernaast, niet helemaal verankerd maar ook niet helemaal zwevend. Zittend aan de tafel in Qui parle ainsi se disant moi ? ervaart hij tegelijkertijd de uitsluiting en de expositie, en is getuige van de verdrinking van zijn beeld in het spectaculaire drosteeffect. Hij kan niet zien wat er zich rondom de ‘cel’ bevindt, verblind door het licht van de fluorescerende buizen hoewel hij er wel, voordat hij er binnenliep, het interieur van kon
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SANS TITRE [Détails], 2004 Acier, photographies, report photographique sur acier, fluos, manteau en coton, chaise, cactus, dimensions variables. Vue de l’exposition “Augusta per Angusta”, galerie Aele, Madrid, 2004 / Staal, foto’s, fotoreproductie op taal, fluo’s, katoenen mantel, stoel, cactus, variabele afmetingen. Zicht op de tentoonstelling Augusta per angusta, galerij Aele, Madrid, 2004. © Photo / foto : Benoît Dupuis
la référence à Absalon, au Corbusier, à l’architecture autant qu’au biologique ? Quand Qui parle ainsi se disant moi ? renvoie au « stade du miroir » et à la question de la persona20, Chambres de capture organise une fausse symétrie axiale autour de l’une des parois transparentes. Véritable piège pour le regard, elle dédouble les composants de l’installation sans les dupliquer : les deux sièges, piles, dessins, etc., qui se font face, sont similaires mais pas identiques ; en revanche, ils se reflètent bel et bien dans la structure. « Le réel ne commence qu’au deuxième coup, qui est la vérité de la vie humaine, marquée au coin du double ; quand au premier coup, qui ne double rien, c’est un coup pour rien »21. On ne saurait cependant attendre passivement cette réitération (avènement que l’on attend pourtant), aussi ferme-t-on les yeux, pour voir. Il est d’ailleurs surprenant de considérer les dessins d’yeux que l’artiste a posés sur les tables ou rangés en piles – encore emballés, pour certains : des dessins en noir et blanc ainsi qu’en cyan et magenta, exécutés quasi quotidiennement après un accident l’ayant sérieusement blessée à l’œil. On pense à Œdipe-Roi se crevant les yeux, à l’œil tranché dans Un chien andalou (1929)22. On réalise que ces regards portent les couleurs du procédé anaglyphique qui permet de donner l’illusion de la profondeur par superposition en léger décalé de deux occurrences d’une même image (une
1-Tournier, Michel, Les Météores (1975). Paris, Gallimard, coll. Folio, 1975, p. 466. 2-Du 30 novembre 2013 au 8 février 2014. 3-La formule est de l’artiste (2013). 4-Tournier, Ibid., p. 164-174. 5-Deleuze, Gilles, Différence et répétition (1968). Paris, Puf, coll. Epiméthée, rééd. 2003. 6-Le terme phasing a été inventé par Steve Reich dans les années 1960 pour désigner son procédé de composition. Il signifie « déphasage » mais ne traduit pas lorsqu’il renvoie à la musique minimaliste. La musique dite « de phase » consiste à répéter le même motif en introduisant un ou plusieurs décalages progressifs. 7-La formule est de l’artiste (2014). 8-Tronche, Anne. La Pensée du chat, Arles, Actes Sud / Crestet Centre d’art, coll. Art et nature, 2001, p. 46. 9-Id., p. 10-11. 10-Light Situations, exposition personnelle, Kunstverein, Langenhagen, Allemagne (16 mars-11 mai 2014) ; Émoi & moi, exposition collective, MAC/VAL, Vitry-sur-Seine (30 juin-26 septembre 2013). On aurait tout aussi bien pu citer l’exposition du Musée de Grenoble en 2000-2001. 11-Installation réalisée dans le cadre de Noyau dur
PASSEURS, 2009 Savons, valises, fluos, divers éléments 50 x 500 x 500 cm Vue de l’exposition Arte frágil, Resistências, musée d’Art contemporain, Sao Paulo, 2009 Zeep, koffers, fluo’s, diverse elementen, 50 x 500 x 500 cm Zicht op de tentoonstelling Arte frágil, Resistências, Museum van hedendaagse kunst, Sao Paulo, 2009 © Photo / foto : Rômulo Fialdini
