MASARYKOVA UNIVERZITA FILOZOFICKÁ FAKULTA
Ústav románských jazyků a literatur Překladatelství francouzského jazyka
Barbora Kašová
Magisterská diplomová práce
Stéphane Audeguy : Rom@ (analyse traductologique et traduction)
Vedoucí diplomové práce: PhDr. Petr Dytrt, Ph.D.
2013
Prohlašuji, že jsem diplomovou práci vypracovala sama s využitím uvedených zdrojů. ……………………………………………………………..
Na tomto místě bych chtěla poděkovat panu PhDr. Petru Dytrtovi, Ph.D., a paní PhDr. Pavle Doležalové, Ph.D., za jejich rady a připomínky i všem, kteří k této práci přispěli, ať už jakoukoli formou.
Table des matières
Introduction .................................................................................................................. 2 1.
APPENDICE EDITORIAL ........................................................................................... 5 1.1.
L’auteur et son texte ...................................................................................... 5
1.2.
Roman Rom@ et le romanesque romain ....................................................... 6
1.2.a. L’Histoire et le message .............................................................................. 6 1.2.b. Ville qui parle et ses incarnations ............................................................... 8 1.2.c. Rome et Rom@ situées dans l’espace et le temps ...................................... 9 1.2.d. Le rôle du visuel dans le texte et style audéguien..................................... 11 1.3. 2.
Pourquoi traduire Rom@ ? .......................................................................... 15
PROBLEMES ET PROCEDES DE LA TRADUCTION .................................................... 18 2.1.
Plan narratif ................................................................................................. 19
2.1.a. Niveaux narratifs ....................................................................................... 19 2.1.b. Actualisation du texte ............................................................................... 22 2.1.c. Rome : un être masculin ou féminin ......................................................... 23 2.2.
Plan syntaxique............................................................................................ 25
2.2.a. Traduction littérale .................................................................................... 25 2.2.b. Connecteurs logiques et enchaînement des phrases ................................. 25 2.2.c. Restructuration de la phrase ...................................................................... 27 2.2.e. Perspective fonctionnelle de la phrase ...................................................... 29 2.2.f. Périphrase verbale ..................................................................................... 31 2.3.
Plan grammatical ......................................................................................... 34
2.3.a. Articles ...................................................................................................... 34 2.3.b. Verbes ....................................................................................................... 36 2.4.
Plan lexical .................................................................................................. 40
2.4.a. Transcription ............................................................................................. 40 2.4.b. Calque ....................................................................................................... 41 2.4.c. Transposition ............................................................................................. 41 2.4.d. Etoffement et dépouillement ..................................................................... 43 2.4.e. Métaphore et le sens figuré ....................................................................... 44 3.
TRADUCTION ....................................................................................................... 46
Conclusion ................................................................................................................. 86 Bibliographie .............................................................................................................. 89
1
Introduction L’homme diffère de l’animal : bien qu’il y ait des propriétés à cause desquelles on peut prendre l’homme pour une espèce d’animal, il y en a également d’autres qui permettent de le distinguer du reste de la faune, la société humaine en a déjà trouvé un grand nombre ; le sens de l’esthétique et de l’art est sans aucun doute une des propriétés de ce qu’on appelle l’humanité. On peut considérer comme la qualité principale de l’art la possibilité d’enrichir la vie humaine : c’est-à-dire de poser de nouvelles questions, proposer de nouveaux points de vue, relever de nouvelles émotions quelle que soit origine de son récepteur ou la nature de l’art même. Chaque domaine d’art apporte une vision de la réalité ou de l’imaginaire qui est susceptible de parler au récepteur : peinture, sculpture, architecture, musique ou littérature. Pourtant, toutes ces domaines ne disposent pas des mêmes outils, voire, elles ne se situent pas toutes sur la même échelle. Laissons de côté les couleurs, les courbes ou les tons et envisageons la parole, c’est-à-dire la littérature. Il faut constater que l’art littéraire est désavantagé par rapport aux autres domaines, c’est même sa matière essentielle qui incarne son désavantage : la langue. Si la peinture, la sculpture, l’architecture ou la musique peuvent être reçues par n’importe quel homme de la Terre, le public potentiel d’une œuvre littéraire est toujours limité par la connaissance de son outil d’expression, c’est-à-dire de la langue concrète, et son public potentiel est donc plus étroit. Ce n’est pas toujours le contenu qui limite la réception, c’est l’outil à travers duquel ce contenu est présenté. Cela ne veut cependant pas dire que tous les œuvres littéraires n’ont rien à dire aux lecteurs hors de leurs langues d’expression, leur message ne doit pas être nécessairement ciblé à une seule langue, à une seule culture ou nation, puisque grâce à la traduction, la littérature peut être comme les autres disciplines une source d’idées nourrissantes pour toute une société, même si l’on prend une position plus humble, ce message peut alimenter plusieurs cultures en même temps. Au moment où l’on sent que le texte puisse être intéressant également pour d’autres cultures, la traduction s’impose : il s’agit d’un instrument puissant qui nous permet de changer de canal d’expression et élargir de cette façon le public récepteur du produit littéraire. Il est évident qu’il n’existe pas seulement une traduction littéraire et qu’on transmet également des textes techniques au public d’une autre 2
langue mais déjà, le traducteur d’un tel texte est dans une autre situation : la répartition des fonctions du texte est différente, la réception et l’interprétation dépendent des circonstances particulières. Il faut donc distinguer deux types de traduction : technique et littéraire. Ainsi, nous sommes arrivée à l’objet de notre travail qu’est la traduction littéraire. Nous proposons d’analyser un texte littéraire français que nous traduisons en tchèque. Il s’agit d’un texte romanesque d’un auteur français contemporain : Rom@ de Stéphane Audeguy, nous allons étudier le texte original et sa traduction. Il faut souligner dès le début de notre travail qu’on cible notre attention à la traduction littéraire et c’est aussi pourquoi nos procédés ne doivent pas nécessairement correspondre à la traduction technique : la fonction esthétique du texte romanesque gagne plus d’importance que dans le cas d’un texte technique ce qui nous donne plus de liberté en traduisant dans le but de conserver l’élégance esthétique, par contre, la traduction technique exige une expression exacte et correcte au niveau de la terminologie et il est donc plus important de suivre l’original d’une façon fidèle. Le texte que nous avons choisi se distingue par des particularités sur le plan thématique et par ses idées concernant la société contemporaine non seulement de la France, où sont les racines de l’auteur, ou de l’Italie, qui représente le milieu où se déroule l’histoire comme on peut le deviner déjà du titre du roman, ces idées sont valables pour toute la société d’aujourd’hui; d’un autre point de vu, l’aspect formel s’appuie également sur des procédés inhabituels qui font réfléchir le lecteur. Les deux aspects que nous venons de mentionner rendent le roman attirant non seulement pour le milieu source, c’est-à-dire le public français, éventuellement francophone, mais aussi pour un autre milieu linguistique et culturel. Comme nous traduisons en tchèque, nous allons nous intéresser dans notre travail au milieu représenté par la langue tchèque. Cependant, les caractéristiques présentées du texte proposé et le fait qu’il est transmissible dans une autre culture ne font pas de la traduction un jeu d’enfant, la différence entre les deux langues implique évidemment des difficultés et des décisions du côté du traducteur : la traduction est compliquée à cause de la nature différente des deux langues, les deux systèmes ne se correspondent pas parfaitement – ni sur le plan des moyens d’expression ni au niveau des catégories grammaticales. 3
Qui plus est, le style de l’auteur n’est pas un aspect isolé de l’histoire du roman, il renoue avec l’aspect thématique du roman une relation étroite et, lui aussi, il est porteur de sens créant des contraintes que la traduction doit observer. Pour pouvoir traduire il nous faut bien comprendre le texte et ses composantes : celles qui sont explicites, c’est-à-dire la forme et l’histoire, mais aussi celles qui sont implicites dans le texte, cela veut dire l’idée qui relève de l’histoire et l’auteur qui se reflète dans son produit. Ceci dit, nous trouvons nécessaire de présenter brièvement Stéphane Audeguy en rapport avec l’aspect thématique et formel de son texte. Comme cette présentation devrait servir à faciliter, la lecture et à donner des clés de l’interprétation, nous adoptons le modèle d’un appendice éditorial – il ne s’agit pas d’une analyse de critique littéraire mais plutôt d’un accessoire du texte proposé au lecteur, du texte original ainsi que du texte traduit. La deuxième phase de notre travail sera l’étude du processus de traduction du texte qu’on peut encore diviser en deux parties : le texte traduit qui représente le produit final du travail de traducteur et qui est aussi le point de départ pour la deuxième partie du mémoire, c’est-à-dire il nous sert de corpus pour notre analyse des principaux procédés de traduction et difficultés posées par l’original. Le texte traduit forme la troisième partie de notre travail où la version originale française est alignée avec la version tchèque. Enfin, le texte traduit ne couvre pas le roman entier, il s’agit de passages choisis en fonction de leur caractère représentatif du roman : nous avons essayé de sélectionner les chapitres qui sont significatifs par rapport à l’histoire mais également par rapport à leur forme – comme plusieurs attitudes alternent dans le roman nous voulions en donner des exemples. Le roman est un vaste organisme complexe fonctionnant grâce à l’équilibre entre l’auteur, le contenu, la forme et le lecteur. En changeant de langue on déséquilibre cet organisme délicat et essaie de le transplanter dans un autre milieu défini par la langue mais également par la culture. Nous allons essayer de retrouver cet équilibre du produit transplanté et prouver que sa réception dans le contexte tchèque est possible et qu’elle puisse être même enrichissante pour ce milieu.
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1.
APPENDICE EDITORIAL
1.1.
L’auteur et son texte L’auteur est un élément inséparable du texte : le créateur, c’est-à-dire sa
personnalité, ses expériences, son imaginaire, sa façon d’approcher la réalité. Toutes ces composantes se reflètent plus ou moins dans son produit. Dans le cas des belles lettres, dont le roman, le phénomène est encore plus marquant. La critique littéraire a traité l’écrivain à différentes époques de différentes manières : elle s’est mise en humilité absolue devant l’auteur-dieu, elle l’a refusé et laissé mourir pour enfin, dans la deuxième moitié du XXe siècle, le laisser renaître avec un statut de la source du plaisir de texte1; la biographie de l’auteur n’est pas une histoire continue de sa vie mais elle est segmentée en unités minimales de sens : des biographèmes2. Il est naturel que l’auteur utilise dans ses textes des endroits qu’il connaît bien, qu’il donne à ces personnages quelques unes de ses propres envies, que son style reflète sa propre vision du monde. Stéphane Audeguy et ses textes en sont la preuve; lui-même emprunte l’approche à l’auteur que nous venons de présenter dans ses essais sur l’écrivain Pigault-Lebrun3 : la vie de l’auteur n’est pas limitée à une simple suite de causalités, elle renvoie à toute une expérience vécue par celui-ci. Pour voir le roman dans sa complexité, suivons maintenant une présentation de certains biographèmes de Stéphane Audeguy, utiles pour notre réception de son Rom@. La personne étudiée est née en 1964 à Tours, Stéphane a grandi au bord de la Loire - l’élément aquatique pénétre son œuvre, c’est-à-dire également le roman Rom@ où le Tibre est un principe important symbolisant une incarnation de l’existence éternelle. Audeguy a fait ses études de la littérature anglo-saxonne à Paris et il a travaillé en tant qu’assistant à l’université de Virginie ce qui lui a servi comme une source d’inspiration pour un de personnages – le prince Rachid : « […] quand il a obtenu son diplôme de relations internationales à l’université de Virginie […] » p. 61. Après le retour en France, il intègre un établissement dans le département des Hauts-de-Seine où il enseigne l’Histoire du Cinéma et des Arts. Son activité d’enseignant témoigne entre autres son intérêt pour l’art cinématographique : il a 1
BARTHES, Roland, La Mort de l’auteur, Le bruissement de la langue, Paris, Seuil, 1984, p. 61- 67. BARTHES, Roland, préface de Sade, Fourier, Loyola, Paris, Seuil, 1971, p. 14. 3 AUDEGUY, Stéphane, L’enfant du carnaval, Paris, Gallimard, 2009, p. 35. 2
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gagné de l’expérience en tant que metteur en scène de quelques courts métrages mais aussi au banc de montage. Sa passion pour le septième art se reflète, sans doute, dans son style particulier qui met en relief le visuel et l’image (nous y reviendrons plus tard). En ce qui concerne son œuvre, Stéphane Audeguy a publié cinq livres d’essais et quatre romans : le premier roman La Théorie des nuages lui a valu des prix littéraires et l’a fait connu dans le milieu littéraire contemporain. Son affection pour les nuages n’est pourtant pas limitée à son premier roman, elle est apercevable même dans ses romans ultérieurs. Voici un aperçu tiré du Rom@ : « […] au ciel, des nuages tracent les signes insensés que je ne sais plus lire. » p.141. Le dernier roman Rom@, l’objet de notre analyse et traduction, est sorti en 2011. En l’écrivant, Audeguy séjournait justement à la capitale italienne, dans la villa Médicis. La connaissance parfaite de la ville, de ses recoins, de son histoire et sa mythologie dans l’esprit de l’auteur lui ont permis de situer l’histoire dans la fameuse ville où mènent tous les chemins.
1.2.
Roman Rom@ et le romanesque romain Le titre du roman laisse déjà deviner sa matière principale et Audeguy le
caractérise comme « […] un hommage à la ville de Rome, où ce roman a été écrit, et non seulement à la Rome actuelle mais je dirais à toutes les Romes qui ont pu exister dans l’histoire, de Romus et Remus à aujourd’hui en passant par Mussolini, par la Rome de la Renaissance, etc. »4. Pourtant, comme nous l’avons déjà constaté, cette œuvre n’est pas limitée à une ville antique, son message est valable pour toute civilisation occidentale dont Rome est le berceau. Le roman est un terrain où convergent l’histoire d’amour et le déclin de la civilisation moderne, l’existence réelle et la vie virtuelle, la vie, la mort et l’amour. 1.2.a. L’Histoire et le message
Rom@ est un roman sur l’amour est la société humaine moderne : d’une part on suit une histoire d’amour de Nano et Silvia, d’autre part on accompagne la ville
4
Nous transcrivons de l’entretien-vidéo : 46b27_2iynl_.html [23.5. 2013].
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http://www.wat.tv/video/stephane-audeguy-rom-
de Rome, fatiguée d’être une ville, et se dirige vers sa mort, elle croule et met la fin à tout un univers. Le sujet civilisationnel est repérable déjà dans le titre : il renvoie à deux aspects de la vie humaine que la science a commencé à distinguer depuis la deuxième moitié du XXe siècle : le réel et le virtuel. Les deux se divergent : la Rome réelle changeait, elle évoluait, elle a vécu maintes époques historiques – elle est née, elle est en train de mourir comme un être vivant ; la Rom@ virtuelle est un jeu vidéo qui est inspirée par la ville de Rome du IIIe siècle – cette fois-ci elle est conservée dans une seule période, elle ne donne aucun signe de vie, elle tourne en rond, elle n’est qu’une image sans personnalité. On a créé une nouvelle branche d’existence mais on ne peut plus l’appeler vie : « Il ne manque rien à Rom@, sinon ma vie, sinon mes corps, mes humeurs, mon sang, mon cœur […] » p. 100. Rom@ virtuelle est parfaite, splendide et charmante, on ne lui trouve aucun défaut mais elle n’est qu’un univers artificiel et, du coup, menteur; la vie réelle n’est jamais conservée dans un état idéal, son cours passe par les endroits ombrageux et montre la beauté aussi bien que la laideur : Je [Rome] ne suis pas une image plate, je ne suis même pas une image, je ne suis pas ce labyrinthe de rues fades et muettes, funèbres et sans vie. […] je ne suis pas seulement le marbre qui me recouvre, et qui me fait paraître su propre, si lisse, mais aussi bien l’argile sale de mes briques, le teint cuivré de mes tuiles, la terre lourde de mes jardins […] » p. 100.
Néanmoins, la ville virtuelle de Rom@ sert de toile de fond sur laquelle Nano dresse son image de la Rome réelle, il y croit et il est même déçu en découvrant son vrai visage qui peut être sale, bas et laid. L’homme d’aujourd’hui préfère de plus en plus, dans sa perception du réel, l’idéalité constate, l’image virtuelle ou artificielle, à la réalité qu’on ne peut pas médiatiser et où l’on trouve souvent des médiocrités de la vie. Les deux branches – la réelle et la virtuelle –se croisent au moment de l’agonie urbaine : le virtuel finit par une éternelle répétition indifférente, la réalité survit grâce à l’amour dans un état purifié. Dans le titre, un autre sujet est présent mais cette fois-ci sous une forme plus voilée : le nom de la ville en latin Roma lu à l’envers nous donne amor qui veut dire, également en latin, l’amour. Ce côté du roman nous offre de l’espoir malgré le déclin 7
du monde qui entoure l’homme, celui-ci peut survivre en aimant. Les jumeaux de Nano et Silvia sont déposés au bord du Tibre pour mourir et la fin absolue de toute existence peut arriver, la fin ou une renaissance de la vie purifiée. 1.2.b. Ville qui parle et ses incarnations
L’une des particularités de ce roman consiste dans le rôle attribué à la ville de Rome : l’auteur lui donne parole, il l’a même choisie pour narrateur de son roman, par le truchement d’une personnification il laisse s’exprimer une existence inanimée, même pas un objet mais un espace. Représentant le milieu où se déroule l’histoire, Rome pourrait passer pour un personnage du roman voire son protagoniste et narrateur. D’une part elle est le personnage principal de toute l’histoire – elle sent, elle parle, elle vit, elle se comporte comme un personnage ; de l’autre, elle se trouve dans un espace différent de celui des autres personnages, elle figure quelque part audelà de ce monde comme un narrateur figure au-dessus de son histoire, elle intègre l’histoire mais ce n’est qu’en s’incarnant dans le corps de Nano ou Nitzky. Ceci dit, on peut situer Rome à mi-chemin entre un simple narrateur et un personnage : « Je ne suis plus Nano, celui-là pour l’instant n’a plus besoin de moi. Je laisse derrière moi la ferme où j’ai grandi, devant moi le Musée dresse son ombre immense, je me nomme Nitzky. » p. 102. Rome ne s’incarne que dans le corps de Nano et Nitzky – les deux jeunes garçons insignifiants pour leur entourage, proviennent des milieux pénibles. Même leurs noms ne renvoient pas à des héros – Nano est un surnom inspiré par un modèle de voiture minuscule destinée aux indiens pauvres, on ne connaît pas son vrai nom ; Nitzky, qui est d’origine polonaise, évoque, de son côté, le mot polonais nic qui rappelle l’insignifiance de celui qui le porte. Pourtant, les deux se trouvent enfin à la naissance d’une existence nouvelle, les deux sont, en quelque sorte, créateurs. Grâce au prince Rachid, Nano sort des conditions misérables de la pauvreté indienne, arrive à Rome et y trouve son amour ce qui lui permet de survivre à l’effondrement de la ville et devenir père de deux garçon dans un nouveau univers réel. Nitzky, de son côté, quitte la famille en Pologne pour déployer ses ailes au Canada et donner naissance au jeu vidéo Rom@, un nouveau monde virtuel. Ainsi, chacun d’entre eux représentent une branche de l’existence – la réelle et la virtuelle.
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On n’apprend qu’à la fin du roman, deux pages avant le point final du texte, le nom de la fille dont la ville tombe amoureuse et qui accouche des jumeaux ; ceci même malgré le fait que Rome s’adresse à elle déjà dans l’incipit. Pourquoi l’auteur entretient le lecteur dans l’ignorance du nom du personnage qui est l’objet des allusions dès le début du texte ? En fait, le personnage de Silvia n’est pas si important : c’est la relation et surtout le sentiment d’amour qui est primordial, elle n’est qu’un objet anonyme ; elle donne vie à deux fils mais c’est Nano qui en est « créateur », elle n’est qu’un outil. Son nom est mentionné au moment de sa mort – Silvia – une forêt, une nature donne l’occasion à la renaissance d’une nouvelle société humaine. Enfin, plusieurs personnages dont Rome raconte les histoires figurent dans le roman mais ces récits sont plutôt d’un caractère épisodique et retracent des branches secondaires du roman. Il faut cependant prêter encore l’attention à Delenda : pendant le développement prénatal, un des jumeaux a absorbé son frère, enfin, un seul garçon est né. Il nous semble que ces deux frères représentent deux sortes opposées d’existence : tandis que Delenda renvoie à l’univers virtuel, le frère absorbé évoque le réel. C’est-à-dire le réel est englobé dans le virtuel mais ses limites ne lui suffisent pas, il doit vivre, s’évoluer. Le jeune joueur italien Delenda entre pleinement dans le virtuel du jeu vidéo Rom@ et est enfin emprisonné dans un monde invariable privé du temps : « D’autres monde existent, ailleurs, et Delenda sait que Rom@ n’est pas un jeu, mais une porte battante ouverte sur le Temps. » p. 75. Il meurt après avoir essayé de tuer son frère-jumeau ici, dans l’univers virtuel. Enfin, le virtuel, c’est-àdire Delenda, est battu par l’existence réelle qu’il a essayé d’anéantir en l’absorbant parce qu’il a trouvée sa concurrence trop menaçante. Un assez grand nombre de personnages figurent dans le roman, certains anonymes, comme par exemple des touristes venus à Rome, d’autres même représentant une époque historique, comme par exemple Mussolini. Tous finissent par mourir avec la ville. Une purification mortelle ne fait pas la différence. 1.2.c. Rome et Rom@ situées dans l’espace et le temps
Après avoir observé les personnages les plus importants du Rom@, examinons la dimension spatiotemporelle où l’histoire est située. Tandis que l’espace
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est pour la plupart déterminé par le corps du narrateur – c’est-à-dire la Rome – la situation du temps est plus complexe. Par rapport à l’espace, il nous faut distinguer la ligne principale de l’histoire, qui couvre l’agonie de Rome, et les branches secondaires, qui présentent les histoires de différents personnages principaux ou secondaires. La ligne principale se déroule évidemment à Rome, dans ses rues, sur ses places, au milieu de ses monuments. Une connaissance personnelle de la ville du côté du lecteur n’est pas nécessaire mais elle lui permet quand même d’enrichir l’imaginaire et rendre la réception de l’œuvre encore plus vivante; néanmoins, la précision avec laquelle la ville est décrite donne lieu à tout un jeu d’images. L’espace des branches secondaires dépend évidemment de la nature de ces histoires – on se trouve tantôt en Inde, tantôt en Pologne ou au Canada. Pourquoi les deux créateurs, c’est-à-dire Nano et Nitzky, sont-ils nés l’un en Inde et l’autre en Pologne ? L’Inde a été probablement à l’origine de la plupart du peuple européen, comme on peut au moins présupposer de l’évolution des langues indoeuropéennes; la Pologne représente l’Europe actuelle, elle a été une des sources des vagues d’immigration au Canada aux XIXe et XXe siècles : ces immigrants, surtout ceux qui arrivent après la Deuxième Guerre mondiale contribuent au développement économique et industriel5. De plus, c’est en Amérique du Nord que l’idée de la virtualité prend naissance. Passons maintenant à la question du temps : en général, on peut qualifier le caractère du roman comme atemporel. L’histoire commence dans le monde contemporain et son encadrement temporel ne pose pas de problème, les branches secondaires sont rétrospectives mais le point de repère est toujours le maintenant du narrateur (par rapport au sens, le temps d’expression est le présent même dans les branches rétrospectives – voir plus loin). Le jeu vidéo Rom@ est situé au IIIe siècle après Jésus-Christ, c’est-à-dire au moment, où Rome existait dans un équilibre parfait – on y constate une coexistence de la société romaine déclinante et la culture chrétienne qui affirme de plus en plus sa position dans le contexte européen – le jeu vidéo donne une image idéale de l’existence de Rome mais cette image est factice et irréelle :
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http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/polonais [23.5.2013].
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J’atteignais alors un état d’équilibre fragile, si rare dans mon histoire. C’était juste avant que ne se défassent de mon squelette, pour toujours, les chairs, nécrosées de l’Empire. […] En somme, j’ai vécu là ce qui ressemble le plus à la liberté, si l’on veut bien admettre que la liberté n’est qu’un intervalle entre deux servitudes […] p. 98.
Le changement surgit dans le temps avec l’agonie et la mort de la ville : les règles du temps n’y sont plus valables, comme la ville était morte le temps a disparu avec elle. D’abord, durant l’agonie de la ville, les
personnages de différentes
époques historiques peuvent se rencontrer : Mussolini, Néron, soldats médiévaux, etc. Après la purification mortelle, il n’y reste qu’un amalgame de toutes les époques et de tous les visages que Rome avait connus dans sa vie – la ville antique y coexiste avec la Rome de la Renaissance, du Baroque ou de la modernité. Il ne s’agit pas de l’avenir qu’elle trouve après son décès, elle est entrée dans un état après et en même temps avant la vie, elle existe hors du temps. Ce néant temporel n’est pas un phénomène négatif, il permet de recommencer dès le début avec toutes les expériences vécues. Sur la colline voisine, au nord-ouest, l’hôtel Hilton s’est volatilisé, mais l’antenne blanc et rouge des télécommunications se dresse encore, rouillée et muette. Vers le sud, la dentelle noire et légère d’un gazomètre mort tremble toujours dans la lumière; plus loin quelques villas romaines dorment dans la verdure, veillées par des cyprès. Des silhouettes fantomatiques issues de tous les âges errent de quarter en quartier, évanescentes, hagardes. p. 221-222.