cyan, une magenta), regardée avec les fameuses lunettes bicolores. Un procédé qui souligne particulièrement la stéréoscopie de la vision – notre dérisoire capacité à être ici et là en fermant un œil puis l’autre. Toujours ce léger déphasage... Dans le même temps, ces dessins se refusent à la vue, pour la plupart. Empilés donc. Comme à l’atelier. Comme les nombreuses autres piles, de « briques », de feuilles de papier et de carton, que l’on retrouve dans toutes les installations de Laura Lamiel : ces amorces de colonnes qui participent de leur dynamique irrémédiablement ascensionnelle (y compris lorsqu’elles investissent davantage l’horizontalité). On serait tenté de parler de stratification si le terme n’était pas tant galvaudé. Il y a du recouvrement, on l’a déjà souligné, un feuilletage temporel dans ces piles. De la même manière que dans ses interventions sur photographies : une même vue d’atelier partiellement recouverte d’un film plastique noir une fois, d’un voile de papier calque une autre. Non contentes de continuer de « payer leur dette » à « l’opticalité de la peinture », ses œuvres tentent de « crever la peau des choses »23. Et c’est bien à cette traversée du regard (et du corps) qu’invite l’ensemble de « cellules » transparentes de La Verrière.
large part l’intensité (et éventuellement le danger) du contact qu’implique toute expérience de vision »24. On est prié de fermer les yeux, pour reprendre la phrase que Sigmund Freud (1856-1939) vit en rêve, la veille des funérailles de son père, et dont Max Milner a fait le titre de son ouvrage sur Le Regard interdit25. On est donc prié de fermer les yeux afin d’intégrer l’effet de sidération dans lequel les œuvres de Laura Lamiel peuvent plonger. Non pas uniquement par leur beauté ou leur impact visuel : parce qu’elles apparaissent incroyablement incarnées. Le corps, l’intime, l’intériorité, le social, le domestique, le politique, elles se saisissent de tout, dans leur taille, leurs objets. On est dans ce vêtement pendu là, dans ces images qu’elle éparpille à dessein. « Rendre visible, c’est attribuer sensation, sensorialité au visuel défasciné de la vue », écrivait Pierre Fédida. Et « défasciner la vue » serait rendu possible par « la mise en fragments des images de telle sorte qu’elles se dissolvent »26. Plus encore : décollées du sol, les « cellules » révèlent l’espace du dessous, comme les « sols » récemment initiés27 exposent l’« espace du dedans »28. Les œuvres de Laura Lamiel fragmentent et dissolvent, tout en rendant visible : elles font prendre de la hauteur, au propre et au figuré. On peut maintenant rouvrir les yeux.
« Toujours le regard se porte au-devant de ce qui lui est proposé, ce qui explique sans doute pour une
et double foyer, exposition personnelle, La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec (30 novembre 2013-8 février 2014). 12-Augusta per angusta, exposition personnelle, galerie Aele (aujourd’hui Evelyn Botella), Madrid, Espagne (mai-juin 2004). 13-Ces briques blanches, dont les dimensions (15 x 33 x 4 cm) n’ont jamais varié depuis 1989, restent encore très présentes dans les installations de l’artiste bien qu’elles ne composent plus guère de « murs ». On a néanmoins pu en voir un, récemment, dans Le Vicomte pourfendu, exposition collective, Marcelle Alix, Paris (6 juin-28 juillet 2012). 14-Cf. Opposer les contraires en toute clarté, exposition personnelle, musée d’Art moderne, Rio de Janeiro, Brésil (19 avril-11 juin 2006). 15-La formule est, à l’origine, de l’artiste. 16-Cette « bibliothèque » élaborée dans le milieu des années 1990 constitue un ensemble fini de très fines plaques d’acier de 20 x 15 cm sur lesquelles l’artiste a fait reporter des fragments de pages de journaux et de carnets de notes ou de croquis. Récemment, Laura Lamiel a montré une partie de cet ensemble dans une « cellule » titrée, non sans humour, Par ordre d’apparition (2013).
17-« Dans ce principe de succession et de création renouvelée des cellules, il n’y a pas d’acte de renonciation. » Tout est dit. (Lamiel, Laura. « Noyau dur et double foyer : entretien avec Anne Tronche » ( juin 2013), dans cat. expo. Laura Lamiel <Musée d’Art moderne de Saint-Étienne Métropole, 13 septembre-3 novembre 2013>, Milan, Silviana Editore, 2013, p. 71.) 18-Milon, Élisabeth, Avoir lieu. Paris, Éditions Au figuré, 1996. 19-Les dimensions des panneaux sont propres aux matériaux et ne varient pas (ou peu) une fois déterminées : elles peuvent êtres standard ou fixées par l’artiste. 20-Le terme vient du latin per-sonare, c’est-à-dire parler à travers : il désignait le masque que portaient les comédiens dans l’Antiquité. Persona d’Ingmar Bergman (1918-2007), sorti en 1968, a rendu célèbre ce concept de psychologie analytique forgé par Carl Gustav Jung (1875-1961) pour parler du personnage que chacun joue socialement. La référence au film de Bergman est centrale. 21-Rosset, Clément, Le Réel et son double (1976). Paris, Gallimard, coll. Folio essai, rééd. 1984, p. 62. 22-Film de Luis Buñuel (1900-1983). 23-Merleau-Ponty, Maurice, L’Œil et l’Esprit (1964).
Paris, Gallimard, coll. Folio essai, rééd. 2002, p. 69. L’expression « la peau des choses » est évidemment empruntée à Henri Michaux (Aventures de lignes, 1954). 24-Milner, Max, On est prié de fermer les yeux. Le Regard interdit. Paris, Gallimard, Coll. Connaissance de l’inconscient, 1991, p. 10. 25-Freud, Sigmund, « Le travail du rêve » dans L’Interprétation du rêve (1899-1900). Paris, Éditions du Seuil, rééd. 2010 (traduction et présentation de Jean-Pierre Lefebvre), p. 358-359. Freud vient littéralement de « fermer les yeux » de son père et souhaiterait que l’on « ferme les yeux » sur la modestie de la cérémonie qu’il a organisée (et à laquelle il arrivera en retard !). 26-Fédida, Pierre, « Rêve, visage et parole » dans Crise et contre-transfert. Paris, Puf, coll. Psychopathologie / Théorie / Clinique, 1992, p. 113 puis 115. 27-Séquence i ii, exposition personnelle, Marcelle Alix, Paris (22 mai-19 juillet 2014) et La Vie Domestique (commissariat : Sandra Patron), parc Saint-Léger, Centre d’Art contemporain, Pougues-les-Eaux (18 octobre 2014-18 janvier 2015). 28-Michaux, Henri, L’Espace du dedans (1944). Paris, Gallimard, rééd. 1998.
observeren. Maar is het niet eigen aan de cel om tegelijkertijd vrijwillig teruggetrokken te zijn (als werkplaats, om na te denken, voor introspectie), gedwongen opgesloten en daardoor willens nillens verwijzend naar Absalon, naar le Corbusier, naar de architectuur evenzeer als naar het biologische? Wanneer Qui parle ainsi se disant moi ? verwijst naar het ‘spiegelstadium’ en naar de kwestie van de persona20, organiseert Chambres de capture een valse assymmetrie rond één van de transparante wanden. Het is een echte valstrik voor het oog: ze ontdubbelt de elementen van de installatie zonder ze te dupliceren: de twee zetels, stapels, tekeningen, enz., die tegenover elkaar staan lijken op elkaar maar zijn niet identiek; anderzijds weerspiegelen ze zich wel degelijk in de structuur. “De werkelijkheid begint pas bij de tweede beurt en dat is de waarheid van het mensenleven, getuigend van het dubbele; als dat bij de eerste beurt gebeurt, die niets verdubbeld, is het een beurt om niets.”21 