Ni espace ni temps de ce roman ne sont choisis par hasard : comme nous l’avons vu, ces choix ont leur sens et participent de la création de l’effet sur le lecteur. 1.2.d. Le rôle du visuel dans le texte et style audéguien
En ce qui concerne le roman, il est encore nécessaire de prêter notre attention à l’aspect formel du texte parce qu’il fait partie inséparable de l’histoire et du message porté par l’œuvre, d’autant plus si la forme échappe aux conventions traditionnelles de roman. Nous allons essayer de mettre en évidence les points principaux du texte de Rom@ qui nous mènent à l’importance de l’imaginaire visuel dans Rom@ : il faut mentionner surtout l’utilisation particulière des temps verbaux dans un texte narratif, l’absence des dialogues et la description détaillée.
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Le lecteur est frappé, dès les premières lignes, par l’utilisation des temps verbaux : le texte est écrit au présent, ce tiroir verbal représente le point de repère, l’antériorité est éventuellement exprimée par le passé composé, la postériorité par le futur simple ce qui correspond au système de discours6 et de cette façon, le texte tente à imiter un énoncé orale plutôt qu’écrit. Cette remarque est bien compréhensible si l’on se rend compte que c’est la ville qui raconte l’histoire, elle ne veut pas la proposer sous forme de texte, elle veut déclarer ses sentiments directement à son amour et, au deuxième plan, au lecteur. Même les flux associatifs et méditatifs témoignent plutôt de l’imitation du discours que du récit. Il y a cependant un aspect encore plus important que l’oralité, il s’agit de mettre en relief l’actualisation du texte, de chaque scène, de chaque action. Le présent en tant que temps principal de l’expression actualise toute action présentée et en collaboration avec les descriptions très détaillées et les propositions assez courtes, le plus souvent juxtaposées ou coordonnées, il révèle dans l’imaginaire du lecteur des scènes assez précises en suscitant l’imaginaire visuel du lecteur. Au fond d’une étagère, il [Nitzky] remarque un carton qui porte son prénom, et qu’il n’a jamais vu, l’ouvre. Ce sont les reliques de sa prime enfance. Au milieu de pièce de layette dépareillée et de petits jouets de bois qui ne lui disent rein, un dossier médical et une photo délavée de lui, enfant, grimaçant sous le soleil dans une barboteuse […] p. 138.
Le présent est employé même dans les branches rétrospectives de l’histoire, c’est-à-dire même si le temps sémantique est antérieur à la ligne principale de l’histoire, le temps grammatical ne reflète pas cette rupture temporelle, le texte reste au présent. On peut comparer ces ruptures temporelles au montage de cinéma : on passe d’une scène à l’autre mais ce changement n’est signalé que par des circonstances de l’histoire – par l’indication de l’espace, du temps ou des personnages différents de la scène précédente – on constate pourtant au niveau formel une suite de scènes actualisées au présent.7 On peut en voir un exemple dans 6
La dichotomie discours – récit ressort de la théorie linguistique d’Émile Benveniste, elle concerne, entre autres, la répartition des tiroirs verbaux : le système de discours (passé composé – présent – futur) correspond à l’énonciation orale tandis que le système du récit (temps composés - passé simple – conditionnel) est employé pas les énoncés écrits : BENVENISTE, Émile, Problèmes de la linguistique générale, Paris, Gallimard, 1974, p. 238. 7 Seymour Chatman définit le procédé du montage de cinéma dans la littérature d’une façon suivante : si on laisse se suivre deux scènes éloignées d’une façon temporelle ou spatiale, on peut parler de l’imitation de montage cinématographique dans le texte littéraire. Nous traduisons du tchèque :
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les extraits suivants à la frontière de chapitres : on se trouve à Rome et en suit sa parole, mais tout d’un coup, on est transporté en Inde, il y a quelques années, on subit un changement de l’espace ainsi que du temps mais la forme, y compris surtout les temps verbaux, ne le reflète pas : Au su de ma place d’Espagne se dresse la façade maussade et massive du palais de la Sacrée Congrégation pour la propagation de la foi. Sous les arcades ornées de l’abeille d’Urbain VIII, les parasites de la marchandise ont élu domicile : le crocodile d’un vendeur de vêtements de sport et le canard d’un vendeur de valises s’étalent dans les vitres. p. 58. Quand Cheikh Mohammed meurt, l’émirat est déjà entré dans les temps nouveaux : il ne reste à son fils et successeur qu’à regarder passer, en prélevant ses dîmes, les flux follement prospères du commerce mondial […] p. 61.
Tôt ou tard, le lecteur se rend compte que le texte ne contient pas de dialogue : la parole des personnages est représentée uniquement d’une façon indirecte, par un discours narrativisé (il est complètement intégré dans le texte) ou, plus souvent, par un discours transposé (il garde une forme dans laquelle il est censé être prononcé mais il est partiellement intégré dans le texte)8. Néanmoins, cette absence de dialogue ne prive pas le roman de l’actualisation des scènes, celle-ci est remplacée par l’utilisation du présent, comme nous l’avons affirmé dans le paragraphe précédent. Au contraire, le fait que l’auteur évite le discours imité9, c’està-dire le discours direct, lui permet de profiter d’un avantage : le texte est fixé dans un seul plan parce qu’on ne participe pas directement aux échanges entre les personnages, on est, en revanche, témoin au second plan. Au moment où l’on introduit un dialogue dans le texte narratif, une rupture s’y fait sentir : comme le dialogue est une représentation plus directe que le texte narratif, il se comporte comme une sorte de parenthèse, comme un tableau placé directement dans un texte ou, ce qui serait plus approprié à notre situation, un texte dans un tableau. Le texte, comme Audeguy le propose, n’est pas fragmenté par de différents niveaux d’expression, il ne contient pas de parenthèses perturbant à la lecture et expose un simple tableau. L’auteur comprend l’introduction de la parole dans l’histoire comme CHATMAN, Seymour, Příběh a diskurs, narativní struktura v literatuře a filmu, Brno, Host, 2008, p. 65. 8 Représentation des paroles définie par Gérard Genette : GENETTE, Gérard, Figures III, Paris, Seuil, p. 190. 9 GENETTE, Gérard, Figures III, Paris, Seuil, p. 190.
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perturbante « Je n’affronte pas la parole. Je préfère construire une histoire plutôt que déconstruire. »10 Il est indéniable que le dialogue met un déchirement à l’intérieur du texte et que son absence le rend, au contraire, plus continu et sans coups. Nous voyons dans le passage suivant un exemple de l’intégration de la parole dans la narration : « Ils se saluent, échangent des banalités. L’homme s’exprime dans un polonais étrange, comme fossilisé. Il n’a jamais vécu ici. Ses parents, oui. Il pose des questions sur la région. Nitzky lui répond de son mieux. » p.130. Nous avons déjà mentionné la finesse de la description présentée dans le texte : le détail avec lequel l’auteur invente est une autre particularité du roman. Il faut cependant constater que ce détail concerne surtout le matériel de l’histoire : c’est-à-dire les endroits, les décors, éventuellement les actions : « […] ces étrons se révélant, comme leurs créateurs, majestueux et gras, flottant à demi dans les eaux bleutées des beaux lagons bordés de porcelaine, holothuries étranges aux anneaux délicats, aux verrues imposantes […] » p. 23. On trouve, par contre, une description moins travaillée par rapport à la psychologie des personnages – leurs caractères, leurs sentiments, leurs peurs et joies, la psychologie est le plus souvent décrite de l’extérieur. Seule Rome est bien travaillée quant aux sentiments. Ceci est d’une part compréhensible, parce que c’est elle qui est le narrateur de l’histoire : « Roma aeterna : une vie sans dormir, et d’abord la fatigue, naturellement, la bouche sèche, et puis les crampes; ne jamais connaître le sommeil, congé que l’on se donne, ou qui vous prend » p. 15. D’autre part, cela peut être une source d’étonnement parce qu’elle est logiquement, en tant que ville, le moins disposée à sentir. En somme, toutes ces remarques nous ont menée à l’idée que l’imaginaire visuel est très important dans le roman de Stéphane Audeguy. L’actualisation de l’action, la description, l’absence de dialogue : ce texte narratif révèle à l’esprit du lecteur une série d’images vives qui sont autant des scènes. Cet effet produit chez le lecteur n’est pas seulement une question de style personnel, une simple façon d’écrire propre à l’auteur mais il contribue également au message complexe de l’œuvre. Retournons à l’idée de l’opposition de l’existence réelle et virtuelle que nous avons mentionnée ci-dessus : « Rom@ est un jeu complexe, subtil, où toutes les 10
Entretien Arte-tv.com : http://www.arte.tv/fr/1085522,CmC=1085570.html [23.5.2013].
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classes de la société sont représentées. […] Il [Nano] se promène avec émerveillement dans les rues de la ville électronique, brillante, lissée, propre. » p. 48. La désillusion vient en confrontant cette image idéalisée avec la réalité : Le dôme du Panthéon lui [à Nano] paraît bien maussade. Tout à l’heure la longue silhouette de la place Navone l’a étonné, avant qu’il ne se souvienne que dans Rom@ elle correspond au stade Domitien. Une pensée le fait sourire : il n’est pas venu à Rome depuis le troisième siècle de l’ère chrétienne. p. 63.
L’image, que ce soit une photo statique ou une vidéo mouvante et quelle que soit la mesure de sa facticité, nous paraît réelle, elle est capable de nous convaincre de sa vérité ou elle nous sert de témoin de nos propres expériences qui deviennent trop abstraites et floues sans elle; nous sommes tellement dépendants d’elle que, petit à petit, nous attribuons plus d’authenticité à ce fragment minuscule mais stable de notre vie qu’à nous-mêmes et à notre propre mémoire. On a l’impression que tandis que le texte peut être toujours fictif, l’image ne l’est pas : en évoquant des images et des scènes, l’histoire semble plus réelle, plus vivante et pourtant elle n’est qu’une branche du virtuel dressée dans son esprit. Tous ces aspects que nous venons de mentionner, c’est-à-dire l’utilisation des temps verbaux, l’absence des dialogues et la description détaillée, permettent de rendre le texte plus visuel et ainsi, de convaincre le lecteur que l’histoire pourrait se réaliser un jour, on y croit parce qu’on a l’impression de l’avoir vu sur un tableau ou bien sur une photo.
1.3.
Pourquoi traduire Rom@ ? Nous avons suivi une présentation générale du roman faite indépendamment
du milieu de réception, mais cela ne veut pas dire que le milieu cible n’y crée pas de contraintes. Pourquoi serait-il utile de traduire Rom@ en tchèque? Qu’est-ce qui pourrait intéresser le lecteur tchèque dans ce roman ? Notre récepteur n’est plus un lecteur général, il est cette fois-ci déterminé par son environnement culturel et social – un représentant de la société tchèque contemporaine. Chez le lecteur plus déterminé, faut-il compter sur des modifications du processus de réception de l’œuvre, éventuellement de l’effet produit chez celui-ci? En quoi le lecteur tchèque serait-il spécifique par rapport au lecteur français et quelles contraintes pourrait-il mettre en place? 15
Premièrement, on peut se poser la question de savoir si le lecteur tchèque est désavantagé en comparaison avec le lecteur français. Le roman est situé à Rome et c’est pourquoi on y trouve quelques expressions italiennes qui représentent une source de la couleur locale du texte. La culture française est sans doute plus proche à la culture italienne que la tchèque, cette proximité de cultures concerne bien sûr, entre autres, les langues : comme l’italien et le français sont des langues de la même famille la compréhension de l’italien est plus facile pour un Français que pour un Tchèque. Mais le problème de compréhension que nous venons d’esquisser n’est pas si alarmant parce que les termes italiens dans le roman sont des toponymes romains – les noms des rues, des boulevards, des places ou des monuments romains et cette toponymie n’est pas utilisée pour être comprise mais avant tout pour désigner l’espace de l’histoire en gardant une certaine couleur locale, éventuellement parce qu’il n’en existe pas un équivalent en français. C’est pourquoi l’inconnaissance de l’italien, ou d’une langue proche, ne défavorise pas le lecteur. Au contraire, le texte est plus attrayant à cause de cette toponymie italienne que le lecteur tchèque pourrait trouver exotique. Ce n’est que pour le procès de la traduction que la toponymie étrangère exige une explication par des qualificatifs mais cette contrainte touche le processus de la traduction et pas le lecteur. Le texte n’est pas ciblé à une culture concrète, il touche toute la société moderne qui se déchire de plus en plus entre le réel et le virtuel. Pourtant, il est susceptible d’intéresser surtout le public européen à cause du rôle particulier de Rome dans l’histoire de notre civilisation : elle est le foyer de la culture antique d’où toute la culture occidentale prend sa source. Au niveau de l’histoire, le lecteur tchèque pourrait être intéressé par la problématique sociale : le roman présent la fatigue, non seulement la fatigue explicite de la ville mais également la fatigue beaucoup plus générale qui dans le contexte de toute la civilisation contemporaine : il semble qu’on est fatigué de la réalité, qu’on a déjà découvert les règles de la physique, c’est-à-dire du réel, et maintenant, on cherche de nouvelles dimensions qui puissent le distraire, le virtuel lui offre un nouveau monde à explorer, même à définir ses propres règles. L’histoire du roman de Stéphane Audeguy nous permet de voir dans cette situation une opposition entre la vie réelle et l’être artificiel : il oppose l’existence complexe vivante du réel à l’image idéale, statique et factice du virtuel. 16
Chacune de nos expériences a un caractère passager, petit à petit elle perd de couleur pour qu’il n’y reste enfin que des contours flous et vagues; par contre, l’image – la photographie, le film ou le jeu vidéo – ne change pas, il est toujours là, grâce à elle, on peut revivre la même situation, elle est sûre, plus sûre que notre mémoire – peu importe que la réalité que nous avons réellement vécue fût autre. Ainsi, l’homme s’attache à la stabilité de l’image – en conséquence, il lui suffit de séjourner dans les villes du monde à l’aide de Google Maps. Grâce au développement des technologies de la réalité virtuelle, le problème regarde toute la société humaine d’aujourd’hui, dont évidemment les Tchèques. Le roman apporte des éléments intéressants également au niveau de sa forme à cause du style particulier de l’auteur qui échappe à l’écriture romanesque traditionnelle. Le texte est orienté vers le visuel ce qui est provoqué par l’exploitation de la description détaillée et l’actualisation de la scène. Le lecteur qui a des expériences avec les scènes filmiques et le montage de ces scènes, se projette le film de Rom@ dans son imaginaire. Le langage audéguien propose également une lecture séduisante à cause d’un mélange de langue soutenue et parlée, des expressions métaphoriques et des méditations poétiques de Rome. Enfin, Rom@ est un roman européen et les Tchèques sont également, comme on aime le dire dernières décennies, les Européens. Les échanges plus étroits, les distances plus courtes et la politique plus unitaire ont créé en quelque sorte une nation européenne : tous les ressortissants de cette nationalité, dont les Tchèques, sont des récepteurs potentiels de ce roman et les idées ici présentées peuvent enrichir leur aptitude de percevoir la société européenne et mondiale, mais également d’envisager la vie en général.
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2.
PROBLEMES ET PROCEDES DE LA TRADUCTION Nous sommes arrivée à la deuxième partie de notre travail : analyse des
problèmes et des procédés fondamentaux de la traduction. La traduction des chapitres choisis représente le corpus de référence pour notre analyse; nous avons essayé de faire une sélection des passages témoins représentant les différents niveaux narratifs, stylistiques et thématiques qu’on peut trouver dans le roman Rom@ de Stéphane Audeguy. Le but de la traduction en général est évident : « La traduction est censé remplacer le texte-source par le ‘même’ texte en langue-cible. »11 Mais la qualification n’est pas complète avec cette déclaration. Une autre condition importante est la susceptibilité du texte traduit de dispenser son récepteur de la lecture du texte original12 et ne pas le perturber par des résidus de la langue de l’original, le traducteur devrait être invisible ainsi que son travail. L’idéal est évidemment de minimaliser le traducteur et laisser déployer l’auteur. Mais l‘invisibilité absolue du traducteur est-elle possible? Ainsi que l’auteur se reflète dans son texte, le traducteur se reflète dans son travail par tous les choix qu’il entreprend. D’un autre point de vue, en respectant la langue du texte original, nous arrivons à une autre constatation : « traduction est forcément autre que le texte source. »13 Bien que les deux déclarations que nous avons proposées puissent paraître opposées, elles se complètent : les différences entre les langues nous obligent à adopter dans la traduction certaines solutions plus ou moins éloignées de l’original pour enfin obtenir un texte équivalent dans son ensemble à celui de l’original. Le processus de la traduction fait toujours un pont entre deux langues plus ou moins éloignées, ce pont crée un canal par lequel le message peut passer d’une langue à l’autre. En changeant de langue il faut franchir des différences non seulement au niveau lexical, c’est-à-dire des différences de vocabulaire, mais aussi au niveau grammatical, syntaxique, stylistique, on peut constater même des différences par rapport à la segmentation de la réalité, ce qui complique encore 11
LADMIRAL, Jean-René, Traduire : théorèmes pour la traduction, Paris, Gallimard, 1994, p. 15. Loc.cit. 13 RAJAUD, Virginie, BRUNETTI, Mireille, Traducir, Initiation à la pratique de la traduction, Paris, Armand Colin, 2010, p. 17. 12
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davantage la traduction. Les langues entre lesquelles nous voudrions construire le pont pour que le texte de Rom@ puisse traverser et entrer dans la culture tchèque ne partagent même pas la famille de langues, elles n’ont pas la même origine, encore moins la même évolution, même certaines catégories grammaticales ne se correspondent pas. Les choix qu’on emprunte en traduisant peuvent concerner la microstructure, c’est-à-dire les mots, ainsi que les structures plus complexes, la phrase, le chapitre ou même l’ensemble du texte. Pour cette raison, nous allons observer la traduction du roman à plusieurs niveaux : sur le plan narratif, nous allons soumettre les problèmes généraux du texte et des niveaux stylistiques ; le plan syntaxique va traiter des difficultés au niveau de la phrase; le plan grammatical concerne les catégories grammaticales qui ne se correspondent pas et les problèmes qui sont posés par l’incompatibilité des deux langues en question ; enfin, le plan lexical regarde la traduction des mots et des lexies.
2.1.
Plan narratif
2.1.a. Niveaux narratifs
On peut reconnaître plusieurs niveaux narratif dans le roman de Stéphane Audeguy : l’action de l’histoire principale (ou des histoires secondaires) y alterne avec la méditation de la ville, éventuellement avec quelques passages particulières. On peut nommer parmi ces passages, entre autres, le style évoquant le mode d’emploi ; ceux-ci sont plutôt d’un caractère passager et ornent le texte narratif. Le roman entier montre cette opposition, le fil de Rome dans son agonie elle-même est à cheval entre l’action et la méditation : d’une part, l’effondrement de la ville, du temps et de l’espace, comprend l’action; d’autre part, l’histoire narrée par la ville permet d’y insérer des passages méditatifs. Observons maintenant les caractéristiques de ces approches narratives et leurs équivalents de traduction. Premièrement, prêtons notre attention à l’action. Comme l’action est censée d’avancer l’histoire, elle est plus riche en verbes, les phrases sont plus courtes, les propositions sont éventuellement enchaînées par la juxtaposition ou coordination. Le texte paraît plus dynamique et rapide. Les statues du Gange et du Nil, du Postavy Gangy, Nilu, Dunaje a Rio de la 19
Danube et du Rio de la Plata, font peu à peu craquer leur enduit poussiéreux. Elles se lèvent en ouvrant leurs bras, s’étirent comme des fauves, se penchent sur la place et vomissent des flots limoneux. p. 141
Plata se s praskáním pomalu zbavují vrstvy prachu. Vstávají, roztahují ruce a protahují se jako šelmy, nahýbají se nad dlažbu náměstí a chrlí ze sebe proudy bahna.
Les branches secondaires qui présentent les histoires de différents personnages du roman inclinent également à l’expression de l’action : la manifestation explicite de la ville dans le texte est réduite au minimum, sa narration décrit pour la plupart les événements de vie des personnages donnés – de Nano, de Nitzky, de Delenda, etc. Par contre, le langage des passages méditatifs est plus poétique, la phrase est plus complexe et on y trouve des expressions de sentiments et de prise de position, les propositions sont enchaînées plus souvent par des connecteurs logiques. Et alors, quand rien ne sera plus possible, quand la mort sera là, tout simplement je refuserai de croire à ce scandale, sous la beauté terrible des ciels vides, et telle qu’elle est aujourd’hui elle me sera alors, impensable, inadmissible. p. 14
Ale co, až se dostaví bezmoc, až přijde smrt, prostě odmítnu pod strašlivou krásou prázdného nebe té ráně věřit; taková, jaká je dnes, bude i potom – nemyslitelná a nepřijatelná.
On peut trouver des différences entre les deux niveaux également dans l’utilisation d’expressions : la méditation incline, comme nous l’avons mentionné plus haut, plutôt à des expressions poétiques, abstraites, éventuellement métaphoriques tandis que l’action est exprimée par des expressions plutôt concrètes. On trouve du vocabulaire évoquant l’acte d’amour, ses passions et les parties du corps employées dans les passages méditatifs ce qui pose des problèmes de traduction. On va voir cette problématique encore plus loin, dans la partie consacrée à la problématique de traduction sur le plan lexical. Les deux niveaux – l’action est la méditation – fonctionnent de la même façon également en tchèque, c'est-à-dire, le texte traduit devrait garder les caractéristiques que nous venons de proposer : le texte de l’action profite des phrases 20
courtes avec un nombre réduit de connecteurs logiques, il emploie des expressions concrètes, la méditation par contre exprime plus explicitement les relations logiques entre les propositions, elle adopte plus de langage poétique ou des phrases nominales pour refléter l’état d’esprit et le flux de pensées. L’ensemble du roman est pourtant censé être prononcé par la ville, c’est pourquoi le caractère d’un énoncé orale devrait être repérable dans tout le texte : il s’agit surtout des conjonctions de coordination au début de phrases dont un exemple est l’extrait suivant. Au lieu de quoi : une ville. Místo toho jsem městem. Et pendant longtemps même, la Ville : A dlouho dokonce městem s velkým M Rome. Řím. p. 15 Nous avons mentionné deux niveaux narratifs qui sont essentiels dans le texte, on y trouve pourtant également quelques déviations de ces deux types fondamentaux : observons le passage rédigé à la façon d’un mode d’emploi ou d’une recette. Il s’agit du passage où l’auteur décrit le travail de Nano dans un hôtel à Delhi. L’original profite de formes impersonnelles, surtout de l’infinitif, les propositions sont juxtaposées, rares sont les connecteurs logiques. Ces moyens permettent au lecteur de l’original d’avoir l’impression de lire un mode d’emploi ou des instructions pour le travail de service de toilettes bien que ce soit toujours Rome qui en est narrateur sauf qu’elle s’est retirée à l’arrière-plan. Pour traduire ce passage en tchèque, nous avons plusieurs possibilités qui pourraient imiter ce style de mode d’emploi – le verbe à la première ou la deuxième personne du pluriel, éventuellement l’infinitif. L’utilisation de l’infinitif est la moins fréquente mais les deux autres possibilités introduisent trop le lecteur dans le texte; nous avons plutôt besoin de garder distance par rapport au lecteur parce que Rome s’adresse à son amour, le lecteur n’est qu’un récepteur du deuxième plan du texte. Effacer soigneusement les traînées de merde avec la balayette, sans oublier de relever l’abattant à la recherche des mouchetures qui se nichent, plus souvent qu’on ne pense, sous le rebord du vase de porcelaine, ensuite nettoyer la balayette, la sécher, essuyer son portant chromé. p. 22
Štětkou odstranit zbytky hovna a nezapomenout zkontrolovat porcelánovou mísu i pod prkýnkem, jestli zde nejsou nějaké zaschlé skvrny - stává se to častěji, než by si člověk myslel pak vyčistit štětku, usušit ji, utřít pochromovanou kliku.
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2.1.b. Actualisation du texte
Comme nous l’avons vu dans la présentation du style audéguien, le texte actualise l’action au moment de l’émission/la réception : c’est surtout l’utilisation des verbes au présent qui nous mène à cette idée. Comment on peut procéder en traduisant vers le tchèques si l’on tente à conserver ce caractère actualisé du texte? Le système des tiroirs verbaux est plus simple en tchèque qu’en français : la différence est marquante déjà dans le cas du mode de l’indicatif, qui est le mode principal de la narration : il comprend huit tiroirs en français contre trois tiroirs en tchèque14. La distribution des temps est évidemment différente. On va examiner les problèmes de la traduction des verbes encore plus loin mais déjà au niveau narratif, il faut prendre une décision de base : faut-il garder le texte au présent ou emprunter un autre moyen d’expression propre à la langue tchèque ? Le texte narratif en tchèque est le plus souvent rédigé au passé, on évite une narration au présent sauf quelques cas exceptionnels, comme des faits atemporels (par exemple des proverbes) ou des événements actualisés au présent.15 L’utilisation du présent dans un texte narratif tchèque est souvent de nature passager, limitée à quelques phrases afin d’augmenter la tension, éventuellement accélérer l’action. Le français est plus habitué à l’emploi du présent en tant que temps de narration, il faut pourtant souligner que l’utilisation du présent dans la mesure représentée par le roman d’Audeguy est particulière même dans le contexte de la langue française ce qui nous impose malgré les remarques que nous venons proposées pour le tchèque de respecter l’aspect de l’actualité de l’original et le conserver dans la traduction. Le tchèque dispose encore d’un outil qui lui permet de renforcer cet effet de l’actualisation de l’action : aspect imperfectif des verbes qui ne concerne néanmoins que le passé et le futur16. En mariant les deux moyens – le présent et l’aspect imperfectif au passé dans les cas où le présent est inconvenable – nous arrivons justement à cet effet de l’actualité tendue de l’original. Observons l’extrait suivant qui propose une confrontation de la traduction au présent et au passé :
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ŠABRŠULA, Jan, Problèmes de la linguistique comparée du français et du tchèque, Univerzita Karlova, Praha, 1990, p. 71. 15 KARLÍK, Petr, NEKULA, Marek, RUSÍNOVÁ, Zdenka, Příruční mluvnice češtiny, Lidové noviny, Praha, 1995, p. 316. 16 Ibid., p. 318.