Je moet die herhaling echter niet passief afwachten (ook al verwacht je dat ze komt), sluit dus je ogen om te zien. Het is trouwens verbazingwekkend om de tekeningen van ogen te bekijken die de kunstenares op de tafels of op stapels heeft gelegd – sommige nog ingepakt: tekeningen in zwart-wit maar ook in cyaan en magenta, die ze haast dagelijks maakte na een ongeval waarbij ze ernstig gewond raakte aan het oog. Je denkt daarbij aan OedipusRex die zich de ogen uitrukt, aan het uitgesneden oog in Un chien andalou (1929)22. Je realiseert je dat deze
1-Tournier, Michel, Les Météores (1975). Parijs, Gallimard, coll. Folio, 1975, p. 466. 2-Van 30 november 2013 tot 8 februari 2014. 3-De uitdrukking is van de kunstenaar (2013). 4-Tournier, Ibid., p. 164-174. 5-Deleuze, Gilles, Différence et répétition (1968). Parijs, Puf, coll. Epiméthée, rééd. 2003. 6-De term phasing is in de jaren 60 uitgevonden door Steve Reich om zijn compositieprocedé aan te duiden. Hij betekent ‘defasering’ maar verklaart niet als hij verwijst naar minimalistische muziek. De zogenaamde ‘fasemuziek’ bestaat erin hetzelfde thema te herhalen met één of meerdere progressieve decalages. 7-De uitdrukking is van de kunstenaar (2014). 8-Tronche, Anne. La Pensée du chat, Arles, Actes Sud / Crestet Centre d’art, coll. Art et nature, 2001, p. 46. 9-Id., p. 10-11. 10-Light Situations, individuele expositie, Kunstverein, Langenhagen, Duitsland (16 maart-11 mei 2014); Émoi & moi, collectieve expositie, MAC/VAL, Vitry-sur-Seine (30 juni-26 september 2013). We hadden net zo goed de expositie in het Musée de Grenoble in 2000-2001 kunnen citeren. 11-Installatie gerealiseerd in het kader van Noyau dur et double foyer, een individuele expositie, La Galerie, Centre
Atelier, janvier 2015 Workshop, januari 2015 © Photo / foto : Laura Lamiel
blikken de kleuren hebben van het brailleschrift-procedé waardoor de illusie van diepte kan worden gecreëerd door het lichtjes verschoven boven elkaar plaatsen van twee versies van eenzelfde beeld (één in cyaan, één in magenta), bekeken met de bekende tweekleurige brilletjes. Dit procedé onderstreept in het bijzonder de stereoscopie van ons zicht – ons onbeduidend vermogen om hier en daar te zijn door eerst één oog en daarna het andere te sluiten. Steeds die lichte defasering... Terzelfder tijd zijn de meeste van deze tekeningen niet te zien. Op elkaar gestapeld dus. Zoals in het atelier. Zoals de vele andere stapels, van ‘bakstenen’, bladen papier en karton die je vindt in alle installaties van Laura Lamiel: die aanzet van kolommen met hun onherroepelijk opwaartse dynamiek (zelfs ook wanneer ze meer de horizontaliteit innemen). Je zou geneigd zijn om te spreken van gelaagdheid als die term niet zo misbruikt was. Dingen zijn bedekt, we hebben het reeds onderstreept: een tijdelijk doorbladeren van de stapels. Hetzelfde geldt voor haar interventies op foto’s: hetzelfde beeld van een atelier, de ene keer gedeeltelijk afgedekt met een zwarte plastic film, met een sluier overtrekpapier. Haar werken willen niet blijven doorgaan met ‘het betalen van hun schuld’ aan de ‘opticaliteit van de schilderkunst’, ze proberen ‘de huid der dingen los te rukken.’23 En het is wel degelijk tot deze zoektocht van de ogen (en van het lichaam) dat het geheel van transparante ‘cellen’ in La Verrière ons uitnodigt.
d’art contemporain de Noisy-le-Sec (30 november 20138 februari 2014). 12-Augusta per angusta, een individuele expositie, galerij Aele (nu Evelyn Botella), Madrid, Spanje (mei-juni 2004). 13-Deze witte bakstenen, waarvan de afmetingen (15 x 33 x 4 cm) sinds 1989 niet veranderd zijn, blijven nog steeds opvallend aanwezig in de installaties van de kunstenares, hoewel ze geen ‘muren’ meer vormen. Ze waren niettemin onlangs nog te zien in Le Vicomte pourfendu, een collectieve expositie, Marcelle Alix, Parijs (6 juni-28 juli 2012). 14-Cf. Opposer les contraires en toute clarté, een individuele expositie, Museum voor moderne kunst, Rio de Janeiro, Brazilië (19 april-11 juni 2006). 15-De uitdrukking is oorspronkelijk van de kunstenaar. 16-Deze ‘bibliotheek’ die midden jaren 90 werd opgebouwd, bestaat uit een afgewerkt geheel van zeer dunne staalplaatjes van 20 x 15 cm waarop de kunstenares fragmenten van krantenpagina’s, uit notitieboekjes en schetsen heeft laten drukken. Onlangs heeft Laura Lamiel een gedeelte van dit geheel tentoongesteld in een ‘cel’ die ze, niet zonder humor, Par ordre d’apparition noemde (2013). 17-“In dit principe van opvolging en vernieuwde creatie van de cellen is er geen sprake van verzaken.” Waarmee alles gezegd is. (Lamiel, Laura. ‘Noyau dur et double foyer’:
“De blik komt wat haar wordt aangeboden altijd tegemoet, en dat verklaart ongetwijfeld voor een groot gedeelte de intensiteit (en eventueel het gevaar) van het contact dat elke gezichtservaring impliceert.”24. Gelieve de ogen te sluiten, om de zin te hernemen die Sigmund Freud (1856-1939) in zijn droom beleefde op de dag voor de begrafenis van zijn vader en waarvan Max Milner de titel maakte van zijn werk over Le Regard interdit25. Gelieve dus de ogen te sluiten om het schokeffect op te nemen waarin het werk van Laura Lamiel je kan onderdompelen. Niet alleen door de schoonheid ervan of hun visuele impact: omdat haar werken ongelooflijk geïncarneerd lijken. Het lichaam, de intimiteit, het innerlijke, het sociale, het huiselijke, het politiek: ze nemen alles in beslag in hun afmetingen, hun objecten. Je bent in dat kledingstuk dat daar hangt, in de beelden die zij met opzet overal verspreidt. “Zichtbaar maken, dat is gevoel, sensitiviteit toevoegen aan het visuele dat gedefascineerd wordt door het zicht,” schreef Pierre Fédida. En “het zicht defascineren” zou mogelijk gemaakt worden door “de beelden op zodanige wijze te fragmenteren dat ze oplossen26.” Sterker nog: aangezien de ‘cellen’ van de grond los staan wordt de ruimte eronder onthuld, zoals de onlangs geïnitieerde27 ‘gronden’ de ‘ruimte van het inwendige’28 zichtbaar maken. Het werk van Laura Lamiel fragmenteert en lost op, maar maakt tegelijkertijd zichtbaar: het doet je afstand nemen, in de letterlijke en de figuurlijke zin. U mag de ogen nu opnieuw openen.
entretien avec Anne Tronche » (juni 2013), in cat. expo. Laura Lamiel <Musée d’Art moderne de Saint-Étienne Métropole, 13 september-3 november 2013>, Milaan, Silviana Editore, 2013, p. 71.) 18-Milon, Élisabeth, Avoir lieu. Parijs, Éditions Au figuré, 1996. 19-De afmetingen van de panelen zijn eigen aan het materiaal en variëren niet (of weinig) eens ze vastliggen: het kunnen standaardafmetingen zijn of ze kunnen vastgelegd zijn door de kunstenaar. 20-De term komt uit het Latijn: per-sonare, wat betekent erdoorheen praten: verwijzend naar het masker dat de acteurs in de Oudheid droegen. Persona van Ingmar Bergman (1918-2007), uitgebracht in 1968, heeft dit concept uit de analytische psychologie, bedacht door Carl Gustav Jung (1875-1961), beroemd gemaakt, om het personage aan te duiden dat iedereen in de maatschappij speelt. De verwijzing naar de film van Bergman is essentieel. 21-Rosset, Clément, Le Réel et son double (1976). Parijs, Gallimard, coll. Folio essai, rééd. 1984, p. 62. 22-Film van Luis Buñuel (1900-1983). 23-Merleau-Ponty, Maurice, L’Œil et l’Esprit (1964). Parijs, Gallimard, coll. Folio essai, rééd. 2002, p. 69. De uitdrukking ‘de huid der dingen’ is uiteraard ontleend aan Henri Michaux (Aventures de lignes, 1954).