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Texte original Elles roulent devant les blanches et massives façades de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, puis s’engagent dans une longue avenue, déposent leurs passagers au pied des coulisses des jeux Vidéolympiques. p. 64
Texte traduit au présent Projíždí kolem obrovské bílé budovy Organizace spojených národů pro výživu a zemědělství, pak se vydávají po dlouhé třídě, pasažéři vystupují přímo před kulisami videolympijských her.
Texte traduit au passé Projeli kolem obrovské bílé budovy Organizace spojených národů pro výživu a zemědělství, pak se vydali po dlouhé třídě, pasažéři vystoupili přímo před kulisami videolympijských her.
La deuxième colonne représente la phrase traduite au présent, la troisième offre la même phrase au passé et à l’aspect perfectif. Nous constatons que la phrase traduite au passé perd de l’actualité de l’original, elle n’émane plus de la tension, elle donne une impression plus calme de la situation. Pour cette raison nous préférons le présent au passé pour la traduction du roman bien que cette décision n’est pas appliquée systématiquement dans tous les cas (comme nous allons voir plus loin). Si l’on prend encore en compte le rôle de la description dans le texte, le présent et surtout l’aspect imperfectif sont susceptibles de rendre la narration plus descriptive et ainsi, d’accentuer la perspective visuelle du texte. 2.1.c. Rome : un être masculin ou féminin
Un autre problème que le texte de Rom@ nous pose est le genre du narrateur, on peut distinguer deux étapes par rapport à cette problématique dans le roman : on suit la voix de Rome dès les premières pages mais, comme elle-même le dit, elle n’a pas de sexe ce qui exclut le genre masculin ainsi féminin; le changement arrive après l’incarnation de Rome dans la chair de Nano à la fin du premier chapitre, à partir du deuxième chapitre le narrateur penche vers le genre masculin, Rome est homme. On voit dans l’extrait suivant le début du deuxième chapitre où la ville s’incarne dans le corps de jeune Indien. Et maintenant je suis ce jeune homme gracile aux lourds cheveux de nuit qui contemple un palais sans mot dire, en Inde, à Purani Mandi. p. 19
A teď jsem tím štíhlým mladíkem s těžkými vlasy barvy noci, který mlčky pozoruje palác, jsem v Indii, v Purani Mandi.
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Cette indétermination par rapport au sexe se reflète évidemment dans le texte : le français exprime le genre du locuteur par des pronoms ou des adjectifs, les formes verbales ne le distinguent pas (sauf des cas particuliers du passé composé) ; le texte est rédigé en première personne du singulier qui a une seule forme pour les deux genres, en ce qui concerne les adjectifs, on emploie les expressions dont la forme masculine et féminine est identique et la distinction est donc impossible. Bien que la détermination de sexe du narrateur au niveau sémantique arrive entre le premier et le deuxième chapitre, il n’apparaît explicitement au niveau formel qu’au milieu du troisième chapitre nommé ombilic – le passage suivant nous témoigne le moment où l’indication apparaît pour la première fois. Puis, encore tremblant d’avoir senti Pak jsem se ještě třásl z onoho hemžení grouiller ces parasites lâches et blafards těch rozpoutaných bledých parazitů en chemin vers l’Érèbe, je restais seul. směřujících do podsvětí za Erebem, ale zůstal jsem sám. p. 29 Pour la traduction, il est important de garder l’indétermination par rapport au sexe mais les possibilités sont plus réduites en tchèque qu’en français. Le système de tchèque propose la catégorie du neutre, à la différence du français, mais est-il convenable pour la traduction de Rom@ ? Rome se comporte dans le roman comme une personne vivante ce qui devrait impliquer un genre motivé mais le neutre motivé se rapporte plutôt aux jeunes où le sexe n’est pas encore développé. Nous nous sommes donc décidée à essayer d’éviter tout indication de genre jusqu’au moment où l’original même le révèle. Cette décision prise nous faisons face à des problèmes de traduction : à la différence du français, le tchèque exprime le genre dans les formes du passé, et du conditionnel, ce qui veut dire pour la traduction qu’il n’est pas possible d’obéir la structure de l’original dans certains cas et il faut procéder à une transformation complexe de la phrase ou à une modulation : pour éviter les indications du genre notre répertoire est aux formes du présent (comme on le voit dans l’extrait suivant) ou aux formes passives ou à un changement du sujet de la phrase. On va observer cette problématique de transformation de la phrase encore plus loin, c’est-à-dire dans analyse des procédés sur le plan syntaxique et grammatique.
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2.2.
Plan syntaxique Après avoir observé le texte du point de vue général, traité des problèmes
regardant l’ensemble du texte et avoir fait connaître les choix principaux, nous pouvons limiter notre perspective à la phrase et procéder à l’analyse des problèmes et procédés sur le plan syntaxique. 2.2.a. Traduction littérale
La possibilité la plus directe est la traduction littérale mais l’utilisation de ce procédé est limitée par des conditions particulières : les deux systèmes doivent être tout à fait symétriques, une lexie de la phrase originale correspond à une lexie de la phrase traduite et vice versa, il est donc possible de schématiser la phrase dans une grille comme le montre l’exemple proposé. Ils se cachaient dans mes recoins. p. 29 Skrývali se v mých zákoutích. Néanmoins, un tel état des choses est assez rare parce qu’il faut prendre en compte également la perspective fonctionnelle, les modulations et transpositions. 2.2.b. Connecteurs logiques et enchaînement des phrases
Nous avons mentionné plus haut que le texte du roman devrait imiter la parole de la ville, même l’utilisation des connecteurs en fait preuve : on y trouve le plus souvent des connecteurs de coordination, souvent les propositions ou les phrases sont enchaînées même par une simple juxtaposition. Dans la version traduite, il faut suivre ce modèle de la parole portée par Rome mais en même temps il faut garder la cohérence du texte et pour cette raison nous ajoutons un connecteur dans certains cas comme par exemple dans l’exemple suivant : Désodoriser l’endroit en veillant à ce que Potom odstranit zápach a dbát na to, aby les gouttelettes d’eau parfumée au jasmin kapičky jasmínové vody z rozprašovače diffusées par l’aérosol ne viennent pas nenavlhčily prkýnko. humecter la lunette. p. 22 Par contre dans certains passages, nous ne trouvons pas nécessaire l’utilisation de connecteurs, on peut le supprimer sans produire un effet sur le message du texte, la suppression des conjonctions regarde surtout les conjonctions et au début de phrases. Voici un exemple.
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Et j’aurais accepté les sagesses confites, Nevadila by mi ani ta zastaralá moudra, les petits arrangements, et cette raison kličky ani zbabělé důvody, kterých ti lâche qu’avec l’âge les plus faibles disent nejslabší tvrdí, že dosáhli s věkem […] avoir atteinte […] p. 14
Deux-points et point-virgule Dans le contexte des connecteurs, nous voudrions encore mentionner la ponctuation, nous allons nous arrêter au deux-points et point-virgule dont l’utilisation n’est pas pareille en français et en tchèque : les deux signes que nous venons de présenté sont plus fréquents en français, le texte tchèque, surtout celui de belles lettres, en profite assez rarement. Nous laissons de côté les situations ou nous trouvons convenant de garder ces signes même la version traduite et observons d’autres possibilités de traduction. Le texte tchèque ne nous permet pas de reproduire le deux-points ou le point-virgule dans tous les cas et il faut les remplacer par un autre moyen d’expression, c’est-à-dire par un autre signe de ponctuation ou même par une expression plus explicite. La phrase suivante contient un deux-points dans la version originale, pour la traduction nous avons profité du verbe être qui formule plus explicitement la relation entre les deux parties de la phrase. Au lieu de quoi : une ville.
Místo toho jsem městem.
p. 15 Le tchèque emploie le deux-points pour signaler une énumération, un exemple, une explication ou précision supplémentaire, il est moins important pour notre texte qu’il introduit également une citation ou un contraste.17 Dans l’extrait suivant nous constatons plutôt une relation d’attribut, c’est pourquoi nous avons échangé le deux-points pour un tiret qui, d’après notre avis, correspond mieux à la signification de deux-points dans l’original. […] le nouvel arrivant du baraquement […] dostal nováček na ubytovně Park Park Hotel Sanitation Crew reçoit ce Hotel Sanitation Crew přiléhavou surnom mérité : Nano. přezdívku - Nano. p. 25
17
KARLÍK, Petr, NEKULA, Marek, RUSÍNOVÁ, Zdenka, Příruční mluvnice češtiny, Lidové noviny, Praha, 1995, p. 676.
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Par contre, nous avons mis dans la traduction le deux-points là où l’original utilise un autre signe de ponctuation. On voit dans l’extrait qui suit une transformation plus complexe : le deux-points de l’original est supprimé est son sens est intégré dans la phrase, plus loin, pour signaler une énumération, nous avons profité de deux-points au moment, où l’original ne propose qu’une simple virgule. Être humain : je crois que j’aurais tout aimé, le sang battant à mes oreilles, les promenades du soir sur la piazza del Popolo […] p. 15 Prêtons encore notre attention au
Jako člověku by se mi líbilo asi úplně všechno: bušící krev ve spáncích, večerní procházky po náměstí Piaza del Popolo […] point-virgule qui représente dans le texte
romanesque français une frontière entre deux unités plus ou moins fermées par rapport à leurs sens, il n’est pas si radical que le point final. Néanmoins, son utilisation n’est pas très naturelle pour un texte romanesque tchèque ; de plus, les phrases trop longues rendent le texte compliqué et mal compréhensible. Nous nous sommes donc décidée à diviser les phrases longues en plusieurs parties : la fin de la phrase correspond souvent au point-virgule dans l’original comme le témoigne l’extrait suivant. […] toute eau évaporée ; et sur le mur […] všechna voda se vypařila. immense de la chapelle Sixtine, voici Na obrovské zdi Sixtinské kaple je l’image juste de mes lassitudes. vyobrazena pravá podoba mého vyčerpání. p. 16
2.2.c. Restructuralisation de la phrase
Au niveau de la phrase, des particularités du texte de Rom@ nous obligent à profiter dans certains cas d’une transformation complexe : il s’agit surtout du genre inconnu du narrateur dans le premier chapitre du roman et de nom du jeu vidéo Rom@. Observons maintenant les solutions possibles de ces cas problématiques. Élimination de l’indication du genre Premièrement, nous allons parler de la transformation du sujet due à l’effort d’éviter une précision du genre. Nous avons déjà mentionné dans la partie consacrée au genre de Rome-narrateur qu’il est nécessaire dans ce cas de s’abstenir des formes du passé de l’indicatif, du conditionnel et des adjectifs, par contre, il est possible de 27
profiter des formes du présent de l’indicatif et de la transformation de la phrase en transposant le sujet de la phrase en objet. L’extrait suivant contient un verbe au conditionnel passé pour exprimer un désir irréalisable, mais le conditionnel en tchèque indique le genre du locuteur – byl bych chtěl/a – qui ne nous convient pas et il nous faut donc choisir une autre tactique pour le traduire. Dans ce cas, nous avons exploité la forme du présent de l’indicatif : la forme verbale est moins significative mais le désir est compensé par le verbe plus expressif. Parfois j’aurais voulu être un homme, Někdy si, má lásko, přeji být člověkem – mon amour. mužem nebo i ženou. Ou alors une femme. p. 11 Ce procédé n’est pas applicable systématiquement dans tous les cas, parfois il est important de conserver le conditionnel et pour cette raison nous sommes obligée d’emprunter un autre moyen. L’extrait proposé nous témoigne une transformation du sujet en objet : une transposition du verbe mourir en substantif a donné lieu à transformer le sujet je en complément d’objet direct mě où l’indication de la personne n’est plus présente. Pourquoi devrais-je mourir puisque je Proč by mě vůbec měla čekat smrt, když suis un monde, à ma manière, avec ses já jsem svým způsobem svět - svět s pierres et ses étoiles, ses mers et ses kameny, hvězdami, moři, i lesy? forêts ? p. 15 Dans certains cas, il nous faut changer le point de vue ce qui provoque un changement complexe de la phrase – on appelle ce procédé la modulation. Dans la phrase proposée l’objet de la version originale est transformé en sujet dans la traduction. Oui, la fatigue d’être une ville m’a saisi Ano, když ses mi poprvé ukázala, má quand je t’ai aperçu pour la première fois, lásko, přestalo mě bavit být městem. mon amour. p. 16 Cette modulation nous a de nouveau permis d’éviter l’indication du genre du narrateur parce que le pronom personnel tchèque já ne distingue pas la forme masculine et féminine. Ce procédé était donc une des possibilités de traduction des premières pages du roman où le sexe de la Rome n’est pas encore exprimé.
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Déclinaison de Rom@ Le système casuel du tchèque nous pose un problème en traduisant le nom du jeu vidéo : Rom@. La version italienne du nom de la ville est compréhensible même pour un Tchèque mais c’est l’arobase qui est problématique. En français, Rom@ peut prendre n’importe quelle rôle dans la phrase parce que la forme ne change pas ; par contre, les cas tchèques, sauf le nominatif, impliquent des terminaisons différentes que –a (représenté par l’arobase) et par conséquence il n’est pas possible de décliner ce nom dans la traduction. Deux possibilités s’y présentent : On peut introduire dans le texte une explication – un qualificatif qui est susceptible de déclinaison, on voit dans l’extrait suivant comment cette solution fonctionne dans un cas concret – le nom hra est décliné tandis que Rom@ en tant qu’attribut reste invariable. […] une épreuve concerne un jeu de Soutěžní klání se týkají nějaké fotbalové football, une autre un shoot them up, la hry, potom nějaké střílečky a do třetice troisième est Rom@. hry Rom@. p. 65
La deuxième possibilité est une modulation de la phrase pour que le nom du jeu s’y trouve au nominatif, c’est-à-dire dans la position du sujet, cette transformation peut comprendre même une introduction d’une proposition subordonnée. Dans l’extrait suivant, Rom@ est à l’origine un circonstant d’espace, en traduisant nous l’avons transformé en proposition subordonnée circonstancielle hypothétique. Tout à l’heure la longue silhouette de la place Navone l’a étonné, avant qu’il ne se souvienne que dans Rom@ elle correspond au stade de Domitien. p. 63
Nemohl uvěřit, jak je náměstí Piazza Navona dlouhé, ale po chvíli si uvědomil, že kdyby to byla Rom@, byl by tu Domiciánův stadión.
2.2.e. Perspective fonctionnelle de la phrase
Les problèmes de la traduction sur le plan syntaxique prennent, entre autres, leur source dans la construction différente de la phrase tchèque et française par rapport à la perspective fonctionnelle. L’ordre de mots dans la phrase tchèque est 29
plus libre que dans la phrase française mais il ne faut pas oublier qu’il est cependant significatif par rapport à l’importance de l’information apportée. L’extrait suivant nous propose un exemple où la phrase française est contrainte par l’ordre fixe de mots, la traduction nous permet de nous libérer de la structure de l’original : la phrase française exige le schéma sujet – verbe – complément d’objet – circonstant, c’est pourquoi le substantif fatigue, en tant que sujet, précède le verbe. La phrase tchèque autorise de coordonner fatigue avec chagrin à la fin de la phrase sans changer son sens. Et c’est alors que la fatigue le saisit, en A v tu chvíli ho přepadá únava a zároveň même temps que le chagrin. stesk. p. 231 La problématique ne regarde pas seulement la position du sujet; en générale, on peut dire que plus à la fin de la phrase l’information se trouve, plus elle est importante. Pour rendre la problématique plus claire, observons un exemple concret de l’extrait suivant : presque toute la phrase tirée du texte représente le rhème, la partie thématique n’est que le pronom conjoint ils, c’est-à-dire le sujet, il est un élément anaphorique et en tchèque, il n’est reflété que par la forme verbale à la troisième personne du pluriel ; le verbe arrivent est un élément de transition ; les autres éléments de la phrase représentent le rhème. L’ordre de ces éléments circonstanciels peut être néanmoins significatif : premièrement, la phrase contient un composant détaché - pour le service de jour - qui a une fonction explicative et qui est la partie la plus rhématique, c’est-à-dire qu’il apporte est une information la plus importante. Pour traduire la phrase en tchèque il n’est pas nécessaire de conserver le détachement de l’information, il suffit de la poser à la fin de la phrase ce qui est la position la plus rhématique. En ce qui concerne les deux autres circonstants, leurs informations sont secondaires, l’indication de l’espace – à l’hôtel - nous paraît pourtant plus fructueuse pour le texte et c’est pourquoi nous lui avons attribué une position plus rhématique qu’à l’indication du temps – vers six heures. Ils arrivent à l’hôtel vers six heures, pour Kolem šesté hodiny přijíždějí k hotelu na le service de jour. denní směnu. p. 21 La perspective fonctionnelle est un instrument important pour l’organisation des éléments dans la phrase tchèque dont le système est orienté plus à la qualité de
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l’information apportée. L’ordre libre permet de mettre en relief certaines informations tandis que réprimer d’autres. 2.2.f. Périphrase verbale
La langue française permet de condenser la phrase par plusieurs moyens : infinitifs, participes, gérondifs; cette condensation phrastique n’est pourtant pas applicable au tchèque dans tous les cas, surtout quand il s’agit d’une narration spontanée comme le présente Rom@. L’infinitif « est considéré comme la forme nominale du verbe »18 ce qui veut dire que cette forme verbale reprend les fonctions syntaxiques d’un nom; le participe peut de son côté « exercer les fonctions de l’adjectif qualificatif »19; le gérondif « indique un procès en cours de réalisation, simultané par rapport au procès exprimé par le verbe principal »20 et rempli de cette façon le rôle d’un complément circonstanciel, cela veut dire que ces trois formes verbales ne prennent pas la fonction de verbe et ainsi, elles ne représentent pas des membres de bases des propositions. Le tchèque, surtout celui d’un caractère spontané et le tchèque parlé, préfèrent cependant un enchaînement de plusieurs propositions à une phrase construite à partir des membres trop développés. Pour ces raisons nous avons emprunté une transformation syntaxique dans notre traduction qui dépouille l’information en plusieurs propositions. Dans la partie consacrée à la périphrase verbale, nous avons prêté notre attention à ces trois types de condensation que nous venons de mentionner. Infinitif La première des formes examinées est l’infinitif. Dans l’extrait suivant, on voit deux infinitifs : le premier est traduit par le conditionnel présent dans la traduction (bien que le conditionnel ne soit pas une nécessité, il nous paraît plus naturel que l’indicatif après la conjonction tchèque aniž), le deuxième reste à l’infinitif même dans la traduction. Nous avons déjà dit qu’il remplit une fonction du nom et il est donc possible de remplacer l’infinitif par un substantif (par exemple : bez potřeby mluvit) mais de cette façon, on enchaîne des formes d’un caractère 18
RIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe, RIOUL, René, Grammaire méthodique du français, Paris, PUF, 2004, p. 334. 19 Ibid., p. 340. 20 Ibid., p. 342.
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nominal et le texte tchèque paraît plus compliqué. Cet enchaînement nominal est caractéristique plutôt pour les textes spécialisés et il ne convient pas bien à la narration littéraire dont le texte de Rom@; si on transforme les deux infinitifs en propositions (par exemple : aniž by měli, o čem by mluvili) la phrase devient également lourde : la relation entre les deux verbes est assez étroite et l’information qu’ils portent n’exige pas une isolation en deux propositions séparées. Alors ils se prenaient la main, ils Vzali se za ruce a kráčeli spolu mými marchaient dans mes rues sans avoir à ulicemi, aniž by měli o čem mluvit. parler. p. 29 Si l’on procède à une transformation de l’infinitif en proposition, on rencontre deux problèmes : l’accord en personne entre le sujet et le verbe et l’expression du mode et du temps. L’infinitif et une forme impersonnelle mais la personne à laquelle il renvoie est repérable du contexte; pour le temps, on peut aussi prendre l’inspiration dans le contexte de la phrase mais le mode verbal, par contre, est moins certain : il faut décider surtout entre l’indicatif et le conditionnel. Dans l’extrait suivant, nous avons employé l’indicatif : le verbe continuer a subi une transposition en adverbe nadále et nous avons appliqué le mode et le temps de ce verbe transposé aux infinitifs. J’avais perdu connaissance, et cependant Ztratil jsem vědomí, a přesto jsem i je continuais à entendre, à sentir, à nadále slyšel, cítil, myslel: tomu se říká penser : ce qu’on nomme l’enfer. peklo. p. 31 Par contre l’extrait qui suit ne nous propose pas de verbe dont on peut emprunter le mode, néanmoins, la première partie de la phrase nous fait penser au conditionnel : pour l’instant, la somme de l’argent qu’il a économisée lui permet de payer, on apprend la réalisation de ce paiement par le contexte suivant. Au bout de cinq ans il a économisés assez Za pět let si našetřil dost peněz na to, aby d’argent pour payer à un passeur mohl zaplatit převaděči přes hranice l’avance convenue. požadovanou zálohu. p. 20
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Participes et gérondif La traduction des participes et des gérondifs pose également des problèmes : bien que le tchèque en possède des équivalents au niveau du système grammatical, il n’est pas possible de les identifier parfaitement sur le plan stylistique. Le cas le moins problématique est le participe passé : cette forme verbale fonctionne en français comme un adjectif et sa traduction est souvent réalisable par un adjectif verbal comme l’extrait suivant nous le prouve. Il regarde ses mains parcheminées, Pozoruje své pergamenové ruce poseté tavelées de taches ocre. okrovými skvrnami. p. 231 On peut pourtant trouver des cas où il est préférable de profiter d’une expression périphrastique comme nous l’avons fait dans le cas de la phrase proposée ci-dessous : la proposition attributive avec un verbe perfectif au passé, l’état actuel est son résultat (voir plus loin). […] sous les ruines béantes du palais de […] pod rozvalinou paláce Septima Septime Sévère qui, dénudées de leurs Severa, ze které opadaly mramorové parements de marbre, […] ozdoby […] p. 64 La traduction du participe présent est plus compliquée, son équivalent grammatical introduit dans la phrase des adjectifs verbaux mais leur forme est moins élégante : de cette façon les membres de la phrase deviennent trop développés, le prédicat, qui devrait être le noyau de la phrase, est mal repérable ; les adjectifs verbaux, des attributs du nom, doivent se trouver dans les alentours du substantif qu’ils développent et il n’est donc pas possible de suivre l’ordre de la phrase de l’original. De ce fait, la phrase est mal compréhensible pour le lecteur. Nous avons enfin décidé de créer des propositions séparées à partir des participes présents, c’està-dire de les transposer en verbum finitum : regardons l’extrait suivant, où nous présentons les deux possibilités : la traduction par des adjectifs verbaux et par des propositions indépendantes.
Quittant l’héliport du Hilton, le pilote a piqué vers le sud, laissant derrière lui le Vatican, le grands bras ouverts de la
Adjectifs verbaux Pilot vzlétající z heliportu Hiltonu a nechávající za sebou Vatikán a velkou otevřenou náruč 33
Proposition indépendante Pilot vzlétl z heliportu Hiltonu a vzal to na jih, nechává za sebou Vatikán a velkou otevřenou náruč Svatopetrského náměstí.
place Saint-Pierre.
Svatopetrského náměstí to vzal na jih.
p. 63-64 Prêtons encore notre attention au gérondif. Dans ce cas également, on trouve un équivalent correspondant dans le système tchèque mais de nouveau, on y constate de différences stylistiques : les deux expriment une simultanéité d’action mais la traduction en tchèque par le gérondif présent est très rare et exige des circonstances particulières parce qu’il est considéré comme une forme archaïque et littéraire de condensation phrastique21. Ce moyen de traduction ne nous convient pas parce que le texte imite une narration spontanée de la ville. Nous avons donc transformé le gérondif présent en proposition indépendante : la simultanéité des actions est exprimée par la relation de coordination, représentée par la conjonction a, et par l’aspect imperfectif des verbes à cause duquel la détermination des actions par rapport au temps et vague et elles paraissent de se dérouler simultanément. Il serait possible d’exprimer la simultanéité explicitement par un adverbe (par exemple přitom) mais cette explicitation n’est pas nécessaire pour la compréhension et elle ne produirait qu’un alourdissement de la phrase. […] une colombe de pierre s’envoile en […] vzlétá kamenná holubice a upouští laissant échapper son rameau d’olivier olivovou ratolest […] […] p. 141
2.3.
Plan grammatical Nous avons réservé un chapitre spécial pour les problèmes de traduction
découlant des catégories grammaticales discordantes en français et en tchèque. Les catégories d’articles et de verbes nous posent le plus de problèmes. 2.3.a. Articles
La catégorie d’article n’existe pas dans le système grammatical tchèque. Le plus souvent, il n’est pas nécessaire de compenser l’article de l’original parce que l’indétermination ou la détermination sont définies par le contexte : dans ces cas il suffit de supprimer l’article. Dans l’exemple suivant, nous voyons que tous les articles sont supprimés et leurs contenus sémantiques sont intégrés dans les 21
KARLÍK, Petr, NEKULA, Marek, RUSÍNOVÁ, Zdenka, Příruční mluvnice češtiny, Lidové noviny, Praha, 1995, p. 756.
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substantifs tchèques. On peut parler éventuellement d’une transposition zéro de l’article. Quittant l’héliport du Hilton, le pilote a Pilot vzlétl z heliportu Hiltonu a vzal to piqué vers le sud, laissant derrière lui le na jih, nechává za sebou Vatikán a velkou Vatican, les grands bras ouverts de la otevřenou náruč Svatopetrského náměstí. place Saint-Pierre. pp. 63-64
L’utilisation des articles n’est pourtant pas insignifiante pour le texte, parfois, il faut exprimer explicitement leur apport sémantique à la phrase. Le traducteur est pour cette raison obligé de compenser leur fonction par un autre moyen : nous pouvons profiter de la catégorie des pronoms. La détermination du nom peut être représentée par des pronoms démonstratifs, l’indéfini peut être signalé, évidemment, par des pronoms indéfinis. L’extrait suivant nous nous montre un emploi de l’article indéfini qui est traduit par un pronom indéfini nějaký: le vague des jeux est mis en relief, ils ne sont pas importants pour l’histoire. […] une épreuve concerne un jeu de Soutěžní klání se týkají nějaké fotbalové football, une autre un shoot them up, la hry, potom nějaké střílečky a do třetice troisième est Rom@. hry Rom@. p. 65
L’autre extrait nous présente l’article défini : dans ce cas, nous l’avons traduit par un pronom démonstratif tento, l’enchaînement à la phrase précédente est plus fin à cause de ce renvoie anaphorique. Tandis qu’en français, il suffit d’utiliser l’article défini pour bien contextualiser le terme véhicule, en tchèque, il nous faut en revanche éclaircir la relation d’égalité entre modèle de la phrase précédente et véhicule du début de la phrase en question. […] il présente lui-même un premier modèle au salon de l’automobile de Génève. Le véhicule révolutionnaire n’est pas bien haut, […]
[…] sám uvádí na automobilové výstavě v Ženevě jeho první model. Toto revoluční vozidlo není nijak vysoké […]
p. 25 Observons encore un cas particulier dont l’exemple est proposé ci-dessous : bien que le texte original dispose de l’article indéfini, nous avons profité du pronom 35
démonstratif qui signale une précision du nom et correspond de cette façon plutôt à l’article défini. Ici, le pronom démonstratif tchèque n’a pas une fonction anaphorique, il renvoie à l’explication qui suit le deux-points, ce procédé nous permet d’imiter un énoncé spontané – l’explication de la raison est subséquente à l’action même qu’elle a produite. Une pensée le fait sourire : il n’est pas Ta myšlenka ho rozesmála: nebyl v Římě venu à Rome depuis le troisième siècle de od třetího století našeho letopočtu. l’ère chrétienne. p. 63
2.3.b. Verbes
La catégorie encore plus compliquée que les articles est évidemment celle des verbes à cause de sa classification complexe en français ainsi qu’en tchèque. De plus, les deux systèmes ne sont pas symétriques. Nous allons traiter deux domaines principaux où se posent des problèmes de traduction : d’une part c’est la traduction du présent que nous avons déjà esquissée plus haut mais dans ce chapitre, nous allons observer des cas particuliers. D’autre part, nous allons voir la problématique de l’aspect verbal. Traduction du présent La traduction des verbes nous ramène encore une fois à une des particularités du roman de Stéphane Audeguy : le texte est rédigé pour la plupart au présent. Nous nous sommes décidée à conserver ce moyen d’expression même dans la traduction à cause de l’actualisation du texte ce que nous dévoile déjà la partie consacrée aux problèmes au plan narratif. La conservation du présent dans le texte traduit n’est pourtant pas systématique et nous allons maintenant examiner des exemples qui échappent à cette décision prise sur un plan général. Il est évident qu’il faut décider la traduction convenable pour chaque cas ; bien que nous ayons accepté le présent comme le temps principal du roman, il y a des situations où il vaut mieux de céder le poste au passé qui est plus naturel pour la narration tchèque. Dans certains cas, nous avons trouvé convenable de traduire le présent de l’original par le passé de l’indicatif, ces cas sont évidemment limités par
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des conditions spéciales : un verbe inaccompli est traduit par un verbe désignant une action accomplie perfective qui représente la cause de la situation désignée. Analysons le passage suivant où nous avons trois verbes dont deux sont au présent dans la version originale, un seul dans la traduction. Le verbe être désigne un état inaccompli, ses limites sur l’axe temporel sont assez vagues; le prince est entré dans cet état au moment où il a atteint l’âge de maturité – dospěl - le verbe tchèque désigne un fait accompli qui nous permet de dire qu’il est en âge. En raison de ce fait, le passé peut être employé même pour traduire le présent. Le deuxième verbe ne pose pas de problème, les deux versions emploient le passé mais la raison est la même comme dans le cas du verbe précédent, le passé composé français en fait preuve : à la différence du passé simple, le passé composé se rapporte au moment de l’énonciation – il a obtenu son diplôme et maintenant, il en dispose. La traduction du troisième verbe est, de nouveau, claire : l’original ainsi que la traduction désignent une action inaccomplie dont on ne connaît pas, pour l’instant, le résultat et on peut donc profiter du présent dans les deux cas. […] et quand le prince Rachid est en âge, quand il a obtenu son diplôme de relations internationales à l’université de Virginie, son père lui offre de gérer l’une des innombrables zones franches du pays.
Po tom, co sám princ Rašíd dospěl dostatečného věku a odpromoval z mezinárodních vztahů na univerzitě ve Virginii, nabízí mu otec správu jedné z celé řady daňově zvýhodněných oblastí v zemi.
p. 61 Ceci dit, on peut constater qu’en traduisant le présent par le passé il faut employer des verbes à l’aspect perfectif. Observons l’extrait suivant : le présent fait sourire est traduit par le passé mais en même temps par la forme perfective rozesmála, cette démarche est possible parce que la pensée est la raison de son sourire. Une pensée le fait sourire : il n’est pas Ta myšlenka ho rozesmála: nebyl venu à Rome depuis le troisième siècle v Římě od třetího století našeho de l’ère chrétienne. letopočtu. p. 63
Aspect perfectif et imperfectif du verbe tchèque Jusqu’ici, nous avons traité la problématique du présent de l’indicatif, nous avons constaté qu’il s’agit du temps le plus fréquemment utilisé dans le roman mais 37
il ne s’agit pas du seul tiroir présent dans le texte. L’auteur profite évidemment du futur pour exprimer la postériorité et du passé pour exprimer l’antériorité. On rencontre des problèmes de traduction surtout au niveau du passé parce que le système français est plus riche en tiroirs verbaux que le système tchèque qui ne comprend qu’un seul. Le tchèque dispose en revanche de la catégorie d’aspect verbal qui lui permet de distinguer l’action perfective et imperfective qu’on ne trouve pas en français. Nous avons déjà mentionné dans la partie consacrée au plan narratif du texte que l’aspect perfectif ne regarde que le passé et le futur; le présent est toujours imperfectif – comme le présent renvoie au moment où l’on parle, l’action ne peut pas être accomplie, si oui, elle est déjà passée. Nous proposons maintenant d’étudier la traduction du passé de l’indicatif. Premièrement, regardons le passé simple. L’utilisation de cette forme verbale est très rare dans le texte, on ne trouve que quelques phrases dans le roman qui l’emploient. D’une part c’est son appartenance au système du récit, c’est-à-dire du texte écrit, qui ne convient pas bien au caractère du roman qui tente à imiter un discours, c’est-à-dire un énoncé orale22 ; d’autre part c’est le détachement par rapport aux événements présents que le passé simple fait sentir : Rome raconte son histoire, le passé composé convient mieux pour signaler l’antériorité par rapport au moment actuel et en plus, une certaine relation à ce moment. Examinons l’extrait suivant tiré du passage où la ville décrit des événements passés : le verbe je me penchai ne se rapporte pas au présent mais il désigne une action accomplie dans le contexte de ces événements temporellement éloignés. Le verbe tchèque au passé n’est pas susceptible d’exprimer ce détachement, le fait que ce passage est entièrement rédigé au passé crée un cadre qui échappe au reste du texte et il est déjà signe d’un éloignement par rapport au présent ; le verbe tchèque est néanmoins capable de révéler l’accomplissement de l’action à l’aide de la forme perfective du verbe přibližovat se (imperfectif) - přiblížit se (perfectif). Přiblížil jsem se ještě víc. p. 30 Nous allons rester encore un moment sur le terrain de ce passage rédigé au
Je me penchai encore davantage.
passé, cette fois-ci nous allons orienter notre attention vers l’imparfait qui est déjà
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JAUBERT, Anna, cours d’Analyse du texte narratif, Anna Jaubert, Université Nice Sophia Antipolis, Nice, printemps 2012
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plus fréquent que le passé simple. Cette forme verbale ne signale pas le détachement que nous avons vu dans le cas du passé simple, l’imparfait peut se rapporter aux événements présents en évoquant l’antériorité ainsi qu’aux événements passés en évoquant la simultanéité; l’imparfait se distingue pourtant d’une autre qualité qu’est l’inaccomplissement de l’action, il se situe plutôt du côté de la description des conditions que de l’action principale de l’énoncé – c’est cette qualité qui fait de l’imparfait le deuxième tiroir le plus important pour le texte de Rom@. Le roman réserve une grande importance à la description pour créer une image visuelle dans l’esprit de son lecteur, comme nous l’avons expliqué dans la présentation du roman. C’est aussi la raison pour laquelle la plupart du passage en question est rédigée à l’imparfait. En ce qui concerne la traduction, ce passage décrit des événements passés et il faut garder cette antériorité par rapport au reste du texte mais en même temps, il nous faut conserver le caractère descriptif, l’aspect imperfectif peut nous y aider. Nous en voyons un exemple concret ci-dessous : la phrase que nous y proposons décrit une scène, les actions désignées par des verbes à l’imparfait ne créent pas d’histoire continue mais chacun représente un fragment du tableau scénique et pour cette raison, nous avons traduit tous les verbes à l’aspect imperfectif. Sur le pont Milvius des légionnaires ravis Na mostě Milvio se nadšení legionáři se penchaient vers le Tibre, humaient nakláněli nad Tiberu, pomalu vdechovali lentement le brouillard de l’automne, sur podzimní mlhu, na Fóru staří malíři le Forum de vieux peintres pleuraient de plakali z navráceného světla v očích, revoir la lumière, des femmes en cheveux prostovlasé ženy v zahradách drhly mezi dans les jardins, froissaient entre leurs rozechvělými prsty voňavé bylinky, které doigts tremblants, des herbes odorantes si přikládaly k ústům, děti běhaly qu’elles portaient à leurs lèvres, des k fontánám a namáčely si malé ručky enfants couraient vers les fontaines et v zelenavé vodě, kněží se stejně jako psi plongeaient leurs mains petites dans les ženoucí se za zvěří opájeli spálenou vůní bassins verdis, et des prêtres suivaient, z oltáře. comme des chiens ivres de gibier, l’odeur d’un parfum brûlé sur un autel. p. 27 L’imparfait français et l’aspect imperfectif tchèque situent l’action sur le deuxième plan de l’histoire, ils n’ont pas pour l’intention de former une histoire mais plutôt de désigner l’ambiance de la situation qui correspond très bien à l’écriture de Stéphane Audeguy.
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2.4.
Plan lexical La dernière restriction du point de vue nous introduit au plan lexical : dans
cette partie, nous allons traiter des problèmes au niveau de lexies. Nous allons voir les plus importants procédés dont nous avons profité en traduisant Rom@ de Stéphane Audeguy. 2.4.a. Transcription
Le premier type de traduction que nous voudrions mentionner est la transcription; elle concerne surtout les noms propres ou la toponymie romaine dont le tchèque ne dispose pas d’équivalents. Ce type de traduction est le plus fidèle à l’original, il respecte la forme originale du mot. Comme le roman se déroule dans un milieu étranger à la culture française ainsi que tchèque, les lexies transcrites sont le plus souvent d’origine d’une troisième langue – surtout l’italien, l’anglais, éventuellement l’hindi ou l’arabe. Premièrement, étudions la problématique de l’hindi et de l’arabe, ces langues ne partagent pas l’alphabet avec la culture occidentale. Nous avons été obligée de transcrire ses noms qui ont plus ou moins intégré son lexique. Les extraits de Rom@ que nous avons traduites nous en proposent deux exemples : prince Rachid, nom d’origine arabe, et Taj Mahal, monument indien. Comme le tchèque est habitué de transcrire en utilisant un autre système que le français – le tchèque dispose d’un système d’accents qui permet d’être fidèle à la phonétique du mot, et il faut respecter ses habitudes : princ Rašíd, Tádž Mahal. La transcription de l’italien et de l’anglais est moins compliquée grâce à l’alphabet latin. Nous avons transcrit les noms comme via della Conciliazione (p. 142), Palazzo Caffarelli (p. 144) ou Nostra signora del Sacro Cuore (p. 229), Ganj Street (p. 19) : ils proviennent tous d’une troisième langue et leur forme originale est respectée dans le texte français ainsi que dans la traduction tchèque. Dans Rom@, on trouve également des noms qui ont été francisés, par exemple la place Navone (p. 141), l’avenue des Forums impériaux (p. 229) ou Grand Cirque (p. 61). Le français a profité de calques pour créer leurs équivalents, le tchèque n’en dispose cependant pas, il préfère utiliser les dénominations italiennes au calque :
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piazza Navona, via dei Fori Imperiali et Circus Maximus. Dans ces cas, l’indication d’un lieu concret est plus importante que la compréhension du nom. 2.4.b. Calque
Le procédé de calque, c’est-à-dire « la transposition d’un sémion ou d’une construction d’une langue dans une autre par traduction littérale »23, n’est pas très fréquent dans notre traduction. La traduction littéraire n’a pas besoin de créer de nouvelles expressions en calquant l’original. Elle nous a été pourtant utile pour la traduction de la toponymie. Bien que nous ayons déclaré supra que la compréhension des toponymes est secondaire, certains peuvent intensifier la situation et dans ces cas, pour ne pas priver la traduction de cet effet, il faut accéder au calque. Nous voyons dans l’extrait suivant un exemple d’une telle situation : le texte décrit l’horreur mortel de la ville, le fait qu’il s’agit de la Vallée de l’Enfer, ce qui est également calque de l’italien – la Valle dell’Inferno - est significatif parce qu’il soutient l’ambiance de la situation. […] tandis qu’au même moment, au sud Ve stejném okamžiku jižně od Monte de Monte Mario, des soldats espagnols et Maria zatím vyráží španělští a němečtí allemands, casqués de fer, armés de vojáci údolím Pekla a po tom, co bez longues piques, de hallebardes et d’épées problému překonají Aureliovy hradby, à deux mains, débouchent de la Vallée de postupují směrem k Vatikánu, na hlavě l’Enfer, font mouvement vers le Vatican, mají železné přilby a jsou ozbrojeni après avoir escaladé sans grande dlouhými bodáky, halapartnami a difficulté la muraille aurélienne. dvouručními meči. p. 142 Le calque a été évidemment à la naissance des équivalents français ainsi que tchèques de la toponymie romaine : le Champ de Mars (Campo Marzio en italien) – Martovo pole (p. 229), la place d’Espagne (Piazza di Spagna en italien) – Španělské náměstí (p. 230), les jardins de Lucullus (Hori Lucullani en latin) – Lucullovy zahrady (p. 230). 2.4.c. Transposition
On comprend sous le terme de transposition un procédé qui entraîne un changement de catégorie grammaticale d’une lexie transmise d’une langue à l’autre. Ces changements au niveau des lexies entraînent pourtant une transformation de la phrase à cause de la modification des relations syntaxiques. Il y a évidemment un 23
ŠABRŠULA, Jan, Problèmes de la stylistique comparée du français et du tchèque, Univerzita Karlova, Praha, 1990, p. 34.
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grand nombre de possibilités de transpositions parce qu’on peut combiner quasiment toutes les catégories grammaticales. Examinons celles qui sont, de notre avis, les plus importantes. Transposition zéro Un type spécial de transposition est une suppression d’une partie de lexie ou, par contre, une addition d’un mot graphique, c’est-à-dire le nombre de lexies dans l’original et dans la traduction ne se correspond pas. Nous présentons dans l’extrait suivant le verbe français revoir dont le préfixe re- exige une adition de l’adverbe znovu en le traduisant vers le tchèque. […] nous revoyons le même maquereau […] potkáváme znovu toho samého qui trottine derrière sa femme furibonde. vyžírku, jak poklusává za svou zběsilou ženuškou. p. 13
Substantif → verbe La transposition du substantif en verbe est un procédé important pour la traduction du français au tchèque : nous avons déjà constaté que le français supporte mieux une expression nominale tandis que le tchèque incline à une expression verbale; ce type de transposition nous permet de suivre justement cette nature du tchèque. En transposant le substantif coucher de l’extrait suivant en verbe zapadnout, nous avons créé une nouvelle proposition (le substantif transposé en est le prédicat), c’est pourquoi ce type de transposition entraîne également une transformation syntaxique. Après le coucher du soleil […]
Když zapadlo slunce […] p. 230
Verbe → adverbe La transposition d’un verbe semble s’opposer à la constatation que nous avons présentée entre autres dans le paragraphe précédent. Néanmoins, nous pouvons prouver l’utilité de ce type sur l’exemple suivant : on enchaîne deux verbes, le verbe sembler au présent de l’indicatif et le verbe se passer à l’infinitif passé, ce qui est difficilement réalisable en tchèque. Pour cette raison, il faut transposer au moins un 42
de ces verbes; le verbe se passer est plus concret et décrit mieux l’action, il est donc convenable de transposer le verbe plus abstrait sembler. L’accouchement semble s’être bien passé. Porod zřejmě proběhl dobře. p. 230
Substantif → adverbe La transposition de substantifs confirme la tendance du tchèque à éviter une accumulation des noms, l’enchaînement de plusieurs substantifs rend le texte confus et lui donne un caractère technique (comme nous l’avons déjà expliqué dans la partie consacrée à la périphrase verbale). Par contre, le rôle de l’adverbe dans la phrase est clair, à la différence du substantif, il peut fonctionner seulement comme un complément circonstanciel24. Accéder à l’au-delà de ce nom de hasard Dostat se tak mimo to jméno, které mi que m’a donné le temps. náhodně přidělil čas. p. 16
2.4.d. Etoffement et dépouillement
L’étoffement est un procédé consistant à « renforc[er] d’un mot qui ne se suffit pas à lui-même et qui a besoin d’être épaulé par d’autres »25. Dans le contexte de cette technique, on peut mentionner l’explication des toponymes : dans la partie consacrée à la transcription nous avons constaté que dans Rom@, il nous fallait conserver les formes italiennes, ces formes ne sont pas toujours bien compréhensibles au lecteur tchèque est il faut donc les accompagner par un nom général pour préciser leur nature. Dans l’extrait suivant, nous avons doublé le signifiant de la place - náměstí et piazza – les deux ont le même sens mais comme il s’agit de mots assez éloignés, chacun provenant d’une autre langue, l’explication est nécessaire. […] la longue silhouette de la place […] jak je náměstí Piazza Navona Navone […] dlouhé […] p. 63 24
VOJTOVÁ, Jarmila, cours de Syntax češtiny pro překladatele, Masarykova univerzita, Brno, printemps 2013. 25 ŠABRŠULA, Jan, Problèmes de la stylistique comparée du français et du tchèque, Univerzita Karlova, Praha, 1990, p. 36.
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Le dépouillement est un procédé assez fréquent en traduisant le texte du français en tchèque : ce dernier dispose d’un grand nombre de préfixes et suffixes qui le mettent en mesure de faire le dépouillement plus facilement que le français. De plus, il est possible de dépouiller des compléments circonstanciels comme nous le voyons dans l’extrait suivant : l’expression au pied de nous donne en tchèque na úbočí, correspondant plutôt à la langue littéraire, nous ne trouvons cette traduction combinable avec le substantif podium, de plus, le texte d’où l’exemple est tiré décrit une action (l’une de deux niveaux narratifs que nous avons présentés sur le plan narratif), il faut donc préférer la clarté de l’expression à la construction soutenue. Au pied des podiums […]
Pod pódiem […] p. 65
2.4.e. Métaphore et le sens figuré
Nous avons réservé un chapitre spécial à la métaphore et le sens figuré parce que ces pratiques sont importantes dans le texte d’Audeguy, surtout pour les passages de méditation, comme nous l’avons présentée sur le plan narratif. Premièrement, c’est le vocabulaire d’amour qui est présent dans ce texte; même la traduction devrait refléter cette tension sexuelle. L’extrait suivant est tiré de l’incipit du roman et il évoque déjà une ambiance érotique. Les équivalents de traduction ne devraient pourtant pas proposer une érotique exagérée ou des expressions vulgaires. Encens sucrés des vulves marines, Sladká kadidla mořských lůn, noční papillons de nuit des caresses secrètes, motýli kradmých polaskání, perleťové coquillages de nacre, verges de sang mušličky, kůly ztěžklé krví, něžná úbočí lourd, flancs doux des collines du Lazio kopců v oblasti Lazia, […] […] p. 11 Examinons encore des expressions métaphoriques qui ont déjà intégré le lexique français : d’une part, en traduisant on peut affaiblir la métaphore ou, de l’autre, garder son sens figuré. L’extrait suivant nous témoigne la première possibilité : on évoque une ville biblique mais la métaphore est déjà bien fixée dans la langue française (ce qui est encore prouvé par la minuscule), par contre, cette métaphore ne fonctionne pas en tchèque. Pour la traduction, nous nous sommes décidée à ne pas rester fidèle à la métaphore et utiliser une périphrase plus évidente. 44
Après avoir séjourné ici et là, ils ont fini Chvíli jsou tady, chvíli zase támhle, ale par se lasser de ce capharnaüm. nakonec je tohle skladiště haraburdí unaví. p. 230 On peut opposer cette métaphore affaiblie à l’extrait suivant où, par contre, nous avons conservé l’image biblique. De nouveau, il s’agit d’une métaphore figée dans le vocabulaire français mais cette fois, elle fait partie de la description détaillée d’une fresque religieuse et du thème du dernier jugement ce qui situe le texte dans un milieu religieux et autorise cette expression exceptionnelle tirée d’un psaume biblique. […] oui, chaque jour est celui du Ano, každý den je dnem posledního jugement dernier, sans tambour ni soudu, bez hlaholu trub a rohů. trompette. p. 17
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3. TRADUCTION I
I
ROMA
ROMA
C’est un homme ou une pierre ou un arbre
Čtvrtý zpěv začne člověk nebo kámen
qui va commencer le quatrième chant.
nebo strom.
LAUTRÉAMONT
LAUTRÉAMONT
Ville éternelle
Věčné město
Parfois j’aurais voulu être un homme, Někdy si, má lásko, přeji být člověkem – mužem nebo i ženou.
mon amour. Ou alors une femme.
Na tom nezáleží.
Je ne suis pas sectaire.
Non que les différences m’échappent, Ne že by mi unikal ten rozdíl, ale o čem mais que rêver de faire sinon de les jiném se dá snít, než že ho setřeme. mêler ? Encens
sucrés
des
vulves
marines, Sladká kadidla mořských lůn, noční
papillons de nuit des caresses secrètes, motýli kradmých polaskání, perleťové coquillages de nacre, verges de sang mušličky, kůly ztěžklé krví, něžná úbočí lourd, flancs doux des collines du Lazio kopců v oblasti Lazia, na kterých tančí où danse la poussière des insectes bleutés, prach modravých mušek, zchvácená těla corps fourbus écrasés au printemps de roztažená na jarních loukách prostěradel, leurs
draps,
fesses
musculeuses
qui rytmicky se pohupující vypracované
balancent en cadence, je vous chéris.
zadnice – já vás zbožňuji.
Mes obélisques et mes colonnes bandent Mé obelisky a sloupy se stejně jako au ciel tout aussi bien que les seins roses růžová ňadra mých kupolí tyčí k nebi. de mes dômes. Mes fenêtres s’ouvrent aux désirs du vent Má okna se otvírají touze větru, který
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trhá záclony.
qui tord les rideaux.
Quatre lettres tirées aux loteries de V loterii dějin byla vylosována čtyři l’histoire : Roma.
písmena: Roma.
Et tous ces grands savants qui se Co
vědců
na
mě
zaměřilo
svou
penchaient sur moi ; certains me déclarant pozornost: někteří o mně mluvili v femelle, comme une louve ou comme une ženském rodě, jako o vlčici nebo o putain, d’autres disant que je devais mon děvce, jiní říkali, že za své jméno vděčím nom au mâle fondateur qui traça mon mužskému zakladateli, který vytyčil můj enceinte ; d’autres encore, qui se voulaient prostor, a další, rádoby chytráci, oprášili malins, exhumant un vieux nom de mon prastaré jméno mé řeky a prohlašovali fleuve, me proclamaient la fille de mě za dceru etruského Rumonu. Rumon. Moi, je ne disais rien, naturellement ; mais Přirozeně, já k tomu nemám co říct, i n’en pensais pas moins.
když ne že by mi to nevrtalo hlavou.