24-Milner, Max, On est prié de fermer les yeux. Le Regard interdit. Parijs, Gallimard, Coll. Connaissance de l’inconscient, 1991, p. 10. 25-Freud, Sigmund, ‘Le travail du rêve’ in L’Interprétation du rêve (1899-1900). Parijs, Éditions du Seuil, rééd. 2010 (vertaling en presentatie van Jean-Pierre Lefebvre), p. 358-359. Freud heeft net letterlijk ‘de ogen gesloten’ van zijn vader en wenst dat men ‘de ogen sluit’ voor de bescheiden ceremonie die hij heeft georganiseerd (en waarop hij te laat zou komen!). 26-Fédida, Pierre, ‘Rêve, visage et parole’ in Crise et contre-transfert. Parijs, Puf, coll. Psychopathologie / Théorie / Clinique, 1992, p. 113 en 115. 27-Séquence i ii, individuele expositie, Marcelle Alix, Parijs (22 mei-19 juli 2014) en La Vie Domestique (curator: Sandra Patron), parc Saint-Léger, Centre d’Art contemporain, Pougues-les-Eaux (18 oktober 2014-18 januari 2015). 28-Michaux, Henri, L’Espace du dedans (1944). Parijs, Gallimard, rééd. 1998.
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DES GESTES DE L A PENSÉE - L AURA L AMIEL
L E JOU R NAL DE L A VE R R I È R E
o JOURNAL DE LA VERRIÈRE N —8
PROCHAINE EXPOSITION À LA VERRIÈRE VOLGENDE TENTOONSTELLING IN LA VERRIÈRE
Ce journal est publié par la Fondation d’entreprise Hermès à l’occasion de l’exposition CHAMBRES DE CAPTURE de Laura Lamiel à La Verrière, du 22 mai au 25 juillet 2015. Deze krant is een publicatie van de Fondation
NIL YALTER
d’entreprise Hermès ter gelegenheid van de tentoonstelling ‘CHAMBRES DE CAPTURE’
DU 2 OCTOBRE AU 5 DÉCEMBRE 2015 VAN 2 OKTOBER TOT 5 DECEMBER, 2015
van Laura Lamiel in La Verrière van 22 mei tot 25 juli 2015. FONDATION D’ENTREPRISE HERMÈS Président, President: Pierre-Alexis Dumas
À VOIR ÉGALEMENT OOK HET BEKIJKEN WAARD
Directrice, Directrice: Catherine Tsekenis Responsable de la publication, Verantwoordelijke uitgever: Frédéric Hubin Chef de projet, Project manager: Clémence Miralles-Fraysse Directeur Général Hermès Benelux-Nordics,
KOLKATA / CALCUTTA DE / VAN PATRICK FAIGENBAUM
Algemeen Directeur Hermès Benelux-Nordics: Béatrice Gouyet Directrice de la Communication, Comunicatie Directrice: Pascale Delcor
FONDATION HENRI CARTIER-BRESSON 13 MAI - 26 JUILLET 2015 13 MEI - 26 JULI 2015 WWW.HENRICARTIERBRESSON.ORG
À Paris, nous vous invitons à découvrir l’exposition de Patrick Faigenbaum à la Fondation Henri Cartier-Bresson. Le photographe y retrace sa passionnante immersion en Inde, permise par le Prix Henri Cartier-Bresson dont il a été honoré en 2013, et dont la Fondation d’entreprise Hermès est le mécène. Fasciné de longue date par ce pays, le photographe français Patrick Faigenbaum a réalisé un travail approfondi dans la région de Calcutta. Après deux ans de voyages, rencontres, réflexions, il en expose aujourd’hui le résultat, avec la complicité du critique et historien d’art Jean-François Chevrier, qui en signe le commissariat. Le portrait d’une artiste, initialement envisagé par le photographe, est devenu celui d’une communauté, d’une culture, d’une région. L’exposition, qui rassemble une quarantaine de photographies, présente l’essence de ce vaste projet relaté également dans un livre très documenté publié chez Lars Müller Publishers.