Au petit jeu fastidieux de la vérité je leur Jen ať se při těch únavných hrátkách na souhaitais bien sûr tout le plaisir du pravdu baví, já se jim do nich nepletu. monde, et ne m’en mêlais pas. Enfin j’avais vécu, comme toi, mon Nakonec mám za sebou život stejně jako amour, comme tout le monde : une vie, ty, má lásko, jako všichni: nic víc a nic tout une vie, rien qu’une vie.
míň než život.
Mais pour refaire l’amour, j’aurais inventé Ale pro tu možnost se znovu pomilovat d’autres sexes et d’autres mondes, à vytvořím nová pohlaví a nové světy, které by mi vehnaly krev do spánků.
donner le vertige.
À la gare ferroviaire d’Ostia Antica des Na touristes
appliqués
descendent
nádraží
en nadšení
Ostia
turisté
Antica z vlaku
vystupují a
listují
feuilletant leurs guides, à Roma Ostiense v průvodcích, na stanici Roma Ostiense mon amour et moi-même courons comme běžíme, moje láska a já, stejně jako les autres vers la sortie, le claquement des ostatní k východu, dveře sklapnou jako portes en talons militaires, les soupirs vojenské podpatky, přecpaný autobus déchirants de l’autocar bondé.
trhaně oddechuje.
Des paysages mornes défilent dans un Za zvuku motoru a brzd se kolem míhá bruit de métal et de freins, doux des jednotvárná kopcovitá krajina, zlehounka
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roseaux gris du Tibre, où glissent des pak šedé rákosí na břehu Tibery, kam poules d’eau et des sacs en plastique.
zaplouvají vodní slípky a igelitky.
Nous marchons au milieu des familles à Kráčíme mezi rodinami s přenosnými glacières, des amoureux blottis, des chladničkami,
schoulenými
milenci,
enfants trop sérieux qui bâtissent des příliš vážnými dětmi, které staví z písku empires de sable à tours crénelées qui věže s cimbuřím, z nich pak celé říše, durent jusqu’au soir, et dans l’émotion jejichž vláda vydrží až do večera, a v antickém pohnutí dojdeme až k moři.
grecque nous retrouvons la mer.
Je m’avance dans l’eau tiède jusqu’à la Jdu čím dál hloub do vlažné vody, sahá poitrine, et ma main palpite dans la tienne, mi až po prsa, má ruka se chvěje v tvé, à
quelques
mètres
du
rivage
nous pod blankytným nebem, které rozdrápaly
refaisons l’amour, sous un ciel bleu clair řasy mraků graciézní jako kočky, několik que griffent des cirrus, gracieux comme metrů od břehu se opět milujeme, ale des chats, et nous ne cherchons pas nechceme pohoršit kolemjdoucí, ani pourtant à choquer les passants, ni les rodinné sešlosti, ani prodavače kokosů, familles agglutinées, ni les vendeurs de ani starce uvelebené na lehátkách pod coco, nie les vieillards calés dans leurs svěšenými slunečníky. chaises
de
toile,
parasols
alanguis ; Stejně, žhavě modré Tyrhénské moře
d’ailleurs le bleu incandescent de la mer zakrývá naše přirození, zatímco se ve Tyrrhénienne dissimule nos sexes, tandis vlnách que nous jouissons à l’école des vagues.
oddáváme
radostnému
uspokojení.
Et quand nous retournons sur le sable A když se znovu ocitáme na pálivém brûlant, l’un comme l’autre rendus à notre písku, jak jeden, tak druhý nabudeme své forme première, l’un et l’autre à nouveau původní podoby, jeden i druhý jsme confinés aux deux mètres carrés de notre znovu
uzavřeni
do
dvou
metrů
peau humaine, des traînées de sel forment čtverečních lidské kůže, zbytky soli nám sur nos épaules de ces mots d’amour fou kreslí na ramena slova bláznivé lásky, qu’on ne dit qu’à mi-voix.
která se říkají jen polohlasem.
Vient le soir.
Nastal večer.
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Dans l’autocar bondé et vieillot qui se
V přecpaném starém autobuse, který se
traîne vers la gare, un petit maquereau, pomalu táhne směrem k nádraží, pevně blanc de colère, les doits serrés sur le svírá držadlo jakýsi vyžírka, je rudý métal gras de la barre d’appui, se laisse vzteky a ten kapverdský transvestita, se injurier en espagnol par ce travesti cap- kterým žije, na něj teď chrlí španělské verdien qui partage sa vie et lui reproche urážky, řve na něj a vyčítá mu, že zase en hurlant d’avoir tout gâché, encore une všechno zpackal; vyděšené děti pláčou, fois ; des poupons effrayés pleurent, jsou podrážděné z únavy nebo z hladu. exaspérés de fatigue ou de faim, et nous My se tlačíme na špinavé sklo a nous sourions, tassés contre la vitre sale.
usmíváme se na sebe.
Ensuite, nous courons pour attraper le Pak běžíme, abychom stihli vlak. train. Et plus tard, mon amour, à la porte San A o něco později, má lásko, u Porta San Paolo, nous revoyons le même maquereau Paolo potkáváme znovu toho samého qui trottine derrière sa femme furibonde.
vyžírku, jak poklusává za svou zběsilou ženuškou.
Sans un regard pour la pyramide de Naďa
ani
nepohlédne
na
Cestiovu
Cestius, Nadia tourne tout de suite à pyramidu a zahýbá doleva do ulice gauche dans la rue Bartolomeo Bossi, et Bartolomea Bossi. les voilà chez eux : une pièce, deux Jsou doma: jedna místnost, dvě židle, chaises, des portants chargés de robes věšáky, na kterých jsou navěšeny šaty sous plastique, des colonnes branlantes v igelitových obalech, krabice s botami des boîtes de chaussures.
vyrovnané do vratkých sloupů.
Sur le matelas posé au sol, Nadia s’est Naďa sebou praštila na matraci na zemi a jetée face au mur, Enzo sort de la douche leží čelem ke stěně, Enzo vychází ze et vient s’allonger nu près d’elle.
sprchy a nahý si lehá vedle ní.
Il caresse doucement, à travers son Přes košilku své ženě něžně hladí boky, maillot, les hanches de sa femme, sa verge pak její citlivý výběžek, šeptá sladká minuscule, murmure de petits noms, slovíčka, úpěnlivě ji prosí o odpuštění, implore son pardon, et les amants milenci pak usínají kolíbáni na pomalých lentement s’endorment, bercés par les vlnách vlastního tepu. vagues lentes de la circulation.
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Nadia
rêve
d’une
plage
de
sable Nadě se zdá o pláži se sopečným pískem
volcanique, elle berce leur enfant dans un na
opuštěném
ostrově
kdesi
na
couffin d’osier posé entre deux pierres, sur chorvatském pobřeží, houpe jejich dítě une île déserte de la côte croate, tandis v proutěném košíku pověšeném mezi dva qu’Enzo surveille, à l’ombre des palmiers, kameny a Enzo mezitím ve stínu palem la cuisson des daurades.
hlídá pražmy na ohni.
Être humain : je crois que j’aurais tout
Jako člověku by se mi líbilo asi úplně
aimé, le sang battant à mes oreilles, les všechno: bušící krev ve spáncích, večerní promenades du soir sur la piazza del procházky po náměstí Piaza del Popolo, Popolo, ouverte aux voyageurs comme které cestovatelům otevírá svou dlaň, une paume, un goût de gazon frais au cou dotek čerstvého trávníku a jeho chmýří blanc, duveteux, des enfants, le cristal na bílé šíji, děti, zpívající křišťál fontán, chantant des fontaines, les méandres blátivé zákruty spánku a snění. boueux du sommeil et des rêves. Et plus tard, et le plus tard possible, I potom, až úplně na konci, až přijde jusqu’au tremblement de la vieillesse, stařecký
třes,
zbytečná
opatrnost
jusqu’à l’inutile précaution de ses petits nemotorných krůčků, až se dostaví doba, pas gauches, jusqu’au temps où le froid de kdy nás na stinných chodnících obejme la mort s’insinue en nous le long des chlad smrti, kdy štiplavý zimní vítr, trottoirs ombreux, où la morsure des vents vlhkost přicházející od řeky a jinovatka d’hiver, l’humidité du fleuve et le givre du času rozpraskají naše vybělené kosti. temps fêlent nos ossements blanchis. Et j’aurais accepté les sagesses confites, Nevadila by mi ani ta zastaralá moudra, les petits arrangements, et cette raison kličky ani zbabělé důvody, kterých ti lâche qu’avec l’âge les plus faibles disent nejslabší tvrdí, že dosáhli s věkem, ani avoir atteinte, et le soulagement veule qui slabá radostná úleva, že jsme stále nous souffle la joie d’être encore un naživu,
že
rozechvěle
vnímáme
vivant, de sentir, en tremblant, les caresses pohlazení slunce a větru, vůni jídla na du soleil et du vent, les bouffées de terase a píseň fontán. cuisine aux terrasses, la chanson des fontaines. Oui, tout aurait mieux valu que la No ano, cokoli by bylo lepší než toto
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vieillesse urbaine, le lent effritement des městské stáří, pomalý rozklad dórských chapiteaux doriques, l’eczéma ocre des stanů, okrový lišej omítek, bělavá lepra, enduits,
les
lèpres
blanchâtres
qui která v tichosti požírá mé nahlodané
grignotent en silence mes blocs de travertinové kvádry, mé křehké porfyry, travertin grêlés, mes porphyres fragiles které
dávno
zapomněly
na
sopky,
oublieux des volcans, l’érosion invincible neporazitelná eroze mých korintských de mes tiges de marbre à fleurs de mramorových sloupů s květinami. Corinthe. Et alors, quand rien ne sera plus possible, Ale co, až se dostaví bezmoc, až přijde quand la mort sera là, tout simplement je smrt, prostě odmítnu pod strašlivou refuserai de croire à ce scandale, sous la krásou prázdného nebe té ráně věřit; beauté terrible des ciels vides, et telle taková, jaká je dnes, bude i potom – qu’elle est aujourd’hui elle me sera alors, nemyslitelná a nepřijatelná. impensable, inadmissible. Et, comme un soldat qui n’a cessé, depuis A tak jako voják, který od úsvitu vidí l’aube, de voir tomber autour de lui les kolem
sebe
neustále
umírat
své
camarades sans qu’une balle ne l’atteigne, kamarády, aniž by ho zasáhla jediná et qui a bien fini par se croire immortel, je kulka, a který nakonec uvěří, že je contemplerai avec stupéfaction, sur mes nesmrtelný, padnu na kolena a budu genoux, mes intestins crevés glissant vers ohromeně
zírat
na
své
vyhřezlé
le sol noir, comme un reptile immonde qui vnitřnosti, které ze mě budou vylézat na se serait glissé là, par surprise, oui, je černou zem jako odporný plaz, který se refuserai
de
jouer
les
mourants sem nečekaně připlazil.
respectables, les vieillards ennoblis par Ano, nebudu si hrát na velevážené leurs dernières phrases, je m’accrocherai à umírající,
na
starce
pronášející
mes quarante litres d’eau et à mes quinze hlubokomyslnou poslední větu, upnu se kilogrammes de carbone, et je refuse de na svých čtyřicet litrů vody a patnáct restituer mon azote, mon calcium, mon kilogramu uhlíku. phosphore, mes pincées de soufre, de Nemíním vrátit svůj dusík, fosfor, trošku sodium, de manganèse, de fer, d’iode et de síry, sodíku, magnézia, železa, jódu a chlore, et je tiens également à mes traces chlóru, zakládám si také na stopách de strontium et de molybdène, d’arsenic et stroncia a molybdenu, arseniku a fluoru, de fluor, à mes souvenirs faux d’enfance, na
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svých
falešných
vzpomínkách
à mes couchers de soleil, à toutes mes z dětství, západech slunce, na všech svých něžných láskách.
amours tendres.
Il ne sera pas dit que tout ça glissera sans To ale neznamená, že tohle všechno tiše bruit dans le néant des tombes.
zapadne do nicoty hrobu.
Pourquoi devrais-je mourir puisque je suis Proč by mě vůbec měla čekat smrt, když un monde, à ma manière, avec ses pierres já jsem svým způsobem svět - svět s et ses étoiles, ses mers et ses forêts ?
kameny, hvězdami, moři i lesy?
J’en passe.
Vždyť je to vlastně jedno.
Etre un homme : pouvoir partir le long de Být tak člověkem, moci vyjet po cestách, routes qui ne mènent pas ici, quoi qu’en které ke mně nevedou, ať už si národy a disent les nations et leur sagesse morte.
jejich mrtvá úsloví říkají, co chtějí.
Au lieu de quoi : une ville.
Místo toho jsem městem.
Et pendant longtemps même, la Ville : A dlouho dokonce městem s velkým M Řím.
Rome.
Roma aeterna : une vie sans dormir, et Roma aeterna: život bez oddechu. d’abord la fatigue, naturellement, la Nejdřív se dostaví únava a samozřejmě bouche sèche, et puis les crampes ; ne sucho v ústech, potom křeče, nikdy jamais connaître le sommeil, congé que nepoznám spánek ani odpočinek, ať by l’on se donne, ou qui vous prend ; une mi byl jen tak dopřán, nebo by mě sám acuité toujours plus forte, et pour finir le pohltil, ta palčivost je stále silnější. grouillement affreux du multiple, l’accès à Nakonec přijde to příšerné hemžení la grande nuit claire de l’insomnie, sans všeho možného, jistá cesta k probdělé profondeur décelable, où l’on voit autant noci, bez průzračné tmy, ve které se dají qu’il est possible les choses telles qu’elles vidět věci pokud možno tak, jak jsou – sont,
terribles,
coupantes,
arbitraire, strašlivé,
kousavé,
náhodné,
šílené:
démentes : méchanceté des chaises, la zlomyslnost židlí, hloupost oken, krása bêtise des fenêtres, la beauté des femmes, žen, ostudné tvary rostlin a samozřejmě i le scandale de la forme des plantes, et úchylně zbytečná lidská hnutí, kterým se naturellement
l’aberration
de
ces říká dějiny.
mouvements vains des hommes qu’on appelle l’histoire.
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Accéder à l’au-delà de ce nom de hasard Dostat se tak mimo to jméno, které mi que m’a donné le temps.
náhodně přidělil čas.
Rome.
Řím.
Mon nom fait battre tant de cœurs, et moi Mé jméno dokáže rozbušit tolik srdcí, a qui n’en ai pas, moi qui supporte tout, le přitom já, i když žádné srdce nemám, i temps qui n’en finira pas, les injures du když snesu všechno – nikdy nekončící soleil, les crachats de la pluie et des vents, čas, slunce, které mě uráží, déšť a vítr, j’en pleurais de rage.
které na mě plivou - mám chuť plakat vzteky.
Oui, la fatigue d’être une ville m’a saisi Ano, když ses mi poprvé ukázala, má quand je t’ai aperçu pour la première fois, lásko, přestalo mě bavit být městem. mon amour. Et tu n’as pas idée sans doute de ce que ça Ty asi nemáš ani tušení, co to vůbec peut
être,
un
fatigue
de
ville,
le znamená taková únava města, tlumené
piétinement sourd des chrétiens, des kroky křesťanů, pohanů, barbarů, i païens, des Barbares, et la répétition des kolotoč dnů, opakování nocí a celý ten jours et la ronde des nuits et tout le okázalý opruz koloběhu dějin - lidé jsou solennel emmerdement des cycles de pořád stejní, ať si říkáme, co chceme, l’histoire, les hommes, toujours les mêmes jdou nejkratší cestou z jedné nicoty do quoi qu’on dise parfois, le plus court druhé, hlučnou, upovídanou a přiléhavou chemin d’un néant à un autre, des vacuités prázdnotou, jsou vyrážkou na špinavé bruyantes, et bavardes, et collantes, les zemi. maladies de peau de la terre salie. Continuelle recrue du genre humain, Lidské pokolení začíná stále znovu, jako imbécile routine de leurs bégaiements : by se hloupě zaseklo ve vyjetých quelques enfants morveux se penchent sur kolejích: na tuhle cestu se už několik des chemins, une procession de fourmis usmrkaných
dětí
vydalo,
procesí
rouges s’avance aveuglément vers des červených mravenců slepě pochoduje ke temples ruinés et la poussière retourne à la zříceným chrámům a prach se v prach poussière, toute eau évaporée ; et sur le obrací, všechna voda se vypařila. mur immense de la chapelle Sixtine, voici Na obrovské zdi Sixtinské kaple je l’image juste de mes lassitudes.
vyobrazena vyčerpání.
53
pravá
podoba
mého
Michel-Ange tend au monde effaré son Michelangelo
předložil
poděšenému
affreuse dépouille, la liste des élus tient světu holou pravdu: seznam vyvolených dans un livres minuscule, celle des je v malinké knížečce, kniha zatracených damnés noircit un énorme volume.
ovšem nabývá obrovských rozměrů.
La ronde des hommes justes, arrachés au Řada lidí, kteří unikli bahnu smrti, limon de la mort, monte vers un ciel qui stoupá k nebi, kde mi připadá, že ani není me paraît sans joie.
radost.
Un Christ trop sévère maudit, le bras levé, Příliš přísný Kristus se zdviženou rukou les damnés innombrables qui tombent vers zatracuje nespočetné zástupy hříšníků, la nuit, accablés par Charon à grands kteří upadají do tmy, Charón je při tom coups de sa rame, tandis que les gardiens bije veslem, hlídači v muzeu zatím exigent le silence des badauds, lesquels vyžadují klid na čumilech, kteří si étrangement se tordent le coup pour zvláštně vykrucují hlavu, aby mohli admirer des fins qui leur feront horreur, obdivovat onen konec, který je ale plus tard, tout à l’heure, dans les ténèbres nakonec spíš vyděsí, až přijde ta chvíle, blanches de l’hôpital, quand la mort kdy je v bílém nemocničním temnu a impensable les aura engloutis, dans un v podivném tichu zachvátí smrt, kterou si silence étrange, oui, chaque jour est celui nedokázali představit. du jugement dernier, sans tambour ni Ano, každý den je dnem posledního soudu, bez hlaholu trub a rohů.
trompette.
Et moi je continue de vivre, si c’est encore A já pořád žiji, tedy jestli je to pořád vivre que d’attendre la mort.
ještě život nebo už čekání na smrt.
Comme un navire en panne traîné par des Nechávám se jako polámaná loď unášet courants sur des mers inconnues, je flotte proudy do neznámých moří, plavím se na au gré des mondes, enviant tous ceux qui přání světů a závidím všem, kteří se s’aiment.
milují.
J’attends quelque miracle, et j’ai raison Čekám na nějaký zázrak a je to tak d’attendre : bientôt je serai ce jeune dobře: brzy budu tím štíhlým mladíkem homme gracile aux lourds cheveux de nuit s těžkými vlasy barvy noci, který mlčky qui contemple un palais sans mot dire ; et pozoruje palác. je te connaîtrai enfin, mon amour.
A konečně tě poznám, má lásko.
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Palazzo
Palazzo
Et maintenant je suis ce jeune homme A teď jsem tím štíhlým mladíkem gracile aux lourds cheveux de nuit qui s těžkými vlasy barvy noci, který mlčky contemple un palais sans mot dire, en pozoruje palác, jsem v Indii, v Purani Inde, à Purani Mandi.
Mandi.
Il a traîné de cinq à treize ans, l’orphelinat Od pěti do třinácti let se jen tak banal, la survie dans les bandes, les petits poflakoval,
zakusil
obecní
larcins, les bagarres de rue, les nuits sans sirotčinec, život
v
drobné
gangu,
sommeil sous la pluie fracassante, les loupeže, pouliční rvačky, noci probdělé torpeurs de solvants et d’alcool, les v bubnujícím dešti, malátnost vyvolanou trognons de choux rongés, les rapines rozpouštědly i alkoholem, olezlé košťály d’étalage, jusqu’à ce qu’une veuve aussi zelí, krádeže na stáncích. puante qu’avisée lui propose un travail, le Až mu takhle jednoho dne jakási Palais de la Couronne draine tant de prohnaná, ale taky pěkně zapáchající touristes, du côté de Ganj Street et près du vdova nabízí práci, korunní palác totiž Taj Mahal dont les pierres s’érodent, láká spousty turistů, na Ganj Street a inéluctablement.
kolem
Tádž
Mahalu,
kde
se
už
nezadržitelně vyvracejí kameny. Dans une rue de néons rouges bordée de V ulici zářící červenými neony, kterou masures en parpaing, le Blue Paradise : au lemují barabizny postavené z tvárnic, je rez-de-chaussée
la
vieille
maquerelle Blue Paradise.
tricote, dans son fauteuil de rotin ; à V přízemí sedí ta stará bordelmamá l’étage sont les chambres : des matelas de v proutěném křesle a plete, v poschodí mousse sont jetés sur le sol, nus s’écaillent jsou pokoje: pěnová matrace je jen tak sous des posters fanés où planent des bez prostěradla pohozená na zemi, nad ní avions dans le soleil couchant, derrière des vybledlý plakát, na něm letadlo jak hôtesses qui saluent, les maints jointes.
plachtí v západu slunce a na pozadí letuška se sepnutýma rukama v indickém pozdravu.
L’eau courante ne sert guère, la casse Tekoucí voda tu v podstatě není, rozbitý kohoutek rozčiluje pěknou řádku klientů.
excite bien des clients.
La bouche d’un jeune homme vaut dix Za ústa takového mladíka zaplatí deset
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roupies, sont cul en vaut trente, et pour rupií, za jeho zadek třicet, a když bude peu qu’il accepte de ne pas utiliser de souhlasit, že nepoužijí prezervativ, cena préservatifs, le gain monte à soixante, sans se vyšplhá až na šedesát, plus spropitné. compter les pourboires. La vieille tient établissement
et
de son Stařena si sice zakládá na pověsti svého
au renom proscrit
l’enculage podniku a barbarské šoustání zezadu
sauvage, mais les autres lui apprennent zakazuje, ale ostatní mladíka rychle vite comment il faut tailler un petit tube de naučili, jak si správně vyrobit dřevěnou bois, l’évider, le polir patiemment, former trubičku, vyřezat, pečlivě si ji ohoblovat a vytvarovat, aby ji bylo možné uzavřít
pour le fermer un court bouchon de cire.
voskovou zátkou.
Dans la chambre, il refuse toujours le Na pokoji si nikdy nechce lehnout na matelas taché et ses poux innombrables, il matraci plnou skvrn a vší, opře se o s’accoude à la fenêtre, il fume lentement, okno, pomalu kouří, zákazník se vzruší. le client s’agite. Au-dessus des bassins immobiles du Přímo nad netečnou vodní plochou Tádž Mahal, la déesse KALI se met à danser Mahalu tancuje bohyně Kálí jen a jen pro pour lui seul, et son collier de têtes fait un něj, její náhrdelník z hlav vydává zvuk bruit de crécelle, elle tire une langue jako
řehtačka,
vyplazuje
purpurový
écarlate, elle lui tranche la tête et la jazyk, usekne mu hlavu a mává s ní k brandit au ciel, ses seins noirs ont défié les nebi, její černá ňadra vyzvala mračna na nuages, puis quand le client a fini son souboj. affaire,
le
jeune
homme
roule Když zákazník dokončí svou záležitost,
soigneusement les billets supplémentaires, mladík pečlivě sroluje bankovky, které les glisse dans le tube, pousse le tube dans dostal navíc, a schová je do trubičky, kterou si zastrčí do konečníku.
son anus.
En bas, la vieille raccompagne les Stařena dole vyprovodí muže, prohledá hommes puis fouille les enfants, quoique ty své děti, i když ani její smysl pro son sens du commerce n’aille pas jusqu’à obchod není tak důmyslný, aby jim introduire dans leur cule l’un de ses doigts prohledala
zadek
jedním
ze
svých
zkřivených prstů.
crochus.
Au bout de cinq ans il a économisés assez Za pět let si našetřil dost peněz na to, aby
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d’argent pour payer à un passeur l’avance mohl zaplatit převaděči přes hranice požadovanou zálohu.
convenue.
Sur les bords du golfe Persique d’autres Na pobřeží Perského zálivu čekají na své Molochs
attendent,
impavides,
de nové oběti další neohrožení mološi.
nouvelles victimes. À
l’aéroport
leurs
passeports
sont Na letišti jim zabavují pasy.
confisqués. On leur remet en échange un passe Výměnou jim vrací zatavený průkaz. plastifié. Dans une brume de chaleur infernale, des Na
konci
štěrkové
cesty,
v oparu
autobus les attendent tout au bout du pekelného vedra na ně čekají autobusy, tarmac, les emmènent vers la cité des vezou je do dělnické čtvrti na sever od travailleurs, au nord de la capitale, loin hlavního města, daleko od prosklených des banques glacées, des plages à péage et bank, placených pláží a světélkujících des hôtels clinquants du contre de la ville.
hotelů tam na horizontu města.
Dans une mer de sable étale, une série de Skupina
dlouhých
šedých
budov
longs bâtiments gris ressemblent à des uprostřed klidného moře písku připomíná baraques
militaires,
devant
la
mer vojenské ubikace. Za nimi je neustále
éternellement bleue, où poussent comme modré moře, ve kterém vyrůstají jako des dartres des îlots de sable blanc houby po dešti ostrovy bílého písku, apportés du désert en files de camions který géants. Les
přivezly
obrovských
kamionů z pouště.
autobus
longent
les
immenses Autobusy projíždí kolem obrovského
parkings du ministère des Transports, où parkoviště d’interminables identiques
zástupy
rangées
prennent
la
de
Ministerstva
dopravy,
na
taxis nekonečné řady navlas stejných taxíků se
poussière, tu chytá prach, mají krémovou karoserii
carrosserie crème et toit carmin, fouettés a karmínovou střechu, šlehá je písek par le sable des dunes, à l’aube les veinés z dun a za úsvitu na nich špinavá rosa d’une rosée sale, dépassent ensuite le vytváří žilky. mausolée massif du cimetière des pneus, Pak projíždí kolem obrovského mauzolea les décharges d’ordures barbelées où na hřbitově pneumatik, skládky odpadků couvent jour et nuit les grands incendies obehnané ostnatým drátem, kde věčně
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noirs qui font vomir les pauvres entassés, doutnají velké černé požáry, chudina kvůli nim zvrací, stačí jen, když se otočí
pour peu que le vent tourne.
vítr. Cités des travailleurs : au fronton de Dělnické čtvrti: na průčelí každé budovy chaque baraquement s’étale, en lettres se pne název firmy, která zde ubytovala noires bombées au pochoir, le nom de svou pracovní sílu, je nastříkaný černými l’entreprise y parquant sa main-d’œuvre.
písmeny vytvořenými podle šablony.
À perte de vue pas une femme.
Kam oko dohlédne, ani jedna žena.
Les coursives sont encombrées, de grands Chodby jsou zacpané, ať už velkými seaux de lessive, de processions de káděmi sandales éculées, de caisses de soda.
s prádlem,
procesími
sešmatlaných sandálů nebo přepravkami se sodovkou.
Le soir même, on lui donne rendez-vous Ještě ten večer mu domluvili schůzku na pour le lendemain matin, au bord de druhý den ráno, u dálnice. l’autoroute. Il s’y rend avec les autres, le même Vypravil se tam s ostatními, do města je autocar sans climatisation file vers la ville. veze ten samý autobus bez klimatizace. Les vestiges d’une tempête de sable ont Zbytky písečné bouře ponořily zem do plongé le pays dans un bain lactescent où mléčné koupele, kde se úsvit prosazuje l’aube s’achève en lueurs incertaines.
jen nejistými záblesky světla.
Ils arrivent à l’hôtel vers six heures, pour Kolem šesté hodiny přijíždějí k hotelu na denní směnu.
le service de jour.
Dans les sous-sols du Park Hotel de la V hlavním
městě,
v
podzemí
Park
capitale, qui donne sur la crique, on lave Hotelu, který nabízí výhled na bazén a le jeune homme à grande eau, on lui parčík, omyjí mladíka pořádnou dávkou fournit un uniforme de coton blanc, des vody, dají mu uniformu z bílé bavlny, chaussons de toile claire à semelles de světlé plátěnky s gumovými podrážkami a vozík.
plastique, un chariot.
Les nouveaux venus sont invariablement Nováčci jsou bez výjimky umísťováni na affectés aux toilettes ou aux poubelles.
záchodky a k odpadkovým košům.
Les toilettes : il s’agit de se tenir debout, Záchodky: jde o to stát jako socha s le regard fixe, près de son chariot, statufié upřeným pohledem vedle vozíku v ose
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dans l’axe de la porte d’entrée.
vstupních
dveří,
diskrétně
pozdravit
Saluer la clientèle avec discrétion, mais zákazníka nepatrným pokývnutím hlavy seulement si elle semble disposée à nebo jen letmým gestem, pokud se tedy attester, par un geste infime de la tête, par zdá vhodné poukázat na tomto místě na un signe esquissé, la présence en ces lieux přítomnost podřadného zaměstnance. d’un employé subalterne. Mission complexe, car il est inconvenable Poslání zahrnuje mnoho úkolů, protože qu’une odeur d’excrément ou d’urine vznášející se zápach výkalů nebo moči je flotte dans ces parages, il est intolérable v těchto končinách nevhodný, jediná qu’une goutte jaunâtre, une tache brune, žlutavá
kapka
souillent les cuvettes ou les sols de znečišťující
nebo
mísu
či
hnědá
skvrna
mramorovou
podlahu je neomluvitelná.
marbre.
Le client sort en se rajustant, il se lave ou Zákazník vyjde, upraví se, umyje nebo non les mains : à peine a-t-il quitté les taky neumyje si ruce, a sotva opustí lieux, il faut se précipiter, mais sans bruit místnost, je potřeba v rychlosti a tichosti, pour ne pas
gêner d’autres clients aby
to
snad
neobtěžovalo
ostatní
éventuels, dans la cabine qui vient d’être případné klienty, s vozíkem za zády utilisée, entraînant derrière soi son chariot. proniknout do kabinky, která byla právě použita. Désodoriser l’endroit en veillant à ce que Potom odstranit zápach a dbát na to, aby les gouttelettes d’eau parfumée au jasmin kapičky jasmínové vody z rozprašovače diffusées par l’aérosol ne viennent pas nenavlhčily prkýnko. humecter la lunette. Effacer soigneusement les traînées de Štětkou
odstranit
zbytky
merde avec la balayette, sans oublier de nezapomenout
hovna
a
zkontrolovat
relever l’abattant à la recherche des porcelánovou mísu i pod prkýnkem, mouchetures qui se nichent, plus souvent jestli zde nejsou nějaké zaschlé skvrny qu’on ne pense, sous le rebord du vase de stává se to častěji, než by si člověk porcelaine, ensuite nettoyer la balayette, la myslel - pak vyčistit štětku, usušit ji, utřít sécher, essuyer son portant chromé.
pochromovanou kliku.
Effectuer un changement de rouleau de Pokud je role toaletního papíru už více papier hygiénique si celui-ci est réduit než z poloviny vypotřebovaná, vyměnit plus que de moitié, afin qu’aucun client ne ji - to aby žádnému klientovi nedošel
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se trouve démuni au milieu d’une papír během oné delikátní akce, a nebyl opération délicate et ne soit contraint à tak nucen podstoupit ponižující zkoušku, l’épreuve humiliante de réclamer, le to
znamená
požádat
s kalhotami
u
pantalon sur les chevilles et l’anus sali, le kotníků a špinavým konečníkem o papír supplément de papier nécessaire à son navíc nutný k vykonání své intimní hygiène intime.
hygieny.
Accomplir ces opérations à toute vitesse, Celou tuto akci je dobré dokončit co idéalement ressortir avant qu’un autre nejrychleji, nejlépe ještě před tím, než do client ne pénètre dans la salle et ne puisse místnosti vstoupí jiný klient a uvědomí penser, fût-ce un instant, qu’un membre si, že se na místě, kde si on sám ulevuje, subalterne du personnel de l’hôtel soit nacházel
nějaký
podřadný
člen
entré là où il se soulage ; dans le cas où hotelového personálu. l’on se trouve pris au piège par un nouvel V případě, že se člověk kvůli nově arrivant, s’enfermer et monter sur la příchozímu ocitne v pasti, zavře dveře a cuvette pour ne pas être trahi par ses vyleze
na
mísu,
aby
ho
nohy
pieds, se faufiler à l’extérieur pendant que neprozradily, vykrade se ven, zatímco se le client vaque dans sa cabine à des zákazník soustředí ve své kabince na affaires qu’il est en droit, eu égard à sa akci, na kterou má přirozené právo, i prospérité, de juger bien dégradantes, když by se vzhledem k jeho blahobytné regagner son poste d’attente, debout, situaci dalo říci, že je pod jeho úroveň. immobile, le regard fixe, à l’angle des Vrátit se na své místo, bez hnutí stát a upřeně hledět k umyvadlům.
lavabos.
À sa grande surprise il constatera que Ke svému velkému překvapení zjistil, že l’odeur de la merde des clients du Park zápach hoven klientů z Park Hotelu není Hotel
n’est
pas
particulièrement tak úplně nepříjemný.
désagréable. Elle est en tout cas plus subtile, plus Každopádně je jemnější a opojnější než capiteuse que celle des latrines publiques veřejné latríny na ubytovně, nemluvě o du baraquement, sans parler des jus noirs černé tekutině a souchotinářském trusu, et des crottes étiques que les gueux de který žebráci v Purani Mandi beze studu Purani Mandi lâchent sans pudeur dans les vylučují na prostranstvích přímo za terrains vagues juste derrière la gare, oui, nádražím. d’une façon très générale, les étrons de la Ano, zcela obecně se dá říct, že lejna
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clientèle du Park Hotel possèdent une zákazníků
Park
Hotelu
jsou
jaksi
sorte d’élégance naturelle, ainsi qu’il ne přirozeně elegantní, což zkonstatoval tarde
pas
à
le
constater
puisqu’ils poměrně brzy, protože často zapomínají
négligent souvent de tirer la chasse, ces spláchnout, a tak se tato lejna ukazují, étrons se révélant, comme leurs créateurs, stejně jako jejich stvořitelé, v celé své majestueux et gras, flottant à demi dans vznešenosti a velikosti napůl plující les eaux bleutées des beaux lagons bordés v modravých vodách krásných lagun de porcelaine, holothuries étranges aux ohraničených porcelánem, jsou to takové anneaux délicats, aux verrues imposantes, podivné
mořské
okurky
s křehkými
et dans l’ordre des excréments décidément prstenci a impozantními výstupky. ils ne semblent pas appartenir au même Pokud jde o exkrementy, rozhodně embranchement
que
la
merde
des nespadají do stejné třídy jako hovna
misérables, ils manifestent au contraire spodiny, naopak, jejich lesk a zdraví jsou par leur brillance et leur santé qu’ils n’ont důkazem, že nemají nic společného rien
de
commun
avec
les
crottes s dehydratovanými
déshydratées des Soudanais faméliques, Súdánců,
lejny
s průjmy
hladových
žebráků
z Dillí,
avec les diarrhées des mendiants de Delhi, Káhiry nebo Bagdádu, v záchodových du Caire, ou de Bagdad, ils forment, dans žumpách
vytváří
husté
a
objemné
les fosses d’aisance, un fumier lourd et hnojiště zásobované ranním švédským gras enrichi au buffet du petit déjeuner du stolem v Park Hotelu, kde jsou prostřeny Park Hotel, assiettées de dattes fraîches, čerstvé
datle,
pots de lait de chamelle, quartiers de mlékem,
nádoby
čtvrtky
s velbloudím
melounů,
misky
pastèques, bols de fromage caillé, oui, une s tvarohem. merde d’enfants nourris à la cuillère No ano, takové hovno dítěte, které se d’argent, onctueuse et charnue, presque narodilo se stříbrnou lžičkou v puse, assurément
appétissante, mazlavé a masité, skoro dočista lákavé,
vraisemblablement comestible, dont des pravděpodobně poživatelné; chudáci by pauvres acculés, certainement, feraient si ho v zoufalství jistě dali k obědu, a bien leur dîner, et qui les soignerait sans ještě by jim to asi prospělo jako dávka doute, par surcroît, gorgée de vitamines, vitamínů, tišících léků a minerálních solí. de calmants et de sels minéraux. Il se prénomme Nano.
Nechává si říkat Nano.
61
Il ne se prénomme pas vraiment Nano, Samozřejmě, bien sûr.
doopravdy
se
Nano
nejmenuje.
À la fin du XXe siècle il est venu une idée Na konci 20. století napadla slavného de génie à l’illustre Ratan Tata, lequel Ratana Tata geniální myšlenka, sám raconte souvent dans quelles circonstances často vypráví, za jakých okolností mu tenkrát přišla na mysl.
elle a surgi dans son esprit.
Même il pérore là-dessus à la fin des Dokonce o tom dlouze vykládá závěrem conseils d’administration du groupe Tata, zasedání správní rady společnosti Tata a on l’écoute obséquieusement, car on všichni ho přeuctivě poslouchají, protože écoute volontiers un homme qui possède člověka, který vlastní Tata Mutal Funds, Tata Mutual Funds, Tata Chemicals, Tata Tata Chemicals, Tata Steel a Tata Steel et Tata Communications, un homme Communications, člověka, který před qui vient de racheter Jaguar et Land Rover nedávnem koupil společnosti Jaguar a pour les incorporer à Tata Motors comme LandRover, aby je začlenil do Tata il a jadis fusionné Tetley et Tata Teas.
Motors, ostatně stejně jako už kdysi připojil Tetley a Tata Teas, poslouchají rádi.
Et donc, en se renversant dans son A tak zatímco se velký Ratan Tata fauteuil, en lissant vers l’arrière de son uvelebuje v křesle a nazad si uhlazuje crâne une mèche grisée de ses cheveux prošedivělý pramínek hustých vlasů, épais, le grand Ratan Tata raconte s potěšením vypráví, jak ho při dopravní volontiers que se trouvant dans une zácpě na jedné třídě v Mumbai napadlo avenue de Mumbai, bloqué dans les úplně nové, revoluční auto. embouteillages, il a eu l’idée d’une voiture Kolem
jeho
nouvelle, révolutionnaire, tout autour de pohybovala sa berline roulant au pas des pères affairés uspěchaní
limuzíny,
krokem, otcové
která
tenkrát na
se
jezdili
skútrech
a
conduisaient des deux-roues au moteur motorkách s unaveným motorem. fatigué, dans une crasse noire, particules V té černé špíně a částečkách oxidu de monoxyde de carbone, un enfant entre uhelnatého měli mezi nohama dítě, za les jambes, derrière eux leur femme, zády ženu chovající kojence, migrény, berçant un nourrisson, migraines, vertiges, závratě, troubles de la vision, bronchiolites.
problémy
s viděním
a
broncholity.
Ratan Tata avait alors pensé qu’il était Ratan Tata tedy myslel na to, že je
62
nécessaire de concevoir une voiture pour potřeba vyvinout auto pro všechny tyto tous ces pauvres gens et, quelques années chudé lidi, a o několik let později a pak plus tard, et quelques années de grève de ještě
po
několika
letech
stávek
paysans expropriés pour construire son vesničanů, kteří byli vystěhováni kvůli usine plus tard, il présente lui-même un stavbě
továrny,
sám
uvádí
na
premier modèle au salon de l’automobile automobilové výstavě v Ženevě jeho de Génève.
první model.
Le véhicule révolutionnaire n’est pas bien Toto
revoluční
vozidlo
není
nijak
haut, la forte tête grisonnante de Ratan vysoké, velká šedivá Ratanova hlava se Tata touche presque le plafond, et son téměř dotýká střechy. nom de baptême est Nano.
Je pokřtěn Nano.
Et comme tous les Indiens en parlent au A protože o něm v lednu roku 2008 mois de janvier 2008, comme dans cette mluví celá Indie a protože na tomto ville-dortoir on révère Jamsetji Tata, le sídlišti ctí osobu Jamstji Tata, otce père fondateur, aïeul de Ratan, le succès zakladatele a Ratanova předka, a světový mondial de ce fils méritant d’un obscur úspěch
tohoto
prêtre parsi, comme certains même on neznámého
zasloužilého
párského
syna
duchovního,
épinglé au montant de leur lit une protože někteří si dokonce vylepili na photographie du grand homme, le nouvel sloupek u postele fotografii onoho arrivant du baraquement Park Hotel velkého
muže,
dostal
nováček
na
Sanitation Crew reçoit ce surnom mérité : ubytovně Park Hotel Sanitation Crew Nano.
přiléhavou přezdívku - Nano.
Il mesure 1,55 mètre, tout juste.
Měří přesně 155 cm.
Ombilic
Pupek světa
Il y avait naguère, sur le plus antique de Na mém vůbec nejstarším fóru stával mes forums, un ombilic étrange où quatre kdysi zvláštní pupek, čtyřikrát do roka fois
par
an
les
ombres
disparues tudy
vycházely
ztracené
stíny
ze
samotného pekla.
surgissaient des Enfers.
Elles se faufilaient de dessous la pierre Vynořovaly se zpod černého kamene, noire sans même daigner lire l’inscription aniž si ráčily přečíst výhružný nápis, menaçante qui l’ornait : quiconque violant který ho zdobil: kdož znesvětí toto místo,
63
ce lieu sera voué aux dieux infernaux.
zaslíben bude bohům podsvětí.
À l’air libre, la plupart de ces malheureux Na čerstvém vzduchu většina z těch n’en
croyaient
titubaient
pas
d’abord;
leurs
yeux;
reprenaient
ils nešťastníků nevěřila svým očím. vite Nejdříve vrávorali, ale pak znovu nabyli
assurance, agitaient leurs membres pour le jistoty, protahovali si údy jen pro ten simple plaisir de sentir sous leur peau požitek ze hry zapomenutých svalů pod jouer leurs muscles oubliés, sur leur peau kůží, z víření vzduchu na své pokožce, les turbulences de l’air, les griffures jemného poškrabání od letního slunce. légères des ongles d’un soleil d’été. Sur le pont Milvius des légionnaires ravis Na mostě Milvio se nadšení legionáři se penchaient vers le Tibre, humaient nakláněli nad Tiberu, pomalu vdechovali lentement le brouillard de l’automne, sur podzimní mlhu, na Fóru staří malíři le Forum de vieux peintres pleuraient de plakali z navráceného světla v očích, revoir la lumière, des femmes en cheveux prostovlasé ženy v zahradách drhly mezi froissaient dans les jardins, entre leurs rozechvělými prsty voňavé bylinky, které doigts tremblants, des herbes odorantes si
přikládaly
k ústům,
děti
běhaly
qu’elles portaient à leurs lèvres, des k fontánám a namáčely si malé ručky enfants couraient vers les fontaines et v zelenavé vodě, kněží se stejně jako psi plongeaient leurs mains petites dans les ženoucí se za zvěří opájeli spálenou vůní bassins verdis, et des prêtres suivaient, z oltáře. comme des chiens ivres de gibier, l’odeur d’un parfum brûlé sur un autel. Hélas, ils déchantaient bientôt : pas plus Ale bohužel si všichni brzo přestali qu’avant leur mort ils ne savaient trouver prozpěvovat: dokonce ani před svou l’emploi d’un temps toujours trop long smrtí se nedokázali dostatečně zabavit, maintenant que, fantômes, ils se voyaient takže nyní se jim čas zdál už moc privés des divertissements vains que la dlouhý; société des hommes prodigues à tous ses zbaveni
jako
duchové
bezvýznamného
si
připadali rozptýlení,
membres : heurs et malheurs, chasses, kterým lidská společnost ve svém středu nešetří: štěstí a neštěstí, hony, lásky,
amours, guerres, emplois, croyances.
války, práce a víra. Alors ils traînaient dans mes rues, ombres Toulali se mými ulicemi se stíny v aux mains molles et trop propres, n’osant jemných a příliš čistých dlaních.
64
pas se l’avouer d’abord, finissant par Nejdříve si to neodvážili přiznat, ale courber la tête sous l’affreuse évidence : à nakonec sklonili hlavu před zrůdně revivre, ils s’ennuyaient beaucoup.
zjevnou pravdou: když se ohlédnou zpět, často se nudili.
Répéter sans fin les gestes des vivants, et Už
nemohli
dál:
donekonečna
se
dormir, et rêver, et croire encore, ils ne le projevovat jako živí a spát a snít a ještě k tomu věřit.
pouvaient plus.
Certains arpentaient en hâte mes rues Někteří pobíhali mými ulicemi, které familières, cette si minuscule portion de la důvěrně znali, byla to pro ně taková surface terrestre où les hasards du monde malinká dávka pozemského prostoru, les avaient jetés, où ils avaient vécu, ne kam je náhoda uvrhla, kde žili. trouvant plus rien à faire qu’attendre, trop Ale nezbylo jim než čekat - byli příliš las pour espérer, pour fabriquer en hâte unavení na to, aby ještě doufali, aby si des dieux bons et impuissants, pour ještě rychle vytvořili dobré a bezmocné conférer encore du sens au vol des bohy, aby našli smysl v letu ptáků nebo tvaru mraků.
oiseaux, aux formes des nuages. D’autres,
oublieux
du
temps,
se Jiní zapomněli na čas a rozběhli se na
précipitaient vers les lieux qu’ils avaient místa, která kdysi dobře znali: mnoho bien connus, jadis : beaucoup se perdaient z nich se ztratilo ve změněné spleti mých dans le dessin changé de mes rues et ulic a místo domu, kde vyrůstali, našli trouvaient, à la place de l’immeuble où ils budovu soudu, čerpací stanici nebo velký avaient grandi, un palais de justice, une obchod, rozběhli se k nějaké postavě, ale station-essence ou un grand magasin, ils nebyl to jejich příbuzný, manžel ani s’élançaient vers une silhouette, mais ce milované dítko. n’était pas leur parent, leur mari, leur enfant chéri. Année après année j’en voyais tant passer, Rok co rok jich bylo tolik, všichni invariablement exaltés puis déçus avec, au nejdříve stejně nadšení a pak zklamaní, fond de leurs pupilles mornes, le reflet de na dně vyhaslých očí se jim leskl odraz leur pâle et ultime désir : que Cerbère vybledlého posledního přání: aby se, až refermant ses mâchoires sur la peau de se jim Kerberos zakousne do krku, vrátili leur cou les ramène à leur vie de larves k životu podzemních larev, které bloudí
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souterraines, errant entre les fleuves, qu’il mezi řekami, aby mohli znovu žít na les dépose à nouveau aux rives des étangs březích zamrzlých rybníků a vroucích glacés et des lacs bouillants, confusément jezer se zmatenou úlevou, že se mohou soulagés de pouvoir à nouveau accuser la znovu odvolávat na osud. fatalité. À la fin ce redoutable fauve n’avait pas Nakonec jim tato hrůzostrašná bestie ani même besoin de leur montrer ses crocs : nemusela ukázat tesáky: mrtví, kteří les morts échappés se massaient sur la rive unikli, se tlačili na bahnitém břehu fangeuse de l’Achéron, comme un bétail Acherónu jako nějaká zvěř zchvácená fourbu de ruminations vides, attendaient bezvýsledným
přemítáním,
poslušně
čekali na převozníka a jeho pramici.
docilement le passeur, et son bac.
Quelques-uns cependant, mais ils étaient Někteří z nich, i když jich bylo málo, si rares, désiraient assez le monde pour toužili po světě tolik, že odsud chtěli vouloir s’échapper.
prchnout.
Et parfois, au détour d’une allée d’un A někteří, třeba v zákrutu aleje v parku jardin de la villa Borghèse, ou près d’une Villa Borghese nebo u fontány na fontaine, sur la piazza Farnese, ils náměstí Farnese, nakonec našli, co retrouvaient enfin l’être qu’ils avaient milovali: ducha, jakým jsou i oni sami. aimé : un fantôme, comme eux. Alors ils se prenaient la main, ils Vzali se za ruce a kráčeli spolu mými marchaient dans mes rues sans avoir à ulicemi, aniž by měli o čem mluvit. parler. Skrývali se v mých zákoutích.
Ils se cachaient dans mes recoins.
Ils couraient tout le jour au soleil italien, Celý den pobíhali pod italským sluncem, goûtaient l’eau fraîche de mes fontaines, ochutnávali
chladnou
vodu
z mých
admiraient mes églises et mes parcs, mes fontán, obdivovali mé kostely a parky, fleurs et mes tableaux, mes étals de fruits, mé květiny a mé obrazy, mé stánky mes riens; et quand venait l’heure s ovocem, každou můj detail. fatidique où l’ombilic béant les rappelait à A když přišla ta neodvratná chvíle, kdy l’ordre, ils fuyaient à toutes jambes; mais je rozevřený pupek svolával k sobě, à mesure qu’ils s’éloignaient, leurs corps utíkali, co jim nohy stačily, ale jak se de fantômes se faisaient plus diaphanes, vzdalovali, byla jejich nehmotná těla čím s’effritaient lentement, et leurs poussières dál průsvitnější, pomalu se rozpadala a
66
tombaient sur le sol, dans un dernier jejich prach se v posledním objetí snesl enlacement.
na zem.
Puis, encore tremblant d’avoir senti Pak jsem se ještě třásl z onoho hemžení grouiller ces parasites lâches et blafards en těch chemin vers l’Érèbe, je restais seul.
rozpoutaných
bledých
parazitů
směřujících do podsvětí za Erebem, ale zůstal jsem sám.
Tout le reste du temps, tout le reste des Od té doby jsem sám, na věky věků sám, siècles et des siècles, seul et sans amour.
bez lásky.
Et, comme un enfant penché sur l’énigme Tak jako si dítě zaujaté otázkou svého de son existence introduit dans son bytí obezřetně strká ukazováček do nombril un index prudent, en frémissant pupíku a třese se strachy při objevování d’horreur à la découverte de cette tohoto odporného pocitu, všemožně se sensation abjecte, je me contorsionnais nakrucuji, abych se mohl podívat na ten pour apercevoir l’ombilic noir et pierreux černý kamenný pupek, na díru uprostřed qui creusait le centre de mon ventre fripé, svého svraštělého břicha, onen ochablý ce
vestige
déprimé
de
ma
vieille pozůstatek svého dávného zrození, temná
naissance, cet orifice opaque où s’était ústa, kam se ukryl prach mých ztrhaných déposée la poussière de mes amours lásek i neurčitá prsť mé budoucnosti. décomposées, l’humus incertain de mon avenir. Cette unique béance était tout ce qui me Tento široký otvor bylo to jediné, co mě rattachait encore à mon sexe incertain, ještě nějak spojovalo s mým nejistým archaïque, au cloaque indicible de ma starobylým pohlavím, s nepopsatelnou mère inconnue.
kloakou mé neznámé matky.