BI OG R A PH I E
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Laura Lamiel vit à Paris. Ses œuvres ont été montrées récemment au Kunstverein Langenhagen, Allemagne (curator Ursula Schöndeling), au centre d’art La Galerie, Noisy-le-Sec (cur. Émilie Renard), au musée d’Art moderne de Saint-Étienne (cur. Anne Tronche, dans le cadre du prix AICA), à la galerie Silberkuppe, Berlin et au MAC/VAL, Vitry-sur-Seine (cur. Frank Lamy). Laura Lamiel est représentée par la galerie Marcelle Alix à Paris et la galerie Silberkuppe à Berlin.
FIGURE IV, 2012 Divers éléments : chaises, tubes de fluo, caoutchouc, brique, acier sérigraphié émaillé 210 x 125 x 130 cm Vue de l’exposition Light Situations, Kunstverein Langenhagen, Langenhagen, 2014 Diverse elementen: stoelen, fluo-tubes, rubber, baksteen, zeefdruk op geëmailleerd staal, 210 x 125 x 130 cm Zicht op de tentoonstelling Light Situations, Kunstverein Langenhagen, Langenhagen, 2014 © Photo / foto : Christian Dootz
Au terme de sa présentation à Paris, l’exposition Kolkata / Calcutta sera proposée au public américain à l’Aperture Foundation à New York (18 septembre 29 octobre 2015), dans le cadre de l’alliance nouée avec la Fondation d’entreprise Hermès pour promouvoir la création photographique. Wij nodigen u ook uit om de expositie te komen bekijken van Patrick Faigenbaum, in de Fondation Henri Cartier-Bresson in Parijs. De fotograaf doet hierin verslag van zijn boeiend belevingsverblijf in India, een verblijf dat mogelijk was dankzij de Henri Cartier-Bresson-prijs die hij in 2013 in
BIOGRAFIE Laura Lamiel woont in Parijs. Haar werk was onlangs te zien in de Kunstverein Langenhagen, Duitsland (curator Ursula Schöndeling), in het kunstcentrum La Galerie, Noisy-le-Sec (cur. Émilie Renard), in het Museum voor moderne kunst in Saint-Étienne (cur. Anne Tronche, in het kader van de AICA-prijs) in de galerij Silberkuppe, Berlijn en op MAC/VAL, Vitry-sur-Seine (cur. Frank Lamy). Laura Lamiel wordt vertegenwoordigd door galerij Marcelle Alix in Parijs en galerij Silberkuppe in Berlijn.
La Fondation d’entreprise Hermès accompagne celles et ceux qui apprennent, maîtrisent, transmettent et explorent les gestes créateurs pour construire le monde d’aujourd’hui et inventer celui de demain. Guidée par le fil rouge des savoir-faire et par la recherche de nouveaux usages, la Fondation agit suivant deux axes complémentaires : savoir-faire et création, savoir-faire et transmis-
Responsable Presse et Evénements, Pers & Evenementen Verantwoordelijke: Aladin Hardy Commissaire de l’exposition, Tentoonstellingscurator: Guillaume Désanges Équipe Work Method, Work method team Marine Eric, Cybele MK Mavrokordopoulou Textes, Teksten: Catherine Tsekenis, Guillaume Désanges, Marie Cantos Pour toutes les photos, Voor alle foto’s: courtesy Marcelle Alix, Paris Le New Market vu d’une chambre au deuxième étage de l’Oberoi Grand Hotel pendant la mousson, Kolkata nord, juillet 2014 © Patrick_Faigenbaum
ontvangst mocht nemen en die gesteund wordt door de Fondation d’entreprise Hermès.
Médiation culturelle, Culturele bemiddeling Audrey Cottin
[email protected] Conception graphique et coordination éditoriale, Grafisch concept en redactiecoördinatie: Agent Créatif(s) Marie-Ann Yemsi
De Franse fotograaf Patrick Faigenbaum was al heel lang gefascineerd door dit land en hij heeft in de streek rond Calcutta grondig werk geleverd. Na twee jaar reizen, ontmoetingen en overpeinzing, stelt hij nu het resultaat ten toon, met medewerking van criticus en kunsthistoricus Jean-François Chevrier, die ook curator van deze expositie is. Het portret van een kunstenaar dat de fotograaf oorspronkelijk voor ogen had is een beeldverslag geworden van een gemeenschap, een cultuur, een streek. De expositie omvat een veertigtal foto’s en ze presenteert de essentie van dit uitgebreide project waarvan het verhaal ook verteld is in een rijk gedocumenteerd boek dat gepubliceerd is bij Lars Müller Publishers.