Puis une année vint où les morts ne se A potom přišel rok, kdy se k bráně světa présentèrent pas à la porte du monde, où žádní mrtví nedostavili, kdy za sluncem personne ne s’avança plus vers le soleil živých nikdo nesměřoval. des vivants. Alors, comme je me penchais à nouveau, Takže když jsem se jednoho unaveného un soir de fatigue, au bout de Forum, entre večera zase znovu zaměřil na svou l’arc de Septime Sévère et la Curie, sur neproniknutelnou záhadu tam na konci mon impénétrable mystère, je vacillai.
Fóra, mezi obloukem Septima Severa a
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budovou Curia, roztřásl jsem se. Přiblížil jsem se ještě víc.
Je me penchai encore davantage.
Ce n’était plus une pierre noire, mais une Nebyl to už jen černý kámen, teď zářil innombrable couleur, comme tombée du všemi barvami, jako by spadl z noční ciel nocturne, ou plus précisément c’était oblohy, nebo spíš jako by se v něm comme si le ciel tout entier, avec ses roztříštila celá nebesa étoiles, s’était abîmé là ; et que les astres hvězdami,
jako
by
i i
se všemi samy
ty
les plus lointains eux-mêmes, morts peut- nejvzdálenější hvězdy, možná už dávno être depuis longtemps, avaient épuisé en po svém zániku, na mě vyčerpaly svůj poslední záblesk.
moi leurs derniers feux.
Un goudron grumeleux m’aspirait comme Hrudkovitý asfalt mě pohlcoval jako un sable mouvant, s’insinuait dans chaque tekutý písek, pronikal mi do každého pore de ma peau : le temps avait eu raison póru kůže - čas mě přemohl. de moi. Plus aucune trace de Cerbère, de l’Érèbe Žádný Kerberos, Erebos ani Tartaros, jen ou du Tartare; mais une sorte d’absence jakási nekonečná bezobsažná prázdnota, sans bord et sans profondeur, d’où montait odkud se valil tak nečekaný a krutý un froid si saisissant, si brutal que je ne le chlad, že jsem ho zaznamenal, teprve perçus qu’à l’instant où il me saisit.
když mě pohltil.
Ensuite j’avais voulu hurler, mais aucune Chtělo se mi řvát, ale tak hrozné osamění gorge n’aurait pu former le cri capable de by nemohlo vykřičet žádné hrdlo, chtěl figurer pareille déréliction, j’avais voulu jsem se sebrat a odejít, ale vůbec jsem se me dégager, mais tout mouvement était nemohl pohnout. devenu impossible. En dépit de ma légendaire puissance, je ne I přes svou proslulou sílu jsem se odtud pouvais m’en défaire et, à vrai dire, je ne nemohl vymanit. tombais pas dans ce gouffre mais plutôt Popravdě, ne že bych do této propasti me trouvais y gésir, paralysé, privé du náhle upadl, spíš jsem měl pocit, že tu temps et de l’espace.
prostě jsem, ochrnut mimo čas a prostor.
J’avais perdu connaissance, et cependant Ztratil jsem vědomí, a přesto jsem i je continuais à entendre, à sentir, à nadále slyšel, cítil, myslel: tomu se říká penser : ce qu’on nomme l’enfer.
peklo.
68
Et voilà que je suis morte et vivante, A tak jsem po smrti a stále žiji, dva tisíce vingt-huit siècles après le mystère de ma osm set let po svém tajemném zrození je naissance, Rome tout entière suspendue en celý Řím rozložen v této nesmyslné díře: ce gouffre insensé : l’histoire et un dîner dějiny jsou jako jedna nekonečná večeře: qui s’éternise, des convives rougeauds hosté s rudými tvářemi si povolují desserrent leur ceinture, descendent en opasky, s pantofli na nohou vynášejí pantoufles leurs ordures triées, les lancent roztříděné
odpadky,
hází
je
do
dans des bennes, béantes dans l’air du kontejnerů, které rozevírají svá ústa do soir, dès avant les fromages j’ai eu le désir večerního vzduchu. fou de quitter cette table, des sortir sur la Ještě před dezertem jsem dostal šílenou terrasse tiède pour te rejoindre et fumer chuť odejít od stolu, vyjít do chládku na dans la nuit et caresser tes fesses, mon terasu, připojit se k tobě, zapálit si ve tmě amour, le bonheur est un brasier infime a pohladit tě, má lásko, po zadku. juste au bout de mes doigts, des volutes Štěstí je jakýsi nepatrný plamen na chassées par des rafales mortes, sous les konečcích prstů, ulity vyhnané neživými plis de ta robe je trouve à me glisser.
poryvy. Daří se mi vplížit se pod záhyby tvých šatů.
Mais non.
Ale ne.
On fait quelques efforts, on s’anime, on Snažíme
se,
bavíme
parle plus fort, on vide sans cesse son hlasitěji,
pijeme
jednu
se,
mluvíme
sklenku
za
verre, on n’écoute plus rien, enfin on n’en druhou, už nic neposloucháme. peut plus, vraiment, on a bien placé Nakonec už toho máme dost, opravdu plusieurs fois sa main devant sa bouche, dost, už několikrát jsme si museli dát on s’est pincé les cuisses sous la nappe si ruku před ústa, otvíráme ústa jako ryba, blanche, peine perdue, fatigues, gestes zíváme jako kočka, jako člověk, který se fourbus, alors on bâille, comme un odevzdává prázdnému nebi, který byl poisson, comme un chat, comme un poražen. homme, défaillant vers le ciel vide, défait. […]
[…]
Grand cirque
Circus Maximus
69
Quand
Cheikh
Mohammed
meurt, Když šejk Mohamed umíral, opouštěl
l’émirat est déjà entré dans les temps emirát už přece jen v jiné době: jeho syn nouveaux : il ne reste à son fils et a nástupce teď musí sledovat a využít pro successeur
qu’à
regarder
passer,
en svůj
prospěch
příliv
neuvěřitelně
prélevant ses dîmes, les flux follement výhodných příležitostí na světovém trhu, prospères du commerce mondial, comptes elektronické účty, kontejnery se zbožím, numérotés, containers de marchandises, nákupní akce, konferenční centra, velká semaines
du
shopping,
centres
de turistická lákadla, špičkové nemocnice,
conférences, norias touristiques, hôpitaux letní sídla, další a další, a navíc chytře de
pointe,
tertiaires,
résidences
quaternaires;
secondaires, dosazuje et
à
všechny
členy
rodiny
na
placer vedoucí pozice.
sagement tous les membres de sa famille aux postes de contrôle. C’est ainsi que le père du prince Rachid, A tak je otec prince Rašída, bratranec cousin du nouveau cheikh, est nommé nového
šejka,
jmenován
ministrem
ministre des Transports; et quand le prince dopravy. Rachid est en âge, quand il a obtenu son Po tom, co sám princ Rašíd dospěl a diplôme de relations internationales à odpromoval z mezinárodních vztahů na l’université de Virginie, son père lui offre univerzitě ve Virginii, nabízí mu otec de gérer l’une des innombrables zones správu
jedné
z
celé
řady daňově
franches du pays.
zvýhodněných oblastí v zemi.
Rachid choisit Internet City.
Rašíd volí Internet City.
Et,
depuis
lors,
il
a
effectué Od té chvíle je ve společnosti těch
consciencieusement toutes les charges que nejlepších
poradců
lui impose sa naissance, entouré des z Pákistánu
a
meilleurs conseillers, juristes pakistanais z Gruzie
Anglie,
a
–
Lotyšska,
právníků účetních
prognostiků
ze
ou lettons, comptables géorgiens ou Švýcarska - a svědomitě plní všechny anglais, prévisionnistes suisses.
povinnosti,
které
mu
ukládá
jeho
postavení. Il a inauguré des dispensaires en Afrique, V Africe založil zdravotní střediska, des restaurants dans l’émirat, flanqué de v emirátu pak restaurace, s podporou vedettes
de
cinéma
indiennes
et indických a amerických filmových hvězd
70
américaines, il a contribué au financement finančně přispěl ke stavbě několika mešit de
plusieurs
mosquées
en
Europe v západní
Evropě,
založil
occidentale, il a donné le départ de velbloudí
závody,
udělil
prestigieuses courses de chameaux, remis tenisových,
věhlasné výhercům
badmintonových
či
des chèques et des vases de cristal golfových turnajů finanční odměnu a incrustés de diamants à des champions de křišťálové poháry poseté diamanty, zval tennis, de badminton ou de golf, il a offert si
ředitele automobilek na okázalé
des dîners d’apparat à des patrons de večeře, předsedal na multikulturních l’industrie
automobile,
présidé
des setkáních, vydal se do francouzského
rencontre multiculturelles, il s’est montré Deauville na aukci jednoročních koní à Deauville pour la vente des yearlings et nebo do švýcarského Gstaad na turnaj à Gstaad, au tournoi de polo.
v pólu.
Mais, depuis son adolescence, Rachid ne Už jako kluk snil jenom o tom, že jednou rêve que de battre l’équipe des États-Unis, porazí
americké,
dánské
a
italské
et celle du Danemark, et celle de l’Italie, družstvo na videolympijských hrách, dans le cadre prestigieux des jeux které se od zítřka konají tady v Římě. Vidéolympiques qui se déroulent ici, à Rome, à partir de demain. Maintenant son hélicoptère s’élève au- Jeho helikoptéra se právě vznesla nad dessus du Hilton, emporte son équipe vers Hilton a odváží jeho tým na místo klání. le lieu de la compétition, Nano colle son Nano má nalepený nos na okýnku, nez sur le hublot, et me voilà réduit à zatímco já jsem se dole smrskl na l’état de maquette, de blanc squelette pouhou maketu, bílou kostru města ležící urbain couché dans la poussière, une peau v prachu, mé kosti potahuje okrová kůže, ocre tendue sur mes os, mes célèbres nebe stlačuje mé slavné pahorky. collines écrasées par le ciel. Rien ne devrait l’étonner : il m’a regardé Nic by ho nemělo překvapit, tolikrát mě si souvent sur les images satellitaires, viděl na satelitních snímcích, když za passant tant de soirées à se promener au- mnohých večerů shlížel na svět svrchu a dessus du monde, descendant jusque dans sestupoval do mých ulic. mes rues. Dans le casque le copilote leur indique en Kopilot se sluchátky jim v angličtině
71
popisuje ty nejdůležitější památky.
anglais tous les grands monuments.
Nano est déçu; ce n’est pas la plus Nano je zklamaný. mauvaise façon de m’aborder, de me Jestli je pravda, že každý, kdo sem comprendre, s’il est vrai que personne ne dorazí, o mně už dopředu má nějakou peut arriver ici sans avoir une image de představu, pak to přece není ten nejhorší způsob, jak se se mnou seznámit, jak mi
moi.
porozumět. La veille déjà, dans l’une des berlines Už předešlého dne v limuzíně, kterou si louées par le prince pour son équipe, sur le princ Rašíd pronajal pro své družstvo, trajet de l’aéroport, Nano a été consterné Nana na cestě z letiště zaskočilo, jak par
la
laideur
prodigieuse
mes nesmírně ošklivá jsou má předměstí.
de
banlieues. Il regardait défiler les grandes façades Pozoroval, jak se kolem míhají velké mornes des usines, des entrepôts, des pošmourné
tovární
budovy,
sklady,
immeubles, des bureaux, qui pourraient paneláky nebo kanceláře, které by mohly être n’importe où, en Californie ou en být kdekoli, třeba v Kalifornii nebo ve Espagne,
se
succéder
les
enseignes Španělsku, jak se střídají jedna za druhou
criardes du commerce mondialisé, les křiklavé tabule firem globalizovaného mêmes
entassements
immeubles grisâtres,
de
pauvres
en obchodu, jak se i tady chudáci tísní
les collines de v šedivých panelácích, pozoroval kopce
déchets des ferrailleurs, les montagnes de starého železa a hory mých odpadků. mes
ordures;
puis,
passé
le
mur Za
Aureliovými
hradbami
Nana
d’Aurélien, Nano est frappé par la ohromilo, jak jsou ulice šedivé, a tím petitesse des rues, par la grisaille; dans pádem úplně nezajímavé - Rom@ díky Rom@, la luminescence des
écrans záři obrazovky byla po všech stránkách
magnifiait à ses yeux toutes les choses; kouzelná, v tomto virtuálním starověku tout était flambant neuf dans cette bylo všechno jako zbrusu nové. Antiquité abstraite, et Nano est l’enfant de Nano byl odkojen na světě, kde se zdá, ce monde où le simulacre kitsch semble že
umělý
kýč
krásou
převyšuje
systématiquement excéder en beauté le zpustošenou realitu. monde ravagé. Il n’est pas habitué à regarder les villes à Odvykl si vnímat města z pohledu hauteur d’homme.
člověka.
72
Tout lui paraît minable.
Všechno mu teď připadá ubohé.
Moi, j’ai toujours aimé ma crasse et mes Mně se tedy vždy mé uličky a má špína ruelles, et infiniment plus que les trois líbily, mnohem víc než ty tři nabobtnalé chancres boursouflés qui seuls ont suscité vředy, které samy o sobě vzbuzují obdiv son admiration, et que la religion, la a které mi náboženství, národ a tržní nation, le spectacle marchand on greffés okázalost implantovaly na kůži: bazilika sur ma chair : la basilique Saint-Pierre, le Svatého
Petra,
památník
Viktora
monument dédié à Victor-Emmanuel II, le Emanuela II. a Koloseum. cirque du Colisée. Il ne reconnaît guère ici la beauté de Vůbec tu nepoznává krásu světa, jíž se pyšní Rom@.
Rom@.
Le dôme du Panthéon lui paraît bien Pantheon mu připadá dost zašlý. maussade. Tout à l’heure la longue silhouette de la Nemohl uvěřit, jak je náměstí Piazza place Navone l’a étonné, avant qu’il ne se Navona souvienne
que
dans
Rom@
dlouhé,
ale
po
chvíli
si
elle uvědomil, že kdyby to byla Rom@, byl by tu Domiciánův stadión.
correspond au stade de Domitien.
Une pensée le fait sourire : il n’est pas Ta myšlenka ho rozesmála: nebyl v Římě venu à Rome depuis le troisième siècle de od třetího století našeho letopočtu. l’ère chrétienne. Par
la
fenêtre
sale
et
rayée
de Při pohledu ze špinavého a poškrábaného
l’hélicoptère, Nano se prend à détester les okénka saignées de mes plus grandes rues.
helikoptéry
začíná
Nano
pociťovat nenávist k pulzujícímu proudu mých největších ulic.
Quittant l’héliport du Hilton, le pilote a Pilot vzlétl z heliportu Hiltonu a vzal to piqué vers le sud, laissant derrière lui le na jih, nechává za sebou Vatikán a Vatican, le grands bras ouverts de la place velkou otevřenou náruč Svatopetrského náměstí.
Saint-Pierre.
Nano a déjà bien souvent survolé l’émirat, Nano už mnohokrát letěl nad emirátem, ses marinas factices, ses bâtiments ventrus jeho comme
les
molaires
d’un
vyumělkovanými
přímořskými
monstre letovisky a vydutými budovami, které
répugnant.
vypadají jako stoličky odporné nestvůry.
73
L’hélicoptère se dirige vers le Colisée, il Helikoptéra směřuje ke Koloseu, klesá, descende pur en faire le tour, l’intérieur aby si ho mohli prohlédnout. semble la carapace complexe d’un scarabé Zevnitř
připomíná
spletitý
krunýř
mort, aux cartilages usés, toute chair mrtvého skarabea s opotřebovanými abolie; et pourtant c’est le seul bâtiment chrupavkami bez náznaku masa, a přesto antique qui paraît également appartenir, en je to jediná antická budova, která jako by quelque façon, au temps présent : un náležela i přítomnosti - takový stadion. stade. Puis le pilote fait un détour par l’est, et A pak to pilot vezme na východ, Nanovy l’œil de Nano s’ajuste peu à peu à moi.
oči si na mě pomalu uvykají.
Il distingue le charme de mes terrasses Spatřuje kouzlo mých květinových teras, fleuries, la finesse de mes clochers, la vytříbenost zvonic i vybranou geometrii délicate géométrie des tuiles roses.
růžových střech.
Enfin ils redescendent vers le petit stade Nakonec přistávají kousek od malého moderne qui jouxte les thermes effondrés moderního stadionu, který je hned vedle de Caracalla et, sur le demi-cercle rouge zříceniny
Caracallových
lázní,
stroj
des sautoirs de tartan orangé, l’appareil se dosedá na antukový půlkruh doskočiště. pose. Trois berlines noires les attendent à la Za plotem je čekají tři limuzíny. grille. Elles roulent devant les blanches et Projíždí kolem obrovské bílé budovy massives façades de l’Organisation des Organizace spojených národů pro výživu Nations unies pour l’alimentation et a zemědělství, pak se vydávají po dlouhé l’agriculture, puis s’engagent dans une třídě, pasažéři vystupují přímo před longue avenue, déposent leurs passagers kulisami videolympijských her. au
pied
des
coulisses
des
jeux
Vidéolympiques. Entre le Palatin et le Janicule, la silhouette Mezi Palatinem a Janikulem, sto metrů effacée,
fatiguée,
du
cirque
antique od
s’allonge, à cent mètres du Tibre.
Tibery
se
rozkládá
zahlazený,
ošuntělý obrys antického cirku.
On ne peut pas dire que les organisateurs Musí se nechat, že pořadatelé místo pro aient mal choisi le terrain de leur konání her zvolili dobře: pódia jsou compétition : les podiums sont adossés postavena na pozůstatcích severních
74
aux vestiges des gradins nord du cirque tribun antického cirku, naproti Anventinu antique, face à l’Aventin, sous les ruines a pod rozvalinou paláce Septima Severa, béantes du palais de Septime Sévère qui, ze které opadaly mramorové ozdoby, a dénudées de leurs parements de marbre, odhalila tak má čistě kamenná a cihlová laissent voir mes secrets de pierre nue et tajemství. de brique. Sur
la
scène,
deux
séries
de
six Na jevišti je dvakrát šest počítačů.
ordinateurs. Derrière eux, six écrans géants permettent Díky šesti obrovským obrazovkám za nimi je možné sledovat probíhající klání.
de suivre la partie en cours.
Les meilleurs nations sont là : outre Přítomny jsou ty nejlepší týmy: kromě l’émirat, l’Italie, le Danemark, les États- emirátu je tu Itálie, Dánsko, USA, Unis et la Lettonie, la Nouvelle-Zélande, Lotyšsko, Nový Zéland a Japonsko. le Japon. Les éliminatoires se sont déroulées en Vyřazovací
kola
se
probíhala
na
ligne, de sorte que les finales sont internetu, finále je tím pádem příležitostí, l’occasion
pour
les
joueurs
de
se kdy se hráči mohou, často vůbec poprvé,
rencontrer, souvent pour la première fois, reálně potkat, kdy tvůrci mohou uzavírat pour les fabricants de faire des affaires, obchody, kdy mohou být představeny pour les versions actualisées des jeux těm
nejzasvěcenějším
aktualizované
d'être présentées au public le plus éclairé : verze her. une épreuve concerne un jeu de football, Soutěžní klání se týkají nějaké fotbalové une autre un shoot them up, la troisième hry, potom nějaké střílečky a do třetice est Rom@.
hry Rom@.
La compétition n’a pas encore commencé.
Soutěž zatím nezačala.
Nano s’avance sur le podium et découvre Nano se blíží k pódiu a před ním se une interminable esplanade herbeuse.
rozevírá travnatá planina.
Cette fois, il sait où il est.
Tentokrát ví, kde je.
Il connaît le Circus Maximus par Rom@, Rom@ mu dala poznat Circus Maximus, et c’est une impression étrange d’en voir je zvláštní vidět to, co z něj zbylo: tu les vestiges : ce champ pelé coupé dans holou pláň podélně rozetnutou dělícím toute sa longueur par un terre-plein pruhem, pozůstatkem po centrální spině,
75
central, vestige de la spina; la piste réduite z dráhy je dnes už jen trávník, ze à un pauvre gazon; au lieu des gradins, des stupňovitých tribun zbyly travnaté meze. pentes herbeuses. Au pied des podiums, Nano prend congé Pod pódiem se Nano odpojuje od prince du prince et du reste de l’équipe, et il se a zbytku družstva a pospíchá na své hâte vers son rendez-vous.
setkání.
Agonies
Agonie
Comme tout le monde, je croyais ne Myslel jsem si, jako každý, že nikdy jamais mourir un jour, et voilà que ce jour nezemřu. est là, tapi dans un impensable futur, si A přece ten den nadešel, skrývá se proche que je ne peux le chasser de mes v nepředstavitelné budoucnosti, je tak pensées.
blízko, že ho nemohu vyhnat z mysli.
Cependant, et pour la première fois de ma Přesto se poprvé za svůj dlouhý život longue existence, je me sens léger, libre de cítím lehký a osvobozený od minulosti. mon passé; au ciel, des nuages tracent les Mraky na nebi kreslí nesmyslné znaky, signes insensés que je ne sais plus lire.
které už nejsem schopen číst.
Je me défais : vers les cinq heures du soir, Rozpadám se, asi v pět hodin odpoledne se náměstí Piazza Navona černá lidmi.
la place Navone est noire de monde.
Du sommet de l’obélisque qui coiffe la Z vrcholku obelisku, který zdobí fontánu fontaine des Quatre-Fleuves, une colombe Čtyř řek, vzlétá kamenná holubice a de pierre s’envoile en laissant échapper upouští olivovou ratolest, odlétá na jih son rameau d’olivier, disparaît vers le sud za příslibem léta. et ses promesses d’été. L’eau claire du bassin s’assombrit et Průzračná voda v kašně je čím dál tmavší semble
s’épaissir,
tourne
lentement a zdá se, že i hustší, pomalu víří jako nějaký hrůzný olej.
comme une huile effroyable.
Les statues du Gange et du Nil, du Postavy Gangy, Nilu, Dunaje a Rio de la Danube et du Rio de la Plata, font peu à Plata se s praskáním pomalu zbavují peu craquer leur enduit poussiéreux.
vrstvy prachu.
Elles se lèvent en ouvrant leurs bras, Vstávají, roztahují ruce a protahují se s’étirent comme des fauves, se penchent jako šelmy, nahýbají se nad dlažbu
76
sur la place et vomissent des flots náměstí a chrlí ze sebe proudy bahna. limoneux. Les badauds affolés prennent la fuite, Pomatení čumilové kolem se dávají na abandonnant leurs sacs à dos et leurs útěk, odhazují batohy i svačiny, náměstí sandwiches, tandis que la place se referme se mezitím noří do studené dokonalosti sur la perfection froide de sa forme své antické podoby. classique. Les
gradins
du stade de Domitien K nebi vyrůstají tribuny Domiciánova
escaladent le ciel, les eaux d’encre stadiónu, inkoustová voda zaplavuje ty nejslabší.
engloutissent les plus faibles. Des
trirèmes
fantômes
brisent
les Přízraky starověkých trojveslic přetínají
membres des nageurs de leurs rames plavce netečnými vesly, sladkovodní indifférentes.
žraloci napadají děti, egyptští krokodýli
Des requins d’eau douce mordent dans des stahují své oběti ke dnu, kde čekají enfants,
des
crocodiles
d’Égypte sumci.
entraînent leurs victimes vers le fond, où dorment des silures. Quand les eaux se retirent, des parapluies, Po tom, co se voda stáhla zpět, zůstala na des appareils de prise de vue, des náměstí vrstva deštníků, fotoaparátů, casquettes, des sacs à dos et des voitures kamer,
kšiltovek,
batohů,
dětských
d’enfants jonchent la place, des membres autíček. déjetés et des torses sanglants pourrissent Kam až oko dohlédne, se rozkládají à vue d’œil, tandis qu’au même moment, znetvořená těla a krvácející torza. au sud de Monte Mario, des soldats Ve stejném okamžiku jižně od Monte espagnols et allemands, casqués de fer, Maria zatím vyráží španělští a němečtí armés de longues piques, de hallebardes et vojáci údolím Pekla a po tom, co bez d’épées à deux mains, débouchent de la problému překonají Aureliovy hradby, Vallée de l’Enfer, font mouvement vers le postupují směrem k Vatikánu, na hlavě Vatican, après avoir escaladé sans grande mají železné přilby a jsou ozbrojeni difficulté la muraille aurélienne.
dlouhými
bodáky,
halapartnami
a
dvouručními meči. Ils se répandent sans nombre dans la cité, Nespočet se jich rozlézá po městě jako černý mor.
comme une peste noire.
77
Sur la place Saint-Pierre, ils découvrent Na
Svatopetrském
náměstí
jsou
indignés des hommes aux bras nus, des pobouřeni setkáním s muži beze zbraní, s femmes indécentes au visage trop peint, nemravnými des
enfants
diaboliques
de
a
příliš
zmalovanými
races ženami, s ďábelskými dětmi neznámých
inconnues, et le massacre commence, dans ras - masakr začíná. l’apathique
monotonie
de
l’horreur V netečné jednotvárnosti dějinné hrůzy
historique, femmes éventrées, hommes ženám párají břicha, muže valí v sudech roulés dans des tonneaux cloutés, enfants pobitých hřeby, děti napichují na dobové embrochés sur les épées du temps, meče, cestovatelům, kteří vypadají, že voyageurs qu’on soupçonne d’avoir avalé své poklady spolykali, vytahují střeva, leur magot, et qu’on éviscère, pour les aby je mohli okrást. voler. La foule des touristes s’engouffre pour les Dav
turistů
prchá
po
via
della
fuir sur la via della Conciliazione, mais les Conciliazione, ale ve čtvrti Borgo ze maisons du vieux quartier du Borgo, země znovu vyrůstají staré domy, které autrefois rasée pour donner à la basilique byly kdysi strženy, protože musely un recul plus majestueux, ont ressurgi de ustoupit vznešenějšímu cíli - bazilice, a terre, et les corps soulevés des fuyards se tak těla prchajících, která rostoucí domy retrouvent prisonniers dans les murs de pohltily, jsou uvězněna v kamenných pierre, étouffé parmi les briques, écrasés zdech, dusí se mezi cihlami nebo je drtí stavební kameny.
par les moellons.
L’armée italienne prend position à tous les Italská
armáda
zaujímá
pozice
na
každém rohu ulice.
coins de rue.
Des plans d’évacuation sont décrétés à son Reproduktory
namontované
pod
de haut-parleurs montés sur des camions plachtami nákladních aut vyhlašují do bâchés, pour occuper les foules. Pendant
ce
temps
des
davu evakuační plán.
hélicoptères Mezitím helikoptéry odváží mocnáře,
emportent des puissants, des ministres, ministry a všechny magnáty světového tous
les
potentats
de
l’économie měřítka.
mondialisée; le prince Rachid décolle de Princ Rašíd vzlétl z heliportu hotelu l’héliport du Cavalieri Hilton et gagne la Cavalieri Hilton a přistává na pobřeží, côte où l’attend, près d’Ostie, un yacht de kde na něj blízko Ostie čeká strýcova
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son oncle; dans quelques heures il sera à jachta; za pár hodin bude v bezpečí l’abri dans un port de Sardaigne; des v jednom ze sardinských přístavů. foules de fidèles affolés se pressent contre Davy šílených věřících se mačkají na les grilles de la basilique Saint-Pierre, mříže baziliky svatého Petra, strkají bousculent aux portes de l’État les vigiles hlídače a švýcarskou gardu na brány et les gardes suisses, envahissent le papežského státu a zaplavují Vatikán. Vatican. En quelques minutes la nef et les jardins Během několika minut jsou zahrady a sont pleins à craquer.
loď baziliky přecpané k prasknutí.
Les colonnes torses du baldaquin de Kroucené sloupy, které držely Berniniho Bernin se mettent à suinter vers le sol, le baldachýn, pomalu skapávají k zemi, bronze glisse comme un serpent de lave et bronz stéká dolů jako lávový had a pak s’envole vers le fronton du Panthéon; et odlétá ke štítu Pantheonu. bientôt
la
s’évanouit
basiliques dans
un
tout
entière Za chvíli se celá bazilika ztrácí ve víru
tourbillon
de prachu, svého starověkého území se
poussière, le Circus Vaticanus de Caligula znovu ujímá Caligulův či Nerův Circus et de Néron reprend sa place antiques, des Vaticanus, po Andělském mostě znovu milliers de charrettes chargées de pierres projíždějí tisíce vozíků s kamením na du Colisée traversent à nouveau le pont stavbu Kolosea tažené trpělivými voly, Saint-Ange, tirées par des bœufs patients, vápenec řeckých a římských soch, které la chaux des statues grecques et romaines křesťané spálili, se znovu formuje do brûlées par les chrétiens reprend forme de podoby bohů, hrdinů a sirén, všechny dieux, de héros, de naïades et partout, obelisky se vytrhávají z mých náměstí a s’arrachant à mes places, des obélisques vrací se do Egypta, všechen růžový i triomphants retournent en Égypte, des zelený mramor je zpět na svém místě marbres roses et verts regagnent leurs v Africe
a
z
Kolosea
osázeného
carrières d’Afrique, et le Colisée, hérissé korouhvemi se hrne různorodý dav d’orifflammes, vomit des foules disparates přicházející z dávných časů. venues des temps anciens. Sur le Palatin, les palais impériaux et les Na Palatinu se ve své původní kráse tyčí eaux bouillonnantes du Septizonium de císařské paláce a v Septizoniu pobublává Septime Sévère s’élève de nouveau à leur voda. hauteur ancienne; sur la rive droite du Na pravém břehu Tibery si Andělský
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Tibre, le château Saint-Ange dresse, sur hrad vztyčil na cimbuří skvostné sochy, ses créneaux, les splendides statues dont il které ho zdobily až do obléhání Góty. était orné jusqu’au siège des Goths; à Palazzo Caffarelli na Kapitolu znovu l’emplacement du Palazzo Caffarelli, le nahradil majestátný Jupiterův chrám, temple de Jupiter capitolin ressurgit en v bazilice Santa Maria Sopra Minerva majesté, et dans l’église Santa Maria opět vyrůstá, jako zub velkému dítěti, Sopra Minerva un temple ancien repousse, dávný chrám. comme les dents monstrueuses d’un vieil enfant. Puis tout se brouille, et le temps forme A potom se všechno zkalilo, čas ze mě avec moi de nouvelles chimères, belles tvaruje nové přeludy, tak krásné jako byli comme des hippogriffes.
dávní Pegasové.
[…]
[…]
La grande série des siècles
Celá dlouhá řada věků
Nano et sa compagne ont cru d’abord que Nano a jeho družka si nejdříve mysleli, cette Rome-là ressemblait à celle qu’ils že tento Řím je podobný tomu, který avaient autrefois connue; cependant sur znali kdysi, avšak místo, kde se dříve l’ancien emplacement de l’avenue des nacházela via dei Fori Imperiali, pokrývá Forums impériaux, s’étend un tarmac nyní zvláštní temně zelený štěrk, stojí étrange, d’un vert profond, où des formes zde zešikma seřazeny neobvyklé útvary insolites, pareilles à des squelettes ou à připomínající kostry nebo nějaká nová, des véhicules d’un type nouveau, sont zbytečná a neurčitá, vozidla. posées,
rangées
en
épi,
inutiles
et
incertaines. Aucun être humain ne manifeste sa Po přítomnosti člověka tu není ani stopy. présence. Chaque quartier paraît s’être figé dans la Každá čtvrť jako by zamrzla v pozici, posture où la mort l’a saisi.
v jaké ji zastihla smrt.
Le Champ de Mars s’étale, prairie Martovo pole, bažinatá louka plná marécageuse sillonnée de moustiques et komárů a obrovských vážek, se táhne až
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d’énormes libellules, jusqu’au Timbre k bahnité Tibeře. boueux. La place Navone resplendit de toute sa Piazza Navona opět září vší svou barokní magnificence
baroque,
semble
ses
que
encore
églises
aient
qu’il okázalostí, ačkoli jeho kostely jsou asi été odsvěcené.
déconsacrées. Sant’Agnese abrite les étals démantibulées Sant’Agnese ukrývá rozviklané stánky se d’un équipementier de sport, Nostra sportovním vybavením, v Nostra Signora Signora del Sacro Cuore aligne, sur del Sacro Cuore jsou nekonečné řady d’interminables portants, des robes de věšáků plné dámských šatů. femmes. Le Panthéon est maintenant couvert d’une Pantheon sorte de lichen jaune, qu’on dirait vivant.
obrostl
jakýmsi
žlutým
lišejníkem, člověk by řekl, že je živý.
Le Colisée quant à lui est de nouveau en Co se týče Kolosea, to je znovu zřícené, ruine,
mais
il
inexplicablement,
ne
mesure
qu’une
dizaine
plus, ale z nevysvětlitelných důvodů je jen asi de deset metrů vysoké.
mètres de haut. Après avoir séjourné ici et là, ils ont fini Chvíli jsou tady, chvíli zase támhle, ale par se lasser de ce capharnaüm.
nakonec je tohle skladiště haraburdí unaví.
Ils sont montés s’installer sur l’ancienne Stoupají na bývalý pahorek Lucullových colline des jardins de Lucullus, dans les zahrad a usadí se ve zřícenině vily, která ruines de la villa d’un ancien Médicis, kdysi dávno patřila jakémusi Ferdinandu d’où ils dominent la ville morte.
de Medici, odtud jsou pány toho mrtvého města.
Ils dorment au frais, dans le ventre d’une Spí v chládku, v útrobách staré nádrže na ancienne citerne. Le
sol
était
vodu. creusé
d’interminables Občas jen tak z legrace slezou do
souterrains, où ils descendent parfois, par nekonečných podzemních chodeb, jimiž je zem prošpikovaná.
jeu.
Chaque soir et chaque matin, s’avançant Každé ráno a každý večer vycházejí na sur la terrasse, ils assistent aux défaites terasu a pozorují, jak nebe brázdí padající hvězdy.
transitoires des astres.
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La nuit, ils montent dans le petit bois V noci stoupají do lesíka za zříceninou a surplombant les ruines et s’aiment sur le milují se na zemi mezi světluškami a sol, au milieu des lucioles et des tombes psími hroby. des chiens. En contrebas, vers l’ouest, entre les Dole
na
západě,
u
rozvalin
éboulements du mur d’Aurélien, un Aureliánových hradeb, se vine obvodový boulevard
périphérique
serpente, bulvár lemovaný vraky aut, které září
encombré de carcasse de voitures qui pod měsíčním světlem jako by chtěly luisent sous la lune, comme les vestiges zdůraznit dávnou ohyzdnost. insistants d’une laideur ancienne. L’accouchement semble s’être bien passé.
Porod zřejmě proběhl dobře.
Nano n’en revient pas de la brièveté du Nano byl zaskočen tím, jak rychlé to travail.
bylo.
Elle a donné tout de suite le sein aux deux Hned oba chlapce přiložila k prsu, o petits; quelques minutes plus tard une několik
minut
hémorragie l’a vidée, sans qu’elle souffre.
netrpěla.
Silvia est morte.
Silvia je mrtvá.
později
vykrvácela,
Les jumeaux dorment, pour l’instant; dans Dvojčata zatím spinkají, tak za hodinu se une heure peut-être, ils s’éveilleront.
probudí.
Après le coucher du soleil, le ciel avait Když zapadlo slunce, nebe přešlo do viré vers des noirs inquiétants.
znepokojujících černých odstínů.
Il place les enfants dans un panier plat.
Pokládá děti do mělkého košíku.
Il déteste maintenant ces vermisseaux Nenávidí ty nachové červíky, kteří écarlates
qui
braillent
leur
détresse zoufale vyřvávají o pomoc.
absolue. Il sort par la grande porte de la villa, à Vychází velkou branou před vilou, moitié calcinée, descend l’escalier de la sestupuje po schodech vedoucích od Trinité-des-Monts,
traverse
la
place kostela Trinita dei Monti, přechází
d’Espagne, où la fontaine de la Barcaccia Španělské n’est
plus
qu’une
forme
vague
náměstí,
z fontány
la
et Barcaccia už je jen nejasný podlouhlý
oblongue, arasée par quinze siècles de útvar vyhlazený patnácti stoletími větru. vents; il marche entre des maisons qu’il ne Jde
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mezi
domy,
které
nepoznává,
reconnaît pas, en direction du fleuve, en směřuje k řece, ani se neztratil, protože manquant de se perdre, parce que la Kapitol nabyl své původní velikosti a po colline du Capitole a retrouvé sa hauteur památníku Vittoriano není ani stopy. première, et qu’il ne reste pas la moindre trace du Vittoriano. Au bord des marécages qui clapotent dans Odkládá
své
břemeno
do
větrem
la plaine, à vingt mètres des eaux plus pováleného rákosí na okraji bažin, které brunes du Tibre, il pose son fardeau sur un počvachtávají na planině kolem, asi lit de roseaux que le vent a couchés.
dvacet metrů od hnědavých vod Tibery.
Et c’est alors que la fatigue le saisit, en A v tu chvíli ho přepadá únava a zároveň même temps que le chagrin. Il
regarde
ses
mains
stesk. parcheminées, Pozoruje své pergamenové ruce poseté
tavelées de taches ocre.
okrovými skvrnami.
Il a soudainement vieilli, et son souffle lui Náhle zestárl, těžce dýchá. pèse. Il reprend le chemin de la villa des Pak se vydává zpět k vile Medici. Médicis. En se retournant, ivre de fatigue, pour Když se potácející se únavou vrací, aby jeter un dernier regard au panier, il mesure se naposledy podíval do košíku, zjistí, combien sa vue a baissé : il distingue à nakolik se mu zhoršil zrak - sotva dokáže peine la ligne des roseaux, derrière elle la rozpoznat obrysy rákosu. silhouette de Saint-Pierre du Vatican n’est Ze baziliky svatého Petra je jen pouhý plus qu’une ombre; le ciel a des teintes stín, nebe je vykreslené nevídanými tóny inédites, et c’est maintenant un cyclone a k městu se zrovna blíží obrovská gigantesque qui s’approche de la ville.
vichřice.
Nano se traîne maintenant, ses hanches Nano se pomalu loudá, bolí ho kyčle, sont
douloureuses,
ses
membres údy se mu třesou.
tremblants. Il passe une main sur son front ridé, sur Přejede si rukou po vrásčitém čele a po son crâne suant; des cheveux cassants de zpocené hlavě, celé hrsti lámavých vieillard lui restent dans les doigts, par stařeckých vlasů mu zůstávají mezi prsty. poignées. L’escalier de la Trinité-des-Monts a Schody vedoucí k Trinita dei Monti
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disparu.
zmizely.
Il doit maintenant, pour remonter vers le Aby se dostal na kopec Pincio musí se Pincio, gravir une rampe interminable, en vydrápat do svahu jakoby bez vrcholu, s’arrêtant à chaque pas.
zastavuje se při každém kroku.
Les ruines de la villa ont disparu, et le Rozvaliny vily zmizely a vichřice začíná cyclone commence à arracher, un à un, les trhat jednu velkou pínii za druhou. grands pins parasols. Il parvient dans le jardin au bout duquel, Došel až do zahrady, na jejímž konci dans un petit pavillon blanc, gît le cadavre v malém bílém domku spočívá tělo jeho ženy.
de sa femme.
Il trébuche et tombe au pied d’un laurier; Klopýtá a padá pod vavřín. il ne peut plus se relever, mais dans son Už se nemůže zvednout ale ve své agonie il est jeune encore une fois, comme smrtelné agonii je ještě jednou mladý, jako nějaký neznámý bůh.
un dieu inconnu.
Il court à demi nu vers elle, qui n’est plus Oblečený do půl těla běží k ní, je zase morte et s’enfuit en direction du petit bois, živá a utíká mu směrem k lesíku nad au-dessus des jardins de Lucullus envahis Lucullovými zahradami, které zarostly d’herbes folles.
plevelem.
L’orage danse avec eux et dans un dernier Bouře effort il la rattrape, l’effleure.
tančí
s nimi,
v posledním
záchvěvu sil ji chytí, lehce se jí dotkne.
Une froideur de marbre grandit en lui, Rozlévá se v něm mramorový chlad, descend dans chacune de ses veines, proniká mu do každé žíly, dívku zatím tandis qu’une écorce noueuse enveloppe la obaluje sukovitá kůra a vlasy se jí mění jeune femme, et que ses cheveux volants ve větvičky. se changent en ramure; alors, là-bas, dans A tak tam, v onom posledním ze světů, le dernier des mondes, deux cadavres začínají dvě mrtvá těla navracet vesmíru commencent de rendre à l’univers leurs svých čtyřicet litrů vody, patnáct kilo quarante litres d’eau, leurs quinze kilos de uhlíku, prach z dusíku, vápníku a carbone,
des
poussières
d’azote,
de fosforu.
calcium, de phosphore. Une grande pitié descend sur le Tibre, et Na Tiberu a na obě děti odložené u jejího sur les deux enfants déposés devant lui břehu, kde měly zemřít, se snáší velký
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pour mourir, une pitié de fleuve, de louve soucit, soucit řeky, vlčice, děvky. et de putain. Tout à l’heure, le Tibre s’en ira les Za chvíli je Tibera uchvátí a přenese pod prendre, et les déposera au pied d’un ctihodný fíkovník. figuier vénérable. Le
soleil
s’est
Slunce se ponořilo do Tyrhénského noyé
dans
la
mer moře, nebesa a země se smrštily, vodní
Tyrrhénienne, et le ciel et la terre se hodiny všech dob pohltily veškeré řeky contractent, la clepsydre des temps avale do absolutní tmy mrtvých lásek. tous les fleuves, dans la nuit absolue des amours abolies.
85
Conclusion Le dernier roman de Stéphane Audeguy est sans doute une œuvre exceptionnelle par son contenu ainsi que par sa forme, l’unité de l’aspect thématique avec l’aspect formel produit une ambiance particulière qui sait enchanter son lecteur, non seulement en France mais aussi dans d’autres pays du monde entier. La traduction de ce roman n’est pas pourtant une tâche facile à cause de la singularité de l’écriture d’Audeguy et en même temps, du texte même. Premièrement, nous avons remarqué l’importance de l’aspect visuel et de l’actualisation dans ce texte; il semble être plus une suite de tableaux qu’un récit de l’histoire. Rom@ doit ce caractère visuel surtout à l’absence de dialogues et de discours directs des personnages, à l’utilisation spéciale de tiroirs verbaux, notamment du présent et de l’imparfait, et à la description détaillée, du décor ou des circonstances de l’action. La traduction devrait respecter ces caractéristiques, c’est pourquoi elle a adopté le présent en tant que temps fondamental du récit bien que cette façon de narration n’est pas très fréquente en tchèque; le présent est susceptible d’exprimer l’actualisation présente dans l’original, son aspect imperfectif évoque une impression de suivre une description. Le roman entier représente un discours de la ville : elle se manifeste dans le texte tantôt explicitement par la première personne du singulier – elle décrit ses sentiments, ses désirs, ses amours - tantôt elle prend une position au deuxième plan de l’histoire qu’elle raconte mais elle y est toujours présente implicitement. Ainsi, son discours alterne entre l’action et la méditation que nous avons prises pour deux niveaux narratifs de base du roman : tandis que le niveau d’action incline à la langue parlée, aux expressions concrètes et l’utilisation plus fréquente des verbes, le niveau de méditation a plutôt un caractère poétique, il met en relief les émotions de la ville et il essaie en même temps de les susciter chez le lecteur. Le niveau de méditation est plus compliqué pour la traduction parce qu’il contient souvent des expressions métaphoriques, le double sens, le sens figuré, éventuellement des chaînes d’idées dont le rapport est implicite ou exprimé par des signes de ponctuation, c’est-à-dire par le deux-points ou le point-virgule. Comme le tchèque est moins habitué à employer justement ces deux signes, il nous faut expliquer la relation par des connecteurs logiques – des conjonctions ou adverbes. 86
L’action est plus concrète, le texte traduit peut suivre le plan syntaxique de l’original : des propositions juxtaposées ou coordonnées par une simple conjonction et; respectant le présent, la traduction des verbes ne pose pas de problème parce que ce tiroir verbal est équivalent en français et en tchèque. Une fois traduit, le texte a subi de nombreuses modifications au niveau syntaxique dues d’une part à des particularités du texte, de l’autre, à la nature différente du tchèque et du français. Le texte nous a limité sur les terrains suivants : d’abord, il fallait éviter
l’indication du genre du narrateur dans deux premiers
chapitres et pour cette raison il a été nécessaire de moduler la phrase; un autre problème a été posé par le nom du jeu vidéo Rom@ qui ne peut fonctionner en tchèque qu’au nominatif à cause de la déclinaison des substantifs. La limitation au niveau de la langue cible concerne surtout une transposition des noms en verbes et le changement subséquent de la structure syntaxique, éventuellement la modulation : tandis que le français approuve des chaînes de noms, le tchèque tente à s’exprimer plus en verbes. L’ordre de mots dans la phrase tchèque est plus libre qu’en français mais il doit respecter la perspective fonctionnelle ce qui implique également des modifications syntaxiques. Il faut prendre en considération le fait que les systèmes des deux langues en question ne sont pas tout à fait symétriques, on constate des différences au niveau grammatical surtout dans le cas des articles, dont la catégorie n’existe pas en tchèque, et des verbes, à cause de la répartition différente des tiroirs et de l’aspect qui en revanche n’existe pas en français. Dans ces cas, il nous faut emprunter une compensation d’une forme originale par une forme équivalente au niveau sémantique : on peut compenser les articles par des pronoms, démonstratifs ou indéfinis, attribuer au passé composé, éventuellement au passé simple, l’aspect perfectif et à l’imparfait l’aspect imperfectif du verbe tchèque. Le roman se déroule évidemment à Rome, il s’agit donc d’en milieu d’une troisième langue qui pénètre dans le texte, il s’agit des expressions italiennes, bien que ce ne soient que des toponymes. Le tchèque ne dispose pas d’un répertoire si vaste d’équivalents calqués de la toponymie romaine que le français; il est donc obligé de reprendre la version originale du nom désignant une rue, une colline ou un monument à l’aide d’une transcription. 87
Stéphane Audeguy et son Rom@ nous présentent non seulement une histoire de fiction mais bien qu’il s’agisse d’une fiction, elle peut toucher la réalité dans laquelle on vit, le message que l’auteur transmet à son lecteur est adressé à toute la société contemporaine. Rome, où mènent tous les chemins, meurt, la civilisation contemporaine se met à son déclin avec elle. La mise en relief de l’aspect visuel colorise le texte par des images vives mais elle nous montre également à quel point nous sommes habitués à construire des mondes virtuels à partir d’images statiques ou mouvantes. L’homme d’aujourd’hui est parfois trop sûr sur lui-même : il est persuadé de son apport positif au monde, à la nature; il croit dogmatiquement à l’évolution positive et souvent, il ne veut pas entendre des voix d’avertissement. Rom@ est une de ces voix : la société fatiguée se dirigerait à son déclin si elle ne trouve pas un point de repère plus stable que l’idéalité artificielle des mondes virtuels où l’on s’isole des autres, où l’on reste seul bien qu’on ne s’en rend pas compte immédiatement. La réalité n’est pas parfaite, elle est parfois même maussade mais nous n’y sommes pas seuls, la caresse de l’autre est vraie, vivante, survivante.
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Bibliographie
Texte analysé et traduit : AUDEGUY, Stéphane, Rom@, Paris, Gallimard, 2011, 235 p.
D’autres textes de l’auteur consultés : AUDEGUY, Stéphane, La théorie des nuages, Paris, Gallimard (Folio n°4537), 2005, 320 p. AUDEGUY, Stéphane, L’enfant du carnaval, L’un et l’autre, Paris, Gallimard, 2009, 129 p. AUDEGUY, Stéphane, Le petit éloge de la douceur, Paris, Gallimard (Folio n°4618), 2007, 140 p.
Théorie et critique: BARTHES, Roland, Roland Barthes, Paris, Seuil (Écrivains de toujours 96), 1975, 191 p. BARTHES, Roland, Sade, Fourier, Loyola, Paris, Seuil, 1971, 187 p. BARTHES, Roland, Le bruissement de la langue, Paris, Seuil, 1984, 439 p. BENVENISTE, Émile, Problèmes de la linguistique générale, Paris, Gallimard, 1974, 288 p. CHATMAN, Seymour Benjamin, Příběh a diskurs: narativní struktura v literatuře a filmu, Brno, Host, 2008, 328 p. GENETTE, Gérard, Figures III, Paris, Seuil, 1972, 286 p. HENDRICH, Josef, RADINA, Otomar, TLÁSKAL, Jaromír, Francouzská mluvnice, Plzeň, Fraus, 2001, 700 p. 89
CHLOUPEK, Jan, ČECHOVÁ, Marie, KRČMOVÁ, Marie, MINÁŘOVÁ, Eva, Stylistika češtiny, Prague, Státní pedagogické nakladatelství, 1991, 294 p. KARLÍK, Petr, NEKULA, Marek, RUSÍNOVÁ, Zdenka, Příruční mluvnice češtiny, Prague, Lidové noviny, 1995, 800 p. KNITTLOVÁ, Dagmar, GRYGOVÁ, Bronislava, ZEHNALOVÁ, Jitka, Překlad a překládání, Olomouc, Univerzita Palackého, 2010, 291 p. LADMIRAL, Jean-René, Traduire: théorèmes pour la traduction, Paris, Gallimard, 1994, 273 p. LAUTRÉAMONT, comte de, Zpěvy Maldororovy, traduit par Prokop Voskovec, Praha, Odeon, 1967, 236 p. RAJAUD, Virginie, BRUNETTI, Mireille, Traducir, Iniciation à la pratique de la traduction, Paris, Armand Colin, 2010, 192 p. RIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe, RIOUL, René, Grammaire méthodique du français, Paris, PUF, 2004, 646 p. ŠABRŠULA, Jan, Problèmes de la stylistique comparée du français et du tchèque, Prague, Univerzita Karlova, 1990, 130 p.
Notes de cours DOLEŽALOVÁ, Pavla, Francouzsko-česká srovnávací stylistika, Brno, Masarykova univerzita, automne 2010 JAUBERT, Anna, Analyse du texte narratif, Anna Jaubert, Université Nice Sophia Antipolis, Nice, printemps 2012 SEIDL, Jan, Překladatelský seminář II, Brno, Masarykova univerzita, printemps 2011 VOJTOVÁ, Jarmila, Syntax češtiny pro překladatele, Brno, Masarykova univerzita, printemps 2013
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Webographie l’Encyclopédie canadienne http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/polonais [23.5.2013] Maison des écrivains et de la littérature http://www.m-e-l.fr/stephane-audeguy,ec,877 [23.5.2013] Wat.tv http://www.wat.tv/video/stephane-audeguy-rom-46b27_2iynl_.html [23.5.2013]
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