et Fabrice Petithuguenin avec Marion Guillaume
Na afloop van de tentoonstelling in Parijs zal de expositie Kolkata / Calcutta worden voorgesteld aan het Amerikaanse publiek, in de Aperture Foundation in New York (18 september - 29 oktober 2015), in het kader van de alliantie die werd gesloten met de Fondation d’entreprise Hermès ter promotie van de creatieve fotografie.
Deze krant is gedrukt op 100% gerecycleerd papier.
sion. La Fondation développe ses propres programmes : expositions et résidences d’artistes pour les arts plastiques, New Settings pour les arts de la scène, Prix Émile Hermès pour le design, Académie des savoir-faire, appels à projets pour la biodiversité. Elle soutient également, sur les cinq continents, des organismes qui agissent dans ces différents domaines. Toutes les actions de la Fondation d’entreprise Hermès, dans leur diversité, sont dictées par une seule et même conviction : Nos gestes nous créent. De ‘Fondation d’entreprise Hermès’ begeleidt mensen die creatieve activiteiten aanleren, beheersen, doorgeven en ermee experimenteren om onze wereld van vandaag te bouwen en die van morgen te creëren. Met knowhow als rode draad en door
(maquette, grafisch concept) Danielle Marti (secrétariat de rédaction, redactiesecretariaat) Louise Rogers Lalaurie (traduction en anglais, vertaling naar het Engels) Philotrans (traduction en flamand, vertaling naar het Nederlands) REMERCIEMENTS MET DANK AAN Galerie Marcelle Alix (Isabelle Alfonsi & Cecilia Becanovic), Camila Renz, Matthieu Joubert.
Impression, Gedrukt door: Deckers Snoeck (Belgique, België) Ce journal est imprimé sur un papier 100 % recyclé.
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nieuwe methodes te zoeken werkt de ‘Fondation’ volgens twee complementaire krachtlijnen: knowhow en creëren, en knowhow en doorgeven. De ‘Fondation’ werkt hiervoor haar eigen programma’s uit: tentoonstellingen en ateliers voor plastische kunstenaars, New Settings voor kunst op de scène, de Émile Hermès-prijs voor design, de Academie van het vakmanschap, projectoproepen op het gebied van biodiversiteit. Ze steunt daarnaast ook, op de vijf continenten, instellingen die in deze verschillende domeinen een actieve rol spelen. Al hetgeen de ‘Fondation d’entreprise Hermès’ onderneemt, het hele gamma activiteiten in al hun diversiteit, berust op één en dezelfde overtuiging: ‘Nos gestes nous créent’ (‘Wat we doen bepaalt wie we zijn’).
www.fondationdentreprisehermes.org
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LAURA LAMIEL
CHAMBRES DE CAPTURE EXPOSITION DU 22 MAI AU 25 JUILLET 2015 ENTRÉE LIBRE DU LUNDI AU SAMEDI, DE 11 H À 18 H TENTOONSTELLING VAN 22 MEI TOT 25 JULI 2015 VRIJE TOEGANG VAN MAANDAG TOT ZATERDAG, VAN 11 TOT 18 U 50 BOULEVARD DE WATERLOO – 1000 BRUXELLES WATERLOOLAAN 50 – 1000 BRUSSEL +32 (0)2 511 20 62 WWW.FONDATIONDENTREPRISEHERMES.ORG
L’ESPACE DU DEDANS, SÉQUENCE I, II, III, 2014 Divers éléments, dimensions variables Vue de l’installation pour l’exposition collective La Vie Domestique, Parc Saint Léger, Centre d’Art Contemporain, Pougues-les-Eaux, 2014-2015. Diverse elementen, variabele afmetingen Zicht op de installatie voor de collectieve tentoonstelling La Vie Domestique, Parc Saint Léger, Centrum voor hedendaagse kunst, Pougues-les-Eaux, 2014-2015. © Photo : Aurélien Mole